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Qui a peur de la 5G ? Débats et controverses sur la dernière génération de téléphonie mobile

5g-antennes-vignette-dossierLe 1er octobre, le gouvernement a récolté 2,786 milliards d’euros suite aux enchères autorisant le déploiement sur le territoire français de la technologie de 5e génération de téléphonie mobile. Que représente cette technologie ? Est-elle réellement disruptive ? Que va-t-elle changer dans nos usages ? A voir s’enflammer les débats autour de son adoption, on croit assister à une véritable guerre des anciens contre les modernes …

A cela s’ajoutent des enjeux géopolitiques et géoéconomiques, la Chine dominant pour le moment le marché mondial de la 5G et les Etats-Unis n’ayant pas encore déployé cette technologie comme l’explique Evgeny Morosov dans le Monde Diplomatique. L’Europe a ainsi une opportunité de participer avec ses deux constructeurs Ericsson et Nokia … Comme le dit Philippe Escande dans son éditorial du Monde « Il est temps que s’ouvre enfin une réflexion apaisée et argumentée, aussi bien sur ses avantages que sur ses inconvénients ». Début septembre, 70 élus de gauche et écologistes demandaient un moratoire sur le déploiement de cette technologie, en accord avec les préconisations de la Convention citoyenne pour le climat. « Ces élus proposent une suspension du déploiement de la technologie « au moins jusqu’à l’été 2021 », ainsi que la « tenue d’un débat démocratique décentralisé sur la 5G et sur les usages numériques », la priorité serait pour eux plutôt la réduction de la ‘fracture numérique’ « à travers le développement de la fibre en zone rurale et en finalisant le déploiement de la 4G ». (Le Parisien). Les élus insistaient sur le fait que cette technologie augmenterait la consommation électrique et comporterait des risques en matière de santé.

La technologie 5G

« En télécommunications, la 5G est la cinquième génération des standards pour la téléphonie mobile. Succédant à la quatrième génération, appelée 4G, elle prolonge l’exploitation technologique LTE (Long Term Evolution : norme de réseau de téléphonie mobile 4G)

La technologie 5G donnera accès à des débits dépassant de 2 ordres de grandeur la 4G, avec des temps de latence (délais de transmission dans les communications informatiques) très courts et une haute fiabilité, tout en augmentant le nombre de connexions simultanées par surface couverte. Elle vise à supporter jusqu’à un million de mobiles au kilomètre carré (dix fois plus que la 4G). Une fois déployée, elle doit permettre des débits de télécommunications mobiles de plusieurs gigabits de données par seconde, soit jusqu’à 1 000 fois plus que les réseaux mobiles employés en 2010 jusqu’à 100 fois plus rapides que la 4G initiale » (Wikipedia)

Les avantages de la 5G

  • ict-expert-luxembourg-visu-5g-applis-prometteusesAccélération de la transmission des données et temps de latence raccourcis : 10 à 100 fois plus rapide que la 4G. Mais comme le fait remarquer Xavier Lagrange dans l’article de The Conversation, « Il ne s’agit pas d’une rupture technologique majeure, mais plutôt d’améliorations […] la technologie repose sur les mêmes principes que la 4G, c’est la même forme d’onde qui sera utilisée, le même principe de transmission ».

« A-t-on besoin d’aller plus vite ? Pour certaines applications, dans certains champs professionnels, oui. Pour d’autres, … bien au contraire. » remarque Olivier Ertzschied dans son post d’Affordance.info

  • Baisse de la consommation d’énergie : « La 5G permet une meilleure gestion des faisceaux de communication avec deux avantages immédiats : une baisse de la consommation énergétique car la dispersion des ondes radio est limitée ; une amélioration de la qualité d’utilisation des ondes radio, puisque les interférences sont évitées » (Parti Pirate). Mais la baisse de la consommation énergétique peut mener à une augmentation des échanges de communications, donc à consommer plus … Comme le soutient Jean Soubiron, dans sa tribune sur Libération « Dans les faits, les technologies plus efficientes permettent à l’économie de produire davantage, entraînant inévitablement un accroissement des consommations de matières et d’énergie. » De plus, « L’utilisation de nouvelles fréquences ne peut, que conduire à la consommation électrique des opérateurs » (The Conversation).
  • Un réseau plus flexible : le réseau déployé sera configurable. A terme, il fera beaucoup plus appel à des technologies informatiques de virtualisation. « L’opérateur pourra faire démarrer des machines virtuelles pour, par exemple, s’adapter à une demande accrue d’utilisateurs dans certaines zones ou à certains moments et au contraire ; diminuer les capacités si peu de personnes sont présentes » (The Conversation).
  • Diminution des coûts : Plutôt pour les opérateurs que pour les consommateurs.
  • De nouvelles applications : Avec la 5G, on va connaître l’expansion de l’Internet des objets (IOT : Internet Of Things) avec la voiture autonome et la « ville connectée » (Smart city). Elle encouragera aussi le développement de la télé-médecine et l’automatisation de l’industrie « Pour les industriels, nous pouvons penser aux usines connectées et automatisées dans lesquelles un grand nombre de machines devront pouvoir communiquer entre elles et avec le réseau global ». Pour les consommateurs, l’augmentation de la vitesse du réseau permettra le téléchargement plus rapide de toutes sortes de fichiers (vidéos en direct ou en streaming, jeux vidéo, etc.).

