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Livre numérique : comment expliquer ce retard au décollage ?

ebookIl y a près de dix ans, en 2007, au moment du lancement de la liseuse Kindle, le marché des e-books s’annonçait prometteur. Et aujourd’hui les livres numériques devraient avoir supplanté le papier comme les téléchargements musicaux l’ont fait pour le vinyle ! Or, si le secteur de l’édition se porte bien, en France comme dans le monde, c’est essentiellement dû aux livres imprimés.

Comme le rappelle Edouard Laugier dans le Nouvel Economiste, le livre est le premier marché culturel du monde : « en 2014, les ventes mondiales  ont généré 125 milliards de dollars de revenus » (Kurt Salmon). Le livre numérique représente 15% du chiffre d’affaire global. En France aussi, le livre est la première industrie culturelle avec un chiffre d’affaire de 4,06 milliards € (GFK). Au niveau mondial, les e-books représentent 10% des ventes, 25% dans le monde anglo-saxon et 2 à 3% en France …

Il faut reconnaître qu’en France, la consommation de produits culturels numériques est moins importante que dans d’autres pays développés, exception faite de la musique. Comme l’explique Christophe Bys dans l’Usine digitale, seuls 9% de Français souscrivent à une offre de vidéo à la demande, contre 60% aux Etats-Unis, 23% au Royaume Uni et 19% en Allemagne … Il est vrai que les publics valorisent de plus en plus la logique de l’accès (streaming) à celle de la propriété (achat de produits), sauf en matière de jeux vidéo où l’hybridation domine entre dématérialisation (jeux en ligne) et matériels (console +jeux).

Marché et consommation de e-books en France llc_droit_d_auteur

Alors qu’aux Etats-Unis les livres numériques représentent 25% du marché du livre, d’après le baromètre KPMG, la consommation de livres numériques en France est inférieure à 2% en 2015 et 74% des Français ne comptent pas en lire selon un sondage Opinion Way ! Néanmoins, le nombre de lecteurs de livres numériques  est en légère augmentation (20% de la population française) d’après les enquêtes 2016 du 6e Baromètre sur les usages du livre numérique (Sofia-SNE-SGDL), les deux supports « coexistent dans un marché stable qui confirme la pratique d’un usage mixte». Si la demande est si faible, l’offre est plutôt opaque et les éditeurs traditionnels hésitent à abandonner la proie pour l’ombre virtuelle des ouvrages.

Pourtant le processus numérique est bien intégré dans la production éditoriale : rédaction, édition et fabrication informatique ont permis de réduire les coûts et les délais et d’améliorer la productivité. Il en est de même pour la gestion des catalogues et les bases de données clients. Si 62% des éditeurs disposent d’une offre numérique (surtout les grandes maisons), la promotion des e-books a bien ralenti depuis 2011 surtout en raison de difficultés dans la commercialisation et la compréhension du marché. En fait, comme l’explique Clément Solyme dans son article d’Actualitté, « le numérique pour les éditeurs, ce ne sont pas des coûts en moins, mais des recettes en plus ». En effet, sur les grandes ventes, le coût de fabrication ne fait pas vraiment la différence et les coûts de stockage sont réduits grâce à la technologie. Aujourd’hui, on imprime seulement pour trois mois, puis on réédite si nécessaire …

Seul le secteur professionnel et universitaire profite de la révolution numérique : les éditions juridiques et scientifiques sont très numérisées. Les éditeurs de revues STM (sciences, technologies, médecine) réalisent 40% de leur chiffre d’affaire grâce aux publications numériques et jusqu’à 80% aux Etats-Unis ! Quant aux ouvrages juridiques, la mise à jour est quasi-directe depuis les tribunaux …

Freins à la consommation : les prix, la TVA

app_ebook_bundleUn des principaux atouts des plateformes d’e-books au début de leur lancement, était les prix attractifs, avec le plafond de $ 9.99 initié par Amazon. Et ce, avec un confort de téléchargement immédiat ; il suffisait de cliquer sur un titre sur sa liseuse ou sur l’ordinateur et l’ouvrage est immédiatement téléchargé, et le compte débité aussi vite ! Or, l’année dernière, les principaux éditeurs américains ont décidé d’une augmentation substantielle : on a immédiatement assisté à un renversement du marché : une baisse de 11% des ventes d’e-books entre 2014 et 2015 ! Le marché est très « price sensitive », certaines différences de prix sont jugées insuffisantes pour passer du papier au numérique, l’écart de prix est d’environ 30% : ex : 20 € l’exemplaire papier, 13,99 € pour l’e-book. Ce dernier peut même être plus cher que le livre papier comme dans le cas des livres de poche …. Le ‘juste prix’ pour les e-lecteurs se situerait autour de 7€.

Mais c’est essentiellement l’arrivée de l’iPad d’Apple qui a imposé des prix plus élevés (plus de 17%) sur sa plateforme iBooks suite à une entente avec six éditeurs ! Ensuite, Amazon a imposé de nouvelles conditions contractuelles … La plupart des éditeurs traditionnels ont augmenté leurs prix, ce qui a rendu les e-books moins accessibles pour les lecteurs.

Mais ces éditeurs ne représentent pas l’ensemble de la publication des livres numériques. D’après Clément Solyme, aux Etats-Unis, sur 10 000 titres vendus en mai 2015, 27% sont publiés par des grands groupes au prix moyen de $8,22 et 73% par des petits éditeurs ou par autopublication, au prix moyen de $4,58. En fait, comme le souligne une étude citée par The Guardian, la baisse du marché numérique ne prenait en compte que la moitié des e-books vendus aux Etats-Unis. Rappelons aussi qu’en France, plus de la moitié des lecteurs de livres numériques (59%) les acquièrent gratuitement car ceux-ci appartiennent au domaine public.

Au niveau de la TVA, si la France a adopté depuis un an un faible taux de TVA (5,5%), la plupart des  pays de l’Union européenne conservent encore un taux élevé pour les e-books, jusqu’à 20% au Royaume Uni. Mais la Commission a prévu une baisse du taux pour fin 2016.

Autres freins : liseuses, formats, DRM drm

Aux Etats-Unis, le marché des liseuses est saturé : il a été évincé par la multiplication des smartphones et des tablettes qui séduisent par leur aspect multisupports. Comme le dit Hervé Essa , cité par Edouard Laugier dans le Nouvel Economiste, « les liseuses sont des équipements marginaux. Le secteur de l’édition n’a pas anticipé cette demande des publics. Les offres ne sont ni marketées, ni adaptées aux usages. ». Michel Beck dans Numérama ajoute même que la chaîne de librairies britannique Waterstones a enlevé les Kindle de ses vitrines… Et ce n’est pas le dernier-né des Kindle, Oasis, lancé cette semaine, qui inversera cette tendance. Malgré de nombreux atouts en plus de l’encre électronique (éclairage LED, batterie qui dure plusieurs mois, option pour gauchers, etc.), Amazon le propose à un prix (près de 300 €) qui en dissuadera plus d’un … !

En France 4% des foyers sont équipés de liseuses et 10,7 millions d’unités achetées.

