Le « Meilleur des mondes » des GAFA : l’intelligence artificielle et les biotechnologies aux commandes des « Big companies » du Net

1cf44d7975e6c86cffa70cae95b5fbb2-2Les GAFA (Google Apple Facebook Amazon) – que l’on devrait désormais appeler AAFA, Google, le moteur de recherche historique n’étant plus qu’un département de l’entité Alphabet qui couvre plusieurs champs de recherche – misent de plus en plus sur l’intelligence artificielle et les sciences et technologies de la santé dans leur course à l’hégémonie sur la toile …

Si XLab, labo de recherche  de Google a déjà lancé la Google Car (voiture autonome) et les Google Glasses (lunettes de réalité augmentée), d’après 01Net « M », l’assistant personnel de Facebook nous promet de trouver le cadeau idéal pour nos ‘amis’ en utilisant les millions de données personnelles que le réseau social recueille (à leur insu souvent …) sur le web. Avec un milliard d’utilisateurs, c’est un jeu d’enfant !

Mais, qu’il s’agisse de mégadonnées (big data) ou d’intelligence artificielle, on reste encore dans l’informatique, or les Géants du net ont voulu se diversifier dans un domaine qui va prendre de plus en plus d’importance au 21e siècle : la santé et les biotechnologies. C’est Bill Gates, l’ancien patron de Microsoft qui s’est lancé le premier avec sa fondation contre le paludisme.

Comme l’explique Olivier Ertzscheid dans Rue 89, Le Web 4.0 sera celui du génome : on est passé du web 1.0 qui a permis d’indexer des documents et de les rechercher (moteurs de recherche) au web 2.0, le web social qui recense les profils sur les réseaux sociaux ; avec le web 3.0 on passe aux objets connectés et au World Wide Wear « où le corps devient une interface comme les autres ». Après cela, après les plateformes de l’’économie du partage’ qui concurrencent de plus en plus de secteurs traditionnels, que reste-il à indexer ? L’ADN. C’est ce champ que les big companies vont investir pour créer le « web généticiel ». Olivier Ertzschied cite une étude du MIT l’Internet de l’ADN « dont l’objectif est de documenter chaque variation de chaque gène humain et de déterminer quelles sont les conséquences de ces différences ». Il évoque ainsi la possibilité « de structurer une économie de ‘servicialisation’ du vivant ». Dans cette bio-économie, Google est, bien sûr, très présent. Mais pour le moment, en dehors des délires transhumanistes du gourou Ray Kurtzweil, fondateur de la Singularity University, dont le modeste objectif est de « vaincre la mort », la société de biotech Calico du groupe Alphabet, pose ses jalons. Elle vient de s’allier avec les laboratoires français SANOFI pour travailler sur le traitement du diabète ; la société de biotechnologie avait déjà réalisé un partenariat avec la firme de santé Dexcom sur des minuscules capteurs permettant de mesurer le taux de glucose dans le sang et Google X avec Novartis pour des lentilles de contact connectées pour le même objectif, mais là à partir des larmes … !090422165949

Les autres grands acteurs du net s’investissent aussi dans d’autres secteurs comme les plateformes de services ou les objets connectés. « Amazon Home Services » connecte l’internaute à des professionnels de services à domicile, du plombier au professeur de yoga comme l’indique Charlotte Volta dans un post de l’Atelier, tandis que le Pentagone s’allie à Apple pour créer des objets connectés militaires (article du Monde Informatique).
Google se retrouve évidemment dans ce genre de plateformes, la société prévoit même de lancer sa propre place de marché permettant de connecter les internautes avec les fournisseurs de services directement, à partir de la page de résultats ! Quant aux TICE et à l’éducation en ligne, Google a déjà sa plateforme, cf post de Frédéric Lardinois sur Techcrunch, et propose son école en ligne devançant toutes les réformes des éducations nationales ! Toujours au niveau de l’éducation, Amazon fournit désormais les manuels scolaires aux écoles de New York pour une période de trois ans. Mais, comme le souligne l’article d’Actualitté, les e-books comportent des DRM qui les rendent impossibles à utiliser pour les malvoyants …

Mais les géants du Net ne sont pas tous américains … Alibaba, la star montante chinoise investit aussi dans l’intelligence artificielle pour traiter les big data. C’est ce qu’explique Guillaume Périssat dans l’Informaticien : la société « vient d’ouvrir une plateforme cloud dédiée à l’analyse de grands volumes de données, mêlant deep learning, machine learning et analyse prédictive avec une puissance de calcul inégalée et une ergonomie à toute épreuve ».000010180_imageArticlePrincipaleLarge

Devant toutes ces initiatives, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation, on peut se poser la question : quid des États et des institutions internationales ? Or, comme le souligne le chirurgien Laurent Alexandre, cité par Hervé le Crosnier, invité des Matins d’été sur France Culture « Google et les autres géants du net sont plus puissants que les Etats. Quel Etat peut investir un milliard de dollars dans la recherche ? Pourtant, il est de la responsabilité du politique d’investir dans les nouvelles technologies ». Or comme rappelle Hervé le Crosnier, « un milliard c’est ce que Google doit au fisc français … ». Ces activités donnent un pouvoir énorme à ces entreprises : les algorithmes mis en œuvre permettent de comprendre beaucoup de choses à partir des données personnelles et à agir. Grâce à l’intelligence artificielle et au ‘deep learning’, ils peuvent non seulement classifier et interpréter les données recueillies, mais aussi analyser les émotions (ex : reconnaissance faciale des photos dans Facebook) et ainsi définir les « besoins » des utilisateurs. Des chercheurs de Cambridge assurent dans une étude pouvoir déduire l’âge, le genre, la religion et l’opinion politique des utilisateurs à partir des seuls « like » du réseau social … !

