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Livre numérique : comment expliquer ce retard au décollage ?

ebookIl y a près de dix ans, en 2007, au moment du lancement de la liseuse Kindle, le marché des e-books s’annonçait prometteur. Et aujourd’hui les livres numériques devraient avoir supplanté le papier comme les téléchargements musicaux l’ont fait pour le vinyle ! Or, si le secteur de l’édition se porte bien, en France comme dans le monde, c’est essentiellement dû aux livres imprimés.

Comme le rappelle Edouard Laugier dans le Nouvel Economiste, le livre est le premier marché culturel du monde : « en 2014, les ventes mondiales  ont généré 125 milliards de dollars de revenus » (Kurt Salmon). Le livre numérique représente 15% du chiffre d’affaire global. En France aussi, le livre est la première industrie culturelle avec un chiffre d’affaire de 4,06 milliards € (GFK). Au niveau mondial, les e-books représentent 10% des ventes, 25% dans le monde anglo-saxon et 2 à 3% en France …

Il faut reconnaître qu’en France, la consommation de produits culturels numériques est moins importante que dans d’autres pays développés, exception faite de la musique. Comme l’explique Christophe Bys dans l’Usine digitale, seuls 9% de Français souscrivent à une offre de vidéo à la demande, contre 60% aux Etats-Unis, 23% au Royaume Uni et 19% en Allemagne … Il est vrai que les publics valorisent de plus en plus la logique de l’accès (streaming) à celle de la propriété (achat de produits), sauf en matière de jeux vidéo où l’hybridation domine entre dématérialisation (jeux en ligne) et matériels (console +jeux).

Marché et consommation de e-books en France llc_droit_d_auteur

Alors qu’aux Etats-Unis les livres numériques représentent 25% du marché du livre, d’après le baromètre KPMG, la consommation de livres numériques en France est inférieure à 2% en 2015 et 74% des Français ne comptent pas en lire selon un sondage Opinion Way ! Néanmoins, le nombre de lecteurs de livres numériques  est en légère augmentation (20% de la population française) d’après les enquêtes 2016 du 6e Baromètre sur les usages du livre numérique (Sofia-SNE-SGDL), les deux supports « coexistent dans un marché stable qui confirme la pratique d’un usage mixte». Si la demande est si faible, l’offre est plutôt opaque et les éditeurs traditionnels hésitent à abandonner la proie pour l’ombre virtuelle des ouvrages.

Pourtant le processus numérique est bien intégré dans la production éditoriale : rédaction, édition et fabrication informatique ont permis de réduire les coûts et les délais et d’améliorer la productivité. Il en est de même pour la gestion des catalogues et les bases de données clients. Si 62% des éditeurs disposent d’une offre numérique (surtout les grandes maisons), la promotion des e-books a bien ralenti depuis 2011 surtout en raison de difficultés dans la commercialisation et la compréhension du marché. En fait, comme l’explique Clément Solyme dans son article d’Actualitté, « le numérique pour les éditeurs, ce ne sont pas des coûts en moins, mais des recettes en plus ». En effet, sur les grandes ventes, le coût de fabrication ne fait pas vraiment la différence et les coûts de stockage sont réduits grâce à la technologie. Aujourd’hui, on imprime seulement pour trois mois, puis on réédite si nécessaire …

Seul le secteur professionnel et universitaire profite de la révolution numérique : les éditions juridiques et scientifiques sont très numérisées. Les éditeurs de revues STM (sciences, technologies, médecine) réalisent 40% de leur chiffre d’affaire grâce aux publications numériques et jusqu’à 80% aux Etats-Unis ! Quant aux ouvrages juridiques, la mise à jour est quasi-directe depuis les tribunaux …

Freins à la consommation : les prix, la TVA

app_ebook_bundleUn des principaux atouts des plateformes d’e-books au début de leur lancement, était les prix attractifs, avec le plafond de $ 9.99 initié par Amazon. Et ce, avec un confort de téléchargement immédiat ; il suffisait de cliquer sur un titre sur sa liseuse ou sur l’ordinateur et l’ouvrage est immédiatement téléchargé, et le compte débité aussi vite ! Or, l’année dernière, les principaux éditeurs américains ont décidé d’une augmentation substantielle : on a immédiatement assisté à un renversement du marché : une baisse de 11% des ventes d’e-books entre 2014 et 2015 ! Le marché est très « price sensitive », certaines différences de prix sont jugées insuffisantes pour passer du papier au numérique, l’écart de prix est d’environ 30% : ex : 20 € l’exemplaire papier, 13,99 € pour l’e-book. Ce dernier peut même être plus cher que le livre papier comme dans le cas des livres de poche …. Le ‘juste prix’ pour les e-lecteurs se situerait autour de 7€.

