Category: Economie numérique

Quel avenir pour l’enseignement à distance ?

F1Émergeant il y a cinq ans, les MOOCs avaient soulevé un grand enthousiasme en matière d’enseignement en ligne : voir ces cours prestigieux d’universités d’élite mis à la disposition gratuitement du plus grand nombre représentait une ‘disruption’ dans l’univers sélectif de l’enseignement supérieur, en particulier aux États-Unis où l’accès à l’Université est difficile et les droits de scolarité élevés.

L’éclatement de la bulle Mooc

Les Moocs ont-ils fait ‘pcshitt’, comme le prétend Marine Miller dans son article du Monde ?

Un certain nombre de critiques s’élèvent contre l’évolution de cette innovation pédagogique. Tout d’abord, sa technologie qui n’a rien de vraiment révolutionnaire : des vidéos de cours magistraux accompagnés de quelques quizz … C’est loin d’être la disruption annoncée … De plus, la gratuité des cours, qui faisait l’attrait de ce dispositif, notamment dans les pays anglo-saxons, a été partiellement réduite, en particulier en ce qui concerne la certification ou les crédits dont les étudiants peuvent bénéficier. Sans parler de ceux qui déplorent la dématérialisation des cours et l’absence physique du professeur (et des étudiants !).

Malgré les 25 millions de participants et avec un marché estimé de 2500 millions de dollars (chiffres de 2015à vérifier), les MOOCs ne semblent pas avoir trouvé leur rythme de croisière. D’après une étude de Coursera, citée par Managexam, seuls 4% des étudiants avouent poursuivre leur formation jusqu’au bout … ! Et tous les étudiants n’ont pas la capacité d’apprendre de façon autonome … Mais tous les participants ne cherchent pas forcément à décrocher le diplôme ou la certification à mettre sur leur CV … Et près de 50% en ont suivi au moins la moitié … !images_civ

Mais plus sérieusement, c’est la philosophie même de ces cours en ligne qui est remise en cause. Outre les abandons massifs et le changement de modèle économique des plateformes, Karen Head dénonce le « colonialisme académique » que représentent les MOOCs dans son livre Disrupt This !, cité dans la recension de livres de Impact of Social Science. Professeur associée de littérature au Georgia Institute of Technology (Georgia Tech), elle a expérimenté elle-même ce dispositif en proposant son cours d’écriture de 1ere année sur un MOOC, bénéficiant d’un financement de la Gates Foundation qui voulait disposer au moins d’un cours non-traditionnel dans son offre. Ce ‘point de vue de l’intérieur’ lui a permis de nuancer son impression. Pour elle, cette disruption évolue dans le contexte du modèle éducatif de l’enseignement supérieur américain, la plupart des plateformes sont basées aux USA et nouent des partenariats avec les universités américaines les plus renommées. C’est difficile d’évoquer une ‘démocratisation’ de l’enseignement supérieur dans ce contexte. Les plateformes européennes (FUN, FutureLearn[GB]) ont plus ou moins imité le modèle américain. La seule proposition ‘vendable’ des Moocs, c’est la promesse d’un changement positif pour tout un chacun, que les ‘mal desservis du monde entier’ vont pouvoir profiter d’un accès libre aux enseignements des meilleures universités’. En fait, on assiste à l’adoption de contenu payant produit par ces grandes universités par les petites et moyennes universités, le développement et la maintenance d’un MOOC reste encore très opaque. 05894964-photo-illustration-objets-connectes

L’évolution du modèle économique : des MOOCs aux SPOCs

Ce que montrait aussi l’étude de Coursera, c’est la tendance à préférer les cours qui ont un aspect de formation professionnelle : 52% des interrogés suivent un cours pour améliorer leurs compétences dans le cadre de leur travail ou pour trouver un emploi. C’est cette ‘employabilité’ que critiquait d’ailleurs Karen Head, son cours de ‘composition de première année’ ne remplissait évidemment pas ce critère et ne pouvait pas être évalué de la même façon … Dans ce contexte professionnel, on retrouve l’influence des entreprises et l’importance du classement et des statuts des étudiants. C’est aussi cette variable qui a conduit des plateformes comme Coursera et Udacity à faire payer les certifications. D’ailleurs sur certains MOOCS, certaines parties du cours ne sont pas accessibles gratuitement, comme le souligne le post de Couserajunkie « Free MOOCs ? Forget about it ». Jusqu’au bouton LinkedIn qui disparaît si on n’a pris l’option de certification payante …

C’est à ce moment-là que l’on a vu fleurir les SPOCs (Small Private Online Course : cours en ligne privé en petit groupe). Ces formations, en général plus courtes, sont de plus proposées en entreprise comme alternative aux cours en présentiel. Les professeurs qui conçoivent ces cours s’appuient sur des contributions d’entreprises pour créer du contenu tourné vers les secteurs à forte demande (commerce, analyse des données, technologies numériques). Coorpacademy , en revanche, parie sur un nouveau paradigme, au lieu de proposer des séquences de formations continue de 3 jours, 2 semaines ou six mois, cette start-up propose « des apprentissages au fil de l’eau, quand un peu de temps se libère, dans les transports en commun ou en attendant un rendez-vous » comme le souligne Christophe Bys dans son article d’Usine digitale. C’est la méthode Apple avec iTunes : « Il change les règles du jeu en pariant non pas sur la gratuité, mais sur la fragmentation de l’usage ». De plus, un ‘protocole pédagogique inversé’ (le cours commence par un quizz, l’étudiant vérifie ensuite les réponses), permet de prendre en compte l’hétérogénéité des personnes qui suivent la formation. Chacun suit en fonction de ses besoins, de ces lacunes et peut rejoindre ensuite une communauté de groupe où la compétition peut se transformer en coopération, les apprenants d’hier pouvant se transformer en coach pour aider les nouveaux venus …

Les Mooceurs peuvent aussi avoir une démarche collective, comme le remarque Matthieu Cisel dans son post « L’avenir des MOOC passe-t-il par l’entreprise ?». Dans une structure, association, entreprise, un groupe de personnes peut se saisir d’un MOOC pour créer des dynamiques collectives, souvent dans une démarche ‘bottom-up’. Le MOOC peut être l’occasion de travailler un point ensemble : la gestion de projet, le prise de parole en public, la statistique, etc. Pour Matthieu Cisel, « l’avenir des MOOCs se trouve dans leur intégration, formelle ou non, dans les cursus de formation initiale ou continue ».

5202542_7_3ee3_plusieurs-tests-existent-pour-mesurer_4a49d65e5a7648af61b4aded15f8ecb3Des avancées pédagogiques et technologiques

  • Un cours de droit sur Facebook Live

Bruno Dandero, professeur de droit des affaires à Paris 1 Panthéon-Sorbonne diffuse ses cours magistraux en direct sur Facebook Live. Au lieu d’utiliser une plate-forme pédagogique privée ou publique (Coursera, edX ou FUN), cet enseignant élargit son audience des 300 étudiants de son cours à des milliers d’internautes du réseau social ‘massif’, sans inscription spécifique ni identifiants autres que ceux de Facebook. Comme le souligne Paul Conge dans l’Etudiant, ces interactions et contributions (remarques, liens hypertextes et questions juridiques) finissent par constituer un « document pédagogique enrichi ». Comme le dit le Pr Dandero, commentant les 25 000 vues de sa première vidéo « Ce qui me plait c’est de donner accès aux cours à des personnes qui ne sont pas inscrites à l’université ». Son audience est internationale et francophone (Vietnam, Madagascar, Afrique noire). Mais, malgré tout, un cours de droit de 3e année, ça demande des prérequis » …

  • L’intelligence artificielle s’invite sur les MOOCs : les ‘chatbots’ assistants pédagogiques

De nombreux enseignants américains utilisent de plus en plus des fonctionnalités d’intelligence artificielle (Siri d’Apple, Alexa d’Amazon, Watson d’IBM) pour les assister dans leurs cours en ligne. Ces chatbots, répondent aux questions, rappellent à l’ordre les étudiants pour certaines tâches ou échéances et peuvent animer des débats en ligne … Évidemment, cela risque de faire disparaître les ‘teaching assistants’, ces étudiants que Karen Head se plaignait de ne pouvoir rémunérer correctement dans son MOOC … Mais comme l’explique Donald sur le post de Wildfire Learning, cela permet aux assistants humains de se focaliser sur les questions intéressantes et créatives quand les ‘bots’ se chargent des questions récurrentes (à Georgia Tech, 10 000 par semestre pour 350 étudiants).

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  • L’émergence de la réalité virtuelle dans la classe

L’importance prise par la formation professionnelle dans l’enseignement à distance implique l’acquisition de compétences plus pratiques que les seules notions théoriques émises par les vidéos des cours en ligne. Malgré le jeu d’acteur des enseignants et leurs exploits graphiques sur les tableaux, noirs ou blancs, il faut souvent beaucoup d’imagination pour se représenter les choses enseignées … C’est là qu’intervient la réalité virtuelle immersive. De la l’école primaire à la formation des chirurgiens en Irlande en passant la construction de maisons durables en Chine, sans oublier évidemment, la simulation du pilotage d’un avion, les casques de réalité virtuelle emmènent les apprenant sur le ‘terrain’. Pour les enfants, Facebook et Google se partagent le marché. Avec Time Machine de Facebook social VR, les élèves se retrouvent dans la préhistoire près des dinosaures avec une application de type ‘Jurassic Park’. Dans Expeditions, du kit Google, le professeur se transforme en guide au sommet de l’Everest ou sur Mars … La Rady School of Management, de l’Université de San Diego en Californie a déjà son programme virtuel sur VirBela, la plateforme de réalité sociale virtuelle. En s’y connectant, les étudiants sont plongés dans des situations de cas concrets et doivent interagir comme dans un jeu vidéo …

Les MOOCs n’ont pas révolutionné l’enseignement supérieur : le ‘mammouth’ est difficile à renverser … Ce dispositif a néanmoins bousculé un certain nombre de rigidités pédagogiques et fait bouger les lignes dans les formations initiales et continue. L’enseignement initial se retrouve même impacté par cette innovation à travers la pratique de la ‘classe inversée’, de plus en plus adoptée dans certains cours. Cette pédagogie qui encourage les apprenants à se familiariser avec un certain nombre de notions sur internet avant d’assister aux cours et d’en débattre ensuite avec leurs enseignants, a inspiré la plateforme FUN qui propose aujourd’hui aux lycéens de terminale des MOOCs de préparation à l’enseignement supérieur sur des matières sensibles (Maths, droit, SHS, sport). Cela leur permettra d’être prêts au niveau des prérequis ou ‘attendus’ pour certaines filières comme le prévoit la prochaine réforme de l’admission à l’université.

MOOC

Siemens, George ; Gasevic, Dragan ; Dawson, Shane. – Preparing Digital University :a review of the history and current state of distant, blended, and online learning. – Athabasca University, University of Edinburgh, University of Texas Arlington, University of South Australia. – Bill & Melinda Gates Foundation, February 2015. (pdf).

Cisel, Matthieu. – MOOC : pour la Révolution, on repassera. – Educpros : La révolution MOOC, 22/04/15

Cisel, Matthieu. – L’avenir des MOOC passe-t-il par l’entreprise ?Educpros : La révolution MOOC, 23/06/15

Free MOOCs ? Forget about it. – Courserajunkie, 26/05/15

Trujillo, Elsa. – La formation professionnelle, l’avenir des MOOC. -Microsoft RSLN, 26/08/15

Bys, Christophe. – Coorpacademy veut appliquer la méthode Apple à la formation professionnelle.Usine digitale, 01/09/15

Brasher, Joan. - What makes students stick with a MOOC?Research News Vanderbilt, 26/02/16

Conge, Paul. – Un prof de droit donne des cours en direct sur Facebook. – L’Etudiant, 23/09/16

Merry, Peter. - Immersive Virtual Reality: Online Education for the Next Generation. – Converge, 28/09/16

Les universités britanniques lancent les premiers MOOCs certifiants. – Le Monde, 18/10/16

MOOCs : les chiffres qui comptent. – Managexam, 01/11/16

Bot teacher that impressed and fooled everyone. – Wildfire Learning, 02/08/17

Duthion, Brice – MOOC, SPOC, COOC et autres tutos, ou les aventures en ligne d’un formateurs voulant se former … -Etourisme.info, 03/10/17

Frank, Cyrille. – Mooc, elearning, gamification, serious-game … innovations réelles ou mirages ?Médiaculture, 14/10/17

Boeva, Yana. – Book review: Disrupt This! MOOCs and the Promise of Technology by Karen Head. – Impact of Social Sciences, 22/10/17

Antaya, Felipe. – Ouvrir les murs de la classe avec le numérique. – École branchée, 23/10/17

Miller Marine. – Les MOOC font pschitt. – Le Monde, 23/10/17

Economie des plateformes : entre partage des communs et post-salariat capitaliste

ozwilloLes plateformes occupent  une place de plus en plus prépondérante dans l’activité numérique actuelle. Que ce soit sur des applications mobiles ou à propos de nouveaux services publics ou associatifs, on retrouve cette même notion à la définition un peu floue.