Mais si le e-book a des avantages au niveau de la mobilité, ce produit présente des handicaps par rapport au livre physique : dans la plupart des cas, la revente, le prêt ou le don ne sont pas permis par les conditions d’utilisation. Les DRM (dispositifs techniques de gestion d’une œuvre numérique) agissent comme des verrous pour empêcher les possesseurs d’un livre numérique de le partager, de le diffuser ou de le revendre. Seule solution pour partager des œuvres entre proches, paramétrer toutes les liseuses de la même famille avec le même compte … ! Evidemment, cela n’est possible qu’avec un même format de liseuse : Kobo (FNAC), Kindle (Amazon) ou iBooks (Apple) … 13377-drm

Comme le rappelle Neelie Kroes, Commissaire européenne à l’économie numérique, citée par Joaquim Rodriguez  dans Publishing Perspectives « Quand vous achetez un livre papier, il est à vous et vous pouvez l’emporter où vous voulez. Cela devrait être la même chose avec un e-book. Aujourd’hui, on peut ouvrir un même document dans plusieurs ordinateurs, pourquoi n’en serait-il pas de même pour un e-book sur différentes plateformes avec différentes applications. » Malgré la résistance des éditeurs, Neelie Kroes rappelle que l’interopérabilité des formats est à l’ordre du jour dans l’agenda numérique européen.

Pour Coralie Piton, directrice du livre à la FNAC, interviewée dans Numérama « Il faut trouver un modèle qui protège l’ensemble de la filière », mais pas question d’abandonner les DRM qui les protègent contre les pirates. C’est pourtant ce qu’a choisi Bragelonne en préférant le tatouage numérique  plutôt que les verrous. Les responsable de cette maison sont « convaincus que le seul moyen de combattre le piratage, c’est de créer une offre légale qui convient aux attentes des lecteurs. ».

Cette idée d’une protection « user friendly » est aussi celle des DRM LCP (Lightweight Content Protection), solution développée par le consortium Readium qui se présente comme l’alternative européenne à la DRM Adobe pour le format EPUB qui permet l’interopérabilité des formats. On pourra ainsi consulter un e-book sur n’importe quel appareil. Ces DRM ‘poids plume’ sont destinés prioritairement au prêt en bibliothèques à travers le système PNB. Mais la concurrence, notamment Adobe et les sociétés américaines, ne l’entend pas de cette oreille et menace de lancer une guerre des brevets … !

Cette mesure permettrait de desserrer un peu le carcan des e-books qui n’ont pas encore acquis la légitimité d’œuvres autonomes en France au moment où l’Assemblée nationale rejette l’amendement permettant de créer un dépôt légal numérique. La BNF ne peut que moissonner les œuvres sur le web et les robots d’archivages risquent de ne pas voir les ouvrages protégés par des DRM …

Beck, Michel. – Qui veut la peau du livre numérique ?Numerama, 22/01/16

Beuve-Méry, Alain. – La résistible ascension du livre numérique. – Le Monde, 24/02/16

Un marché stable qui confirme la pratique d’un usage mixte. – Baromètre Sofia/SNE/SGDL, 16/03/16

Rodriguez, Joaquim. – Will Ebooks Ever Circulate Freely in Europe ?Publishing Perspectives, 22/03/16

Laugier, Edouard. – Le livre numérique, l’innovation dont personne ne veut vraiment. – Le Nouvel Économiste, 22/03/16

Hoang, Kristine. – AAP :Ebooks Sales Down 12.7 Percent.Digital Book World, 22/03/16

Solym, Clément. – L’intérêt pour le livre numérique décline, ou les prix  sont devenus moins attractifs ?Actualitté, 23/03/16

Oury, Antoine. – L’Association des Bibliothécaires de France favorable à un dépôt légal numérique. – Actualitté, 31/03/16

Bys, Christophe. – Les industries culturelles doivent se transformer plus vite que leurs clients se digitalisent. – Usine digitale, 04/04/16

Hugueny, Hervé. – Jean-Claude Junker redit son soutien à une TVA unique numérique/papier. – Livres Hebdo, 05/04/16

Woitier, Chloé. – L’industrie européenne du livre veut offrir une alternative à Amazon.Le Figaro, 07/04/16

Oury, Antoine. – La DRM LCP : grands enjeux, risques élevés. – Actualitté, 11/04/16

Berne, Xavier. – La TVA réduite pour les ebooks et la presse en ligne : une proposition législative fin 2016. – Next INPact, 11/04/16

 

 

Quel prêt pour le livre numérique ? La controverse autour du projet PNB

Des-écrits-aux-écrans1Un an après l’ouverture au public du premier dispositif de prêt numérique dans les bibliothèques publiques (Projet PNB), une polémique divise les bibliothécaires, notamment après la mise en service de ce prêt dans les bibliothèques de la Ville de Paris le 13 octobre.

Le Collectif SavoirsCom1 a même appelé à bloquer le système en téléchargeant des fichiers de livres disponibles jusqu’à épuisement avec le mot d’ordre « chasse aux jetons ». Pour ce groupe de bibliothécaires, chercheurs et juristes, ce modèle est inabordable pour des budgets publics et surtout l’implantation de DRM (verrous numériques) dans les fichiers des e-books va à l’encontre de la philosophie des communs communs – célébré la même semaine par les bibliothèques de Paris avec le Festival Numok pendant « Le Temps des communs ». La CGT Culture de la Ville de Paris soutient aussi l’action du Collectif en dénonçant « l’indigence du système comme du modèle ». Le livre numérique coûte plus cher à la bibliothèque que le livre papier (jusqu’à trois ou quatre fois), et de plus, il s’agit d’une licence et non d’une acquisition définitive. Cette licence est limitée dans le temps (6 ans pour la Ville de Paris) et en nombre d’emprunts simultanés (30 maximum). Ensuite la bibliothèque est obligée de racheter un exemplaire … Le syndicat appelle à « un autre rapport de force avec les éditeurs et à un droit de prêt similaire au droit du livre papier sans contrainte de durée et de nombre de prêt ».

Le Réseau Carel avait alerté dès 2013 sur le coût élevé de l’acquisition au titre et sur le choix de la licence à la place de l’achat définitif dans le projet PNB. Les budgets des bibliothèques n’y résisteraient pas et ces dernières perdraient leur rôle patrimonial en n’étant plus propriétaires des collections.

De son côté, l’ABF (Association des bibliothécaires de France) s’est inquiétée dans un communiqué « du manque de transparence de l’expérimentation PNB, et à part quelques retours, d’aucune évaluation de ce service un an après sa mise en œuvre ». L’ABF rappelle aussi que ce dispositif entre en contradiction avec les accords interprofessionnels du 8 décembre 2014 « qui appelle à la diversité des modèles du livre numérique en bibliothèque ». Le PNB risque aussi de provoquer une fracture territoriale dans la mesure où ce sont de très grandes collectivités (Montpellier, Grenoble, Paris), disposant de suffisamment de ressources financières, qui mettent en œuvre ce service. Le PNB crée donc « une inégalité d’accès à la lecture sur l’ensemble du territoire français ». De plus, la complexité du modèle avec les DRM rend difficile d’accès à ce service une grande partie des usagers qui ne sont pas à l’aise avec le numérique. Cette exclusion entre en contradiction avec les principes fondamentaux de la charte BibLib. L’ABF demande enfin au Ministère de la Culture de « diligenter une véritable étude indépendante qui puisse faire le point sur cette année d’évaluation ».