Mais c’est essentiellement l’arrivée de l’iPad d’Apple qui a imposé des prix plus élevés (plus de 17%) sur sa plateforme iBooks suite à une entente avec six éditeurs ! Ensuite, Amazon a imposé de nouvelles conditions contractuelles … La plupart des éditeurs traditionnels ont augmenté leurs prix, ce qui a rendu les e-books moins accessibles pour les lecteurs.

Mais ces éditeurs ne représentent pas l’ensemble de la publication des livres numériques. D’après Clément Solyme, aux Etats-Unis, sur 10 000 titres vendus en mai 2015, 27% sont publiés par des grands groupes au prix moyen de $8,22 et 73% par des petits éditeurs ou par autopublication, au prix moyen de $4,58. En fait, comme le souligne une étude citée par The Guardian, la baisse du marché numérique ne prenait en compte que la moitié des e-books vendus aux Etats-Unis. Rappelons aussi qu’en France, plus de la moitié des lecteurs de livres numériques (59%) les acquièrent gratuitement car ceux-ci appartiennent au domaine public.

Au niveau de la TVA, si la France a adopté depuis un an un faible taux de TVA (5,5%), la plupart des  pays de l’Union européenne conservent encore un taux élevé pour les e-books, jusqu’à 20% au Royaume Uni. Mais la Commission a prévu une baisse du taux pour fin 2016.

Autres freins : liseuses, formats, DRM drm

Aux Etats-Unis, le marché des liseuses est saturé : il a été évincé par la multiplication des smartphones et des tablettes qui séduisent par leur aspect multisupports. Comme le dit Hervé Essa , cité par Edouard Laugier dans le Nouvel Economiste, « les liseuses sont des équipements marginaux. Le secteur de l’édition n’a pas anticipé cette demande des publics. Les offres ne sont ni marketées, ni adaptées aux usages. ». Michel Beck dans Numérama ajoute même que la chaîne de librairies britannique Waterstones a enlevé les Kindle de ses vitrines… Et ce n’est pas le dernier-né des Kindle, Oasis, lancé cette semaine, qui inversera cette tendance. Malgré de nombreux atouts en plus de l’encre électronique (éclairage LED, batterie qui dure plusieurs mois, option pour gauchers, etc.), Amazon le propose à un prix (près de 300 €) qui en dissuadera plus d’un … !

En France 4% des foyers sont équipés de liseuses et 10,7 millions d’unités achetées.

Mais si le e-book a des avantages au niveau de la mobilité, ce produit présente des handicaps par rapport au livre physique : dans la plupart des cas, la revente, le prêt ou le don ne sont pas permis par les conditions d’utilisation. Les DRM (dispositifs techniques de gestion d’une œuvre numérique) agissent comme des verrous pour empêcher les possesseurs d’un livre numérique de le partager, de le diffuser ou de le revendre. Seule solution pour partager des œuvres entre proches, paramétrer toutes les liseuses de la même famille avec le même compte … ! Evidemment, cela n’est possible qu’avec un même format de liseuse : Kobo (FNAC), Kindle (Amazon) ou iBooks (Apple) … 13377-drm

Comme le rappelle Neelie Kroes, Commissaire européenne à l’économie numérique, citée par Joaquim Rodriguez  dans Publishing Perspectives « Quand vous achetez un livre papier, il est à vous et vous pouvez l’emporter où vous voulez. Cela devrait être la même chose avec un e-book. Aujourd’hui, on peut ouvrir un même document dans plusieurs ordinateurs, pourquoi n’en serait-il pas de même pour un e-book sur différentes plateformes avec différentes applications. » Malgré la résistance des éditeurs, Neelie Kroes rappelle que l’interopérabilité des formats est à l’ordre du jour dans l’agenda numérique européen.