Ces nouvelles fonctionnalités s’adressent en fait plus à l’industrie et aux services plus qu’au grand public. Là encore, Olivier Ertzschied, pose la question « Le déploiement de cet internet des objets est-il nécessaire et utile à la société et aux individus qui la composent ? » Si l’on considère par exemple le cas des voitures connectées, « si le risque est présent, ce n’est pas parce que les choses (programmes, algorithmes, capteurs) vont trop lentement, c’est justement parce qu’ils vont (déjà) trop vite dans leurs boucle de rétroaction […] un accident de la route impliquant une voiture autonome peut également advenir et n’être pas évitable ou évité, soit du fait de la vitesse de l’échange des informations et données nécessaires à la prise de décision, soit du fait de la décorrélation entre la vitesse  de prise de décision des véhicules ‘autonomes’ et celle des véhicules ‘non-autonomes ».

Les risques pour l’environnement et la santé images_ville

Depuis le début de l’année, des associations alertent les pouvoirs publics sur les risques de cette technologie pour la santé et l’environnement. Agir pour la santé et PRIARTEM ont déposé plusieurs recours devant le Conseil d’Etat visant à geler le déploiement de la 5G. Ces associations ont souligné les incertitudes qui accompagnent les émissions d’ondes et demandent l’application du principe de précaution. « On sait que ces ondes ont un impact sur notre cerveau, que des personnes manifestent des troubles d’électro-sensibilité » a déclaré Sophie Pelletier de PRIARTEM, cité par Pierre Manière dans La Tribune. A cela s’ajoutent des risques de cancérogénicité.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) ne se prononce pas en raison du manque de données scientifiques sur les effets sur la santé de certaines fréquences d’ondes électromagnétiques utilisées pour la 5G. Cela concerne surtout la bande de fréquences de 3,5 GHz qui doit être attribuée aux opérateurs. L’ANSES a davantage de données sur les fréquences de 26 GHz, dites ‘millimétriques’ qui seront attribuées plus tard. C’est aussi ce que répondent les Décodeurs du Monde dans leur rubrique de questions sur la 5G. Aucun effet significatif des ondes sur la santé n’a été observé. Les antennes 5G, peu nombreuses au début, n’émettront leur signal que quand elles seront sollicitées par un terminal ; les antennes 4G le font en permanence …

Pour le spécialiste Olivier Merkel, il n’y a pas de « réponse tranchée » ; la source la plus préoccupante pour la santé est plutôt le téléphone portable en contact avec le corps. On n’a pas plus de résultats sur l’effet cancérigène : il n’y a pas de lien concret entre l’exposition aux ondes et un cancer. On constate un ADN endommagé sur certains animaux, mais on ne peut rien en déduire. Le rapport de l’ANSES sur la 5G est prévu pour début 2021.

Environnement et consommation numérique

 Comme on l’a vu plus haut, la 5G est beaucoup moins énergivore que la 4G, mais la facture énergétique dépendra beaucoup des usages qui ont tendance à se multiplier, c’est ce qu’on appelle l’’effet rebond’. « La hausse considérable de la demande de données pourrait contrebalancer les gains d’efficacité énergétique ».

La 5G va aussi entrainer un renouvellement des téléphones mobiles : déjà existante pour les précédentes technologies, l’’obsolescence programmée’ va encore s’imposer. Certains modèles vendus aujourd’hui sont déjà compatibles avec cette nouvelle norme !

Comme le constate le Parti Pirate dans son post « Le renouvellement du parc mobile nécessite effectivement une quantité importante de ressources, notamment de terres rares, et va nous contraindre à produire une certaine quantité de gaz à effet de serre. Ici encore, cela n’est pas inhérent à la 5G, mais plutôt aux choix politiques et économiques que nous faisons. ». Contre l’effet rebond qui permettra à l’utilisateur moyen, d’après Ericsson, de consommer 200 GO de données en 2025, contre 6,5 GO actuellement, Paul Camicas et Stephen Demange de La Tribune, prônent la ‘sobriété numérique’ « Le débat qui s’ouvre ne doit pas nous amener à repousser purement et simplement la 5G, mais plutôt à interroger notre rapport au numérique et à trouver les moyens d’optimiser la consommation de données, pour viser collectivement la sobriété numérique. ».

E-sécurité : espionnage et surveillance securite-informatique1

La 5G représente un saut vers l’hyperconnectivité et risque de poser un problème dans la récolte des données comme le fait remarquer Sébstien Soriano, Président de l’ARCEP. Il y a des risques d’espionnage par des entreprises étrangères, d’où les restrictions des opérateurs français vis-à-vis de Huawei. Bouygues Telecom a promis de démonter toutes les antennes du constructeur chinois installées dans les zones peuplées !

Mais, paradoxalement, les services secrets craignent que la 5G les empêchent d’espionner en toute sécurité ! Comme l’indique Emmanuel Paquette dans l’Express « Dans la plus grande discrétion, les agents secrets ont fait part de leurs craintes auprès de certains élus : ils redoutent en effet qu’elle rende inopérant un matériel de surveillance indispensable, appelé Imsi-catcher. ». Ils ne pourraient plus ainsi géolocaliser et capter les informations circulant sur le réseau …

Mais comme le fait remarquer Stéphane Bortzmeyer dans son post « beaucoup d’arguments entendus contre la 5G n’ont en fait rien de spécifique à la 5G : les risques pour la vie privée ne changent pas […] les caméras de surveillance existent déjà sans avoir besoin de la 5G, les objets connectés qui envoient massivement à leur fabricant des données personnelles sur les utilisateurs, existent également depuis un certain temps, la 5G ne va pas les multiplier. […] Mais peut-être un changement quantitatif (performances supérieures, même si elles ne le seront pas autant que ce que raconte le marketing) va-t-il déclencher un changement qualitatif en rendant trivial et/ou facile ce qui était difficile avant ? Peut-être. »

C’est aussi ce que craint Olivier Ertzschied « Littéralement autant que métaphoriquement la 5G est une « accélération propre » qui provoquera nécessairement des contraintes et des déformations non pas seulement sur des objets techniques mais sur l’ensemble du corps social et l’organisation politique de nos communautés. ».

