Category: Bibliothèques

EBooks : avenir du livre, fin de l’œuvre, système clos ou univers ouvert … (1ère partie)

Les ebooks et la numérisation des ouvrages annoncent-ils vraiment la fin du livre, comme on aime à le répéter depuis plus d’une décennie ?

Le « Livre du futur » (et non le futur du livre …) a figuré parmi les enjeux traités au dernier Congrès de l’IFLA à San Juan (Porto Rico). Il a été au centre d’un débat entre éditeurs, auteurs et bibliothécaires lors d’une session rapportée par Silvie Delorme, Directrice de la BU de Laval au Québec, dans son blog IFLA 2011 Laval. Comme le modèle économique de ce nouveau support n’est pas encore opérationnel, même les éditeurs (les ‘gros’ et les ‘spécialisés’) ne sont pas d’accord entre eux sur les accès simultanés. Quant aux bibliothèques, « elles devront devenir des points d’accès plutôt que des lieux de conservation » …

C’est aussi l’objet du Colloque international qui se tient les 5 et 6 septembre 2011 à Rio-de-Janeiro (Brésil) « E-Books et démocratisation de l’accès. Modèles et expériences de bibliothèques ». Le post « Évolution ou révolution » sur le site Rioscope.com.br pose la question « Comment les bibliothèques peuvent-elles continuer à jouer leur rôle traditionnel avec l’énorme augmentation de l’usage de Smartphones, iPads, Tablet-PCs et e-Readers portables? »

Ce qui ne rassure pas, par ailleurs les bibliothécaires, comme « New Jack Librarian » dans le post « Cassandra and the future of libraries without librarians » qui appréhende l’avenir de la bibliothèque sans bibliothécaires. Cette situation est surtout la conséquence des coupes sombres que subissent les BU américaines en raison des restrictions budgétaires. Les effectifs de certaines bibliothèques fondent, d’après ce post, et ce d’autant plus que certaines ne disposent pas d’une autonomie de recrutement par rapport aux universités dont elles dépendantes …

Mais la seconde raison avancée par New Jack est bien la numérisation croissante des ressources documentaires et plus particulièrement l’acquisition de « bouquets » de revues et bientôt de livres numériques, grâce à des consortiums de bibliothèques. Le travail de sélection et de gestion des collections réalisé jusqu’à présent par les bibliothécaires va bientôt être externalisé vers des sociétés comme « Proquest ».

Avec les bibliothèques numériques gérées par des tiers, la Bibliothèque universitaire risque de représenter plus un coût qu’un investissement pour ses institutions de tutelle. Les bibliothécaires doivent pouvoir répondre à ce défi, notamment à travers des services aux publics (étudiants, enseignants, chercheurs) et démontrer que leur travail incarne aussi bien les valeurs de la bibliothèque, que celles de l’enseignement et de la recherche et de la communauté universitaire.

Les bibliothèques de données, vers des hypercatalogues ?

Les grandes bibliothèques sont en train d’expérimenter un nouveau type de catalogue basé sur le web de données (souvent dénommé « web sémantique ») qui englobe les références des auteurs et de leurs oeuvres.

La BNF avec « data.bnf« , ainsi que l’Europeana, offrent cette nouvelle exploitation des métadonnées.
Si l’on fait par exemple une recherche sur Antonin Artaud sur data.bnf, on trouve sur la page du résultat, outre une biographie succincte du poète, l’ensemble de ses oeuvres entant qu’auteur, mais aussi toutes ses contributions, en tant qu’adaptateur, commentateur, compositeur, dessinateur, acteur, interprète, etc. (la vie du « Momo » était très diversifiée … !). Et ce, sur l’ensemble des ressources BNF (Catalogue général, Gallica, Archives et manuscrits, etc.). La page pointe aussi vers des ressources extérieures (Catalogue collectif de France, Europeana, SUDOC, OCLC), puis enfin vers l’article Antonin Artaud de Wikipedia.