Pour Coralie Piton, directrice du livre à la FNAC, interviewée dans Numérama « Il faut trouver un modèle qui protège l’ensemble de la filière », mais pas question d’abandonner les DRM qui les protègent contre les pirates. C’est pourtant ce qu’a choisi Bragelonne en préférant le tatouage numérique  plutôt que les verrous. Les responsable de cette maison sont « convaincus que le seul moyen de combattre le piratage, c’est de créer une offre légale qui convient aux attentes des lecteurs. ».

Cette idée d’une protection « user friendly » est aussi celle des DRM LCP (Lightweight Content Protection), solution développée par le consortium Readium qui se présente comme l’alternative européenne à la DRM Adobe pour le format EPUB qui permet l’interopérabilité des formats. On pourra ainsi consulter un e-book sur n’importe quel appareil. Ces DRM ‘poids plume’ sont destinés prioritairement au prêt en bibliothèques à travers le système PNB. Mais la concurrence, notamment Adobe et les sociétés américaines, ne l’entend pas de cette oreille et menace de lancer une guerre des brevets … !

Cette mesure permettrait de desserrer un peu le carcan des e-books qui n’ont pas encore acquis la légitimité d’œuvres autonomes en France au moment où l’Assemblée nationale rejette l’amendement permettant de créer un dépôt légal numérique. La BNF ne peut que moissonner les œuvres sur le web et les robots d’archivages risquent de ne pas voir les ouvrages protégés par des DRM …

Beck, Michel. – Qui veut la peau du livre numérique ?Numerama, 22/01/16

Beuve-Méry, Alain. – La résistible ascension du livre numérique. – Le Monde, 24/02/16

Un marché stable qui confirme la pratique d’un usage mixte. – Baromètre Sofia/SNE/SGDL, 16/03/16

Rodriguez, Joaquim. – Will Ebooks Ever Circulate Freely in Europe ?Publishing Perspectives, 22/03/16

Laugier, Edouard. – Le livre numérique, l’innovation dont personne ne veut vraiment. – Le Nouvel Économiste, 22/03/16

Hoang, Kristine. – AAP :Ebooks Sales Down 12.7 Percent.Digital Book World, 22/03/16

Solym, Clément. – L’intérêt pour le livre numérique décline, ou les prix  sont devenus moins attractifs ?Actualitté, 23/03/16

Oury, Antoine. – L’Association des Bibliothécaires de France favorable à un dépôt légal numérique. – Actualitté, 31/03/16

Bys, Christophe. – Les industries culturelles doivent se transformer plus vite que leurs clients se digitalisent. – Usine digitale, 04/04/16

Hugueny, Hervé. – Jean-Claude Junker redit son soutien à une TVA unique numérique/papier. – Livres Hebdo, 05/04/16

Woitier, Chloé. – L’industrie européenne du livre veut offrir une alternative à Amazon.Le Figaro, 07/04/16

Oury, Antoine. – La DRM LCP : grands enjeux, risques élevés. – Actualitté, 11/04/16

Berne, Xavier. – La TVA réduite pour les ebooks et la presse en ligne : une proposition législative fin 2016. – Next INPact, 11/04/16

 

 

Libre accès et partage des données de la recherche … Vers une science ouverte ? I – Publications en libre accès

actu_edition-scientifique-passe,-present-et-perspectives_22_2000_2000_MAX_2b768Deux dispositions, adoptées dans le cadre du Projet de loi numérique vont sensiblement changer le travail des chercheurs en France. Elles concernent, d’une part la publication en libre accès d’articles scientifiques dans certaines conditions, d’autre part le traitement et la fouille automatique de données dans un corpus constitué.

Des parlementaires déterminés ont bravé l’opposition des éditeurs et même d’une partie du gouvernement pour faire passer certains amendements !