Définition et réglementation

Sur Wikipédia, on est un peu déçu : entre plateforme pétrolière et géologique, la plateforme en informatique est décrite comme « une base de travail à partir de laquelle on peut écrire, lire, utiliser, développer un ensemble de logiciels ».

Dans l’avant-projet de la loi Lemaire, cité dans l’article de Marc Rees dans NextInpact : la régulation proposée vise des activités « consistant à classer ou référencer des contenus, biens ou services proposés ou mis en ligne par des tiers, ou de mettre en relation, par voie électronique, plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service, y compris à titre non rémunéré, ou de l’échange ou du partage d’un bien ou d’un service ».

Cela reprend en partie la définition du Conseil national du numérique dans son Rapport sur la neutralité des plateformes , citée par Aurélie Barbaux dans un article d’Usine Digitale « une plateforme est un service occupant une fonction d’intermédiaire dans l’accès aux informations, contenus, services ou biens, édités ou fournis par des tiers. Au-delà de sa seule interface technique, elle organise et hiérarchise les contenus en vue de leur présentation et leur mise en relation aux utilisateurs finaux. A cette caractéristique commune s’ajoute parfois une dimension écosystémique caractérisée par des relations entre services convergents ».

La plateforme prend donc la forme d’un service intermédiaire entre fournisseurs (d’informations, de biens, de services) et les utilisateurs finaux. Elle représente en fin de compte la médiation numérique par excellence. C’est cette fonction que vont alimenter les professionnels de tous secteurs pour mettre des contenus à disposition des usagers. La structuration de cette infrastructure incontournable de la société de l’information passe par la programmation de logiciels dédiés : les fameux algorithmes qui ajoutent une pincée d’intelligence artificielle à la gestion des transactions.

La Loi numérique s’est donné aussi pour objectif d’encadrer cette activité, notamment par la création d’indicateurs et la diffusion de « bonnes pratiques visant à renforcer leurs obligations de transparence et de loyauté ». Ces obligations concernent les plateformes dépassant un certain seuil de connexions. Le Ministère de l’économie et le Secrétariat au numérique se réserve par ailleurs la possibilité de faire des enquêtes et de publier la liste des plateformes qui ne respectent pas ces obligations … plateformes

Plateformes services publics ou associatifs

De nombreuses plateformes ont été conçues dans les services publics pour mettre à la disposition des usagers un certain nombre d’informations et de données ouvertes. La dernière mise à jour (octobre 2016) concerne l’enseignement supérieur et la recherche. Cette plateforme Open data propose 55 jeux de données ouvertes sur l’enseignement supérieur et la recherche. Son interface, plus lisible, facilite l’accès aux données. Elle est synchronisée avec la plateforme nationale data.gouv.fr, de la mission Etalab, qui propose toutes les données publiques ouvertes.

Toujours dans le contexte de l’éducation nationale, Mediaéducation, la plateforme d’accès à la presse à l’école. Fruit d’un partenariat entre le ministère de l’Education nationale et l’opérateur de publications numériques miLibris, la plateforme Lire l’Actu propose 13 titres de quotidiens et de magazines français et étrangers à découvrir sur les tablettes et les ordinateurs fixes des lycées et collèges. D’autres titres seront progressivement ajoutés, notamment en presse régionale.

L’Enssib devrait mettre aussi en ligne, en partenariat avec l’ABF, « une plateforme des projets destinée à valoriser les projets portés dans les bibliothèques de France. L’objectif de cette plateforme est de rendre visibles les projets en cours ou déjà réalisés et faciliter les échanges entre professionnels aux objectifs communs. » Elle proposera aussi une cartographie des activités des bibliothèques et des centres de documentation français.

D’autres plateformes existent dans le secteur des bibliothèques, comme e-shelf service, pour gérer
les collections de livres numériques. Sa particularité, comme le souligne Thomas Fourmeux dans Biblio numéricus, réside dans la prise en charge par l’entreprise des négociations avec les éditeurs. Cette plateforme a été développée « par un consortium de bibliothèques à but non lucratif qui se consacre au développement de services à destination des bibliothèques. Leur mission est de promouvoir le partage de ressources et l’émergence de services innovants à travers la collaboration. »

 

Les plateformes de services e-commerce ou de partagebusit-usages-wo

Mais si le terme générique « plateforme » recouvre des activités de toutes sortes, allant du covoiturage (Blablacar) ou de partage de canapé (couchsurfing) à des sociétés de taxis (Uber) ou de location de chambres ou d’appartement (AirBnB), ces services recouvrent deux réalités économiques différentes. Comme le souligne Philippe Portier dans son article du Monde, on trouve, d’un côté, ‘l’économie collaborative stricto sensu’ qui mutualise les biens, les espaces et les outils en favorisant l’usage par rapport à la possession et l’organisation en réseaux ou en communautés des citoyens ; de l’autre ‘l’économie ubérisée’ « qui traduit l’émergence de professionnels d’un nouveau genre, concurrençant les modèles traditionnels grâce à la combinaison d’outils technologiques, communs à l’économie collaborative (les plateformes, les outils numériques et les objets connectés) et de l’autoentrepreneuriat. ». Le premier modèle relève de l’économie non marchande qui participe de la philosophie des ‘communs’, basée sur la mutualisation des biens et des savoirs ; le second représente « un nouveau modèle d’entreprise horizontalisée, dématérialisée, idéalement sans salariés ni bureaux, capable de concurrencer les acteurs traditionnels, via la mobilisation (par les technologies numériques) un grand nombre de prestataires, sans en assurer la charge. ».

C’est ce que souligne aussi Michel Bauwens, théoricien de l’économie collaborative, dans son article du Monde : « Uber et Airbnb n’ont rien à voir avec l’économie du partage ». Pour ce chercheur, « l’économie ‘pair à pair’ où les individus s’auto-organisent pour créer un bien commun, a un potentiel émancipatoire important ». Avec des sociétés comme Uber, « il s’agit plutôt d’une mise sur le marché de ressources qui, jusque-là n’étaient pas utilisées. ».

Cela nous amène à la question soulevée par Ivan Best dans la Tribune « le numérique met-il fin au salariat ? ». Dans son compte-rendu des Rencontres d’Aix du Cercles des économistes, le journaliste souligne l’acuité de la crise actuelle. Si toutes les révolutions industrielles par le passé ont connu aussi des destructions d’emplois en masse, d’autres jobs sont toujours apparus pour les remplacer ; en revanche, selon Andrew McAfee, économiste du MIT « cette fois, c’est différent ». Le professeur souligne les éléments nouveaux qui font douter du fonctionnement de la théorie du déversement préconisée par Ricardo : le pouvoir d’achat stagne depuis 20 ans, la classe moyenne en voie d’érosion, la part des salaires dans la valeur ajoutée diminue … Avec l’accélération technologique qui permet non seulement de supprimer les tâches répétitives, mais prend de plus en plus en charge des travaux de conception, les services sont de moins en moins qualifiés. Avec le GPS, par exemple, les chauffeurs de taxis n’ont plus besoin de connaître les rues des villes. Le recours au contrat de travail est moins fréquent. A terme, le travail humain devient de moins en moins nécessaire …

On retrouve ce questionnement  dans l’article d’Olivier Ertzscheid sur InaGlogal « Du digital labor à l’ubérisation du travail ». Il souligne la « part croissante de l’automatisation et de l’algorithmie dans des missions jusqu’ici considérées comme régaliennes (transport, santé, éducation).»  Pour ce chercheur, il faudrait se préparer et prendre la pleine mesure de cette transformation de la société contemporaine. Uber représente le phénomène le plus abouti de cette évolution : « Über a permis, pour la première fois à cette échelle, de fractionner notre rapport au travail, à l’outil de travail, de la même manière qu’avant lui Airbnb avait permis de fractionner notre rapport à la propriété. ». Ce qui lui fait prédire que « la révolution sera ubérisée » avec des conflits sociaux d’un nouveau genre. Face à cela, le politique est impuissant et le recours à la loi, complexe et inabouti … Avec comme seule stratégie, l’interdiction d’une application…

robots-option-binaireD’où l’importance de réfléchir à de nouveaux modèles d’organisation du travail (qui est l’employeur, qui est l’employé et à quel(s) moment(s) ?) et de protection sociale. C’est aussi la question que se pose Hubert Guillaud dans son article  d’InternetActu « Qui des algorithmes ou des clients seront nos nouveaux patrons ? ». Partant de l’anecdote du Huffington Post où une société hongkongaise avait nommé un algorithme à son conseil d’administration, il arrive à cette constatation : c’est l’algorithme d’Uber qui est le vrai patron des chauffeurs ! Et les clients deviennent les cadres intermédiaires avec le système de notation … Difficile dans ces conditions d’être un auto-entrepreneur libre de ses décisions ….

C’est ce que dénonce aussi Eric Sadin dans son article de Libération « La «silicolonisation», c’est la conviction que ce modèle représente l’horizon indépassable de notre temps et qui, de surcroît, incarnerait une forme lumineuse du capitalisme ». Pour le philosophe, c’est un modèle de société fondé sur la ‘marchandisation intégrale de la vie et l’automatisation intégrée de la société qui est en train de s’instaurer ». Pour Eric Sadin,  « la figure du contremaître disparaît au profit de résultats d’équations […] auxquelles il difficile voire impossible de s’opposer ». Pour contrer le ‘technolibéralisme’, qualifié de « criminalité en hoodie (sweat à capuche) », Sadin en appelle au civisme des consommateurs pour boycotter tous ces objets connectés et services de l’économie des plateformes …

Bernard Stiegler est moins pessimiste dans son article de l’Humanité : s’il reconnaît qu’avec l’automatisation « le travailleur est dépossédé de son savoir-faire au profit d’un logiciel qui rend la tâche automatisable » et qu’en fin de compte le travailleur est licencié … Le philosophe propose une solution : que l’économie numérique « redistribue une partie des gains de productivité en vue de financer un temps de capacitation de tout un chacun au sein d’une économie contributive permettant de valoriser les savoirs de chacun. C’est pour cela que nous préconisons l’adoption d’un revenu contributif, ce qui n’est pas la même chose que le revenu universel. ».

Une solution consisterait en la généralisation des « communs » contre la monopolisation des échanges de données dans l’économie des plateformes (GAFA, Uber, Airbnb). C’est ce que préconise Michel Bauwens : en généralisant cette pratique qui remonte au Moyen-Age (mutualisation des terres + règles pour ne pas les épuiser) et avec les moyens technologiques dont on dispose, on pourrait créer de grands communs de la connaissance, des logiciels, du design, et permettre à tous les citoyens d’y contribuer et d’y puiser. Mais aussi « Il faut accompagner cette évolution, réguler pour protéger les consommateurs et les travailleurs dont les positions sont affaiblies face à ces nouveaux monopoles. ». Mais surtout « De nouvelles solutions sont à envisager ». « Il s’agit de passer d’un capital extractif, qui capte la valeur des communs sans rien reverser, à un capital génératif où ceux qui contribuent à ce commun créent leur propre économie éthique. » bien-communRéférences

Neutralité des plateformes : Réunir les conditions d’un environnement ouvert et soutenable/Conseil national du numérique, mai 2014

Best, Ivan. – Travail, le numérique met-il fin au salariat ? - La Tribune, 05/07

Legros, Claire (propos recueillis). – Michel Bauwens « Uber et AirBnb n’ont rien à voir avec l’économie du partage« . – Le Monde, maj. 20/07/15

Duthoit, Aurélien. – Comprendre les mécanismes de l’économie du partage. – La Tribune, 26/08/15

Barbeaux, Aurélie. – Au fait, c’est quoi une plateforme ?Usine Digitale, 19/10/15

Gardette, Hubert. – Uber, Amazon, Airbnb : lenumérique nous rend-il socialement irresponsable ? - Du grain à moudre – France Culture, 28/10/15

Cardon, Dominique ; Tesquet, Olivier. – Les algorithmes sont-ils vraiment tout puissants ? EntretienTélérama, 02/11/15

Portier, Philippe. – Économie collaborative : « La solution n’est pas dans un excès de réglementation ». – Le Monde,
maj. 06/11/15

Rees, Marc. – Loi Lemaire, les plateformes régulées sous la menace d’une liste noire.NextInpact, 09/11/15

Guillaud, Hubert. – Qui des algorithmes ou des clients seront nos nouveaux patrons ? - InternetActu, 10/11/15

Fourmeux, Thomas. – E-shelf service : un nouveau service de livres numériques pour les bibliothèques. – Biblio Numericus, 30/01/16

Plateforme des projets de la communauté professionnelle. - Enssib, 23/03/16

Biseul, Xavier. - Transfo numérique : « les avocats ne doivent pas être les taxis de demain ». - ZDNet, 04/04/16

Marrissal, Pierric ; Masson, Paule. – Bernard Stiegler « Nous devons rendre aux gens le temps gagné par l’automatisation » Entretien - L’Humanité, 17/06/16

Ertzschein, Olivier. – Du digital labor à l’ubérisation du travail. – InaGlobal, maj. 29/08/16

Lire l’actu, plateforme d’accès à la presse à l’école. – Médiaéducation, 06/10/16

Projet de loi pour une République numérique. – Sénat, maj. 10/10/16

Villin, Philippe ; Cosnard, Denis (propos recueillis). - Economie collaborative : « Pas difficile d’être compétitif quand on ne respecte rien » Entretien. – Le Monde, 10/10/16

Féraud, Jean-Christophe. – Eric Sadin  : « L’anarcho-libéralisme numérique n’est plus tolérable ». – Libération, 20/10/16

Laval, Christian. – « Commun » et « communauté » : un essai de clarification sociologique.SociologieS [En ligne] in Dossiers, Des communs au commun : un nouvel horizon sociologique ?, 21 octobre 2016

 

Où va l’internet ? Les perspectives du numérique dans la société de la connaissance

formationnumerique2En faisant le point sur les différentes avancées du numérique, cinq domaines d’activités ressortent :

La réalité virtuelle et augmentée
L’internet des objets
L’intelligence artificielle
Le développement des plateformes de services
La surveillance électronique et la sécurité des réseaux

Nous allons examiner les trois premiers aujourd’hui, les deux autres feront l’objet d’un prochain post.