Comble d’incompréhension, des bibliothécaires parisien(ne)s qui ont pris l’initiative de relayer ce communiqué sur twitter ont été sommés de retirer immédiatement leurs twits par le Bureau des bibliothèques (BBL) rattaché au cabinet de Bruno Julliard … ! Le travail de veille des professionnels se voit ainsi censuré ! Même si le BBL est revenu ensuite sur sa décision

Comment en est-on arrivé là ? A la différence des BU, les bibliothèques publiques ne disposaient pas véritablement de prêt de e-books, exceptées quelques expériences de prêt de liseuses. 6a00d8342e8a5353ef01b8d120387c970c

La première vague d’initiative remonte à 2011 pour la phase de prospection et de concertation. Le projet PNB regroupant les établissements de Montpellier, Grenoble, Aulnay-Sous-Bois et Levallois s’est ouvert au public à l’automne 2014. Il intervient dans un contexte où seules 4% des grandes bibliothèques disposent d’un service de prêt d’e-books malgré la multiplication des distributeurs (Bibliovox, Lekti, Numilog, l’Harmatèque, etc.).

L’originalité du modèle PNB – projet interprofessionnel soutenu par le CNL – réside dans l’existence d’une interface réalisée par l’opérateur Dilicom qui permet l’articulation entre les différents acteurs : éditeurs et diffuseurs (catalogue de livres) ; libraires (offres des distributeurs aux collectivités) ; bibliothèques et usagers. Les livres peuvent être téléchargés ou lus en ligne (streaming).

La chaîne de gestion du prêt numérique prend en charge l’ensemble des étapes nécessaires au fonctionnement du service. Chaque collectivité établit les partenariats qui lui conviennent ; Montpellier, par exemple, avec la librairie Sautemps, le logiciel Archimed et le prestataire ePagine. L’objectif est de préserver et de stabiliser la place des libraires.

Des expériences semblables ont lieu dans le monde. Au niveau francophone, le Québec et la Belgique ont adopté le même modèle, avec la participation de librairies agrées. En 2014, le système québécois pretnumerique.ca a enregistré près d’un million d’emprunt avec une moyenne de 20 000 prêt par mois. La licence fonctionne comme pour le prêt papier : 1 copie = 1 utilisateur (pas de prêt simultané) ce qui rend l’exemplaire emprunté immédiatement indisponible pour les autres lecteurs ! Là aussi, les e-books empruntés sont chrono-dégradables, ils s’effacent automatiquement à la fin de la période de prêt ; chaque copie peut être empruntée 55 fois, ensuite il faut acquérir un nouvel exemplaire. Jean-François Cusson, responsable du service, reconnait qu’il peut paraître absurde d’introduire la notion d’exemplaire dans l’univers numérique, mais pour des raisons pragmatiques, les bibliothèques ont préféré utiliser les systèmes de diffusion existants …
En Belgique francophone, un consortium de bibliothèques a rejoint le dispositif PNB.

Aux Etats-Unis et au Canada anglophone, les bibliothèques s’adressent directement aux plateformes de distribution commerciales sans passer par la médiation des libraires. home-big-image-220772a036b791a8c8cd39132d932b2a

La présence des libraires dans le dispositif PNB est un des principaux arguments utilisés dans la réponse à l’offensive de SavoirsCom1. Grâce à leur médiation, les bibliothèques ne se font pas cannibaliser par les acteurs commerciaux du Net (Google, Amazon) qui proposent des abonnements à la Netflix au consommateur-lecteur … Et concurrencent le service public !

Laurent Soual, bibliothécaire consultant, rappelle dans une tribune sur Actualitté, que c’est l’avenir des bibliothèques qui est en jeu : ce sont « les seules institutions légitimes pour proposer un service de prêt numérique aux usagers. Si ce service n’est pas efficient, elles perdront toute légitimité aux yeux des décideurs et des élus pour continuer à proposer leurs services traditionnels ou pour en proposer de nouveaux » !

Les bibliothécaires des établissements qui ont expérimenté le projet PNB ont posté une réponse collective aux critiques de SavoirsCom1 et de l’ABF : coût élevé du système et des livres numériques, utilisation des DRM et complexité du dispositif, service réservé aux grandes bibliothèques, offre de livres numériques restreinte, etc… Les bibliothécaires expérimentateurs explicitent leurs choix en soulignant qu’une évaluation est prévue au bout de deux ans et la plupart des bibliothèques sont à moins d’un an d’expérience.Le Collectif SavoirsCom1 s’est empressé d’y répondre avec Dix idées reçues pour prolonger le débat sur PNB et le prêt numérique ….

Après les bibliothécaires et les lecteurs, ce sont à présent les auteurs qui se sentent floués par le PNB. Dans le prêt numérique, l’auteur touche une part sur le prix du livre, mais ne touche aucune compensation pour le prêt, alors qu’un e-book peut être emprunté entre 20 et 40 fois ! Ce manque de compensation touche aussi les éditeurs. Même si la rémunération est supérieure à celle du livre imprimé, cette offre va permettre des usages défavorables à toute la chaîne du livre.

Affaire à suivre …

Mazin, Cécile. – Des e-books en bibliothèque, certes, mais à certaines conditions.Actualitté, 09/10/13

Oury, Antoine. – Première approche de PNB pour les bibliothécaires français. – Actualitté, 11/08/14

Bibliothèque de Grenoble : ouverture de Bibook, l’offre de livres numériques PNB . – Aldus, 08/09/14

PNB ou le livre numérique inabordable pour les bibliothèques. - SavoirsCom1, 12/2014

Des livres numériques : où je veux, quand je veux ! - Paris.fr Bibliothèques, 14/10/15

Mercier, Sylvère. – Prêt numérique en bibliothèque : critique constructive d’un modèle inadapté. – SavoirsCom1, 10/2015

Collectif SavoirsCom1. – Prêter des livres numériques comme des livres papier : une fausse évidence. – Rue 89, 15/10/15

L’ABF alerte sur le sur dispositif Prêt numérique en Bibliothèque. – ABF, 16/10/15

Les critiques contre les conditions de prêt numérique en bibliothèque (PNB) rendent fou Bruno Julliard. – Social Nec Mergitur, 19/10/15

Bibliothèques : le prêt numérique en question en France. – Aldus, 19/10/15

Ne serait-il pas dommage de refuser sa chance au projet PNB ?Actualitté, 21/10/15

Soual, Laurent. - Prêt numérique en bibliothèque n’est pas le TGV Lyon-Turin. – Actualitté, 22/10/15

Oury, Antoine. – PNB : la rémunération des auteurs reste problématique. – Actualitté, 23/10/15

Dix idées reçues sur le débat sur PNB et le prêt numérique. – SavoirsCom1, 10/2015

 

Lire, écrire … A l’ère numérique – 1 – La lecture aujourd’hui

270x300 lireL’environnement numérique est depuis quelque temps accusé de tous les maux, et surtout d’avoir « tué » la lecture, notamment chez les jeunes. En perturbant l’attention des lecteurs avec des liens hypertextes et des notifications diverses (mails, réseaux sociaux, SMS et même coups de fils) sur les ordinateurs et terminaux mobiles, la lecture numérique perd l’intensité de l’’attention profonde’ qui permet de s’investir pleinement dans un texte et de comprendre un document. Cette dernière se transforme alors en ‘hyperattention’ et se disperse en suivant plusieurs fils d’information. C’est ce que démontre Katherine Hayles, professeur à l’Université de Duke, citée dans le séminaire de l’IRI « Ecologie de l’attention » organisé par Bernard Stiegler et Igor Galligo en 2013-2014 au Centre Pompidou. J’avais évoqué cette controverse dans le post « Livres/écrans : quelle hybridation pour la bibliothèque du 21e siècle » : il apparaissait que le problème ne résidait pas dans l’opposition ‘papier/numérique’, puisque les liseuses à encre électronique (e-ink) permettent l’attention profonde, mais dans la dualité entre culture des écrans et culture du livre selon le psychanalyste Serge Tisseron. Dans la culture du livre le rapport au savoir est vertical (auteur/lecteur), tandis que devant les écrans, les lecteurs se trouvent devant un accès plus diversifié et horizontal.