Bortzmeyer souligne aussi une implication importante de la 5G, qui n’a pratiquement pas été soulevée dans le débat : « le ‘network slicing’ qui permet d’offrir plusieurs réseaux virtuels sur un accès physique. […] Ses conséquences peuvent être sérieuses, notamment parce qu’il peut faciliter des violations de la neutralité de l’Internet, avec une offre de base, vraiment minimale, et des offres « améliorées » mais plus chères. ». Donc, un internet à plusieurs vitesses …

La controverse sur le progrès : ‘Amish’ vs ‘Start-up nation’

Les enchères de la 5G ont provoqué une polémique où l’on a vu les tenants du ‘progrès’, avec à leur tête le Président de la République, s’opposer aux défenseurs de l’environnement et des libertés publiques !

Devons-nous soutenir toute nouvelle technologie, quel qu’en soit le prix comme le dénonce Bruno Latour dans sa tribune au Monde ? « Le train du progrès a-t-il des aiguillages ? Apparemment, pour notre président, il s’agit d’une voie unique. Si vous n’allez pas tout droit, vous ne pouvez que « revenir en arrière », ce qui veut dire « régresser », et, comme il l’a récemment affirmé, s’éclairer à « la lampe à huile » [il réagissait à la demande de moratoire sur le déploiement de la 5G de 70 élus de gauche et écologistes]. Que cet argument soit encore considéré comme imparable, au moment même où le monde brûle parce que le « train du progrès » nous a menés au désastre, a quelque chose de désespérant. ».

C’est aussi ce qu’exprime l’architecte Jean Soubiron dans Libération en dénonçant le ‘solutionnisme’ du gouvernement : « D’un côté, le gouvernement voit en cette «innovation» la promesse d’une gouvernance plus efficace de nos flux de matières quand, de l’autre, il n’a pas jugé utile de mesurer le risque que font peser ces nouvelles technologies sur nos ressources et nos écosystèmes ».

Alors que pour certains, « La 5G est la clé de l’industrie 4.0 » et permettra de sortir de la crise comme le préconise John Harris dans sa tribune de Forbes France « Aussi nombreux que variés, ils bénéficieront à un vaste éventail de secteurs. L’usine intelligente et la production constituent deux gagnants évidents de la nette amélioration de l’automation et des efficacités due à la connectivité de l’IoT. […] Tout laisse à penser que le déploiement de réseaux 5G à travers l’Europe présage de formidables opportunités pour le monde professionnel. ».

Mais les positions ne sont pas toutes aussi tranchées, à commencer par celle de Sébastien Soriano, président de l’ARCEP, qui précise dans son interview dans Reporterre « Mais une chose est sûre, et c’est une ambition que nous partageons avec beaucoup de critiques de la 5G, pour nous prémunir de tous les méfaits que la technologie peut convoquer, nous devons en reprendre le contrôle. Non pas à travers un retour de balancier qui rendrait aux États la supervision des communications. Mais par un contrôle citoyen ».

Ce contrôle citoyen passe aussi par un débat qui représente un des enjeux du moratoire réclamé par les élus de gauche et EELV. Comme le rappelle Philippe Escande dans le Monde  « Il est au contraire légitime de s’interroger sur l’impact économique, écologique et sécuritaire de la 5G. Dans un contexte de défiance grandissante des citoyens envers les institutions scientifiques et politiques, il est inimaginable de pouvoir faire l’impasse sur ce débat. Le degré d’acceptation de la technologie, le contrôle de ses applications et l’efficacité de son utilisation en dépendent. ».

Un débat, c’est ce réclame aussi le Parti Pirate, tout en avançant des propositions concrètes pour répondre aussi bien à l’obsolescence programmée qu’à la multiplication et à l’accélération des usages « Ce que nous devons craindre, c’est notre société qui nous pousse à consommer toujours plus, toujours plus d’objets connectés, toujours plus de gadgets à la mode, toujours plus de tout. […] Autrement dit, ces débats sont légitimes en tant que tels, et ce n’est qu’en les considérant en tant que tels que nous serons en mesure d’y répondre, plutôt qu’en nous opposant, par principe, à la 5G. ».

La conclusion d’Olivier Ertzschied va dans le même sens « Déployons la 5G si nous sommes capables d’organiser ce déploiement en contrepoint d’une réorganisation massive de notre rapport à la vitesse, à la latence, et à la connectivité. Déployons si nous sommes capables de ralentir quand il n’est pas nécessaire d’accélérer autrement que par la potentialité qui rend l’accélération possible. […] Déployons la 5G si nous sommes capables à tout moment d’en limiter à la fois l’échelle, le cadre et l’envie.

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Maurice, Stéphanie. – Martine Aubry contre la 5G : conviction politique ou « greenwashing » anti-Macron ? – Libération, 11/10/20

Landeau-Barreau, Pauline. – 5G : la mairie de Paris veut consulter les citoyens avant le déploiement. – CNews, 05/10/20 MAJ 11/10

Usul ; Lietchi, Rémi. – 5G : un débit en débat. – Médiapart, 05/10/20

Paquette, Emmanuel. – Les espions aussi s’inquiètent de la 5G. – L’Express, 04/10/20

Pétillon, Catherine. – 5G : des émissions pour comprendre ce qui fait débat. – France Culture, 04/10/20

Fagot, Vincent. – Enchères 5G en France : l’Etat récolte récolte près de 3 milliards d’euros. – Le Monde, 02/10/20

5G : définition, fonctionnement, usages et déploiement du réseau en France, tout ce qu’il faut savoir. – CNET France, 02/10/20

Morozov, Evgeny. – Bataille géopolitique autour de la 5G. – Le Monde diplomatique, Octobre 2020