 

La réalité virtuelle et la réalité augmentée

La popularité du jeu vidéo Pokemon Go montre l’importance que prennent ces technologies d’immersion dans des mondes différents (réalité augmentée pour le jeu). Mais si les GAFA les ont investies ce n’est pas uniquement pour leur aspect ludique. Facebook, par exemple ; qui a acquis le casque Oculus Rift ne compte pas uniquement l’utiliser pour le ‘gaming’, mais surtout pour la communication, « pour partager des moments et des expériences ensemble » comme l’affirme Mike Schroepfer, CTO de Facebook, cité dans l’article d’Arthur de Villamendy dans l’Atelier.streetart2

Ces technologies vont de plus en plus être intégrées dans des œuvres documentaires et de fiction où l’on expérimente une immersion dans des univers réels ou imaginaires, comme les films des chaînes Arte (film en 360° sur l’auteur de SF Philip K. Dick) et France Télévision (diffusion des matchs de Roland Garros en 360° et 4K).

Beaucoup plus sérieusement, les réalités virtuelle et augmentée devraient servir de plus en plus à la chirurgie grâce à la modélisation 3D. Il en est de même pour les psychothérapies, notamment pour soigner les phobies.

 

L’Internet des objets

L’internet ne sera plus uniquement localisé sur le web et les appareils mobiles. Il est en train de migrer sur l’ensemble des objets qui nous entourent grâce à des capteurs et aux connexions des puces RFID. Ces objets connectés sont souvent gérés par des systèmes automatiques. internet-objets-connectes-france

Ces objets, que l’on considérait jusqu’à présent comme une série de gadgets connectés que l’on porte comme des accessoires de mode (bracelets, vêtements) vont prendre une place de plus en plus importante, aussi bien dans l’industrie que dans la vie quotidienne. D’après l’étude de Machina Research, cité par un post de Viuz, on prévoit 27 milliards de connexion en 2025 contre 6 milliards en 2015 ! Le marché des objets connectés devrait passer de 750 milliards à 3000 milliards … Ces connexions concerneront principalement trois usages : l’électronique grand public, la sécurité et l’automatisation des bâtiments. Mais sur les réseaux mobiles, les véhicules représenteront 45% des objets connectés.

Dans l’usine 4.0, la place de l’humain sera de plus réduite, comme le souligne Elisabeth Noirfontaine dans un article de l’Usine digitale. Les hommes seront remplacés par des objets connectés : des capteurs intelligents, parfois intégrés aux vêtements, ont commencé à être développés pour mesurer les valeurs et les temps d’exposition aux facteurs de pénibilité ! Tout comme le POC (Proof of Concept), boitier pénibilité, application mobile permettant de comptabiliser et de vérifier le nombre d’heure de pénibilité de chaque salarié. « Le dispositif  détecte grâce à un capteur infrarouge les cartes RFID portées par les salariés, permettant ainsi de définir le début et la fin de l’activité ». On retrouve ici la problématique de surveillance et de traçage qui nourrissent les polémiques autour des données personnelles. La consultante écarte ce problème en assurant que la loi Informatique et libertés obligent les DRH « à bien veiller à utiliser ces données personnelles au seul usage du compte pénibilité » …

 

L’Intelligence artificielle et les NBIC  intelligence-artificielle-robot-crane

Comme nous l’avions déjà souligné dans le post « Le Meilleur des mondes des GAFA », les multinationales de l’internet ont investi massivement les secteurs de l’intelligence artificielle et des biotechnologies. Cette tendance se confirme. Que ce soit au niveau de l’apprentissage, où Google lance un groupe de recherche, ou pour nous proposer des abonnements à la presse sur les réseaux sociaux comme avec les ‘chatbots’ (robots conversationnels) de Facebook, sans oublier les automates écrivains, ou même les juristes où des ‘legaltechs’ automatisent des taches jusqu’alors dévolues à des juristes juniors … !

Après les craintes et les mises en garde de Bill Gates et de Stephen Hawking, c’est au tour d’Elon Musk, directeur de Tesla de présenter sa vision d’un futur peuplé de cyborgs et d’une intelligence artificielle despotique, mais aussi un système de démocratie directe sur Mars … ! Mais contrairement au pessimisme de l’astrophysicien, Elon Musk a confiance dans les contre-pouvoirs que représente, en autres, le mouvement pour les logiciels libres. Au niveau de l’intelligence artificielle, l’entrepreneur considère que nous sommes déjà des cyborgs, ou plutôt des ‘cyberborgs’ ! Dans un futur proche, » l’IA deviendrait une part de nous-même, comme une couche supérieure du cortex, qui ferait de nous un humain symbiotique, où le numérique communiquerait avec le corps et l’esprit …

Mais comme le souligne Jacques-François Marchandise (FING) aux rencontres d’été du CRAP, cité par Cécile Blanchard dans les Cahiers pédagogiques, « Le numérique n’est pas un outil, c’est d’abord un fait social, interprétable en matière économique, sociologique … […] les technologies m’intéressent à travers ce qu’elles suscitent comme possibilités, comme pouvoir d’agir ». C’est ce ‘pouvoir d’agir’ qui va nous permettre de transformer notre rapport au monde et aux autres, notamment au niveau du transfert des connaissances ainsi que pour ‘faire société autrement’.

C’est aussi la position que défend Hervé Le Crosnier dans son cours « Perspectives : vectorialisme ou communs ». « Ce nouveau paysage technique, en évolution permanente, rencontre une réorganisation du monde ». « Nous quittons un monde dans lequel quelques uns s’adressaient au plus grand nombre pour une situation plus fluide, dans laquelle cohabitent des formes unidirectionnelles et des co-constructions d’informations et de connaissances ». Le chercheur analyse les exemples de Wikipédia et des pratiques collaboratives (co-voiturage, etc.) en les opposant aux politiques de surveillance et de contrôle des GAFA et des Etats, dévoilées par les lanceurs d’alertes.

En effet, on pourrait craindre que les progrès de l’intelligence artificielle, en particulier au travers de la puissance des algorithmes ne nous rendent dépendants de nos propres ‘productions’… Et si l’internet est conçu pour nous manipuler comme l’affirme Elliot Berkman dans  l’article de Quartz, en utilisant des pièges psychologiques qui exploitent nos structures mentales inconscientes, notre réponse doit s’assimiler à la stratégie d’Ulysse pour résister aux chants des sirènes : s’attacher au mât du navire en se bouchant les oreilles … Des applications existent comme Cold Turkey ou Self Control (pour Mac) qui aident les internautes à soigner leur addiction en bloquant pendant un certain temps les sites ‘distrayants’ …

NumeriquePour en revenir à nos ‘possibilités d’agir’ plutôt que de subir, Dominique Cardon nous propose d’ »ouvrir la boite noire des algorithmes ». Dans son entretien à Libération, il précise que « les algorithmes ne sont pas les simples reflets des intérêts économiques de la Silicon Valley ». Ces représentations statistiques de la société cherchent à organiser le monde d’une certaine façon.  Le sociologue identifie quatre types d’algorithme de classement en fonction des sites et des réseaux sociaux : popularité, autorité, réputation et prédiction. Tous ces mondes sont différents : c’est pourquoi « En entrant dans les algorithmes on peut les politiser pour savoir quel monde nous voulons ».  En ouvrant ces boites noires, on s’aperçoit que ces choix sont discutables et doivent être discutés. Les algorithmes des big data calculent les individus en fonction de leurs comportements passés. Si les personnes ont toujours les mêmes comportements (mêmes idées, mêmes goûts), les calculateurs les enferment dans leur régularité : si quelqu’un n’écoute que Béyoncé, il n’aura que Béyoncé ! En revanche, des comportements plus divers, des relations plus hétérogènes vont provoquer les algorithmes à élargir leurs choix et même à leur faire découvrir des horizons nouveaux ! « En calculant nos traces, les algorithmes reproduisent en fait les inégalités de ressources entre les individus. ». Pour reprendre la main par rapport aux multinationales qui gèrent les Big data, D. Cardon propose de faire « de la rétro-ingénierie, de la recherche, en s’appuyant sur l’Etat, sur le droit, sur les autorités ». Car, « en calculant par le bas et sans catégories, on fabrique aussi du racisme, du sexisme ou de la discrimination. ». Plutôt que de fuir le monde numérique, Cardon nous encourage à « passer en manuel » : développer une culture critique de ces outils, pour avoir prise sur nos données et sur la manière dont nous sommes calculés ».

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Villemendy, Arthur de. – La réalité virtuelle au cœur de la stratégie de Facebook. – L’Atelier, 31/03/15

Pourquoi Stephen Hawking et Bill Gates ont peur de l’intelligence artificielle ?France Culture, 08/07/15

Dominique Cardon « En calculant nos traces, les algorithmes reproduisent les inégalités entre les individus. » – Libération, 09/10/16

L’avenir de l’internet. – Arte, 02/02/16

Biseul, Xavier. – Transfo numérique « les avocats ne doivent pas être les taxis de demain ». – ZDNet, 03/04/16

Jaimes, Nicolas. – Comment les bots vont envahir Messenger … Et le reste d’internet.Journal du Net, 13/04/16

Champeau, Guillaume. – IA despotique, démocratie directe sur Mars, cyborgs … Les craintes et espoirs d’Elon Musk Numérama, 02/06/16

Tual, Morgane. – Intelligence artificielle : Google lance un groupe de recherche européen sur l’apprentissage. – Le Monde, 17/06/16

Blanchard, Cécile. – De quoi serons-nous capable avec le numérique ? Conférence de Jacques-François Marchandise. – Cahiers pédagogiques, 21/08/16

 

Livre numérique : comment expliquer ce retard au décollage ?

ebookIl y a près de dix ans, en 2007, au moment du lancement de la liseuse Kindle, le marché des e-books s’annonçait prometteur. Et aujourd’hui les livres numériques devraient avoir supplanté le papier comme les téléchargements musicaux l’ont fait pour le vinyle ! Or, si le secteur de l’édition se porte bien, en France comme dans le monde, c’est essentiellement dû aux livres imprimés.

Comme le rappelle Edouard Laugier dans le Nouvel Economiste, le livre est le premier marché culturel du monde : « en 2014, les ventes mondiales  ont généré 125 milliards de dollars de revenus » (Kurt Salmon). Le livre numérique représente 15% du chiffre d’affaire global. En France aussi, le livre est la première industrie culturelle avec un chiffre d’affaire de 4,06 milliards € (GFK). Au niveau mondial, les e-books représentent 10% des ventes, 25% dans le monde anglo-saxon et 2 à 3% en France …

Il faut reconnaître qu’en France, la consommation de produits culturels numériques est moins importante que dans d’autres pays développés, exception faite de la musique. Comme l’explique Christophe Bys dans l’Usine digitale, seuls 9% de Français souscrivent à une offre de vidéo à la demande, contre 60% aux Etats-Unis, 23% au Royaume Uni et 19% en Allemagne … Il est vrai que les publics valorisent de plus en plus la logique de l’accès (streaming) à celle de la propriété (achat de produits), sauf en matière de jeux vidéo où l’hybridation domine entre dématérialisation (jeux en ligne) et matériels (console +jeux).

Marché et consommation de e-books en France llc_droit_d_auteur

Alors qu’aux Etats-Unis les livres numériques représentent 25% du marché du livre, d’après le baromètre KPMG, la consommation de livres numériques en France est inférieure à 2% en 2015 et 74% des Français ne comptent pas en lire selon un sondage Opinion Way ! Néanmoins, le nombre de lecteurs de livres numériques  est en légère augmentation (20% de la population française) d’après les enquêtes 2016 du 6e Baromètre sur les usages du livre numérique (Sofia-SNE-SGDL), les deux supports « coexistent dans un marché stable qui confirme la pratique d’un usage mixte». Si la demande est si faible, l’offre est plutôt opaque et les éditeurs traditionnels hésitent à abandonner la proie pour l’ombre virtuelle des ouvrages.