D’autre part, comme le démontre le neuropsychologue Stanislas Dehaene dans la vidéo cerveau_lecture« cerveau et lecture » à l’Académie Royale de Belgique, la mise en place de la lecture est apparue assez tard dans l’histoire de l’humanité : au cours de l’évolution, la plasticité du cerveau a permis de ‘recycler’ une aire neuronale pour la consacrer à l’activité du décodage de signes abstraits (mots). L’imagerie cérébrale a permis d’identifier cette zone et notamment le rôle du cortex temporal gauche, la « boite à lettre » du cerveau, dans cette activité. Les neurones de cette région ne répondent pas lorsque la personne est illettrée. Si notre système cognitif a pu s’adapter à un moment de notre histoire pour produire l’activité de lecture (et d’écriture comme mémoire externe), il devrait être capable de  s’adapter aussi à l’environnement numérique.

C’est ce qu’explique Christian Jarrett dans le post de Wired  «The Internet isn’t ruining your teenager’s brain ». Malgré les prophètes de mauvais augure qui nous présentent une génération d’adolescents perturbés et distraits, internet et les usages numériques pourraient avoir une action positive sur l’esprit des jeunes en les rendant plus sociaux. Et même si une très faible minorité subit une addiction, par exemple aux jeux vidéo, la plasticité du cerveau devrait permettre d’inverser ce processus à l’âge adulte …

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D’ailleurs la lecture numérique a d’autres avantages recensés dans le post La lecture sur l’internet rend-elle idiot? Pas si sûr! : survoler un article pour en extraire les informations pertinentes, etc. Comme le dit l’écrivain espagnol Lorenzo Silva, cité dans un article d’Actualitté, Internet est « le grand texte du peuple qui ne lit pas ». Si les gens ne lisent plus comme avant, internet n’est rien d’autre que du texte (de moins en moins …) et il faut s’assurer de la qualité de ce grand texte !

Il existe aussi un certain nombre d’outils qui permettent de retrouver sur les écrans la tranquillité de la page imprimée. Evernote ou Readability suppriment tous les parasites (publicités, annonces diverses, renvois, etc.) qui polluent les sites web pour donner accès à une lecture ‘zen’ ou décalée ;-) Mais, sauf si on déconnecte le terminal, on n’échappera pas aux ‘distractions’ en ligne : hypertexte, notifications …

Il est vrai que la place de la lecture a beaucoup régressé dans les activités culturelles des Français, au profit bien sûr des médias audiovisuels et interactifs : télévision, vidéos, jeux vidéo, musique, etc. La lecture de vingt livres ou plus par an est passée, d’après les enquêtes sur les pratiques culturelles des Français,  de 28 personnes sur 100 en 1973 à 16 en 2008, et surtout de 41 à 16 pour les 18-24 ans ! Un enquête plus récente d’IPSOS citée dans Actualitté comparaît les données de 2014 sur le comportement des lecteurs avec celles de 2011 : si la proportion des lecteurs au format papier a légèrement diminué passant de 70% à 69%, les lecteurs au format numérique sont passé de 8 à 11% en trois ans ! La pratique de la lecture n’a donc pas disparu, mais se transforme …

Au niveau mondial, l’édition numérique serait en hausse et devrait progresser de près de 20% sur la période 2013-2018 d’après le « Global e-book market ».

La fréquentation des bibliothèques reflète d’ailleurs cette tendance : l’inscription en bibliothèque a progressé entre 1973 et 2008 : on est passé de 13 Français de 15 ans et plus sur 100 en 1973 à 18 inscrits en 2008 et surtout de 18 à 31 pour les 18 – 24 ans ! Il est intéressant de corréler ces données avec les pratiques de lecture de livres : il semblerait que les jeunes ne fréquentent pas les bibliothèques uniquement pour lire des livres ! En revanche, en ce qui concerne les bibliothèques universitaires, l’étude réalisée par l’Université de Toulouse en 2012 montre que la relation entre l’utilisation de la documentation des BU et la réussite aux examens des étudiants est bien réelle. «… le lien entre emprunts et réussite est très fort : la probabilité de valider son semestre est beaucoup plus élevée pour les étudiants empruntant beaucoup d’ouvrages que pour ceux en empruntant peu …». enhanced-ebooks

Mais revenons à la lecture numérique. Si les neurosciences cognitives n’ont pas encore tranché sur les différences entre la lecture « papier » et la lecture « écran », cette dernière n’a pas que des inconvénients : elle permet aussi un partage « social » des commentaires et annotations, mais surtout la ‘fouille de données’, en anglais le TDM (text and data mining). C’est ce que souligne Christophe Perales dans son post « Infini de la lecture : de Cassiodore au text et data mining » en comparant l’arrivée du numérique avec la mutation qu’a connu le livre au début du IIIe siècle en passant du volumen au codex. Cette mutation a complètement changé les rapports des lecteurs à l’écrit bien plus que l’invention de l’imprimerie ! « le codex va ouvrir la possibilité de constituer des tables des matières, des index, de confronter bien plus commodément, et quasi simultanément, des passages différents, à l’intérieur d’un même livre ou entre plusieurs ouvrages. […] Une innovation matérielle peut donc avoir des conséquences intellectuelles importantes. »

Le web nous a fait retrouver la possibilité de plusieurs lecteurs d’intervenir sur un même texte pour le commenter à travers des annotations qui existaient déjà au Moyen-Age ! Mais c’est la fouille de contenu qui représente la pratique la plus disruptive apportée par le numérique à la lecture. L’utilisation de ces ‘mégadonnées’ à partir des textes et des corpus grâce aux outils des humanités numérique va changer complètement le rapport au savoir pour les chercheurs. Évidemment, un problème juridique existe encore pour l’accès complètement libre à ces textes. Mais ce qui change complètement la donne dans cette innovation ce n’est plus l’ »interface neuronal » entre l’œil et le système cognitif qui décrypte ces signaux, mais un dispositif automatique, un robot qui « lit » et traite ces volumes très importants d’information. Même si en fin de compte, ce sont des humains qui donnent un sens à cette opération … ! 2013-12-01 002

Pour aller plus loin

Ferrando, Sylvie. - Compte rendu de l’ouvrage  de Stanislas Dehaene Les  neurones de la lecture, introd. de J.P Changeux. Ed. Odile Jacob, 2007. – Relais d’Information sur les sciences de la cognition (RISC)-CNRS, 2007 (pdf).

Ministère de la culture et de la communication. - Enquête sur les pratiques culturelles des Français : évolution 1973-2008. – Département des enquêtes, de la prospective et des statistiques.