Questions-réponses : Six questions sur le lancement de la 5G. – Vie publique, 01/10/20

La question de la 5G mérite-t-elle autant de passions ? - Blog Stéphane Bortzmeyer, 01/10/20

Millon, Louise. – La Chine dépasse les 100 millions d’abonnés 5G … et la technologie consomme beaucoup. – Presse-citron, 01/10/20

Escande, Philippe. – 5G : un débat qui reste à mener. – Le Monde, MAJ 30/09/20

Equy, Laure ; Belaïch, Charlotte. – Le progrès, casse-tête de la gauche. – Libération, 28/09/20

Foucart, Stéphane. – Débat sur la 5G : « Des Amish aux Shadoks ». – Le Monde, MAJ 27/09/20

Souviron, Jean. – 5G : Sortir d’un débat caricatural entre technophobes et technophiles. – Libération, 26/09/20

La 5G, qu’est-ce que c’est ? Comment ça marche ? – The Conversation, 25/09/20

Damgé, Mathilde. – Sur la 5G, ce qui est vrai, ce qui est faux et ce que l’on ne sait pas encore. – Le Monde, 24/09/20

Latour, Bruno. - « Si le déconfinement a eu un effet, c’est de nous déconfiner de cette idée d’une voie unique vers le progrès ». – Le Monde, 24/09/20

Tesquet, Olivier. – Avec la 5G, la France au bord de l’excès de vitesse. – Télérama, 22/09/20

Tableaux de bord des expérimentations 5G en France. – ARCEP, 22/09/20

Charles, Frédéric. – 5G en France : obstacle à mi-chemin. – ZDNet, 22/09/20

Ertzscheid, Olivier. – La 5 (re)G : nous sommes tous des enfants connectés. – Affordance.info, 21/09/20

5G : Elevons le débat. – Parti pirate, 21/09/20

Téléphonie mobile : 70 élus de gauche demandent un moratoire sur la 5G. – Le Parisien, 13/09/20

Camicas, Paul ; Demange, Stephen. – 5G, l’arbre qui cache la forêt. – La Tribune, 18/08/20

Popovski, Petar ; Björnson, Emil ; Boccardi, Federico. – Communication technology through the new decade. – IEEE ComSoc Young Professionals, 18/08/20

Soriano, Sébastien (Arcep). – « Favorables à la 5G, nous souhaitons tout de même un contrôle citoyen ». – Reporterre, 12/06/20

Harris, John. – La 5G sera-t-elle la clé de l’industrie 4.0 ? - Forbes France, 13/03/20

Au-delà du développement des cryptomonnaies : la blockchain, le nouveau paradigme numérique ?

1 yMaDxLYR19wbYrB-nji2rgLe bitcoin va bientôt fêter ses dix ans et les cryptomonnaies se retrouvent au centre de plusieurs controverses. Outre la bulle qui était sur le point d’éclater en décembre dernier, les critiques pleuvent sur ce nouveau mode d’échange. Bill Gates, le co-fondateur de Microsoft, vient de déclarer que cette technologie « a causé des morts d’une manière assez directe » comme le rapporte Mathilde Loire dans son article de Numerama. Pour le milliardaire philanthrope, c’est l’anonymat des transactions qui est responsable de ces méfaits en permettant aux organisations criminelles d’échapper à la police. Néanmoins, Bill Gates ne met pas en cause le mécanisme fonctionnant derrière les cryptomonnaies : la blockchain.

Ce mécanisme devrait bouleverser complètement de nombreux secteurs économiques basés sur des transactions sécurisées. De la finance à l’industrie agro-alimentaire, en passant par l’assurance, la santé, le droit d’auteur, la distribution/consommation d’énergie, le droit (les ‘smart contrats’), les objets connectés seraient concernés. La Commission européenne vient de lancer un observatoire-forum des chaînes de blocs dans l’UE et  en France, l’Assemblée nationale lance deux missions d’information : la première est directement centrée sur les technologies blockchains ; la seconde sera centrée sur les cryptomonnaies, ou cryptoactifs. Au niveau international, le Center for Global Economics a publié une étude sur la blockchain et le développement économique, identifiant quatre défis pour le développement : faciliter les payements internationaux, pourvoir une infrastructure sécurisée de vérification de l’identité numérique,assurer les droits de propriété et enfin rendre l’aide plus sûre et transparente.

Si certains écologistes se réjouissent du fait que cette technologie simplifiera la certification de la production participative d’énergies renouvelables, d’autres s’inquiètent des « gouffres énergétiques » représentés par la consommation d’énergie des ‘mineurs’ pour effectuer les transactions.

La blockchain blockchain-31-638

« Une blockchain, ou chaîne de blocs, est la mise en œuvre d’une technologie de stockage et de transmission d’informations sans organe de contrôle. Techniquement, il s’agit d’une base de données distribuée dont les informations, envoyées par les utilisateurs, sont vérifiées et groupées à intervalles de temps réguliers en blocs, liés et sécurisés grâce à l’utilisation de la cryptographie, et formant ainsi une chaîne1. Par extension, une chaîne de blocs est une base de données distribuée qui gère une liste d’enregistrements protégés contre la falsification ou la modification par les nœuds de stockage. Une blockchain est donc un registre distribué et sécurisé de toutes les transactions effectuées depuis le démarrage du système réparti. » Wikipedia.