Pourtant le processus numérique est bien intégré dans la production éditoriale : rédaction, édition et fabrication informatique ont permis de réduire les coûts et les délais et d’améliorer la productivité. Il en est de même pour la gestion des catalogues et les bases de données clients. Si 62% des éditeurs disposent d’une offre numérique (surtout les grandes maisons), la promotion des e-books a bien ralenti depuis 2011 surtout en raison de difficultés dans la commercialisation et la compréhension du marché. En fait, comme l’explique Clément Solyme dans son article d’Actualitté, « le numérique pour les éditeurs, ce ne sont pas des coûts en moins, mais des recettes en plus ». En effet, sur les grandes ventes, le coût de fabrication ne fait pas vraiment la différence et les coûts de stockage sont réduits grâce à la technologie. Aujourd’hui, on imprime seulement pour trois mois, puis on réédite si nécessaire …

Seul le secteur professionnel et universitaire profite de la révolution numérique : les éditions juridiques et scientifiques sont très numérisées. Les éditeurs de revues STM (sciences, technologies, médecine) réalisent 40% de leur chiffre d’affaire grâce aux publications numériques et jusqu’à 80% aux Etats-Unis ! Quant aux ouvrages juridiques, la mise à jour est quasi-directe depuis les tribunaux …

Freins à la consommation : les prix, la TVA

app_ebook_bundleUn des principaux atouts des plateformes d’e-books au début de leur lancement, était les prix attractifs, avec le plafond de $ 9.99 initié par Amazon. Et ce, avec un confort de téléchargement immédiat ; il suffisait de cliquer sur un titre sur sa liseuse ou sur l’ordinateur et l’ouvrage est immédiatement téléchargé, et le compte débité aussi vite ! Or, l’année dernière, les principaux éditeurs américains ont décidé d’une augmentation substantielle : on a immédiatement assisté à un renversement du marché : une baisse de 11% des ventes d’e-books entre 2014 et 2015 ! Le marché est très « price sensitive », certaines différences de prix sont jugées insuffisantes pour passer du papier au numérique, l’écart de prix est d’environ 30% : ex : 20 € l’exemplaire papier, 13,99 € pour l’e-book. Ce dernier peut même être plus cher que le livre papier comme dans le cas des livres de poche …. Le ‘juste prix’ pour les e-lecteurs se situerait autour de 7€.

Mais c’est essentiellement l’arrivée de l’iPad d’Apple qui a imposé des prix plus élevés (plus de 17%) sur sa plateforme iBooks suite à une entente avec six éditeurs ! Ensuite, Amazon a imposé de nouvelles conditions contractuelles … La plupart des éditeurs traditionnels ont augmenté leurs prix, ce qui a rendu les e-books moins accessibles pour les lecteurs.

Mais ces éditeurs ne représentent pas l’ensemble de la publication des livres numériques. D’après Clément Solyme, aux Etats-Unis, sur 10 000 titres vendus en mai 2015, 27% sont publiés par des grands groupes au prix moyen de $8,22 et 73% par des petits éditeurs ou par autopublication, au prix moyen de $4,58. En fait, comme le souligne une étude citée par The Guardian, la baisse du marché numérique ne prenait en compte que la moitié des e-books vendus aux Etats-Unis. Rappelons aussi qu’en France, plus de la moitié des lecteurs de livres numériques (59%) les acquièrent gratuitement car ceux-ci appartiennent au domaine public.

Au niveau de la TVA, si la France a adopté depuis un an un faible taux de TVA (5,5%), la plupart des  pays de l’Union européenne conservent encore un taux élevé pour les e-books, jusqu’à 20% au Royaume Uni. Mais la Commission a prévu une baisse du taux pour fin 2016.

Autres freins : liseuses, formats, DRM drm

Aux Etats-Unis, le marché des liseuses est saturé : il a été évincé par la multiplication des smartphones et des tablettes qui séduisent par leur aspect multisupports. Comme le dit Hervé Essa , cité par Edouard Laugier dans le Nouvel Economiste, « les liseuses sont des équipements marginaux. Le secteur de l’édition n’a pas anticipé cette demande des publics. Les offres ne sont ni marketées, ni adaptées aux usages. ». Michel Beck dans Numérama ajoute même que la chaîne de librairies britannique Waterstones a enlevé les Kindle de ses vitrines… Et ce n’est pas le dernier-né des Kindle, Oasis, lancé cette semaine, qui inversera cette tendance. Malgré de nombreux atouts en plus de l’encre électronique (éclairage LED, batterie qui dure plusieurs mois, option pour gauchers, etc.), Amazon le propose à un prix (près de 300 €) qui en dissuadera plus d’un … !

En France 4% des foyers sont équipés de liseuses et 10,7 millions d’unités achetées.

Mais si le e-book a des avantages au niveau de la mobilité, ce produit présente des handicaps par rapport au livre physique : dans la plupart des cas, la revente, le prêt ou le don ne sont pas permis par les conditions d’utilisation. Les DRM (dispositifs techniques de gestion d’une œuvre numérique) agissent comme des verrous pour empêcher les possesseurs d’un livre numérique de le partager, de le diffuser ou de le revendre. Seule solution pour partager des œuvres entre proches, paramétrer toutes les liseuses de la même famille avec le même compte … ! Evidemment, cela n’est possible qu’avec un même format de liseuse : Kobo (FNAC), Kindle (Amazon) ou iBooks (Apple) … 13377-drm

Comme le rappelle Neelie Kroes, Commissaire européenne à l’économie numérique, citée par Joaquim Rodriguez  dans Publishing Perspectives « Quand vous achetez un livre papier, il est à vous et vous pouvez l’emporter où vous voulez. Cela devrait être la même chose avec un e-book. Aujourd’hui, on peut ouvrir un même document dans plusieurs ordinateurs, pourquoi n’en serait-il pas de même pour un e-book sur différentes plateformes avec différentes applications. » Malgré la résistance des éditeurs, Neelie Kroes rappelle que l’interopérabilité des formats est à l’ordre du jour dans l’agenda numérique européen.

Pour Coralie Piton, directrice du livre à la FNAC, interviewée dans Numérama « Il faut trouver un modèle qui protège l’ensemble de la filière », mais pas question d’abandonner les DRM qui les protègent contre les pirates. C’est pourtant ce qu’a choisi Bragelonne en préférant le tatouage numérique  plutôt que les verrous. Les responsable de cette maison sont « convaincus que le seul moyen de combattre le piratage, c’est de créer une offre légale qui convient aux attentes des lecteurs. ».

Cette idée d’une protection « user friendly » est aussi celle des DRM LCP (Lightweight Content Protection), solution développée par le consortium Readium qui se présente comme l’alternative européenne à la DRM Adobe pour le format EPUB qui permet l’interopérabilité des formats. On pourra ainsi consulter un e-book sur n’importe quel appareil. Ces DRM ‘poids plume’ sont destinés prioritairement au prêt en bibliothèques à travers le système PNB. Mais la concurrence, notamment Adobe et les sociétés américaines, ne l’entend pas de cette oreille et menace de lancer une guerre des brevets … !

Cette mesure permettrait de desserrer un peu le carcan des e-books qui n’ont pas encore acquis la légitimité d’œuvres autonomes en France au moment où l’Assemblée nationale rejette l’amendement permettant de créer un dépôt légal numérique. La BNF ne peut que moissonner les œuvres sur le web et les robots d’archivages risquent de ne pas voir les ouvrages protégés par des DRM …

Beck, Michel. – Qui veut la peau du livre numérique ?Numerama, 22/01/16

Beuve-Méry, Alain. – La résistible ascension du livre numérique. – Le Monde, 24/02/16

Un marché stable qui confirme la pratique d’un usage mixte. – Baromètre Sofia/SNE/SGDL, 16/03/16

Rodriguez, Joaquim. – Will Ebooks Ever Circulate Freely in Europe ?Publishing Perspectives, 22/03/16

Laugier, Edouard. – Le livre numérique, l’innovation dont personne ne veut vraiment. – Le Nouvel Économiste, 22/03/16

Hoang, Kristine. – AAP :Ebooks Sales Down 12.7 Percent.Digital Book World, 22/03/16

Solym, Clément. – L’intérêt pour le livre numérique décline, ou les prix  sont devenus moins attractifs ?Actualitté, 23/03/16

Oury, Antoine. – L’Association des Bibliothécaires de France favorable à un dépôt légal numérique. – Actualitté, 31/03/16

Bys, Christophe. – Les industries culturelles doivent se transformer plus vite que leurs clients se digitalisent. – Usine digitale, 04/04/16

Hugueny, Hervé. – Jean-Claude Junker redit son soutien à une TVA unique numérique/papier. – Livres Hebdo, 05/04/16

Woitier, Chloé. – L’industrie européenne du livre veut offrir une alternative à Amazon.Le Figaro, 07/04/16

Oury, Antoine. – La DRM LCP : grands enjeux, risques élevés. – Actualitté, 11/04/16

Berne, Xavier. – La TVA réduite pour les ebooks et la presse en ligne : une proposition législative fin 2016. – Next INPact, 11/04/16

 

 

Libre accès et partage des données de la recherche … Vers une science ouverte ? I – Publications en libre accès

actu_edition-scientifique-passe,-present-et-perspectives_22_2000_2000_MAX_2b768Deux dispositions, adoptées dans le cadre du Projet de loi numérique vont sensiblement changer le travail des chercheurs en France. Elles concernent, d’une part la publication en libre accès d’articles scientifiques dans certaines conditions, d’autre part le traitement et la fouille automatique de données dans un corpus constitué.

Des parlementaires déterminés ont bravé l’opposition des éditeurs et même d’une partie du gouvernement pour faire passer certains amendements !

L’article 17 de la future loi pour une République numérique permet aux auteurs dont les travaux sont financés à hauteur de 50% sur fonds publics de mettre gratuitement en ligne leurs articles, au terme d’un délai maximum de de 6 mois après la première publication (12 mois pour les Humanités/SHS), même si l’auteur a accordé l’exclusivité à un éditeur ! Ce droit s’étend aussi à d’autres publications comme les actes de congrès et de colloques ainsi que les recueils de mélange. Les données associées aux articles sont aussi concernées. Comme le souligne Axelle Lemaire sur France Inter, citée par Actualitté « La recherche, si elle n’est pas ouverte, si elle n’est pas internationale, si elle n’est pas partagée avec la communauté des chercheurs la plus élargie possible, eh bien elle ne rayonne pas. Donc, moi je me pose la question : est-ce bien le gouvernement qui se veut le fossoyeur de la recherche en 2016, lorsqu’il cherche à étendre le périmètre d’influence des chercheurs, ou sont-ce les éditeurs ? »

En matière de données de la recherche, une série d’amendements a été adoptée en faveur de la fouille automatique de texte et de données (TDM, Text and Data Mining) contre l’avis du gouvernement et même du rapporteur ! Comme le fait remarquer Andrea Fradin dans son article sur l’Obs/Rue 89, malgré l’avènement du Big data et de ses outils de traitement, il était jusqu’alors impossible pour les chercheurs d’extraire automatiquement des mots ou des données d’un corpus de documents informatisés. Avec cet amendement, la France devance même l’UE en la matière, celle-ci n’ayant pas encore statué sur la question. Axelle Lemaire s’était d’ailleurs abritée derrière cet argument pour ne pas prendre parti, préconisant d’attendre la directive européenne …

Ces deux dispositions vont permettre à la recherche française d’être moins dépendante du lobby de l’édition scientifique. En effet, comme le rappelle Pierre Carl Langlais sur son blog Hôtel Wikipedia, « dans l’édition scientifique, les auteurs ne sont jamais payés (ils paient même pour être publiés) ».open-access-button_logo

Libre accès : voie verte, voie dorée … Ou en diamant !

La voie dorée, c’est la stratégie que certains éditeurs ont trouvé pour répondre au mouvement du libre accès (Open Access Initiative) lancé en 1996 : obliger les chercheurs à payer pour voir leurs travaux publiés … Et les lecteurs pourront y accéder gratuitement ! La ‘voie dorée’ (gold open access) se positionne par rapport à la ‘voie verte’ (green open access) en mettant en avant la qualité d’une édition scientifique professionnelle avec surtout la sélection et l’évaluation des articles par des spécialistes (‘peer review’). Tout n’est pas à condamner à priori dans ce modèle et certains auteurs y trouvent leur compte … Mais il existe des éditeurs qui sont de véritables prédateurs : c’est ce que démontre Jeffrey Beall, bibliothécaire chargé des publications en ligne et professeur associé à l’Université de Denver, Colorado dans une interview à Scholarly Kitchen. Contacté par de nombreux éditeurs ‘gold’, il s’est rendu compte, que pour certains « leur mission n’était pas de promouvoir et rendre disponibles les travaux de recherche mais plutôt d’exploiter le modèle de gold open access ‘auteurs-payants’ ». Pour lutter contre cette déviance et permettre aux chercheurs de choisir les revues pour leurs publications en connaissance de cause, Beall a publié une liste noire de ces éditeurs.