Emprunt en bibliothèques universitaires et réussite aux examens de licence. – Étude lecture V 21 – Université de Toulouse, décembre 2012

Keim, Brandon. – Why the smart reading device of the future may be … Paper. – Wired, 05/01/14

Helmlinger, Julien. – Comportement et évolution de la lecture chez les Français. – Actualitté, 13/03/14

L’attention et la dynamique des écrans et images virtuelles in Ecologie de l’Attention – IRI – Centre Pompidou, 02/04/14 – Vidéo Lignes de temps

Jahjah, Marc. – Qu’est-ce que la lecture sociale ? - INAGlobal, 23/07/14

Lire à l’écran : (re)tournons à la page. – Site de François Jourde, 06/08/14

Est-ce que le livre numérique tue vraiment la lecture? – Slate, 14/08/14

Delarbre, Clémence. – La bibliothèque du futur sera-t-elle sans livres ? – Rue 89, 14/08/14

Des livres, des lecteurs, des lectures. – Le dernier blog, 26/08/14

Perales, Christophe. - Infini de la lecture : de Cassiodore au text et data mining. -BibliOpen – Blog Educpros, 04/09/14

Une bibliothèque sans livres … C’est possible !

Non, nous ne sommes pas en pleine science fiction … Et cela ne veut pas dire pour autant que nous entrons en décadence !

Le développement des supports numériques et celui du nomadisme rendent désormais possible cette quasi aberration sinon cet oxymore …
La première bibliothèque sans aucun livre (papier) va ouvrir à l’automne prochain à Toronto. BiblioThech , c’est son nom, prêtera des liseuses pour deux semaines à ses lecteurs : pas de politique BYOD (Bring Your Own Device : en français AVEC : Apportez Votre Équipement Personnel de Communication) dans ce lieu, et, bien sûr, il y aura des ordinateurs …
Cette stratégie devrait aussi permettre de rendre ce service aux déficients visuels : des associations sont en train de faire pression sur les constructeurs de liseuses ou tablettes pour mieux adapter ces outils aux personnes en situation de handicap visuel (braille, synthèse vocale, etc.). Malheureusement, les verrous numériques des DRM bloquent encore ces développements ;-( En effet pour transformer certains ouvrages déjà numérisés, il faudrait toucher à la loi sur le copyright et cela se heurte aux puissants lobbies des éditeurs et distributeurs : Amazon a déjà supprimé les fonctionnalités audio de ses liseuses… Aux Etats-Unis, seul 1% des ouvrages est disponible dans un format adapté …

En France, on n’est pas encore arrivé à ce point, mais un certain nombre d’expériences ont lieu dans des bibliothèques publiques, comme la « Pirate Box » à Aulnay-Sous-Bois. Comme l’explique le bibliothécaire Thomas Fourmeux, il s’agit d’un dispositif permettant de télécharger des œuvres appartenant au domaine public ou libres de droit. Aucun piratage donc dans cette expérience qui est complètement légale … ;-) Mais à la différence de la BiblioThech canadienne, il faut apporter son matériel (liseuse, tablette, smartphone, etc..). Une expérimentation pour le prêt de liseuse a aussi eu lieu, de même que des ateliers avec iPads avec les enfants pour les initier à la lecture numérique. En fait, si les livres ‘objets’ disparaissent progressivement des bibliothèques, ce n’est pas le cas des bibliothécaires, qui deviennent de plus en plus indispensables pour accompagner les lecteurs dans cette mutation, c’est ce qu’on appelle la médiation numérique. Si la plupart des jeunes viennent à la bibliothèque pour profiter du réseau wifi, de nombreux utilisateurs ignorent encore qu’il faut se connecter au wifi pour télécharger des documents …
Ce dispositif simplifie aussi le travail des bibliothécaires : plus besoin d’acquérir les classiques en plusieurs exemplaires (surtout pour les scolaires). Et en ce qui concerne les livres relevant du domaine public, on n’a plus à se préoccuper des livres perdus ou en prêt !
Pour les e-books encore sous droit d’auteur, les bibliothécaires de Toronto les rendront illisibles au bout des deux semaines de prêt.

Quant aux ‘accros’ au papier, des distributeurs automatiques de livres (de poche), semblables aux distributeurs de boissons, existent déjà en Chine et … Dans une librairie à Toronto !

Mais, s’il n’y a plus de livres dans les salles de bibliothèque, que faire avec tous ces espaces ?
C’est là qu’intervient la notion de « troisième lieu ». Le troisième lieu est un espace consacré à la vie sociale, qui se positionne après le foyer (1er lieu) et le travail (2eme lieu). C’est le rôle qu’ont joué le forum ou la place de marché, puis l’église et aujourd’hui le café/pub. Le sociologue Ray Oldenburg a conceptualisé cette notion dans son livre « The Great, Good Place ». S’il n’a pas nommément cité les bibliothèques dans ces espaces du « vivre ensemble », c’est la multiplication de services comme l’aide à la formation, l’accès au numérique, l’ouverture vers l’art et l’organisation d’évènements qui en font un lieu de rencontres convivial. Mais il faudra opérer des aménagements entre les espaces calmes consacrés à la lecture (numérique ou pas) et au travail individuel et les espaces plus sociaux où se tiennent des activités ou animations culturelles ou de loisir (jeux vidéos ou FabLabs).
Si ce modèle s’est développé dans les pays du Nord et anglo-saxons (Hollande, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Canada anglophone), les bibliothécaires (et les publics ?) francophones et latins (France, Québec) sont beaucoup plus réticents. Nous ne sommes pas prêts à rompre avec le « temple du savoir » pour « concurrencer l’industrie des loisirs et des produits culturels » comme le fait remarquer Mathilde Servet dans son mémoire d’ENSSIB. La controverse demeure, mais si les bibliothécaires veulent regagner leur(s) public(s) et les réconcilier avec la lecture ou d’autres pratiques culturelles, il faut envisager toutes les hypothèses …

Gaudio, Anne-Gaelle. – Le numérique en bibliothèque part.6 : de nouveaux services. – INSET Montpellier 22-24 mai 2013. – Le CNFPT Slideshare, 27/05/13

Chaimbeault, Thomas. – La bibliothèque dans ton mobile. – ENSSIB, avril 2013. – Slideshare

Thomas Fourmeux : « La Piratebox, c’est surtout l’occasion pour nos lecteurs d’accéder à la connaissance ». – Lettres numériques, 03/05/13

Piratebox : Bilan d’étape. – Biblio Numericus, 07/01/13

Taillandier, Florent. – A quand des ebooks vraiment adaptés aux déficients visuels ?CNet France, 28/05/13

Busacca, Aurélie. – Bibliothèque et médiathèque troisième lieu. – Monde du livre – Hypothèse.org, 18/03/13

Les bibliothèques publiques face au défi du « vivre ensemble ». – Novo Ideo, 26/03/13

Martel, Marie D. – La bibliothèque publique : le modèle québecois. – Bibliomancienne, 30/04/10

Servet, Mathilde. – Les bibliothèques troisième lieu. – Mémoire d’étude ENSSIB, 2009

Livres/écrans : quelle hybridation pour la bibliothèque du 21e siècle ?