Comme on le voit dans cette définition, la principale originalité de la blockchain est l’absence d’organe de contrôle. Comme le protocole Internet, le mécanisme informatique est complètement décentralisé : il n’y a pas de responsable ou de ‘tiers de confiance’. La confiance s’instaure entre les différents agents du système qui sécurisent chaque transaction grâce à la cryptographie. Cela pose problème d’ailleurs pour l’application du nouveau Règlement général de la protection des données (RGPD) que l’Union européenne validera en mai 2018. Comme le souligne Charlie Perreau dans le Journal du Net, si le consentement clair des utilisateurs et la ‘privacy by design’ à l’œuvre dans la blockchain sont compatibles avec le règlement, l’absence de responsable « la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement » est incompatible avec le RGPD, car personne n’a la responsabilité juridique du traitement des données. Incompatibles aussi, le droit à l’oubli ou à l’effacement des données, impossible actuellement dans la blockchain, de même que la conservation limitée des données, « celles-ci étant conservées à l’infini … (sauf en cas de dysfonctionnement). »

Le fonctionnement de la chaine de blocs diffère en fonction des produits. Alors que pour le bitcoin, elle est basée sur la « preuve de travail » (proof-of-work) où les utilisateurs ‘mineurs’ doivent exécuter plusieurs algorithmes pour valider la transaction, d’autres cryptomonnaies sont basées sur la « preuve d’enjeu » (proof-of-stake) prouvant leur participation au système (possession d’une certaine quantité de cryptomonnaie). Cependant, cette solution favoriserait les membres les plus riches et éliminerait ceux qui y entrent et ne possèdent encore rien en jeu (nothing at stake) : d’où l’introduction de plusieurs méthodes de pondération (en fonction de la vélocité ou des votes). Ces méthodes consomment beaucoup moins d’énergie que la ‘preuve de travail’ mais sont beaucoup moins sécurisées …

shutterstock-blockchainLa blockchain et l’énergie

Alors que la technologie blockchain a été très vite adoptée pour la production et la certification des énergies renouvelables, elle a aussi été accusée de consommer d’énormes quantités d’énergie, notamment dans le ‘minage’ (production) de bitcoins. Fabrice Flipo et Michel Berne citent dans un article du Nouvel Obs, une étude de 2014 montrant « que la consommation du réseau destiné au bitcoin était probablement de l’ordre de grandeur de la consommation électrique d’un pays comme l’Irlande. ».  A quoi Benjamin Allouche répond dans un post de Bitcoin.fr que si « Le bitcoin est objectivement une technologie qui a besoin d’une quantité monstrueuse d’énergie pour fonctionner. Ceci est malheureusement la vérité. », le problème principal est non la quantité d’énergie consommée (de l’ordre de la consommation annuelle de la Bulgarie en 2017), mais la source et le mode de production de l’énergie. La plupart des mineurs se trouvent en Chine et utilisent de l’électricité produite à partir du charbon. De plus les mineurs sont en concurrence pour valider les transactions et fonctionnent surtout avec des proof-of-work, et le premier qui valide est récompensé en bitcoins ! Cette course explique la consommation folle car la puissance demandée est très importante. En utilisant plutôt des énergies renouvelables, les dommages environnementaux seront bien moindres, en effet « consommer 1 TWh produit grâce à de l’énergie solaire aura un impact moins négatif sur l’environnement qu’1 KWh produit au charbon. ». Les Islandais fonctionnent déjà à l’énergie verte. Le problème se situe plutôt du côté technique de la blockchain. Le proof-of-work est le seul consensus à garantir la sécurité absolue du protocole. Le proof-of-stake, utilisé par d’autres cryptomonnaies, bientôt adopté par ether, est moins gourmand en énergie, mais moins sécurisé.

Unicef, LGBT token, ‘smart contracts’, tourisme, traçabilité agro-alimentaire : les différents chantiers de la blockchain

Les cryptomonnaies

Le bitcoin est loin d’être la seule cryptomonnaie, on en dénombre des milliers aujourd’hui, mais c’est la plus importante et la plus cotée.  Comme on l’a vu, c’est aussi celle qui utilise le protocole le plus sécurisé : lorsque deux utilisateurs échangent de la monnaie, ils sont les seuls à avoir accès à la transaction. Les banques commencent à prendre en compte ce phénomène, la puissante Bank of America vient de reconnaître dans un rapport avec la SEC que les cryptomonnaies représentaient une menace pour leur modèle économique …

L’ether est la deuxième cryptomonnaie qui s’impose. Créée par un jeune Canadien d’origine russe, Vitali Buterin, elle ne se limite pas à la production monétaire, mais utilise sa plateforme décentralisée Etherum pour réaliser des ‘contrats intelligents’ (smart contracts). Toujours basée sur la technologie blockchain : les applications fonctionnent exactement comme elles ont été programmées : sans immobilisation ni censure et sans l’interférence d’un tiers. Comme le souligne l’article de CNews « La blockchain d’Ethereum pourrait ni plus ni moins remplacer les notaires, avocats ou autres en jouant le rôle de «tiers de confiance» lors d’une transaction, et en mettant en quelques secondes en place des contrats sans failles, de manière bien plus efficace qu’un humain. ».

L’Unicef vient de lancer de lancer un projet pilote qui propose aux jeunes ‘gamers’ d’utiliser leurs ordinateurs pour ‘miner’ des ethers au bénéfice des enfants de Syrie. Peter Beaumont dans son article du Guardian indique que cette levée d’argent, qui permet de réduire de 30% les budgets d’aide des Nations Unies (perdus dans la corruption) n’est pas la seule application de la plateforme Etherum : le Programme alimentaire mondial (PAM) l’a aussi utilisée pour distribuer des bons d’alimentation dans un camp de réfugiés syriens en Jordanie à l’aide d’un fichier biométrique d’identification basé sur la reconnaissance des iris.