L’article 17 de la future loi pour une République numérique permet aux auteurs dont les travaux sont financés à hauteur de 50% sur fonds publics de mettre gratuitement en ligne leurs articles, au terme d’un délai maximum de de 6 mois après la première publication (12 mois pour les Humanités/SHS), même si l’auteur a accordé l’exclusivité à un éditeur ! Ce droit s’étend aussi à d’autres publications comme les actes de congrès et de colloques ainsi que les recueils de mélange. Les données associées aux articles sont aussi concernées. Comme le souligne Axelle Lemaire sur France Inter, citée par Actualitté « La recherche, si elle n’est pas ouverte, si elle n’est pas internationale, si elle n’est pas partagée avec la communauté des chercheurs la plus élargie possible, eh bien elle ne rayonne pas. Donc, moi je me pose la question : est-ce bien le gouvernement qui se veut le fossoyeur de la recherche en 2016, lorsqu’il cherche à étendre le périmètre d’influence des chercheurs, ou sont-ce les éditeurs ? »

En matière de données de la recherche, une série d’amendements a été adoptée en faveur de la fouille automatique de texte et de données (TDM, Text and Data Mining) contre l’avis du gouvernement et même du rapporteur ! Comme le fait remarquer Andrea Fradin dans son article sur l’Obs/Rue 89, malgré l’avènement du Big data et de ses outils de traitement, il était jusqu’alors impossible pour les chercheurs d’extraire automatiquement des mots ou des données d’un corpus de documents informatisés. Avec cet amendement, la France devance même l’UE en la matière, celle-ci n’ayant pas encore statué sur la question. Axelle Lemaire s’était d’ailleurs abritée derrière cet argument pour ne pas prendre parti, préconisant d’attendre la directive européenne …

Ces deux dispositions vont permettre à la recherche française d’être moins dépendante du lobby de l’édition scientifique. En effet, comme le rappelle Pierre Carl Langlais sur son blog Hôtel Wikipedia, « dans l’édition scientifique, les auteurs ne sont jamais payés (ils paient même pour être publiés) ».open-access-button_logo

Libre accès : voie verte, voie dorée … Ou en diamant !

La voie dorée, c’est la stratégie que certains éditeurs ont trouvé pour répondre au mouvement du libre accès (Open Access Initiative) lancé en 1996 : obliger les chercheurs à payer pour voir leurs travaux publiés … Et les lecteurs pourront y accéder gratuitement ! La ‘voie dorée’ (gold open access) se positionne par rapport à la ‘voie verte’ (green open access) en mettant en avant la qualité d’une édition scientifique professionnelle avec surtout la sélection et l’évaluation des articles par des spécialistes (‘peer review’). Tout n’est pas à condamner à priori dans ce modèle et certains auteurs y trouvent leur compte … Mais il existe des éditeurs qui sont de véritables prédateurs : c’est ce que démontre Jeffrey Beall, bibliothécaire chargé des publications en ligne et professeur associé à l’Université de Denver, Colorado dans une interview à Scholarly Kitchen. Contacté par de nombreux éditeurs ‘gold’, il s’est rendu compte, que pour certains « leur mission n’était pas de promouvoir et rendre disponibles les travaux de recherche mais plutôt d’exploiter le modèle de gold open access ‘auteurs-payants’ ». Pour lutter contre cette déviance et permettre aux chercheurs de choisir les revues pour leurs publications en connaissance de cause, Beall a publié une liste noire de ces éditeurs.

Les chercheurs déposent de plus en plus leurs travaux sur des plateformes de partage comme Academia.edu ou ResearchGate. Mais ces sites gratuits ne semblent pas présenter toutes les garanties de sécurité et de sérieux nécessaires à des publications scientifiques … 497671-rea-197588-011-580x310