Les chercheurs déposent de plus en plus leurs travaux sur des plateformes de partage comme Academia.edu ou ResearchGate. Mais ces sites gratuits ne semblent pas présenter toutes les garanties de sécurité et de sérieux nécessaires à des publications scientifiques … 497671-rea-197588-011-580x310

Pour dépasser ces problèmes et les conflits d’intérêt qu’ils pourraient occasionner, le Comité des sciences sociales de Science Europe, propose une « voie de diamant », ou plutôt un ‘engagement de diamant comme le souligne Marin Dacos dans son post sur Blogo-numericus. Avec cet engagement les « productions scientifiques seront nativement numériques et nativement en accès ouvert, sans frais à payer pour l’auteur (APC : Articles Processing Fees) ». Pour cela les auteurs devront demander aux éditeurs l’autorisation de déposer leur publication dans une archive ouverte sous la forme de ‘postprint’ (version auteur acceptée et revue par les pairs avant correction et mise en page par l’éditeur). Les éditeurs gardent ainsi une certaine marge dans leurs publications. Marin Dacos regrette que ce dispositif ne concerne que les archives ouvertes, comme SPIRE de Sciences Po, et ne prend pas en compte les plateformes de publications comme Revues.org ou OpenEditionBooks. Sonia Livingstone, professeur en media et communication à London School of Economics (LSE), interviewé sur The Impact Blog, apprécie beaucoup la facilité et le professionnalisme des archives ouvertes et notamment LSE Rechearch Online, le dépôt institutionnel de la LSE. Elle y dépose toutes sortes de travaux : articles, mais aussi rapports de recherche, questionnaires, chapitres d’ouvrages, etc. La chercheuse préfère aussi déposer la version ‘postprint’, prête à être publiée. Et si ses articles sont encore sous paywall (embargo d’un ou deux ans) chez un éditeur commercial, les résultats d’une recherche sur Google Scholar affichent les PDF disponibles dans le dépôt de la LSE.

Martin Haspelmath a une autre vision pour cet engagement dans son post sur Free Science Blog ; il part d’abord d’un constat : le mouvement open access stagne. Malgré le fait qu’un sixième de toutes les publications est en libre accès, la majorité des abonnements (payants) est stable. Les experts en OA n’en cherchent pas la raison. Pourtant l’explication est simple, personne n’a envie que ça change : les éditeurs font des bénéfices avec leurs abonnements et les chercheurs ont besoin des éditeurs pour publier dans des revues prestigieuses pour leur carrière … ! Or les publications scientifiques ne sont pas un service qu’on peut déléguer à un prestataire extérieur (outsourcing), elles sont une partie intégrale du processus scientifique. Ce sont seulement quelques aspects techniques comme la mise en page ou l’hébergement qui peuvent sous-traités à des fournisseurs extérieurs. Ce que propose ce chercheur, c’est que les pouvoirs publics et les universités financent des éditions universitaires plutôt que d’arroser les maisons d’éditions commerciales. Chaque éditeur institutionnel pourrait créer un bouquet de revues prestigieuses et les financer comme on paye pour le personnel et les bâtiments de la recherche. Les lecteurs et les auteurs n’auraient rien à payer pour ces revues en accès libre ‘diamant’. Les financeurs tireront profit de ces investissements de la même façon qu’ils tirent profit de la recherche : en accroissant leur prestige !

Comme le souligne Sonia Livingstone, « tous les chercheurs doivent repenser leur attitude en matière de publications scientifiques … Je me réjouis de la lutte (encore incertaine) entre la propriété [intellectuelle] et l’accès au savoir ».

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Dacos, Marin. – Un engagement de diamant pour l’open access : position du Comité des sciences sociales de Science Europe. – Blogus numéricus, 18/08/15

Contribution de l’ABDU à la consultation nationale « Ambition sur le numérique » : TDM et open access. – ABDU, 09/15

Livingstone, Sonia. – Five minutes with Professor Sonia Livingstone on the benefits of open access and institutional repositories : entretien. – Impact of Social Sciences, 20/10/15

Lau-Suchet, Soliné. – Les enjeux de la science ouverte : retour sur les 6es journées « open access » (1/4) #OA. – Bulac, 23/10/15

« Open access » pour les revues scientifiques : il faut plusieurs modèles. – The Conversation, 10/11/15

Projet de loi pour une République numérique. – Assemblée nationale, 09/12/15

Report on Berlin 12 Open Access Conference. – Association of Research Libraries, 18/12/15

Haspelmath, Martin. - How to switch Quickly to diamond open access: the best journals are free for authors and readers – Free Science Blog, 28/12/15

Clavey, Martin. – Publications scientifiques : l’open access va entrer dans la loi. – Educpros, 09/12/15

Archives ouvertes et licences Creative Commons : des synergies à conforter. – S.I.Lex, 19/01/16

Mazin, Cécile. – Axelle Lemaire : Le gouvernement, fossoyeur de la recherche ou les éditeurs. – Actualitté, 20/01/16

Langlais, Pierre-Carl. – Vite, une loi pour garantir l’accès aux connaissances. - Hôtel Wikipédia – L’Obs-Rue 89, 20/01/16

La CPU et le CNRS demandent la libre diffusion des publications scientifiques et des fouilles de données à la mesure des enjeux scientifiques. – CNRS : communiqués de presse, 21/01/16

Academic social networks and Open Access: French Researchers at the Crossroads. – InfoDoc Microveille, 24/01/16

Esposito, Joseph. – An Interview with Jeffrey Beall. – Scholarly Kitchen, 08/02/16

 

 

Numérique : quelques prévisions pour 2016

mail-delivery-what-1900-french-artists-thought-the-year-200-would-be-likeRien de particulièrement révolutionnaire dans les différentes prédictions pour 2016. Les principales tendances amorcées ces dernières années se confirment : prépondérance des appareils mobiles, cloud et mégadonnées, automatisation et intelligence artificielle, notamment avec l’internet des objets et les villes connectées. On retrouve l’essentiel des prédictions tech/médias du rapport Deloitte pour 2015, cité par Barbara Chazelles dans Méta-média : abandon de la télévision par les jeunes au profit des vidéos sur mobiles et généralisation des paiements mobiles ; renouvellement des smartphones (phablettes) ; internet des objets, imprimantes 3D et drones (surtout pour les entreprises). En revanche, les e-books ne décollent toujours pas, le livre papier conservant la préférence des lecteurs !

objets-connectesLa sécurité des protocoles et des applications va devenir le grand défi dans le contexte des mégadonnées et de l’internet des objets comme le souligne Mike Martin, responsable de la société d’engineering internet Nfrastructure, dans l’interview accordée à ITBriefcase.

Au niveau de l’enseignement et de la formation, les Moocs et la formation en ligne et à distance investissent la formation professionnelle. L’intelligence artificielle pénètre aussi le champ de l’éducation avec la présence d’algorithmes qui vont intégrer l’école et l’Université pour évaluer la progression des apprenants tout en recueillant une quantité importante de données personnelles, comme l’évoque Audrey Watters dans The algorithmic future of education

1200px-france_in_xxi_century._school1Enfin, les représentations visuelles évoluent aussi, c’est ce que démontre la banque d’image Getty Image avec les tendances 2016 Creative in Focus, expliqué par Alice Pairo dans Méta-Média : 6 types d’images se profilent pour 2016 : l’outsider, le divin, l’homme augmenté, le disgracieux, la solitude et le surréalisme ….!

Bonnes fêtes et meilleurs voeux pour 2016 !

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Chazelle, Barbara. – 10 prédictions tech/médias pour 2015 (Deloitte). – Méta-média, 04/02/15

Watters, Audrey. – The Algorithmic Future of Education. – Hackeducation, 22/10/15

IT Briefcase Exclusive Interview : Top IOT Trends and Predictions for Organizations in 2016. – IT Briefcase, 02/12/15

Pairo, Alice. – Social media : 10 tendances pour 2016. – Méta-média, 06/12/15

Les villes intelligentes connecteront 1,6 milliards d’objets communicants en 2016. – L’embarqué, 08/12/15

Économie du numérique : Axway dévoile 10 prévision pour 2016. – Axway, 08/12/15

Noirfontaine, Elisabeth. – L’internet des objets, allié des ressources humaines ou outil de déshumanisation du travail ?Usine digitale, 22/12/15

Larcher, Stéphane. – Google travaille sur une messagerie instantanée dopée à l’IA et aux chatbots. – L’informaticien, 23/12/15

Cavazza, Frédéric. – Mes 10 prédictions pour 2016. – FredCavazza, 23/12/15

Pairo, Alice. – 6 tendances visuelles pour 2016. – Méta-média, 23/12/15

Ezratty, Olivier. – Méta-prédictions pour 2016. – Opinions libres, 27/12/15

Environnement et numérique : opposition ou complémentarité. Le cas des « cleantechs »

logoCop21Apparus tous deux dans les années 1970, les enjeux de l’environnement et du numérique sont souvent associés dans les ruptures sociétales du 21e siècle (les premiers ‘geeks’ étaient souvent écolos), mais aussi opposés en raison de l’énorme consommation énergétique et des pollutions provoquées par l’usage des technologies de l’information et de la communication. L’empreinte écologique d’internet et des dispositifs numériques a notamment été interrogée et suspectée de participer au dérèglement climatique. Un certain nombre d’associations ont tiré le signal d’alarme et on assiste depuis quelque temps à des propositions de solutions ‘propres’ et responsables aussi bien de la part de grandes sociétés que de jeunes pousses, les ‘cleantechs’.

L’empreinte écologique : la consommation énergétique du numérique

L’internet pèserait 300 millions de tonnes de CO2 par an d’après le site Ecolo Info. Quant aux data centers, ils représenteraient à eux seuls près de 3% des 10% de l’électricité mondiale consommée par l’écosystème numérique d’après le blog de Completel. Comme l’a rappelé Axelle Lemaire lors de sa présentation des cleantechs ambassadrices à la COP21 le 30 novembre, les seuls mails du Ministère (Bercy) consomment l’équivalent de 14 allers-retours Paris-New-York !

On pourrait multiplier les chiffres, cela n’épuiserait pas le sujet …. C’est ce qu’explique Hubert Guillaud dans son dernier post : si la consommation énergétique d’internet s’est sensiblement réduite depuis quelques années, l’augmentation des utilisateurs du réseau et surtout la consommation croissante d’énergie par chacun (multiplication des appareils mobiles, même s’ils consomment moins que les fixes) augmente la consommation énergétique globale, surtout en raison de la consommation de données distantes et particulièrement de vidéos.

Ce qu’il faudrait c’est une « limitation de vitesse » sur internet comme sur l’autoroute … Le réseau des réseaux serait peut-être un peu moins performant mais plus durable dans une économie décarbonnée ! Si les géants du Net (Apple, Facebook, Google) font des efforts pour utiliser des énergies renouvelables dans leurs data centers, comme le reconnaît Greenpeace, cité par Guillaume Serries dans son article sur ZDNet, Microsoft est obligé d’admettre, en revanche, que « sa neutralité carbone », réalisée depuis 2012, est remise en question par la croissance des services de cloud …empreinte-ecologique-avenir-investir

Ces grandes infrastructures (data centers, cloud) ne sont pas les seules en cause dans la surconsommation d’énergie : tous les appareils en mode ‘veille’ sont également impliqués. En outre, de plus en plus d’équipements domestiques et industriels doivent rester en permanence en fonctionnement : ordinateurs de bureau, serveurs, routeurs, caméras de surveillance …

L’empreinte écologique : les pollutions chimique et électronique

Notre communication quotidienne ne pourrait pas se réaliser sans le concours de matériaux toxiques indispensables (jusqu’à présent) à la fabrication des appareils mobiles, notamment pour les batteries : les ‘terres rares’ ou lanthanides. Comme le souligne l’article de Géo : « l’extraction et le traitement des terres rares polluent et produisent des déchets toxiques ». Et évidemment, cette extraction se passe souvent dans les pays du Sud et dans des conditions souvent indignes : « en Mongolie intérieure, la radioactivité mesurée dans les villages près de la mine de Baotou serait 32 fois supérieure à la normale (contre 14 fois à Tchernobyl) » !

Une solution serait le recyclage des déchets électroniques pour répondre à la demande croissante de terres rares. Mais là aussi, ce n’est pas toujours le comportement responsable qui prévaut dans cette industrie. Le recyclage des ‘Déchets d’équipements électriques et électroniques’ ou D3E est très contrôlé et encadré en France et en Europe, comme l’explique la FAQ de Future Arte, mais il existe un trafic international d’exportations illégales de déchets électroniques où les conditions de travail et d’exploitation de matériaux échappent à toute réglementation … !

Un peu plus controversé, l’effet nocif des ondes électromagnétiques. Des cas de personnes électrohypersensibles ont été reconnus, dus à l’intolérance aux ondes électromagnétiques provenant des équipements de téléphonie mobile dans l’environnement. Même si l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement française (ANSES) estime que les données scientifiques ne montrent pas d’’effet avéré’ des ondes sur la santé, elle préconise néanmoins un certain nombre de précautions aux personnes hypersensibles, les effets à long terme étant encore inconnus (article de TVinfo). En revanche, les associations comme EHS-MCS préconisent une totale isolation du système numérique aux personnes électrohypersensibles !

Le numérique au secours des dérèglements climatiques : désinvestissement des énergies fossiles et investissement dans l’économie décarbonnéecampaign_di_0

Tous les jours, de grandes entreprises, des institutions et des collectivités locales abandonnent les énergies fossiles pour investir dans l’énergie propre. Lors de la présentation Cleantech, Pascal Canfin évoque $ 500 milliards d’investissement public et privé dans des projets qui contribuent à la décarbonisation de l’économie.