Une autre cryptomonnaie originale est le ‘LGBT token’. L’entrepreneur américain Christof Wittig, fondateur du chat gay Hornet, veut, en lançant ce ‘jeton rose’ mettre « le pouvoir de la blockchain au service de l’égalité des droits ». Comme l’indique Corentin Durand dans Numerama, ce système ne se limite pas à la production de monnaie, il sert aussi à l’identification sécurisée des membres de la communauté et à la création d’outils et de fonds pour soutenir des initiatives militantes. Wittig veut « faire prendre conscience à toutes les entreprises l’importance économique de ses membres. Afin de marquer les esprits, l’entrepreneur met en avant que l’économie rose représenterait la quatrième économie mondiale si elle se classait comme un pays. ». KryptoMoney.com-Blockchain-news

Outre la production de cryptomonnaies, le protocole blockchain se retrouve à l’œuvre dans de multiples projets économiques, juridiques et alternatifs. Certains, comme l’évoque Irénée Régnauld de Mais Où va le Web, avancent même que la blockchain pourrait signer la fin du capitalisme… En effet, « certaines caractéristiques propres à la Blockchain (architecture distribuée, autonomie, transparence et ouverture) semblent heurter les fondements même du système capitaliste solidement ancré sur les notions de propriété privée, de concurrence, de salariat et de séparation entre capital et travail. ». II reconnaît néanmoins que « l’aplatissement des rapports hiérarchiques ne signent ni la fin du salariat, ni celle du capitalisme ». Néanmoins la blockchain ouvre le champ des possibles avec les Organisations Décentralisés autonomes (DAO), programmes « auto-exécutoires » qui ne nécessitent pas d’autorités centralisatrices, comme Le Bon Coin ou Facebook … On retrouve d’ailleurs cette philosophie libertarienne dans l’interview de Vitali Buterin, le patron d’Etherum, au Monde, où il se définit politiquement comme ‘cuckservatist’ (conservateur contaminé par des idées libérales).

Le système fonctionne déjà, comme on l’a vu pour la certification dans la production et la vente d’électricité, surtout issue d’énergies renouvelables.

Un de chantiers importants qui s’ouvre à cette technologie est la traçabilité des produits agro-alimentaires. Grâce à la blockchain, les différents acteurs économiques de ce secteur sont représentés dans chaque chaînon et chaque transaction est transparente. A tout moment du processus, de la ferme au consommateur, il sera possible de tracer le produit. Comme l’explique Larry Miler dans Forbes, alors que ce sont les consommateurs et les détaillants qui profitent le plus de la transparence, ce sont souvent les agriculteurs qui doivent supporter le fardeau de la traçabilité. Avec le système blockchain, tous les acteurs se retrouvent sur la même page et tracent les produits de façon plus rentable. Le projet de traçabilité TE-Food, basé sur la blockchain, a été implémenté avec succès au Vietnam à Ho-Chi-Minh Ville. En France, le CEA et la start-up Connecting Food ont signé un partenariat de trois ans pour développer de nouveaux outils basés sur la technologie blockchain, améliorant le suivi et les contrôles des produits de l’industrie alimentaire.

Blockchain-graphics_networksLe tourisme avec des réservations sans agences, les industries culturelles avec le droit d’auteur, la santé avec le livret médical sécurisé, la gestion des identités numériques sont les prochains défis que les administrations et les entreprises devront relever avec des protocoles blockchain s’ils ne veulent pas être dépassés par d’autres collectifs …

Ray, Shaan. – How blockchains will enable privacy. – Towards Data Science, 03/03/18

Keane, Jonhatan. – This startup is creating the cultural cryptocurrency for museums and institutions.The Next Web, 02/03/18

Loire, Mathilde. – Bill Gates estime que les cryptomonnaies causent des morts. – Numerama, 28/02/18

Jackson, Reuben. – Op Ed: Why Millenial Migrate to Blockchain Technology and Cryptocurrency in Droves. – Bitcoin Insider, 28/02/18

Rins, Robin. – Blockchain : quel impact sur le secteur industriel ?Blog Kostango, 26/02/18

L’Assemblée nationale s’empare du sujet blockchain. – Blockchain France, 26/02/18

Clark, Bryan. – Bank of America admits cryptocurrency is threatening its business model.TheNext Web, 24/02/18

CEA et Connecting food développent une solution blockchain pour renforcer la confiance dans la filière alimentaire. – CEA – Communiqué de Presse, 23/02/18

Keane, Jonhatan. – The blockchain-based start-up will cut out the middlemen in travel booking. – The Next Web, 22/02/18

Durand, Corentin. – La « quatrième économie mondiale » lance sa blockchain : le LGBT Token. – Numerama, 20/02/18

Boulestin, Rénald. – Microsoft veut croiser l’identité numérique avec la blockchain. – Silicon, 16/02/18

Myler, Larry. – Farm-to-table: How Blockchain Will Change the Way You Eat. – Forbes, 16/02/18

Eudes, Yves. – Le jeune geek qui concurrence le bitcoin. – Le Monde, 15/02/18

La blockchain au service de la charité et de l’environnement. – Cryptoast, 09/02/18

Perreau, Charlie. – La blockchain est-elle compatible avec le RGPD ?Journal du Net, 09/02/18

Beaumont, Peter. – Unicef recruits gamers to mine Etherum in aid of Syrian children. – The Guardian, 06/02/18

Commission européenne. – La Commission européenne lance l’observatoire-forum des chaînes de blocs de l’UE. – Commission européenne – Communiqué de presse, 02/02/18

Biseul, Xavier. – Comment mettre en œuvre un projet de blockchain en cinq étapes.Journal du Net, 02/02/18

Allouche, Benjamin. – Le bitcoin et l’environnement : entre vérité, mensonge et perspectives. – Bitcoin.fr, 04/01/18

Les blockchains, un moyen pour mieux gérer l’électricité ?Engie, 21/11/17

Jeffries, Daniel. – What will bitcoin look like in twenty years?Hacker Noon, 31/10/17