Pour dépasser ces problèmes et les conflits d’intérêt qu’ils pourraient occasionner, le Comité des sciences sociales de Science Europe, propose une « voie de diamant », ou plutôt un ‘engagement de diamant comme le souligne Marin Dacos dans son post sur Blogo-numericus. Avec cet engagement les « productions scientifiques seront nativement numériques et nativement en accès ouvert, sans frais à payer pour l’auteur (APC : Articles Processing Fees) ». Pour cela les auteurs devront demander aux éditeurs l’autorisation de déposer leur publication dans une archive ouverte sous la forme de ‘postprint’ (version auteur acceptée et revue par les pairs avant correction et mise en page par l’éditeur). Les éditeurs gardent ainsi une certaine marge dans leurs publications. Marin Dacos regrette que ce dispositif ne concerne que les archives ouvertes, comme SPIRE de Sciences Po, et ne prend pas en compte les plateformes de publications comme Revues.org ou OpenEditionBooks. Sonia Livingstone, professeur en media et communication à London School of Economics (LSE), interviewé sur The Impact Blog, apprécie beaucoup la facilité et le professionnalisme des archives ouvertes et notamment LSE Rechearch Online, le dépôt institutionnel de la LSE. Elle y dépose toutes sortes de travaux : articles, mais aussi rapports de recherche, questionnaires, chapitres d’ouvrages, etc. La chercheuse préfère aussi déposer la version ‘postprint’, prête à être publiée. Et si ses articles sont encore sous paywall (embargo d’un ou deux ans) chez un éditeur commercial, les résultats d’une recherche sur Google Scholar affichent les PDF disponibles dans le dépôt de la LSE.

Martin Haspelmath a une autre vision pour cet engagement dans son post sur Free Science Blog ; il part d’abord d’un constat : le mouvement open access stagne. Malgré le fait qu’un sixième de toutes les publications est en libre accès, la majorité des abonnements (payants) est stable. Les experts en OA n’en cherchent pas la raison. Pourtant l’explication est simple, personne n’a envie que ça change : les éditeurs font des bénéfices avec leurs abonnements et les chercheurs ont besoin des éditeurs pour publier dans des revues prestigieuses pour leur carrière … ! Or les publications scientifiques ne sont pas un service qu’on peut déléguer à un prestataire extérieur (outsourcing), elles sont une partie intégrale du processus scientifique. Ce sont seulement quelques aspects techniques comme la mise en page ou l’hébergement qui peuvent sous-traités à des fournisseurs extérieurs. Ce que propose ce chercheur, c’est que les pouvoirs publics et les universités financent des éditions universitaires plutôt que d’arroser les maisons d’éditions commerciales. Chaque éditeur institutionnel pourrait créer un bouquet de revues prestigieuses et les financer comme on paye pour le personnel et les bâtiments de la recherche. Les lecteurs et les auteurs n’auraient rien à payer pour ces revues en accès libre ‘diamant’. Les financeurs tireront profit de ces investissements de la même façon qu’ils tirent profit de la recherche : en accroissant leur prestige !

Comme le souligne Sonia Livingstone, « tous les chercheurs doivent repenser leur attitude en matière de publications scientifiques … Je me réjouis de la lutte (encore incertaine) entre la propriété [intellectuelle] et l’accès au savoir ».

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Dacos, Marin. – Un engagement de diamant pour l’open access : position du Comité des sciences sociales de Science Europe. – Blogus numéricus, 18/08/15

Contribution de l’ABDU à la consultation nationale « Ambition sur le numérique » : TDM et open access. – ABDU, 09/15

Livingstone, Sonia. – Five minutes with Professor Sonia Livingstone on the benefits of open access and institutional repositories : entretien. – Impact of Social Sciences, 20/10/15

Lau-Suchet, Soliné. – Les enjeux de la science ouverte : retour sur les 6es journées « open access » (1/4) #OA. – Bulac, 23/10/15

« Open access » pour les revues scientifiques : il faut plusieurs modèles. – The Conversation, 10/11/15

Projet de loi pour une République numérique. – Assemblée nationale, 09/12/15

Report on Berlin 12 Open Access Conference. – Association of Research Libraries, 18/12/15

Haspelmath, Martin. - How to switch Quickly to diamond open access: the best journals are free for authors and readers – Free Science Blog, 28/12/15

Clavey, Martin. – Publications scientifiques : l’open access va entrer dans la loi. – Educpros, 09/12/15

Archives ouvertes et licences Creative Commons : des synergies à conforter. – S.I.Lex, 19/01/16

Mazin, Cécile. – Axelle Lemaire : Le gouvernement, fossoyeur de la recherche ou les éditeurs. – Actualitté, 20/01/16

Langlais, Pierre-Carl. – Vite, une loi pour garantir l’accès aux connaissances. - Hôtel Wikipédia – L’Obs-Rue 89, 20/01/16