De grands patrons de multinationales dont plusieurs du secteur numérique (Bill Gates de Microsoft, Jeff Bezos d’Amazon, Marc Zuckerberg de Facebook, Xavier Niel de Free, Jack Ma d’Alibaba, etc.) ont fondé l’initiative « Breakthrough energy coalition » qui a pour objectif est d’investir dans les technologies d’énergie propre en misant sur les entreprises émergentes.

Ces initiatives sont révélatrices de l’émergence d’une disruption dans l’industrie et l’économie mondiale. Pascal Canfin a comparé la situation actuelle à celle de l’Europe à la veille de la Première guerre mondiale : dans les années 1900, Paris était envahi par le crottin de cheval qui représentait une véritable pollution à l’époque … Le développement de l’automobile pendant la guerre de 14 a fait disparaître ce problème (tout en créant un autre). Pour parvenir à une économie décarbonnée, neutre en carbone en 2060, il n’y a pas d’autre moyen que la jonction de l’économie verte et de l’économie numérique. En 2006, Nicolas Stern, chef du service économique britannique, a présenté dans un rapport indépendant (Stern Review) le caractère inéluctable du changement climatique et analysé ses coûts et conséquences sur la croissance et le développement. Cet économiste, qui est à présent le vice-président de la Banque Mondiale, a démontré que si on n’apportait pas de solutions durables à ce problème, le changement climatique risquait de coûter plus cher à l’économie mondiale … !

La COP21 représente une partie de ce défi (politique mondiale), mais il faut aussi que des entrepreneurs le relèvent aussi. L’économie contemporaine finance encore trop de projets avec l’énergie fossile …

L’innovation au service du climat : la recherche-développement des ‘cleantechs’

climate-solutions-idea-bulb-lead-972x514Comme l’a souligné Axelle Lemaire, il y a urgence à apporter des solutions par l’innovation. C’est pourquoi la French Tech se met au vert. Le numérique est devenu une transition nécessaire dans la transition écologique.

Des géants industriels aussi bien que des universités et des centres de recherche ont fait le pari de l’innovation en soutenant des jeunes pousses.

Au côté de grands groupes, les organismes de recherche participent à une exposition au Grand Palais pour présenter au public l’action des scientifiques sur la question climatique à l’occasion de la COP21. Les chercheurs partagent leurs connaissances avec les visiteurs et présentent des solutions pour lutter et s’adapter au changement climatique. L’INRIA, représentant la recherche en informatique et automatique, est partie prenante de plusieurs projets (énergie alternative, recyclage des déchets, transport, ville intelligente).

Au niveau des entreprises innovantes, les start-ups ‘greentech’ ont l’avantage d’être agiles et participatives. Sur les 21 start-ups sélectionnées pour être les ambassadrices à la COP21, 13 ont été choisies par le public. Le contenu des solutions numériques est aussi transversal et transdisciplinaire. Certaines solutions permettent le suivi précis et prédictif des consommations d’énergie. L’intelligence des mégadonnées permet de créer des ‘smart data’, notamment avec des objets connectés et de promouvoir de nouveaux usages, comme l’application Plume Labs. Créée par une équipe de jeunes ingénieurs pour démocratiser l’accès à l’information concernant la qualité de l’air urbain, cette start-up française permet aux utilisateurs de suivre, prédire et réduire leur exposition à la pollution de l’air !

Ces jeunes pousses s’appuient aussi bien sur la participation du public que sur un partenariat industriel public et privé. Ces initiatives ne sont qu’un premier pas dans un cercle vertueux qui devrait amener à une prochaine révolution industrielle. C’est le thème du Forum de l’OCDE qui doit se tenir à Paris les 14 et 15 décembre 2015.

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HM Treasury – Cabinet Office. – Stern Review on the Economics of Climate Change. – The National Archives, [2006]. Pdf.

Rapport Stern : coût des changements climatiques.Réseau Action Climat France, 12/10/06

Manach, Jean-Marc. – Ecologie : le numérique fait partie de la solution, pas du problème. – InternetActu, 14/04/09

Livre ou Ipad ?Carbone 4, 2012 [Métro, 03/03/11]

La Porte, Xavier de. – Energie, pollution et internet. – InternetActu, 01/10/12

Flipo, Fabrice ; Dobré, Michèle ; Michot, Manon. – La face cachée du numérique : l’impact environnemental des nouvelles technologies. – Paris, L’Echappée, 2013

Weiler, Nolwlenn. – Cette empreinte écologique que les consommateurs ont bien du mal à voir.Bastamag, 20/01/14

Le numérique c’est plus écologique ? Kaizen, 22/04/14

Paris désinvestit des énergies fossiles. Maison de la Chimie, 1er Septembre 2015. – European Greens.

Redefining industrial revolution : OECD 2015 Green Growth and Sustainable Development Forum (14-15 December 2015, Paris). – OECD Insights, 07/11/15

21 start-ups des cleantechs ambassadrices de la French Tech à la COP21 : le concours du 12 au 27 novembre 2015/ Sous le haut patronage du Ministère de l’Economie, de l’industrie et du Numérique. – Dossier de presse pdf.

Serries, Guillaume. – COP21 : quid de l’impact des data centers ? ZDNet, 27/11/15

COP21 : La recherche se mobilise pour le climat. Solutions Cop21, Paris 2015. – Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, 27/11/15

Breackthrough Energy coalition. – [28 November 2015]

Dolan, Kerry A. – Bill Gates, Mark Zuckerberg & more than 20 other billionaires launch coalition to invest in clean energy. – Forbes, 29/11/15

Jost, Clémence. – COP21 : nos pratiques numériques sont-elles écologiques ? Archimag, 30/11/15

Guillaud, Hubert. – Avons-nous besoin d’une vitesse limitée sur l’internet ?InternetActu, 01/12/15

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Le « Meilleur des mondes » des GAFA : l’intelligence artificielle et les biotechnologies aux commandes des « Big companies » du Net

1cf44d7975e6c86cffa70cae95b5fbb2-2Les GAFA (Google Apple Facebook Amazon) – que l’on devrait désormais appeler AAFA, Google, le moteur de recherche historique n’étant plus qu’un département de l’entité Alphabet qui couvre plusieurs champs de recherche – misent de plus en plus sur l’intelligence artificielle et les sciences et technologies de la santé dans leur course à l’hégémonie sur la toile …

Si XLab, labo de recherche  de Google a déjà lancé la Google Car (voiture autonome) et les Google Glasses (lunettes de réalité augmentée), d’après 01Net « M », l’assistant personnel de Facebook nous promet de trouver le cadeau idéal pour nos ‘amis’ en utilisant les millions de données personnelles que le réseau social recueille (à leur insu souvent …) sur le web. Avec un milliard d’utilisateurs, c’est un jeu d’enfant !

Mais, qu’il s’agisse de mégadonnées (big data) ou d’intelligence artificielle, on reste encore dans l’informatique, or les Géants du net ont voulu se diversifier dans un domaine qui va prendre de plus en plus d’importance au 21e siècle : la santé et les biotechnologies. C’est Bill Gates, l’ancien patron de Microsoft qui s’est lancé le premier avec sa fondation contre le paludisme.

Comme l’explique Olivier Ertzscheid dans Rue 89, Le Web 4.0 sera celui du génome : on est passé du web 1.0 qui a permis d’indexer des documents et de les rechercher (moteurs de recherche) au web 2.0, le web social qui recense les profils sur les réseaux sociaux ; avec le web 3.0 on passe aux objets connectés et au World Wide Wear « où le corps devient une interface comme les autres ». Après cela, après les plateformes de l’’économie du partage’ qui concurrencent de plus en plus de secteurs traditionnels, que reste-il à indexer ? L’ADN. C’est ce champ que les big companies vont investir pour créer le « web généticiel ». Olivier Ertzschied cite une étude du MIT l’Internet de l’ADN « dont l’objectif est de documenter chaque variation de chaque gène humain et de déterminer quelles sont les conséquences de ces différences ». Il évoque ainsi la possibilité « de structurer une économie de ‘servicialisation’ du vivant ». Dans cette bio-économie, Google est, bien sûr, très présent. Mais pour le moment, en dehors des délires transhumanistes du gourou Ray Kurtzweil, fondateur de la Singularity University, dont le modeste objectif est de « vaincre la mort », la société de biotech Calico du groupe Alphabet, pose ses jalons. Elle vient de s’allier avec les laboratoires français SANOFI pour travailler sur le traitement du diabète ; la société de biotechnologie avait déjà réalisé un partenariat avec la firme de santé Dexcom sur des minuscules capteurs permettant de mesurer le taux de glucose dans le sang et Google X avec Novartis pour des lentilles de contact connectées pour le même objectif, mais là à partir des larmes … !090422165949

Les autres grands acteurs du net s’investissent aussi dans d’autres secteurs comme les plateformes de services ou les objets connectés. « Amazon Home Services » connecte l’internaute à des professionnels de services à domicile, du plombier au professeur de yoga comme l’indique Charlotte Volta dans un post de l’Atelier, tandis que le Pentagone s’allie à Apple pour créer des objets connectés militaires (article du Monde Informatique).
Google se retrouve évidemment dans ce genre de plateformes, la société prévoit même de lancer sa propre place de marché permettant de connecter les internautes avec les fournisseurs de services directement, à partir de la page de résultats ! Quant aux TICE et à l’éducation en ligne, Google a déjà sa plateforme, cf post de Frédéric Lardinois sur Techcrunch, et propose son école en ligne devançant toutes les réformes des éducations nationales ! Toujours au niveau de l’éducation, Amazon fournit désormais les manuels scolaires aux écoles de New York pour une période de trois ans. Mais, comme le souligne l’article d’Actualitté, les e-books comportent des DRM qui les rendent impossibles à utiliser pour les malvoyants …

Mais les géants du Net ne sont pas tous américains … Alibaba, la star montante chinoise investit aussi dans l’intelligence artificielle pour traiter les big data. C’est ce qu’explique Guillaume Périssat dans l’Informaticien : la société « vient d’ouvrir une plateforme cloud dédiée à l’analyse de grands volumes de données, mêlant deep learning, machine learning et analyse prédictive avec une puissance de calcul inégalée et une ergonomie à toute épreuve ».000010180_imageArticlePrincipaleLarge

Devant toutes ces initiatives, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation, on peut se poser la question : quid des États et des institutions internationales ? Or, comme le souligne le chirurgien Laurent Alexandre, cité par Hervé le Crosnier, invité des Matins d’été sur France Culture « Google et les autres géants du net sont plus puissants que les Etats. Quel Etat peut investir un milliard de dollars dans la recherche ? Pourtant, il est de la responsabilité du politique d’investir dans les nouvelles technologies ». Or comme rappelle Hervé le Crosnier, « un milliard c’est ce que Google doit au fisc français … ». Ces activités donnent un pouvoir énorme à ces entreprises : les algorithmes mis en œuvre permettent de comprendre beaucoup de choses à partir des données personnelles et à agir. Grâce à l’intelligence artificielle et au ‘deep learning’, ils peuvent non seulement classifier et interpréter les données recueillies, mais aussi analyser les émotions (ex : reconnaissance faciale des photos dans Facebook) et ainsi définir les « besoins » des utilisateurs. Des chercheurs de Cambridge assurent dans une étude pouvoir déduire l’âge, le genre, la religion et l’opinion politique des utilisateurs à partir des seuls « like » du réseau social … !

D’autre part, lorsque l’ont fait une recherche sur Google, le ‘Page rank’, l’algorithme du moteur de recherche, va sélectionner sur l’ensemble des résultats ceux qui correspondent le plus à l’utilisateur : à partir des recherches précédentes mais aussi de la géolocalisation (programmes du cinéma d’à côté, par ex.). Cet algorithme représente le modèle que Google se fait de ce que nous sommes. On arrive ici à la limite de la personnalisation.

Comme l’exprime Henri Verdier dans son blog, « C’est le réel lui-même qui est retranscrit en données, qui est analysé à un nouveau niveau de granularité ». Le ‘quantified self’, ce ‘moi quantifié’ peut traduire, à travers les mesures des objets connectés de bien-être (bracelets, vêtements), soit « un désir de maitrise de son propre destin, de connaissance de soi, soit une menace sur la vie privée […] la pénétration de l’empire du management dans la sphère la plus intime du corps ».

Comme le rappelle Sophie Coisne, rédactrice en chef de La Recherche, la médecine personnalisée, si elle peut apporter des réponses appropriées dans des cas très précis, peut aussi représenter un grand danger, par exemple dans le cas des médicaments adaptés à chacun, car on n’a plus aucun contrôle sur les données … Cela implique des protocoles de recherche qui coûtent des millions, un pur fantasme !

Il faut réfléchir à la question : « Qui fixe les buts ? La machine ou les humains ? » « Deviendrons-nous les ‘entrepreneurs’ de nos données, ou serons-nous progressivement enserrés dans des étaux, asservis voire ‘marchandisés’ » (Henri Verdier) ?

Il existe néanmoins des projets institutionnels dans ces technologies de pointe. L’Union européenne, à travers son programme H2020 présente 17 projets de robotique (robots industriels, bras articulés, humanoïdes de compagnie) impliquant de l’intelligence artificielle et des éléments de cognitique.