Certification des énergies renouvelables : la première mise en oeuvre de la blockchain en France ? - Avis d’expert – Actu-environnement, 09/10/17

Pisa, Michael ; Juden, Matt. – Blockchain and Economic Development: Hype versus Reality. – CDG Policy Paper 107, July 2017. – Center for Global Development. pdf.- Cgdev.org, 20/07/17

Pialot, Dominique. – Le monde de l’énergie à l’heure de la blockchain. - La Tribune, 09/01/17

Flipo, Fabrice ; Berne, Michel. – Le bitcoin et la blockchain : des gouffres énergétiques ? - Nouvel Obs, 20/07/16

La blockchain signera-t-elle la fin du capitalisme ?Mais où va le web ?,21/07/16

 

Environnement et numérique : opposition ou complémentarité. Le cas des « cleantechs »

logoCop21Apparus tous deux dans les années 1970, les enjeux de l’environnement et du numérique sont souvent associés dans les ruptures sociétales du 21e siècle (les premiers ‘geeks’ étaient souvent écolos), mais aussi opposés en raison de l’énorme consommation énergétique et des pollutions provoquées par l’usage des technologies de l’information et de la communication. L’empreinte écologique d’internet et des dispositifs numériques a notamment été interrogée et suspectée de participer au dérèglement climatique. Un certain nombre d’associations ont tiré le signal d’alarme et on assiste depuis quelque temps à des propositions de solutions ‘propres’ et responsables aussi bien de la part de grandes sociétés que de jeunes pousses, les ‘cleantechs’.

L’empreinte écologique : la consommation énergétique du numérique

L’internet pèserait 300 millions de tonnes de CO2 par an d’après le site Ecolo Info. Quant aux data centers, ils représenteraient à eux seuls près de 3% des 10% de l’électricité mondiale consommée par l’écosystème numérique d’après le blog de Completel. Comme l’a rappelé Axelle Lemaire lors de sa présentation des cleantechs ambassadrices à la COP21 le 30 novembre, les seuls mails du Ministère (Bercy) consomment l’équivalent de 14 allers-retours Paris-New-York !

On pourrait multiplier les chiffres, cela n’épuiserait pas le sujet …. C’est ce qu’explique Hubert Guillaud dans son dernier post : si la consommation énergétique d’internet s’est sensiblement réduite depuis quelques années, l’augmentation des utilisateurs du réseau et surtout la consommation croissante d’énergie par chacun (multiplication des appareils mobiles, même s’ils consomment moins que les fixes) augmente la consommation énergétique globale, surtout en raison de la consommation de données distantes et particulièrement de vidéos.

Ce qu’il faudrait c’est une « limitation de vitesse » sur internet comme sur l’autoroute … Le réseau des réseaux serait peut-être un peu moins performant mais plus durable dans une économie décarbonnée ! Si les géants du Net (Apple, Facebook, Google) font des efforts pour utiliser des énergies renouvelables dans leurs data centers, comme le reconnaît Greenpeace, cité par Guillaume Serries dans son article sur ZDNet, Microsoft est obligé d’admettre, en revanche, que « sa neutralité carbone », réalisée depuis 2012, est remise en question par la croissance des services de cloud …empreinte-ecologique-avenir-investir

Ces grandes infrastructures (data centers, cloud) ne sont pas les seules en cause dans la surconsommation d’énergie : tous les appareils en mode ‘veille’ sont également impliqués. En outre, de plus en plus d’équipements domestiques et industriels doivent rester en permanence en fonctionnement : ordinateurs de bureau, serveurs, routeurs, caméras de surveillance …

L’empreinte écologique : les pollutions chimique et électronique

Notre communication quotidienne ne pourrait pas se réaliser sans le concours de matériaux toxiques indispensables (jusqu’à présent) à la fabrication des appareils mobiles, notamment pour les batteries : les ‘terres rares’ ou lanthanides. Comme le souligne l’article de Géo : « l’extraction et le traitement des terres rares polluent et produisent des déchets toxiques ». Et évidemment, cette extraction se passe souvent dans les pays du Sud et dans des conditions souvent indignes : « en Mongolie intérieure, la radioactivité mesurée dans les villages près de la mine de Baotou serait 32 fois supérieure à la normale (contre 14 fois à Tchernobyl) » !

Une solution serait le recyclage des déchets électroniques pour répondre à la demande croissante de terres rares. Mais là aussi, ce n’est pas toujours le comportement responsable qui prévaut dans cette industrie. Le recyclage des ‘Déchets d’équipements électriques et électroniques’ ou D3E est très contrôlé et encadré en France et en Europe, comme l’explique la FAQ de Future Arte, mais il existe un trafic international d’exportations illégales de déchets électroniques où les conditions de travail et d’exploitation de matériaux échappent à toute réglementation … !

Un peu plus controversé, l’effet nocif des ondes électromagnétiques. Des cas de personnes électrohypersensibles ont été reconnus, dus à l’intolérance aux ondes électromagnétiques provenant des équipements de téléphonie mobile dans l’environnement. Même si l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement française (ANSES) estime que les données scientifiques ne montrent pas d’’effet avéré’ des ondes sur la santé, elle préconise néanmoins un certain nombre de précautions aux personnes hypersensibles, les effets à long terme étant encore inconnus (article de TVinfo). En revanche, les associations comme EHS-MCS préconisent une totale isolation du système numérique aux personnes électrohypersensibles !

Le numérique au secours des dérèglements climatiques : désinvestissement des énergies fossiles et investissement dans l’économie décarbonnéecampaign_di_0

Tous les jours, de grandes entreprises, des institutions et des collectivités locales abandonnent les énergies fossiles pour investir dans l’énergie propre. Lors de la présentation Cleantech, Pascal Canfin évoque $ 500 milliards d’investissement public et privé dans des projets qui contribuent à la décarbonisation de l’économie.