La CPU et le CNRS demandent la libre diffusion des publications scientifiques et des fouilles de données à la mesure des enjeux scientifiques. – CNRS : communiqués de presse, 21/01/16

Academic social networks and Open Access: French Researchers at the Crossroads. – InfoDoc Microveille, 24/01/16

Esposito, Joseph. – An Interview with Jeffrey Beall. – Scholarly Kitchen, 08/02/16

 

 

Quel prêt pour le livre numérique ? La controverse autour du projet PNB

Des-écrits-aux-écrans1Un an après l’ouverture au public du premier dispositif de prêt numérique dans les bibliothèques publiques (Projet PNB), une polémique divise les bibliothécaires, notamment après la mise en service de ce prêt dans les bibliothèques de la Ville de Paris le 13 octobre.

Le Collectif SavoirsCom1 a même appelé à bloquer le système en téléchargeant des fichiers de livres disponibles jusqu’à épuisement avec le mot d’ordre « chasse aux jetons ». Pour ce groupe de bibliothécaires, chercheurs et juristes, ce modèle est inabordable pour des budgets publics et surtout l’implantation de DRM (verrous numériques) dans les fichiers des e-books va à l’encontre de la philosophie des communs communs – célébré la même semaine par les bibliothèques de Paris avec le Festival Numok pendant « Le Temps des communs ». La CGT Culture de la Ville de Paris soutient aussi l’action du Collectif en dénonçant « l’indigence du système comme du modèle ». Le livre numérique coûte plus cher à la bibliothèque que le livre papier (jusqu’à trois ou quatre fois), et de plus, il s’agit d’une licence et non d’une acquisition définitive. Cette licence est limitée dans le temps (6 ans pour la Ville de Paris) et en nombre d’emprunts simultanés (30 maximum). Ensuite la bibliothèque est obligée de racheter un exemplaire … Le syndicat appelle à « un autre rapport de force avec les éditeurs et à un droit de prêt similaire au droit du livre papier sans contrainte de durée et de nombre de prêt ».

Le Réseau Carel avait alerté dès 2013 sur le coût élevé de l’acquisition au titre et sur le choix de la licence à la place de l’achat définitif dans le projet PNB. Les budgets des bibliothèques n’y résisteraient pas et ces dernières perdraient leur rôle patrimonial en n’étant plus propriétaires des collections.

De son côté, l’ABF (Association des bibliothécaires de France) s’est inquiétée dans un communiqué « du manque de transparence de l’expérimentation PNB, et à part quelques retours, d’aucune évaluation de ce service un an après sa mise en œuvre ». L’ABF rappelle aussi que ce dispositif entre en contradiction avec les accords interprofessionnels du 8 décembre 2014 « qui appelle à la diversité des modèles du livre numérique en bibliothèque ». Le PNB risque aussi de provoquer une fracture territoriale dans la mesure où ce sont de très grandes collectivités (Montpellier, Grenoble, Paris), disposant de suffisamment de ressources financières, qui mettent en œuvre ce service. Le PNB crée donc « une inégalité d’accès à la lecture sur l’ensemble du territoire français ». De plus, la complexité du modèle avec les DRM rend difficile d’accès à ce service une grande partie des usagers qui ne sont pas à l’aise avec le numérique. Cette exclusion entre en contradiction avec les principes fondamentaux de la charte BibLib. L’ABF demande enfin au Ministère de la Culture de « diligenter une véritable étude indépendante qui puisse faire le point sur cette année d’évaluation ».

Comble d’incompréhension, des bibliothécaires parisien(ne)s qui ont pris l’initiative de relayer ce communiqué sur twitter ont été sommés de retirer immédiatement leurs twits par le Bureau des bibliothèques (BBL) rattaché au cabinet de Bruno Julliard … ! Le travail de veille des professionnels se voit ainsi censuré ! Même si le BBL est revenu ensuite sur sa décision

Comment en est-on arrivé là ? A la différence des BU, les bibliothèques publiques ne disposaient pas véritablement de prêt de e-books, exceptées quelques expériences de prêt de liseuses. 6a00d8342e8a5353ef01b8d120387c970c

La première vague d’initiative remonte à 2011 pour la phase de prospection et de concertation. Le projet PNB regroupant les établissements de Montpellier, Grenoble, Aulnay-Sous-Bois et Levallois s’est ouvert au public à l’automne 2014. Il intervient dans un contexte où seules 4% des grandes bibliothèques disposent d’un service de prêt d’e-books malgré la multiplication des distributeurs (Bibliovox, Lekti, Numilog, l’Harmatèque, etc.).