Le terme « bibliothèque hybride » est souvent employé pour parler de l ‘évolution des ressources documentaires où l’on évoque la ‘complémentarité’ de l’imprimé et du numérique.
Or, pour le psychanalyste Serge Tisseron qui a participé à l’élaboration du rapport de l’Académie des Sciences « L’enfant et les écrans », le support (imprimé ou numérique) n’a aucune importance : ce qui compte c’est la ‘culture’ des écrans qui est en train de remplacer celle du livre dans laquelle nous baignons depuis des millénaires …
Depuis l’invention du codex, le livre est un objet fini dont la lecture est séquentielle. ‘La culture du livre implique de lire un seul livre à la fois, un seul lecteur et un seul auteur’. La relation au savoir y est verticale : le ‘sachant’ s’adresse à l’ignorant. En revanche, la culture des écrans est multiple : elle implique plusieurs fenêtres, plusieurs spectateurs et plusieurs créateurs. Alors que la culture du livre est liée à la temporalité – on progresse dans la lecture et cela prend un certain temps- celle des écrans favorise une pensée spatialisée. A ce niveau-là, la lecture de e-books sur liseuse participe pleinement à la culture du livre ! Au lieu d’assimiler la pensée d’un autre, la culture des écrans nous apprend à faire face à l’imprévisible, à changer de stratégie dans un jeu vidéo, par exemple. Ce n’est pas « le livre papier dans sa linéarité et sa finitude, dans sa matérialité et sa présence [qui] constitue un espace silencieux qui met en échec le culte de la vitesse et la perte du sens critique » comme l’affirment Cédric Biaggini et Guillaume Carnino dans « Le Livre dans le tourbillon numérique » (Le Monde Diplomatique septembre 2009), c’est le livre, qu’il soit papier ou numérique ! Et n’en déplaise à Nicolas Carr « La dernière chose que souhaitent les entrepreneurs du Net, c’est d’encourager la lecture lente, oisive, ou concentrée. Il est de leur intérêt économique d’encourager la distraction… » : la vente des e-books (et surtout pour les liseuses Kindle) représente aujourd’hui 30% du marché américain !

Si ce rapport incite les éducateurs et enseignants à faire bénéficier les enfants du meilleur de ces deux mondes, Serge Tisseron souligne que ces deux environnements ont chacun leurs défauts : la culture du livre implique une ultra-spécialisation des savoirs et valorise les personnalités rigides, la culture numérique favorise la dispersion des savoirs et des apprentissages intuitifs.

Mais ces deux cultures ne vont pas simplement coexister parallèlement l’une à côté de l’autre, elles s’interpénètrent progressivement. C’est ce qui se passe avec les nouvelles techniques de « suivi du regard » développées pour les smartphones, mais qui pourraient aussi bénéficier à l’édition papier de livres ou de magazines ou pour la réalisation de films ou d’expositions. Frédéric Kaplan, professeur des Humanités numériques à l’EPFL de Lausanne nous explique dans un post cette nouvelle économie de l’attention. Avec deux collègues, il avait conçu un système de lunettes, équipées de deux caméras, l’une tournée vers l’extérieur, l’autre vers un des yeux, capable d’enregistrer aussi bien le regard que ce qui est lu. « En répétant cette opération des dizaines de fois par seconde, nous pouvons tracer avec précision le passage de vos yeux sur une page ». La vidéo qui accompagne ce post nous montre ce processus aussi bien dans la lecture d’ouvrages imprimés que sur tablette. Si le suivi attentionnel se généralise, l’industrie culturelle disposera de nouveaux moyens de concevoir les contenus ! On pourrait même jusqu’à créer des contenus qui s’adaptent à la manière dont ils sont ‘lus’, ou alors des tableaux qui se modifient selon la manière dont ils sont ‘vus’ ?

Le lecteur ou le spectateur, qui était jusqu’à présent dans une sphère différente de l’auteur ou de l’artiste, fait son entrée dans l’oeuvre et interagit en fonction de sa perception … Comme le dit Frédéric Kaplan, ces données valent potentiellement de l’or pour les grands acteurs du numérique !

C’est aussi le point de vue de Catherine Becchetti-Bizot, inspecteur général de lettres, qui dans « Texte et TICE » : « Lire sur support écran, écrire avec un clavier d’ordinateur, naviguer sur la Toile, en effet, c’est effectuer une série d’opérations manuelles (cliquer sur des liens, ouvrir des fenêtres, faire apparaître ou défiler des pages, mettre en relation des documents…), mais aussi visuelles et auditives, qui induisent des postures intellectuelles nouvelles – où le lecteur est à la fois un explorateur, un spectateur et un intervenant ou un auteur – et impliquant de nouvelles responsabilités. »

L’enfant et les écrans – Avis de l’Académie des Sciences, 17 janvier 2013

Guillaud, Hubert. – Enfants et écrans : psychologie et cognition.
– Internet Actu – Blog Le Monde, 01/02/13

Lectures numériques. – Dossier Eduscol, 23/03/12

Becchetti-Bizot, Catherine. – Texte et TICE. – Dossiers de l’ingénierie éducative n°61, mars 2008

Mazin, Cécile. – Livres numérique : combien ça rapporte ? – Actualitté, 17/04/13

La généralisation des techniques de suivi du regard annonce une nouvelle économie de l’attention. – Frédéric Kaplan, 13/003/13

Biagini, Cédric ; Carnino, Guillaume. – Le livre dans le tourbillon numérique. – Le Monde diplomatique n°666, septembre 2009

Quand Amazon s’improvise en bibliothèque de prêt …

by cortesy Amazon.com

Parmi les « silences » d’Online 2011(*), Michel Vajou (GFII) a recensé celui de la « stratégie des grands acteurs BtoC de l’économie numériques », plus clairement l’absence sur le salon du trio incontournable des multinationales du web : Amazon, Apple, Google …

Or quelques semaines auparavant, Amazon venait de lancer un nouveau service avec le libraire en ligne OverDrive : le prêt de livres électroniques pour les propriétaires de Kindle aux Etats-Unis. Les clients d’AmazonPremium peuvent désormais emprunter gratuitement un e-book par mois pour le lire sur leur Kindle.
Cette décision n’a pas manqué de rallumer le conflit entre éditeurs et distributeurs avec les bibliothécaires pris(es) en étau … !
Nathalie Hideg y consacre un billet très complet sur le site InaGlobal

Les éditeurs n’ont en effet pas encore arrêté de modèle économique pour le livre numérique et encore moins en matière de prêt … D’où la réaction de Penguin Group qui a retiré tous ses titres numériques des bibliothèques britanniques pour protéger le droit d’auteur ! Le groupe d’édition est revenu sur sa décision quelques jours plus tard, en établissant un « embargo » pour les titres les plus récents … Quand aux grands éditeurs américains (les « Big Six ») ils ne veulent pas tomber dans le même piège qui a lié l’industrie musicale à des distributeurs en ligne comme iTunes d’Apple et veulent pouvoir contrôler les prix et les conditions de prêt des e-books dans les bibliothèques (avec parfois des conditions draconiennes comme le rachat d’un titre après 26 prêts.. ;-() .
Cela va peut-être les amener à plus collaborer avec les bibliothèques, qui représentent malgré tout un marché important, surtout en acquisitions de livres électroniques, qui ont presque triplé en un an !

Certaines initiatives, comme Bilbary veulent promouvoir la vente et le prêt de e-books dans une boutique en ligne en « concentrant le savoir faire du libraire et du bibliothécaire » pour le plus grand bonheur des consommateurs ! Le fondateur de cette start-up, Tim Coates est en négociation finale avec cinq des « big six » pour mettre en ligne 300 à 400 000 titres (50/50 % scientifiques et commerciaux) avec des bibliothécaires prêts à répondre aux questions des lecteurs … Les éditeurs ne seront pas oubliés et toucheront 80% des revenus, les droits de prêt s’élevant à 25% du prix recommandé des livres pour un emprunt de 20 jours.