De grands patrons de multinationales dont plusieurs du secteur numérique (Bill Gates de Microsoft, Jeff Bezos d’Amazon, Marc Zuckerberg de Facebook, Xavier Niel de Free, Jack Ma d’Alibaba, etc.) ont fondé l’initiative « Breakthrough energy coalition » qui a pour objectif est d’investir dans les technologies d’énergie propre en misant sur les entreprises émergentes.

Ces initiatives sont révélatrices de l’émergence d’une disruption dans l’industrie et l’économie mondiale. Pascal Canfin a comparé la situation actuelle à celle de l’Europe à la veille de la Première guerre mondiale : dans les années 1900, Paris était envahi par le crottin de cheval qui représentait une véritable pollution à l’époque … Le développement de l’automobile pendant la guerre de 14 a fait disparaître ce problème (tout en créant un autre). Pour parvenir à une économie décarbonnée, neutre en carbone en 2060, il n’y a pas d’autre moyen que la jonction de l’économie verte et de l’économie numérique. En 2006, Nicolas Stern, chef du service économique britannique, a présenté dans un rapport indépendant (Stern Review) le caractère inéluctable du changement climatique et analysé ses coûts et conséquences sur la croissance et le développement. Cet économiste, qui est à présent le vice-président de la Banque Mondiale, a démontré que si on n’apportait pas de solutions durables à ce problème, le changement climatique risquait de coûter plus cher à l’économie mondiale … !

La COP21 représente une partie de ce défi (politique mondiale), mais il faut aussi que des entrepreneurs le relèvent aussi. L’économie contemporaine finance encore trop de projets avec l’énergie fossile …

L’innovation au service du climat : la recherche-développement des ‘cleantechs’

climate-solutions-idea-bulb-lead-972x514Comme l’a souligné Axelle Lemaire, il y a urgence à apporter des solutions par l’innovation. C’est pourquoi la French Tech se met au vert. Le numérique est devenu une transition nécessaire dans la transition écologique.

Des géants industriels aussi bien que des universités et des centres de recherche ont fait le pari de l’innovation en soutenant des jeunes pousses.

Au côté de grands groupes, les organismes de recherche participent à une exposition au Grand Palais pour présenter au public l’action des scientifiques sur la question climatique à l’occasion de la COP21. Les chercheurs partagent leurs connaissances avec les visiteurs et présentent des solutions pour lutter et s’adapter au changement climatique. L’INRIA, représentant la recherche en informatique et automatique, est partie prenante de plusieurs projets (énergie alternative, recyclage des déchets, transport, ville intelligente).

Au niveau des entreprises innovantes, les start-ups ‘greentech’ ont l’avantage d’être agiles et participatives. Sur les 21 start-ups sélectionnées pour être les ambassadrices à la COP21, 13 ont été choisies par le public. Le contenu des solutions numériques est aussi transversal et transdisciplinaire. Certaines solutions permettent le suivi précis et prédictif des consommations d’énergie. L’intelligence des mégadonnées permet de créer des ‘smart data’, notamment avec des objets connectés et de promouvoir de nouveaux usages, comme l’application Plume Labs. Créée par une équipe de jeunes ingénieurs pour démocratiser l’accès à l’information concernant la qualité de l’air urbain, cette start-up française permet aux utilisateurs de suivre, prédire et réduire leur exposition à la pollution de l’air !

Ces jeunes pousses s’appuient aussi bien sur la participation du public que sur un partenariat industriel public et privé. Ces initiatives ne sont qu’un premier pas dans un cercle vertueux qui devrait amener à une prochaine révolution industrielle. C’est le thème du Forum de l’OCDE qui doit se tenir à Paris les 14 et 15 décembre 2015.

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Rapport Stern : coût des changements climatiques.Réseau Action Climat France, 12/10/06

Manach, Jean-Marc. – Ecologie : le numérique fait partie de la solution, pas du problème. – InternetActu, 14/04/09

Livre ou Ipad ?Carbone 4, 2012 [Métro, 03/03/11]

La Porte, Xavier de. – Energie, pollution et internet. – InternetActu, 01/10/12

Flipo, Fabrice ; Dobré, Michèle ; Michot, Manon. – La face cachée du numérique : l’impact environnemental des nouvelles technologies. – Paris, L’Echappée, 2013

Weiler, Nolwlenn. – Cette empreinte écologique que les consommateurs ont bien du mal à voir.Bastamag, 20/01/14

Le numérique c’est plus écologique ? Kaizen, 22/04/14

Paris désinvestit des énergies fossiles. Maison de la Chimie, 1er Septembre 2015. – European Greens.

Redefining industrial revolution : OECD 2015 Green Growth and Sustainable Development Forum (14-15 December 2015, Paris). – OECD Insights, 07/11/15

21 start-ups des cleantechs ambassadrices de la French Tech à la COP21 : le concours du 12 au 27 novembre 2015/ Sous le haut patronage du Ministère de l’Economie, de l’industrie et du Numérique. – Dossier de presse pdf.

Serries, Guillaume. – COP21 : quid de l’impact des data centers ? ZDNet, 27/11/15

COP21 : La recherche se mobilise pour le climat. Solutions Cop21, Paris 2015. – Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, 27/11/15

Breackthrough Energy coalition. – [28 November 2015]

Dolan, Kerry A. – Bill Gates, Mark Zuckerberg & more than 20 other billionaires launch coalition to invest in clean energy. – Forbes, 29/11/15

Jost, Clémence. – COP21 : nos pratiques numériques sont-elles écologiques ? Archimag, 30/11/15

Guillaud, Hubert. – Avons-nous besoin d’une vitesse limitée sur l’internet ?InternetActu, 01/12/15

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