Il en est de même en France dans le cadre du Commissariat général à la Stratégie et à la Prospective qui a produit l’étude « La dynamique d’internet : Prospective 2030 ».

A la différence de ceux des Gafa, ces projets prennent en compte les contraintes juridiques liées aux données personnelles, du moins on peut l’espérer …

objets-connectes

France ; Premier Ministre ; Commissariat général à la stratégie et à la prospective. – La dynamique d’internet : Prospective 2030. – Études n°1, 2013. via Slideshare.

L’intelligence artificielle, le nouveau dada de Google. – ITespresso, 24/10/14

Bazin, Amélie ; Pacary, Jade ; Jean, Camille. – La lovotique : vers des machines reconnaissant les émotions ?Culturenum, 03/12/14 (U. de Caen – notes de synthèses par les étudiant(e)s).

Regalado, Antonio. – Internet of DNA. – MIT Technology Review, 2015.

European Commission ; CORDIS. – Robotics gets celebrated with 17 new projects under H2020.Cordis.europa, 27/01/15

Intelligence artificielle : jusqu’où iront les réseaux sociaux ?La Recherche, avril 2015

Voltat, Charlotte. – Quand les géants du Net s’attaquent à l’industrie du service.L’Atelier, 30/04/15

Ertzscheid, Olivier. – Le web 4.0 sera celui du génome, et il y a de quoi flipper. – Rue 89-L’Obs, 07/03/15

Belfort, Guillaume. – Google signe avec Novartis pour des lentilles de contact connectées. – Clubic, 15/07/15

Intelligence artificielle, transhumanisme : quel futur les GAFA nous préparent-ils ? – Avec Sophie Coisne et Hervé Le Crosnier. – Les matins d’été – France Culture, 19/08/15

Lardinois, Frédéric. – Google classroom gets an update ahead of new school year. – Techcrunch, 24/08/15

Périssat, Guillaume. – Alibaba lance une offre de service en intelligence artificielle destinée au Big Data. – L’informaticien, 25/08/15

Gary, Nicolas. – New-York signe avec Amazon, aveugle aux problème de lecture ? - Actualitté, 27/08/15

Facebook annonce « M », un assistant personnel intégré à la messagerie.01Net, 28/08/15

Filippone, Dominique. – Le Pentagone s’allie avec Apple pour créer des objets connectés militaires.Le Monde informatique, 28/08/15

Le Quantified self, pivot de la révolution des données. – Henri Verdier Blog, 30/08/15

Dove, Jackie. – Google Life Sciences teams up withe Sanofi to,take down diabetes. – The Next Web, 01/09/15

Fredouelle, Aude. – Quels sont les projets connus de Google X ?Journal du Net, 02/09/15


Loi numérique : quelle ambition pour la France ?

formationnumerique2En attendant le Projet de loi sur le numérique prévu pour la rentrée, Manuel Valls a présenté le 18 juin 2015 la stratégie numérique du gouvernement qui s’appuie sur le Rapport du Centre National du Numérique (CNNum) « Ambition numérique », synthèse de la concertation lancée en octobre 2014.

Comme le souligne la chercheuse Francesca Musini dans son interview sur la Commission parlementaire sur le numérique « Jusqu’à présent les parlements ont plutôt légiféré de façon réactive par rapport au numérique, sur des questions spécifiques. C’est une bonne idée d’essayer de faire autrement, d’avoir une réflexion sur le long terme. »

Le gouvernement a avancé 14 mesures qui reprennent plus ou moins les 70 propositions du rapport Ambition numérique (4 thèmes et 70 propositions ayant impliqué la participation de 5000 personnes et de près de 18 000 contributions en ligne … !)

Alors que les programmes précédents se limitaient souvent au champ économique ou à la propriété intellectuelle comme la LCEN (Loi pour la confiance en l’économie numérique) en 2004 et la HADOPI (Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet) en 2009, le projet de loi numérique 2015 envisage tous les domaines touchés par le numérique. Comme l’affirme Benoît Thieulin, Président du Conseil national du numérique dans la préface du rapport « plusieurs numériques sont possibles et il est temps de construire un numérique européen, plus politique, plus conforme aux promesses d’’empouvoirement’ comme à celles des pères fondateurs. Il revient à la France et à l’Europe de définir ce numérique et de mettre en place des
politiques publiques pour le construire. »

Politique et gouvernance de l’internet
Pour Axelle Lemaire, interviewée dans Le Monde, « la France ne peut pas « se permettre d’être passive dans cette révolution, nous devons mettre la barre le plus haut possible et imprimer le changement partout pour moderniser l’action publique ». »

– inscription de la neutralité du net dans la loi « Je souhaite inscrire dans la loi une définition claire de la neutralité du Net qui assure à tous un même accès aux réseaux à tous les opérateurs » Manuel Valls, Gaité Lyrique, 18/06/15.

– ouverture des données publiques déjà entamée avec Etalab. Instauration d’une administration générale des données. En 2016, la France prendra la présidence du « Partenariat pour un gouvernement ouvert » (Open Governement Partnership).

– instauration d’une « Charte des droits du citoyen et du numérique » avec le Conseil de l’Europe.

– création d’un « État plateforme » avec des API (interface de programmation d’application) pour interroger les bases de données de l’État et créer de nouveaux services

Économie : croissance, innovation, disruption
Intégrer les nouveaux paradigmes : rapidité de croissance, concurrence internationale et innovation sous toutes ses formes. Accélérer la transformation numérique des entreprises et fluidifier leurs relations : charte entre grands groupes et start-upsAxelle Lemaire :« Montrer que la France est un pays attractif, que nous y innovons, que nos entreprises décrochent des contrats ».

- A l’international : soutenir la montée en puissance de la « French Tech », rencontre entre start-ups et grands financeurs, mais aussi accompagner la révolution technologique des pays du Sud.

– Promouvoir une « économie de la donnée » avec la création de « données d’intérêt général » dans des secteurs clés : transport, santé, énergie et tourisme

– encourager la coopération entre entreprises traditionnelles et start-ups et la transition numérique pour les TPE et PME avec des services numériques pour chaque filière

Cependant, l’innovation numérique dans l’économie fera aussi l’objet d’une loi « Macron 2″ au second semestre comme le révèle la Lettre de l’Audiovisuel du 21/07.

Médiation numérique et protection de l’utilisateur

– Renforcer la médiation numérique pour accompagner son usage pour les particuliers

– Inspection par les services de la concurrence des « conditions générales d’utilisation » sur grands sites opérant en France

– modification de la loi sur les données personnelles ; possibilité de transporter ses données d’un service à un autre

– Régulation des plateformes pour protéger les utilisateurs sans brider l’innovation

Enseignement et recherche

– Favoriser une science ouverte par la libre diffusion des publications et des données de la recherche

– Mise en place de « la grande école du numérique »  : labellisation des formations centrées sur le numérique (universités, collectivités, associations)

– Déploiement du plan numérique pour l’éducation : 200 collèges pilotes à la rentrée 2015, généralisation à la rentrée 2016

Social et Santé

– lancement de l' »Emploi Store » : bouquet de services Pôle Emploi (site + applications) pour les demandeurs d’emploi

– Déploiement du plan « Médecine du futur » : filières françaises de biotechnologies, médecine personnalisée et dispositifs connectés.

Si ces mesures collent à l’actualité et semblent même devancer les directives européennes (neutralité du net, données personnelles) avec certaines innovations (données d’intérêt général, start-ups d’Etat), on a malgré tout l’impression de se trouver devant un catalogue d’initiatives hétéroclites, loin de l’atmosphère inspirée du rapport Ambition numérique.

Ce dernier réaffirme d’abord le socle de principes qui décrivent l’horizon de la société numérique : le numérique doit être au service d’une société solidaire « inclusion de tous, bénéfices au niveau individuel et collectif, garanties propres au droit commun grâce à une « Collaboration entre société civile, réseau académique, communauté technique et acteurs économiques ».  Aller vers une ‘société ouverte’ et favorisant l’horizontalité dans l’organisation et la participation de tous les acteurs (salariés, agents, clients, utilisateurs) ; préserver l’État de droit et la protection des droits fondamentaux. « C’est un modèle nouveau qu’il faut inventer : celui qui met le numérique au service du pouvoir d’agir et de l’émancipation individuelle comme collective. » (Préface de B. Thieulin)

Les propositions d’Ambition numérique

Pour un gouvernement plus ouvert « renforcer la transparence et la traçabilité de ses processus décisionnels en généralisant les outils de visualisation des textes normatifs et de leur élaboration. Évaluation des politiques publiques sur le principe de l’open data ». Renforcer la littératie numérique des agents publics. Pour les services numériques au public : « partir des usages pour améliorer leur conception. »

- Loyauté dans l’environnement numérique : Protéger les libertés fondamentales, implication dans la gouvernance du Net et affirmation du principe de la neutralité du Net.
Internet est un ‘bien commun’, bénéficiant à l’ensemble de la société. Favoriser une approche globale, alliant la neutralité des réseaux avec une gouvernance du numérique démocratique et des règles de fiscalité internationale équitables.

Reconnaissance d’un droit à l’autodétermination informationnelle en donnant aux individus la maîtrise sur leurs données personnelles pour qu’ils puissent tirer parti de leurs valeurs d’usage.

Principe de loyauté des plateformes et des algorithmes destinés à la personnalisation, au classement et au référencement.
Loyauté des plateformes vis-à-vis de leurs clients et utilisateurs, particuliers et professionnels. Obligation générale de transparence, d’information et de non-discrimination.
Réaffirmation de l’Etat de droit, incompatible avec des régimes d’exception pour pouvoir garantir l’équilibre entre sécurité et libertés publiques.

Ce thème reprend les conclusions de la « Commission de réflexion et de propositions ad hoc sur le droit et les libertés à l’âge du numérique » à l’Assemblée nationale. Voir à ce sujet l’Interview de la sociologue Francesca Musini sur Mysciencework : «  Il y a deux grandes questions sur lesquelles on a commencé à réfléchir. D’un côté, l’équilibre entre surveillance et vie privée, comment préserver les données personnelles face à tout un ensemble de stratégies de surveillance des utilisateurs. De l’autre, la liberté d’expression sur internet et les moyens techniques qui permettraient d’assurer la diversité des opinions, comme par exemple en préservant la neutralité du Net. »
Ces principes ne peuvent qu’entrer en contradiction avec la Loi sur le renseignement adopté en juin 2015.

- La société face à la métamorphose numérique Numerique

Affirmer un objectif politique d’’empouvoirement’ des individus : pouvoir de contrôle, mais aussi pouvoir d’agir, individuellement et collectivement.
Refaire société par les communs : promotion des pratiques collaboratives. Encourager l’économie collaborative tout en la régulant.
Promouvoir un espace informationnel partagé pour réaliser la diffusion d’un internet ouvert : la co-création comme mode d’inclusion et d’éducation. Faire de la publication ouverte une obligation légale pour la recherche bénéficiant de fonds publics. Définir positivement et élargir le domaine public. Faire évoluer et clarifier l’exception pédagogique pour une meilleure adéquation avec les usages numériques.

S’appuyer sur le numérique pour réduire les inégalités par un travail d’éducation et de médiation autour de la littératie numérique. Cette préconisation reprend l’idée du Rapport Camani/Verdier sur la Médiation numérique : responsabilité de l’Etat qui « doit veiller à ce que toute personne puisse acquérir les compétences numériques qui lui garantissent un accès au droit, à l’emploi, à la connaissance, à l’épanouissement individuel et à la vie collective ».
« L’État devrait donc, en particulier s’assurer que le développement de ces  technologies ne conduise pas à accentuer des clivages existants, qu’ils soient de nature sociale, culturelle, générationnelle ou liés à des disparités géographiques. »
Repenser nos systèmes collectifs entre optimisation, réforme et rupture.
Relation avec la Communauté Européenne pour un marché unique du numérique : principales orientations : réforme du copyright, régulation des plateformes et lutte contre le « géoblocking ». « A l’échelon européen, la France doit être une force de mobilisation et d’interpellation » Benoît Thieulin.

Le débat

Mais ces préconisations pour la loi numérique ne satisfont pas tout le monde. Alors que « Savoirscom1 » salue les orientations du rapport du CNNum en faveur des Communs, des organisations de professionnels de l’informatique comme Syntec numérique ou l’AFDEL ont réagi de façon mitigée, comme le souligne l’article du Monde informatique. Tout en reconnaissant le travail de grande ampleur réalisé par le CNN et l’aspect très riche de ses contributions, ces organisations professionnelles se démarquent de l’enthousiasme ambiant.

Le syndicat Syntec s’inquiète de la remise en cause de la neutralité technologique de l’achat public « L’ouverture forcée des codes sources est une demande inacceptable en matière de propriété intellectuelle » indique Syntec dans un communiqué. L’Afdel rejette, quant à elle « une vision anti-industrielle du numérique ». L’Association française des éditeurs de logiciels juge ‘dogmatiques’ les propositions sur le logiciel libre et estime « anxiogènes et éloignées du marché » les propositions autour des plateformes et des données personnelles. « L’exclusion des éditeurs de logiciels de la commande publique au profit des projets de développement spécifiques est une atteinte inacceptable au principe de neutralité technologie » ; « L’Afdel souhaite que l’Etat s’appuie au contraire sur les PME et les start-ups du numérique, quel que soit leur modèle, pour se numériser ». Quant à la régulation des plateformes, il s’agit pour l’Afdel, d’une ‘vison défensive’ du numérique et elle juge ‘iconoclaste’ les propositions d’encadrement des algorithmes … !