Le problème avec ce genre d’hybridation entre bibliothèque et librairie, c’est que le lecteur ne sait plus dans quel espace il évolue. Comme le souligne Silvae dans son dernier post , il faudra « non seulement se plier au prêt numérique (donc à des DRM chronodégradables à grande échelle) et en plus accepter qu’un tiers comme Amazon se positionne à ses conditions entre les éditeurs et les bibliothèques ». De plus, reprenant le témoignage d’un bibliothécaire américain « volontaire » pour cette expérience paru dans librarian.net, et traduit dans le billet de Marlene’s Corner « Quand l’ebook est rendu, il ne s’évapore pas purement et simplement. Le titre, la couverture etc restent visibles sur mon Kindle, exactement comme si l’ebook était toujours disponible[…]et un juste bouton, qui ne nous propose pas de renouveler [le prêt]. La seule possibilité est d’acheter l’ebook chez Amazon.[…] » Le lecteur (re)devient un client pour l’hypermarché en ligne qui continue à le bombarder de spam sur son mail et son Kindle …

Amazon ouvre encore le débat sur le prêt de livres numériques par Nathalie Hideg, InaGlobal, 23/12/11

Livres numériques : 2012 une année charnière Bibliobsession, 02/01/12

Prêt d’e-books : ça ressemble à un prêtMarlene’s Corner, 16/11/11

The Kindle lending experience from a patron’s perspective “a wolf in a book’s clothing”, Librarian.net, 15/11/11

Kindle library lending goes live, by Andrew Albanese, Publishers Weekly, 21/09/11

Kindle Owners Public Library Amazon.com

Penguin withholds new e-books from UK library suppliers by Charlotte Williams, The Bookseller.com, 24/11/11

Coates to launch Bilbary e-books site by Benedicte Page, The Bookseller.com, 02/12/11

(*) « Synthèse des tendances du Salon Online Information de Londres 2011″ Disponible sur le réseau AMICO pour les abonnés

Tablettes et liseuses : quels usages pour les étudiants ?

Avec son projet de tablettes à 1 euro, le Ministre Laurent Wauquiez veut introduire l’usage des tablettes dans l’enseignement supérieur. Les étudiants intéressés disposeraient ainsi de tablettes tactiles 3G+ qui leur reviendraient à 730 euros au bout de deux ans.
Deux tablettes avaient été retenues par l’opérateur Orange qui a répondu à l’appel d’offre du Ministère : l’incontournable iPad 2 d’Apple et le Galaxy Tab de Samsung.
Critiqué pour avoir favorisé des produits étrangers, le Ministère a aussi accordé son soutien à une deuxième offre, où le fabricant français Archos forme un tandem avec l’opérateur Bouygues Telecom pour une tablette avec forfait internet 3G + à 0,66 euro par jour ! Et dans ce cas, la clé 3G, facilement amovible (ce qui est impossible sur un iPad), peut aussi être utilisée sur un ordinateur portable.
Précisément, l’intérêt de la connexion 3G ne paraît pas évident non plus avec la multiplication des bornes wifi dans les universités et les lieux publics.

Mais la question fondamentale porte plutôt sur l’utilisation de ce nouvel équipement par les étudiants.
Lorsque l’on examine l’utilisation que les Français font des tablettes, ce qui ressort c’est l’usage privé et personnel (74%) de ce matériel !
On peut difficilement effectuer un travail universitaire ou autre sur une tablette et quant à la dimension nomade de ce nouveau jouet, elle se partage entre le salon (85%) et la chambre (69%) de l’utilisateur !
Les usages les plus fréquents de la tablette recouvrent, avec quelques différences (pas de téléphone GSM), les utilisations des téléphones mobiles : surfer sur l’internet, consulter l’actualité, rechercher des informations pratiques, consulter et répondre à ses mails, etc. La taille de la tablette (7 ou 10 pouces) permet de mieux profiter des vidéos, des jeux et des magazines.
Mais en ce qui concerne la lecture des livres numériques, on pourrait se demander si des « liseuses » de type Kindle (Amazon) ne seraient pas plus adaptées aux besoins des étudiants ? Elles sont, il est vrai, limitées au noir et blanc de l’encre électronique, mais si l’objectif est de faire lire les étudiants avec des terminaux mobiles, les liseuses disposent de plus d’atouts : lisibilité en plein jour tout en préservant les yeux des utilisateurs, grande sobriété de consommation énergétique, et surtout, prix beaucoup plus abordable (à partir de 100 euros) !
Bien sûr, les étudiants ne pourraient pas visionner des e-cours ni jouer à des jeux sérieux (?), mais ils auraient la possibilité de partager leurs annotations ou des signets pour retrouver les pages-clés dans une bibliographie !

Personne ne peut prédire aujourd’hui les usages qui seront faits de ces nouveaux outils. Lors de la popularisation du téléphone, certains prévoyaient que sa principale utilisation serait l’écoute d’enregistrements de musique ; cette prédiction s’est réalisée … près d’un siècle plus tard !

Des tablettes numériques à un euro par jour pour les étudiants. – Portail du Gouvernement, 05/10/11

En partenariat avec le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Bouygues Telecom et Archos proposent aux étudiants la première tablette avec forfait internet 3G+ à 0,66E par jour. – Communiqué de presse, Archos – Bouygues Telecom, 14/10/11

Méli, Benoît. – Comment les Français utilisent les tablettes ? – Journal du Net , 12/10/11

Maussion, Catherine. – Tablettes à 1 euro : Archos dénonce Orange. – Ecrans – Libération.fr, 04/10/11

Auffray, Christophe. – Archos et Bouygues Telecom répliquent avec une tablette à 0,66 euro par jour. ZDnet.fr, 14/10/11

Charles, Frédéric. – Et pourquoi ne pas déployer les liseuses Kindle d’Amazon en entreprise ? Green SI – ZDnet, 01/10/11

Guillaud, Hubert. – Le Lire et l’écrire : clôture, glissement et déconnexion. – La Feuille – Blogs Le Monde.fr, 15/10/11

EBooks : avenir du livre, fin de l’œuvre, système clos ou univers ouvert … (2e partie)

Une des questions de recherche qui est sortie du Forum du 28 juin des Ateliers de Réflexion prospective de L’ANR (Atelier Culture et médias de Digital 3.0 PRISE), s’intitulait précisément « la fin de l’œuvre » avec tout ce que cette expression implique. Car ce n’est pas l’œuvre en tant que telle qui est destinée à disparaître, mais la notion d’auteur, qui la sous-tend, et bien entendu, l’idée de droit d’auteur. Le droit d’auteur, qui ne compte qu’un peu plus de deux siècles de légitimité, repose essentiellement sur la notion d’ »œuvre ». Celle-ci se définit par un certain nombre d’attributs dont l’originalité et la mise en forme (voir « Informations pratiques : les œuvres protégées » dans les Fiches techniques de la Direction du Développement des Médias, Ministère de la Culture et de la Communication).
Les œuvres, ‘augmentées’ ou ‘étendues’, vont peu à peu perdre leurs spécificités et se fondre dans des « Commons », créatifs … ou pas. Quant à leur financement ou à la rémunération de leurs créateurs (ou plutôt ‘contributeurs’), le mécénat ou la publicité peuvent remplacer le droit d’auteur. Les chefs-d’œuvre de la Renaissance n’ont pas eu besoin du droit d’auteur pour exister….
On le voit actuellement avec les difficultés d’appliquer le droit d’auteur aux œuvres numérisées, notamment en matière de musique ou de vidéo.