Le Portail Europeana rassemble, quant à lui, toutes les données multimédias sur un auteur ou une oeuvre, recueillies auprès de bibliothèques, de musées, d’archives ou même de particuliers.
Sur le personnage de « James Bond« , on dispose de 25 textes, 80 images, 36 vidéos et 7 fichiers son. Mais si les images et les vidéos se rapportent bien à l’agent secret au service de Sa Gracieuse Majesté (personnage de fiction), près de la moitié des textes concerne les écrits d’un Pr James Bond (plutôt réel), expert en commerce international et développement durable ….
On touche là à la limite actuelle du web sémantique …;-(
Comme l’explique « La petite histoire du web sémantique », citant Tim Berners-Lee dans « La Recherche » en novembre 2007 : « Le terme sémantique prête un peu à confusion car la sémantique s’intéresse au sens du langage pour en déduire des constructions logiques. » En fait, le web sémantique ne cherche pas à réaliser des opérations d’intelligence artificielle basées sur le langage naturel, mais cherche simplement à relier des données entre elles. C’est l’idée du « Linked data » (qu’on peut traduire par « web de données ») qu’une machine ou un être humain pourrait explorer.

Le projet « Linked Open Data » auquel participe l’Europeana, repose sur l’ontologie Yago, une base de connaissance qui unifie le lexique sémantique WordNet et Wikipedia. Sa structure est fondée sur les relations (« signifie », « année de naissance », « a remporté le prix ») entre le sujet et ses attributs.
Exemple : « AlbertEinstein » année de naissance « 1879 » ou « AlbertEinstein » a remporté le « prix Nobel », etc..

Wikipedia est aussi à l’origine de la base de connaissance DBpedia. Cette initiative communautaire, soutenue par l’Université libre de Berlin et l’Université de Leipzig, a pour objectif d’extraire des informations structurées à partir des articles de Wikipedia, notamment sur les villes et les pays. On arrive ainsi à une base de données encyclopédique, où on peut utiliser de nombreux filtres pour sa requête. Exemple : « les scientifiques français nés au XIXe siècle ».
Mais gare aux homonymes, qui possèdent les mêmes nom et prénom (sans même une initiale ou un deuxième prénom), comme pour notre James Bond, l’erreur est au coin de l’ontologie …!

La valeur ajoutée des Bibliothèques pour la recherche

L’ABDU (Association des Directeurs et personnels de direction des Bibliothèques Universitaires et de la Documentation) vient de faire traduire un rapport « The value of libraries for research and researchers » publié en mars 2011 par le Research Information Network (RIN) et Research Libraries United Kingdom (RLUK) du Royaume-Uni. « Valeur des bibliothèques pour la recherche et les chercheurs » présente les conclusions d’une étude, reposant sur l’analyse des données statistiques de 67 établissements d’enseignement supérieur du Royaume Uni ainsi que sur une analyse qualitative menée auprès de bibliothécaires et de chercheurs de neuf institutions d’enseignement supérieur britanniques, basée sur des entretiens et des « focus groups ». Il s’agissait de déterminer s’il existe une corrélation entre l’activité de la bibliothèque et les performances en matière de recherche de l’établissement.

Avec la numérisation des ressources, les chercheurs ne se déplacent plus pour fréquenter la Bibliothèque et ne considèrent celle-ci que comme comme un intermédiaire pour accéder aux documents. Comment re-fidéliser ces usagers spéciaux que sont les chercheurs et quels services leur proposer ?

L’étude recense 11 attitudes et bonnes pratiques recommandées pour adapter les services des bibliothèques aux besoins des chercheurs. Outre les compétences en information et organisation et une bonne maîtrise des sujets, il faut : des professionnels de l’information « proactifs », une forte culture de service, une bibliothèque ouverte sur son environnement, des ressources documentaires solides, un catalogue accessible au public, des espaces flexibles, un dépôt institutionnel, une position neutre dans l’institution et enfin arriver à faire percevoir la bibliothèque comme le « lieu » du savoir.

Ces attitudes conduiraient à une bonne connaissance de l’environnement extérieur en resserrant les liens entre chercheurs et bibliothécaires. Avec des services axés sur la recherche, la bibliothèque jouerait un rôle plus important dans l’institution. Cela améliorerait les pratiques documentaires des chercheurs dans un meilleur environnement de recherche.