D’autre part, une controverse s’est ouverte ces derniers jours autour des ‘données d’intérêt général’, données détenues ou collectées par des SPIC (Service Public à caractère Industriel et Commercial) comme la SNCF, la RATP ou l’INSEE. SavoirsCom1 explique que la « réticence à ouvrir les données de certains secteurs stratégiques, comme les transports, est souvent liée à la crainte qu’elles ne soient ensuite accaparées par de gros acteurs en position dominante (Google par exemple). » Pour contrer ces monopoles on envisage la mise en place de redevances ou de systèmes Freemium. Pour sa part, « SavoirsCom1 préconise d’appliquer les mêmes principes que ceux qui ont cours dans le champ du logiciel libre … en choisissant des licences comportant une clause de partage à l’identique ».

L’adoption du projet de loi sur le renseignement et de la loi Macron contredisent dans une certaine mesure les affirmations sur l’économie et la société ouverte et collaborative préconisée par le Rapport « Ambition numérique ». Quelle proportion de ce rapport sera définitivement conservée dans la Loi numérique ? C’est ce qui permettra d’évaluer la distance entre une généreuse utopie et la ‘realpolitik’ ….

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Bonnes vacances et bel été à tous !

Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. – Légifrance, 22/06/04

Loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet (1).- Légifrance, 13/06/09

Kadri, Pierre-Sofiane. - Une sociologue intègre la commission « droit et liberté à l’âge du numérique à l’Assemblée. – Mysciencework, 16/07/14

Elbaze, Gérald/ – Le rapport Carmani-Verdier : un rapport historique pour la médiation numérique. – Médias-cité, 30/10/14

Lemoine, Philippe. – La transformation numérique de l’économie française : Rapport au gouvernement.- Ministère de l’économie, novembre 2014. pdf.

François Hollande « Le numérique est devenu notre langue ». – Regards sur le numérique, 07/05/15

Ambition numérique : Pour une politique française et européenne de la transition numérique. Rapport remis au Premier ministre. – CNNum, 18/06/15

Bohic, Clément. – Projet de loi numérique : les préconisations du CNNum. – ITespresso, 18/06/15

Belouezzane, Sarah ; Untersinger, Martin. – Le gouvernement présente sa stratégie numérique pour la France. – Le Monde, 18/06/15 – MAJ 17/07/15

Samama, Pascal. – Concertation numérique : une charte entre le CAC 40 et les startups.01Net, 22/06/15

Mettons les Communs au coeur de la future loi sur le numérique ! – SavoirsCom1, juin 2015

Le projet de loi sur le numérique rendu public en juillet. – Le Monde informatique, 22/06/15

Projet de loi relatif au renseignement (PRMX1504410L). – Légifrance, 25/06/15

France vs Union européenne : Quelle évolution pour le droit d’auteur ?

llc_droit_d_auteurLa Commission européenne avait lancé début 2014 une consultation sur la modernisation du droit d’auteur (cf Prospectibles). Parmi les propositions qui serviront de base à la nouvelle directive se trouve le rapport au Parlement européen de la jeune eurodéputée allemande du Parti Pirate (apparenté écologiste) Julia Réda.

Ce rapport qui sera soumis au vote fin mai a été présenté au Sénat le 3 avril par Julia Reda elle-même. Un des principaux objectifs de ce rapport est l’harmonisation du droit d’auteur au sein de l’Union européenne et aussi une mise à jour de ce droit dans le contexte de la société numérique, la dernière directive datant de 2001 (avant Facebook et YouTube) …

Cet « aggiornamento » voudrait pouvoir accorder plus de choix aux utilisateurs sans pour autant réduire les prérogatives des auteurs.

En effet, si la directive 2001 s’applique à l’ensemble des membres de l’UE, chaque pays dispose d’exceptions différentes. Par exemple, dans le cas de l’entrée dans le domaine public : « Le petit prince » d’Antoine de Saint-Exupéry, disparu en 1944, devrait être partout dans le domaine public (70 ans après la disparition de l’auteur) … Sauf en France, où Saint-Exupéry, héro de guerre, dispose de 30 ans de plus … !

Le rapport fait déjà l’objet de 550 amendements et d’un intense lobbying, notamment de la part d’organismes français, soutenus par la Ministre de la Culture Fleur Pellerin. « La position de la France devrait être simple à établir : ne pas accepter le principe de la réouverture de cette directive tant que la nécessité réelle des solutions existantes n’a pas été démontrée » : c’est la conclusion du rapport du juriste Pierre Sirinelli, présenté le 18 novembre au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.

On comprend que les ayants-droit s’inquiètent de cette réforme : le Commissaire européen au numérique Günther Oettinger, ayant déclaré le sujet prioritaire et sa volonté de « libérer la créativité » et briser les barrières nationales, confortant sur ce point le projet de ‘marché unique numérique’ du Président de la Commission Jean-Claude Juncker.copyright

Si l’on comprend bien les préoccupations des syndicats d’auteurs et de créateurs qui ne désirent pas un ‘nivellement par le bas’ de la diversité culturelle européenne où l’on favorise les « tuyaux » au détriment des contenus (JM Cavada), il faut reconnaître qu’avec l’internet le consommateur culturel est devenu transfrontalier. Il peine à comprendre pourquoi il peut avoir accès à certains contenus (presse, revues, réseaux sociaux) partout, (ou du moins dans les pays où la censure ne sévit pas) et pas à d’autres (films, séries, programmes TV) en fonction de réglementations spécifiques de chaque pays …

Les propositions du Projet de Rapport Reda

  • Reconnaissance de la nécessité d’une protection juridique pour les auteurs et créateurs et interprètes et aussi pour les producteurs et éditeurs dans la commercialisation des œuvres. Amélioration de la position contractuelle des auteurs par rapport aux intermédiaires.
  • Introduction d’un titre européen unique du droit d’auteur qui s’appliquerait directement et uniformément dans l’ensemble de l’UE pour pallier le manque d’harmonisation de la directive 2001/29 CE
  • Poursuite de la suppression des obstacles à la réutilisation des informations du secteur public en exemptant les œuvres du secteur public de la protection du droit d’auteur.
  • Protection des œuvres du domaine public, par définition non soumises au droit d’auteur et qui devraient pouvoir être utilisées et réutilisées sans obstacles techniques ou contractuels.
  • Harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur qui ne dépasse pas les normes internationales fixées dans la Convention de Berne (50 ans après le décès de l’auteur).
  • Exceptions et limitations : harmonisation des exceptions ; rendre obligatoires les exceptions facultatives (droit à la citation, copie privée) ; création de nouvelles exceptions : représentation (photos ou vidéos) d’œuvres d’arts ou de monuments sur internet ; prêt numérique (e-books) pour les bibliothèques ; extension du droit de citation (vidéo). Suppression des limitations territoriales (audiovisuel ; chronologie des médias). Les droits se négocieraient au niveau européen plutôt qu’au niveau national.

Rien de très révolutionnaire dans ces propositions, si ce n’est la volonté d’étendre à l’ensemble de l’Union des lois qui existent pour certains Etats-membres. Comme l’explique Julia Reda sur son blog « Nous devons promouvoir la diversité culturelle. Mais la diversité culturelle n’est pas la même chose qu’une diversité de lois. »

Une des principales critiques contre ce projet est que la suppression des limites territoriales serait une porte ouverte pour les GAFA et autres multinationales américaines comme Netflix qui profiteraient d’un copyright unique européen pour imposer leurs conditions aux créateurs et éditeurs. Ces entreprises sont déjà bien installées sur le web européen et profitent plus de la manne publicitaires que les acteurs traditionnels (médias, éditeurs). C’est cette part grandissante des « intermédiaires techniques » qui ne soutiendraient pas assez la création que dénonce le rapport Sirinelli, commandé par le Ministère de la culture pour défendre le point de vue français dans cette réforme du droit d’auteur. Ce rapport voudrait pouvoir surtout renforcer le droit d’auteur et réduire les exceptions. Il s’oppose également au « fair use » à l’américaine qui serait une ‘liste ouverte d’exceptons’. En revanche, l’exception de copie privée devrait être rendue obligatoire pour le paiement de la redevance dans les pays qui y sont encore opposés. Le rapport demande aussi un réexamen de la directive sur le commerce électronique.droitsdauteurs2

En effet, pour ses détracteurs, le projet Reda ne s’attaque pas assez au problème du piratage et de la contrefaçon … Et le fait que la rapporteure est membre du Parti Pirate n’arrange pas les choses !

Mais les acteurs français ne sont pas tous contre la réforme du droit d’auteur. Les bibliothécaires et les chercheurs soutiennent l’idée d’un ‘fair copyright’ qui permet les exceptions pédagogiques et le prêt numérique. Contrairement à ce que soutenait Lionel Maurel au lendemain du Congrès de l’IFLA dans son blog S.I.Lex, les professionnels de l’information ne se limitent pas à défendre les exceptions. L’Interassociation Archives Bibliothèques Documentation (IABD) soutient le London Manifesto des bibliothécaires britanniques en affirmant : « Une législation sur le droit d’auteur équilibrée (fair copyright) à travers l’Europe sont des droits essentiels.  Sans eux, nous ne parviendrions pas à soutenir efficacement la recherche, l’innovation et la croissance et nous entraverions l’ambition d’un marché unique du numérique. ».

Les préconisations des bibliothécaires français et britanniques sont assez proches du rapport Reda : harmonisation des exceptions, normes ouvertes, droit de prêt numérique, harmonisation de la durée de protection, droit d’acquérir une licence d’utilisation, droit d’explorer (fouille de textes) : analyse informatique des ouvrages pour les bibliothèques, droits pour les personnes handicapées : ratification du Traité de Marrakech, droits d’usages transnationaux, numérisation de masse, etc.

On retrouve ces préoccupations chez les chercheurs, comme dans la présentation d’Eric Verdeil à l’Ecole doctorale SHS de Lyon « Publications scientifiques en sciences humaines et sociales à l’ère du numérique : enjeux pour les chercheurs » : valorisation du ‘fair use’, copyleft et Creative Commons.

On est encore loin d’avoir épuisé les domaines d’application du droit d’auteur : les impressions 3D font partie des prochains défis : les sénateurs viennent finalement de décider que les imprimantes 3D ne seraient pas soumises à la redevance pour copie privée … ! En revanche, les tracteurs ‘connectés’ (cf le dernier post d’Affordance) vont devoir embarquer des DRM dans les codes informatiques qui les font fonctionner et empêcher les utilisateurs de ‘bidouiller’ pour les dépanner !

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IFLA 2014 : les bibliothèques et le piège des exceptions. – S.I.Lex, 29/09/14

Günter Oettinger promet une réforme du droit d’auteur d’ici deux ans.Euractiv, 30/09/14

Rapport de la mission sur la révision de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information/Pierre Sirinelli – Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, octobre 2014

Mon rapport sur le droit d’auteur dans l’UE. - Julia Reda, 16/12/14

Rees, Marc. – Fleur Pellerin aiguise ses armes pour défendre les ayants droits à Bruxelles. – NextInpact, 13/01/15

Projet de rapport sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information/Julia Reda – Parlement européen ; Commission des affaires juridiques, 15/01/2015

Un rapport parlementaire plaide pour le détricotage du droit d’auteur. – Euractiv, 20/01/15

Rees, Marc. – Rapport Reda : la commission ITRE veut concilier anciens et modernes. – NextInpact, 03/03/15

La mobilisation sur le droit d’auteur devrait étendre le champ de la réforme en cours. – Euractiv, 13/03/15

Gary, Nicolas. – Auteurs et éditeurs : les relations empirent en France. – Actualitté, 20/03/15

The London Manifesto : Time for reform ? – 1709 Blog, 01/03/15

La culture européenne n’est pas confinée aux frontières nationales – n’utilisons pas le droit d’auteur pour la forcer à l’être (discours au Sénat). – Julia Reda, 04/04/15

L’IABD soutient le London Manifesto qui prône une réforme européenne du droit d’auteur favorable aux bibliothèques, aux archives et aux services de documentation. – IABD, 04/94/15

Gary, Nicolas. - IABD : pour une législation équilibrée du droit d’auteur, le fair copyright. – Actualitté, 06/04/15

Langlais, Pierre-Carl. – Le droit d’auteur ne fait vivre qu’une minorité d’artistes. – L’Obs, 08/04/15

Verdiel, Eric. – Publications scientifiques en sciences humaines et sociales à l’heure du numérique : enjeux pour les chercheurs. – Lyon, Ecole doctorale SHS, session 2015 [Slideshare]

Rees, Marc. – Pas de taxe copie privée pour les imprimantes 3D. – NextInpact, 27/04/15

Du Digital labor au copytalisme. – Affordance.info, 28/04/15

 

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