C’est ce que pressentait déjà le philosophe Walter Benjamin, lorsqu’il écrivait en 1935, « L’œuvre d’art à l’époque de la reproduction mécanisée ». Le développement des technologies de reproduction a changé la perception du spectateur, qui a l’impression que l’œuvre lui est plus accessible (par exemple, pour le cinéma, il reçoit des images en permanence), alors qu’en même temps ces images lui révèlent son absence (disparition de l’’aura’). L’aura représentait l’unicité et l’originalité de l’œuvre d’art, la reproduction technique, en soulignant son absence, la révèle au spectateur moderne et lui permet de participer au fonctionnement des œuvres modernes : il n’est plus dans le recueillement, mais dans l’action.

Mais, en fait, la notion d’œuvre avait déjà perdu son unicité et son intégrité. Avec les différentes variations et interprétations, il était déjà difficile de déterminer les limites d’une œuvre musicale ou théâtrale. Seule l’œuvre littéraire, sous la forme du roman, est parvenue, à partir du XVIIe siècle, à une forme accomplie et finie, qui atteint son idéal au XIXe siècle. Comme un édifice, elle possède sa propre architecture, qui se suffit à elle-même, et se déroule suivant un plan qui va de la première page au mot « fin ».

C’est la thèse que développe Frédéric Kaplan dans « Comment le roman a transformé l’écriture savante », pour répondre aux « Cassandre » qui annoncent la fin du livre. C’est le cas de l’éditeur numérique Tim O’Reilly, qui vient de supprimer les DRM (mesures techniques de protection) de ses ebooks.
Interviewé dans Forbes : « Tim O’Reilly on Piracy, Tinkering and the Future of the Book », le père du Web 2.0, évoque, non pas la mort de l’imprimé, mais la transformation du marché du livre. Il prend l’exemple de la carte, qui s’est complètement transformée (elle disparaît en tant que telle avec le GPS). La carte imprimée n’existe presque plus et les cartes numériques contiennent des adresses et signalent les stations d’essences et les commerces des environs. Le livre n’est pas encore parvenu à ce stade. Les ‘liseuses’ ressemblent à des tablettes de pierre où l’on aurait rassemblé des photocopies de pages …

Mais bientôt les annotations des lecteurs vont devenir aussi importantes que le livre lui-même … ! C’est l’idée que James Brindle défend dans « Walter Benjamin’s aura : Open bookmarks and the future eBook » où l’on retrouve l’ »aura » chère à Walter Benjamin.
Les signets (bookmarks), placés par des lecteurs dans les livres sur leurs étagères électroniques (bookshelf), forment une aura d’un nouveau type … ;–) Or, les éditeurs n’ont pas l’air de comprendre la valeur des annotations et l’importance de pouvoir les partager. Même les notes en bas de page disparaissent et les références sont publiées séparément … !

Frédéric Kaplan prend le contrepied de ce point de vue en reprenant l’exemple de la carte. Dans « How books will become machines » (23/08/11), il se sert de l’exemple de “la mécanisation des cartes pour discuter de l’avenir du livre », en opposant « les technologies et les motivations de l’encyclopédisme avec celle du livre ». Les cartes sont devenues un « système géographique interactif », comme la plupart des outils intellectuels (tableurs), elles vont être transformées en machines.
Au contraire de l’Encyclopédie, qui est un système ouvert, la fonction du livre est d’organiser un discours dans un volume clos. Le livre se trouve aujourd’hui a un croisement : ou bien il fusionne avec le courant intellectuel et technologique dominant, au risque de perdre sa fonction structurante, ou bien il continue son chemin dans un nouveau « corps » capable de survivre dans un monde dominé par le modèle encyclopédique …

Face à « La tentation de l’encyclopédisme », « aux vertus libératrice de la pensée ouverte, réticulée, décentralisée (mais totalisante) que permettraient internet et le web », le livre électronique reprendrait l’héritage structurant du livre papier en l’organisant dans un espace fermé (les liseuses et les tablettes). Et si certaines entreprises proposent déjà de vendre des livres, chapitre par chapitre, comme des feuilletons, il serait dommage que l’usage du numérique n’ait qu’un effet décomposant au contact du réseau. « Ces formes closes, nécessaires aux démonstrations et aux narrations, ont aussi leur place dans le monde qui vient ».

Personnellement, je privilégierais les liseuses dédiées de type « Kindle » sur les tablettes multifonctions, d’abord pour des raisons physiologiques – l’encre électronique ne fatigue pas les yeux – et ensuite, parce qu’on est moins « distrait » sur ces supports que dans environnement web (messagerie, jeux, vidéo, etc..), même si les « applis » conservent l’aspect intime d’un club fermé…

EBooks : avenir du livre, fin de l’œuvre, système clos ou univers ouvert … (1ère partie)

Les ebooks et la numérisation des ouvrages annoncent-ils vraiment la fin du livre, comme on aime à le répéter depuis plus d’une décennie ?

Le « Livre du futur » (et non le futur du livre …) a figuré parmi les enjeux traités au dernier Congrès de l’IFLA à San Juan (Porto Rico). Il a été au centre d’un débat entre éditeurs, auteurs et bibliothécaires lors d’une session rapportée par Silvie Delorme, Directrice de la BU de Laval au Québec, dans son blog IFLA 2011 Laval. Comme le modèle économique de ce nouveau support n’est pas encore opérationnel, même les éditeurs (les ‘gros’ et les ‘spécialisés’) ne sont pas d’accord entre eux sur les accès simultanés. Quant aux bibliothèques, « elles devront devenir des points d’accès plutôt que des lieux de conservation » …

C’est aussi l’objet du Colloque international qui se tient les 5 et 6 septembre 2011 à Rio-de-Janeiro (Brésil) « E-Books et démocratisation de l’accès. Modèles et expériences de bibliothèques ». Le post « Évolution ou révolution » sur le site Rioscope.com.br pose la question « Comment les bibliothèques peuvent-elles continuer à jouer leur rôle traditionnel avec l’énorme augmentation de l’usage de Smartphones, iPads, Tablet-PCs et e-Readers portables? »

Ce qui ne rassure pas, par ailleurs les bibliothécaires, comme « New Jack Librarian » dans le post « Cassandra and the future of libraries without librarians » qui appréhende l’avenir de la bibliothèque sans bibliothécaires. Cette situation est surtout la conséquence des coupes sombres que subissent les BU américaines en raison des restrictions budgétaires. Les effectifs de certaines bibliothèques fondent, d’après ce post, et ce d’autant plus que certaines ne disposent pas d’une autonomie de recrutement par rapport aux universités dont elles dépendantes …

Mais la seconde raison avancée par New Jack est bien la numérisation croissante des ressources documentaires et plus particulièrement l’acquisition de « bouquets » de revues et bientôt de livres numériques, grâce à des consortiums de bibliothèques. Le travail de sélection et de gestion des collections réalisé jusqu’à présent par les bibliothécaires va bientôt être externalisé vers des sociétés comme « Proquest ».

Avec les bibliothèques numériques gérées par des tiers, la Bibliothèque universitaire risque de représenter plus un coût qu’un investissement pour ses institutions de tutelle. Les bibliothécaires doivent pouvoir répondre à ce défi, notamment à travers des services aux publics (étudiants, enseignants, chercheurs) et démontrer que leur travail incarne aussi bien les valeurs de la bibliothèque, que celles de l’enseignement et de la recherche et de la communauté universitaire.

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