D’autre part, lorsque l’ont fait une recherche sur Google, le ‘Page rank’, l’algorithme du moteur de recherche, va sélectionner sur l’ensemble des résultats ceux qui correspondent le plus à l’utilisateur : à partir des recherches précédentes mais aussi de la géolocalisation (programmes du cinéma d’à côté, par ex.). Cet algorithme représente le modèle que Google se fait de ce que nous sommes. On arrive ici à la limite de la personnalisation.

Comme l’exprime Henri Verdier dans son blog, « C’est le réel lui-même qui est retranscrit en données, qui est analysé à un nouveau niveau de granularité ». Le ‘quantified self’, ce ‘moi quantifié’ peut traduire, à travers les mesures des objets connectés de bien-être (bracelets, vêtements), soit « un désir de maitrise de son propre destin, de connaissance de soi, soit une menace sur la vie privée […] la pénétration de l’empire du management dans la sphère la plus intime du corps ».

Comme le rappelle Sophie Coisne, rédactrice en chef de La Recherche, la médecine personnalisée, si elle peut apporter des réponses appropriées dans des cas très précis, peut aussi représenter un grand danger, par exemple dans le cas des médicaments adaptés à chacun, car on n’a plus aucun contrôle sur les données … Cela implique des protocoles de recherche qui coûtent des millions, un pur fantasme !

Il faut réfléchir à la question : « Qui fixe les buts ? La machine ou les humains ? » « Deviendrons-nous les ‘entrepreneurs’ de nos données, ou serons-nous progressivement enserrés dans des étaux, asservis voire ‘marchandisés’ » (Henri Verdier) ?

Il existe néanmoins des projets institutionnels dans ces technologies de pointe. L’Union européenne, à travers son programme H2020 présente 17 projets de robotique (robots industriels, bras articulés, humanoïdes de compagnie) impliquant de l’intelligence artificielle et des éléments de cognitique.

Il en est de même en France dans le cadre du Commissariat général à la Stratégie et à la Prospective qui a produit l’étude « La dynamique d’internet : Prospective 2030 ».

A la différence de ceux des Gafa, ces projets prennent en compte les contraintes juridiques liées aux données personnelles, du moins on peut l’espérer …

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France ; Premier Ministre ; Commissariat général à la stratégie et à la prospective. – La dynamique d’internet : Prospective 2030. – Études n°1, 2013. via Slideshare.

L’intelligence artificielle, le nouveau dada de Google. – ITespresso, 24/10/14

Bazin, Amélie ; Pacary, Jade ; Jean, Camille. – La lovotique : vers des machines reconnaissant les émotions ?Culturenum, 03/12/14 (U. de Caen – notes de synthèses par les étudiant(e)s).

Regalado, Antonio. – Internet of DNA. – MIT Technology Review, 2015.

European Commission ; CORDIS. – Robotics gets celebrated with 17 new projects under H2020.Cordis.europa, 27/01/15

Intelligence artificielle : jusqu’où iront les réseaux sociaux ?La Recherche, avril 2015

Voltat, Charlotte. – Quand les géants du Net s’attaquent à l’industrie du service.L’Atelier, 30/04/15

Ertzscheid, Olivier. – Le web 4.0 sera celui du génome, et il y a de quoi flipper. – Rue 89-L’Obs, 07/03/15

Belfort, Guillaume. – Google signe avec Novartis pour des lentilles de contact connectées. – Clubic, 15/07/15

Intelligence artificielle, transhumanisme : quel futur les GAFA nous préparent-ils ? – Avec Sophie Coisne et Hervé Le Crosnier. – Les matins d’été – France Culture, 19/08/15

Lardinois, Frédéric. – Google classroom gets an update ahead of new school year. – Techcrunch, 24/08/15

Périssat, Guillaume. – Alibaba lance une offre de service en intelligence artificielle destinée au Big Data. – L’informaticien, 25/08/15

Gary, Nicolas. – New-York signe avec Amazon, aveugle aux problème de lecture ? - Actualitté, 27/08/15

Facebook annonce « M », un assistant personnel intégré à la messagerie.01Net, 28/08/15

Filippone, Dominique. – Le Pentagone s’allie avec Apple pour créer des objets connectés militaires.Le Monde informatique, 28/08/15

Le Quantified self, pivot de la révolution des données. – Henri Verdier Blog, 30/08/15

Dove, Jackie. – Google Life Sciences teams up withe Sanofi to,take down diabetes. – The Next Web, 01/09/15

Fredouelle, Aude. – Quels sont les projets connus de Google X ?Journal du Net, 02/09/15


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