En augmentant la visibilité et la réputation de la bibliothèque, ces aspects rejailliraient sur l’établissement universitaire. Ces bonnes conditions favoriseraient les financements et les bourses de recherche tout en accroissant le potentiel et la qualité de la recherche. Qui permettront, à leur tour, un meilleur recrutement et maintien de chercheurs qualifiés.

BU américaines : vers la disparition du « Reference Desk » ?

Diamond Law Library Columbia UniversityYale Sterling LibraryBobst Library New York UniversityLe « Reference Desk », ce coeur des bibliothèques, est en train de connaître ses derniers jours aux États-Unis ! C’est un des éléments d’information que nous avons tiré du voyage d’étude qu’un groupe de la Bibliothèque de Sciences-po a effectué la semaine dernière dans les bibliothèques de New-York et Yale (voir le groupe Facebook « Voyage professionnel New York Libraries »).
En effet, à l’exception de la bibliothèque de droit de Columbia (Diamond Law Library) où le travail des ‘Reference librarians’ est encore très important en raison de la diversité et la complexité des sources aussi bien imprimées qu’électroniques, dans toutes les BU visitées, les professionnels on mis ou s’apprêtent à mettre en place de nouveaux services plus adaptés aux usages actuels des étudiants et des chercheurs.
C’est déjà le cas pour le Digital Social Science Center à Columbia qui met à la disposition des usagers de nombreuses bases de données factuelles (statistiques, géographiques, audiovisuelles) + tous les outils logiciels nécessaires pour utiliser, gérer et créer les produits (dataset) et graphiques obtenus. Dans cet environnement, les étudiants peuvent travailler individuellement ou en groupe et peuvent compter sur les conseils de l’équipe de bibliothécaires et d’experts.
A Yale, la Social Science Library va fusionner en partie avec la bibliothèque de sciences pour mettre en place le Statlab . Ce centre d’information statistique, fournit outre les bases de données et les outils logiciels, des conseils d’experts. Même aux États-Unis, les bibliothécaires ne sont pas encore formés à ce genre de pratique et ils sont secondés par une équipe de consultants qui forment et conseillent les étudiants.
Même schéma à la New York University Library où les départements de sciences sociales et des sciences dures collaborent pour gérer le Data Service Studio.

Évidemment, les renseignements aussi bien pratiques que bibliographiques se dématérialisent aussi. Outre les services de Questions-Réponses en ligne comme « QuestionPoint » de l’OCLC, les bibliothécaires se sont mises au « chat » (Messagerie instantanée) et aux SMS (voir la page « Ask a librarian » à la NYU Library) pour communiquer avec les étudiants …! C’est plus cool !A La New York Public Library, ce sont les bibliothécaires qui deviennent mobiles, et armé(e)s d’un IPad vont à la rencontre des utilisateurs !

L’utilisation des CMS en bibliothèque : à présent, c’est au tour des catalogues …

Le dernier post de Bibliobsession « Modularité et entrées multiples : « nouvelles » tendances des catalogues de bibliothèques » rappelle que les CMS (système de gestion de contenu) comme Drupal sont de plus en plus adoptés comme portail documentaire comme à la BCU (Bibliothèque Clermont Université) … et très bientôt à la Bibliothèque de Sciences Po, mais aussi que ce logiciel libre peut servir à la gestion de catalogue ! C’est déjà le cas dans les bibliothèques américaines de Palos Verdes et de Ann ArBor. De nombreuses bibliothèques universitaires en Amérique du Nord et dans le monde utilisent Drupal (comme Laval à Québec, Cornell University ou le « Sistema bibliotecario di Ateneo » de l’Università di Studi de Padoue (Italie)). Le site des groupes Drupal pour les bilbiothèques présente un certain nombre de ressources et de services pour les bibliothécaires et webmasters (modules de rechercherche, de maintenance, résolveur de liens. et enfin le module SOPAC, OPAC ‘social’ pour intégrer un catalogue de bibliothèque dans le CMS).
On peut aussi multiplier les blogs thématiques, comme l’a réalisé il y a près d’un an la BU de Nancy : « Nuage de blogs », procédure commentée à l’époque par Silvae de Bibliobsession.