L’originalité du modèle PNB – projet interprofessionnel soutenu par le CNL – réside dans l’existence d’une interface réalisée par l’opérateur Dilicom qui permet l’articulation entre les différents acteurs : éditeurs et diffuseurs (catalogue de livres) ; libraires (offres des distributeurs aux collectivités) ; bibliothèques et usagers. Les livres peuvent être téléchargés ou lus en ligne (streaming).

La chaîne de gestion du prêt numérique prend en charge l’ensemble des étapes nécessaires au fonctionnement du service. Chaque collectivité établit les partenariats qui lui conviennent ; Montpellier, par exemple, avec la librairie Sautemps, le logiciel Archimed et le prestataire ePagine. L’objectif est de préserver et de stabiliser la place des libraires.

Des expériences semblables ont lieu dans le monde. Au niveau francophone, le Québec et la Belgique ont adopté le même modèle, avec la participation de librairies agrées. En 2014, le système québécois pretnumerique.ca a enregistré près d’un million d’emprunt avec une moyenne de 20 000 prêt par mois. La licence fonctionne comme pour le prêt papier : 1 copie = 1 utilisateur (pas de prêt simultané) ce qui rend l’exemplaire emprunté immédiatement indisponible pour les autres lecteurs ! Là aussi, les e-books empruntés sont chrono-dégradables, ils s’effacent automatiquement à la fin de la période de prêt ; chaque copie peut être empruntée 55 fois, ensuite il faut acquérir un nouvel exemplaire. Jean-François Cusson, responsable du service, reconnait qu’il peut paraître absurde d’introduire la notion d’exemplaire dans l’univers numérique, mais pour des raisons pragmatiques, les bibliothèques ont préféré utiliser les systèmes de diffusion existants …
En Belgique francophone, un consortium de bibliothèques a rejoint le dispositif PNB.

Aux Etats-Unis et au Canada anglophone, les bibliothèques s’adressent directement aux plateformes de distribution commerciales sans passer par la médiation des libraires. home-big-image-220772a036b791a8c8cd39132d932b2a

La présence des libraires dans le dispositif PNB est un des principaux arguments utilisés dans la réponse à l’offensive de SavoirsCom1. Grâce à leur médiation, les bibliothèques ne se font pas cannibaliser par les acteurs commerciaux du Net (Google, Amazon) qui proposent des abonnements à la Netflix au consommateur-lecteur … Et concurrencent le service public !

Laurent Soual, bibliothécaire consultant, rappelle dans une tribune sur Actualitté, que c’est l’avenir des bibliothèques qui est en jeu : ce sont « les seules institutions légitimes pour proposer un service de prêt numérique aux usagers. Si ce service n’est pas efficient, elles perdront toute légitimité aux yeux des décideurs et des élus pour continuer à proposer leurs services traditionnels ou pour en proposer de nouveaux » !

Les bibliothécaires des établissements qui ont expérimenté le projet PNB ont posté une réponse collective aux critiques de SavoirsCom1 et de l’ABF : coût élevé du système et des livres numériques, utilisation des DRM et complexité du dispositif, service réservé aux grandes bibliothèques, offre de livres numériques restreinte, etc… Les bibliothécaires expérimentateurs explicitent leurs choix en soulignant qu’une évaluation est prévue au bout de deux ans et la plupart des bibliothèques sont à moins d’un an d’expérience.Le Collectif SavoirsCom1 s’est empressé d’y répondre avec Dix idées reçues pour prolonger le débat sur PNB et le prêt numérique ….

Après les bibliothécaires et les lecteurs, ce sont à présent les auteurs qui se sentent floués par le PNB. Dans le prêt numérique, l’auteur touche une part sur le prix du livre, mais ne touche aucune compensation pour le prêt, alors qu’un e-book peut être emprunté entre 20 et 40 fois ! Ce manque de compensation touche aussi les éditeurs. Même si la rémunération est supérieure à celle du livre imprimé, cette offre va permettre des usages défavorables à toute la chaîne du livre.