Ecrans, tableaux interactifs : les nouveaux outils de l’école ?

Le Deuxième Colloque « Ecriture et technologies : écrans et lectures » qui s’est tenu les 6-7 avril 2011 à Sophia-Antipolis s’est penché sur la nouvelle donne des outils scolaires représentée par l’envahissement des écrans et des TICS dans l’enseignement. Comme l’expliquent Catherine Bechetti-Bizot (Groupe IGEN Lettre) et Paul Mathias (IGEN Philosophie et Pilote de la cellule TICE), dans la présentation de la problématique des Actes 2011, « La lecture, entendue à la fois comme acquisition et activité scolaire, pratique culturelle et moyen d’apprentissage, est au cœur des compétences fondamentales transmises par l’Ecole. (…) Les supports d’enseignement traditionnels que sont le manuel, le livre, le cahier ou le tableau noir sont ébranlés par l’arrivée des supports de lecture numérique. Ecrans d’ordinateurs, écrans mobiles, tactiles, tableaux blancs interactifs… pénètrent de plus en plus rapidement l’espace et les pratiques scolaires ». Ces nouvelles pratiques (corpus de textes et d’images numérisés, réalité « augmentée) engendrent des mutations aux niveaux cognitif, pédagogique, culturel et socioéconomique. Enseignants et pédagogues doivent se saisir de ce nouveau défi pour stimuler la réflexion collective, poser les enjeux et anticiper les mutations en cours dans l’enseignement. Et dans cette action, ils pourront s’appuyer sur les bibliothécaires et les documentalistes des Centres de documentation et d’information scolaire (CDI), Comme le fait remarquer Hans Dillaerts (InfoDoc Microveille) dans son post du 22 avril en évoquant la thèse d’Helen Boelens à l’Université de Middlesex : « The evolving role of the school library and information centre in education in digital Europe », ces centres vont prendre une importance croissante dans l’enseignement et la pédagogie du 21e siècle en Europe.

Du nouveau dans les progiciels de bibliothèques ?

Livres Hebdo décrypte la dernière enquête de Tosca Consultants qui analyse 118 logiciels pour les bibliothèques. « Bibliothèques : bientôt une nouvelle offre » , 1er avril 2011. Les nouveaux produits sont rares mais la nature de l’offre évolue, de plus en plus de solutions en mode hébergé, notamment des offres associant l’utilisation d’un logiciel et la mise à profit d’une base de connaissances ou d’une base de connecteurs.

Savoirs et bibliothèques

Dans son dossier consacré à la « Valorisation et production des savoirs en bibliothèque », Le BBF (vol.56:N°1, 2011) pose la question de la relation des bibliothèques au savoir. Ces dernières ne se limitent plus aujourd’hui à leur rôle d’accumulation (et de classement) des connaissances, mais comme l’évoque Yves Desrichard dans son édito « Va savoir », on pourrait « transformer nos collections en gisements et nos métiers en extractions (de savoirs) ». Face à l’effondrement de l’Education nationale, la bibliothèque pourrait récupérer ces publics (écoliers, collégiens, lycéens, étudiants), « pour les amener, à sa manière au savoir. »
C’est toujours ce souci de transmission de savoir qui habite la notion de « médiation numérique » explicitée dans « La pyramide d’un projet de médiation numérique », Bibliobsession, 8/04/11. Car la médiation numérique (coeur de métier du « bib/doc ») comme l’expliquait Sylvae, toujours dans Bibliobssession, il y a plus d’un an, n’est ni de la communication, ni du marketing public , mais « Tout dispositif technique, éditorial ou interactif mis en œuvre par des professionnels de l’information-documentation favorisant l’appropriation, la dissémination et l’accès organisé ou fortuit à tout contenu proposé par une bibliothèque à des fins de formation, d’information et de diffusion des savoirs ».

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