Affaire à suivre …

Mazin, Cécile. – Des e-books en bibliothèque, certes, mais à certaines conditions.Actualitté, 09/10/13

Oury, Antoine. – Première approche de PNB pour les bibliothécaires français. – Actualitté, 11/08/14

Bibliothèque de Grenoble : ouverture de Bibook, l’offre de livres numériques PNB . – Aldus, 08/09/14

PNB ou le livre numérique inabordable pour les bibliothèques. - SavoirsCom1, 12/2014

Des livres numériques : où je veux, quand je veux ! - Paris.fr Bibliothèques, 14/10/15

Mercier, Sylvère. – Prêt numérique en bibliothèque : critique constructive d’un modèle inadapté. – SavoirsCom1, 10/2015

Collectif SavoirsCom1. – Prêter des livres numériques comme des livres papier : une fausse évidence. – Rue 89, 15/10/15

L’ABF alerte sur le sur dispositif Prêt numérique en Bibliothèque. – ABF, 16/10/15

Les critiques contre les conditions de prêt numérique en bibliothèque (PNB) rendent fou Bruno Julliard. – Social Nec Mergitur, 19/10/15

Bibliothèques : le prêt numérique en question en France. – Aldus, 19/10/15

Ne serait-il pas dommage de refuser sa chance au projet PNB ?Actualitté, 21/10/15

Soual, Laurent. - Prêt numérique en bibliothèque n’est pas le TGV Lyon-Turin. – Actualitté, 22/10/15

Oury, Antoine. – PNB : la rémunération des auteurs reste problématique. – Actualitté, 23/10/15

Dix idées reçues sur le débat sur PNB et le prêt numérique. – SavoirsCom1, 10/2015

 

France vs Union européenne : Quelle évolution pour le droit d’auteur ?

llc_droit_d_auteurLa Commission européenne avait lancé début 2014 une consultation sur la modernisation du droit d’auteur (cf Prospectibles). Parmi les propositions qui serviront de base à la nouvelle directive se trouve le rapport au Parlement européen de la jeune eurodéputée allemande du Parti Pirate (apparenté écologiste) Julia Réda.

Ce rapport qui sera soumis au vote fin mai a été présenté au Sénat le 3 avril par Julia Reda elle-même. Un des principaux objectifs de ce rapport est l’harmonisation du droit d’auteur au sein de l’Union européenne et aussi une mise à jour de ce droit dans le contexte de la société numérique, la dernière directive datant de 2001 (avant Facebook et YouTube) …

Cet « aggiornamento » voudrait pouvoir accorder plus de choix aux utilisateurs sans pour autant réduire les prérogatives des auteurs.

En effet, si la directive 2001 s’applique à l’ensemble des membres de l’UE, chaque pays dispose d’exceptions différentes. Par exemple, dans le cas de l’entrée dans le domaine public : « Le petit prince » d’Antoine de Saint-Exupéry, disparu en 1944, devrait être partout dans le domaine public (70 ans après la disparition de l’auteur) … Sauf en France, où Saint-Exupéry, héro de guerre, dispose de 30 ans de plus … !

Le rapport fait déjà l’objet de 550 amendements et d’un intense lobbying, notamment de la part d’organismes français, soutenus par la Ministre de la Culture Fleur Pellerin. « La position de la France devrait être simple à établir : ne pas accepter le principe de la réouverture de cette directive tant que la nécessité réelle des solutions existantes n’a pas été démontrée » : c’est la conclusion du rapport du juriste Pierre Sirinelli, présenté le 18 novembre au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique.

On comprend que les ayants-droit s’inquiètent de cette réforme : le Commissaire européen au numérique Günther Oettinger, ayant déclaré le sujet prioritaire et sa volonté de « libérer la créativité » et briser les barrières nationales, confortant sur ce point le projet de ‘marché unique numérique’ du Président de la Commission Jean-Claude Juncker.copyright

Si l’on comprend bien les préoccupations des syndicats d’auteurs et de créateurs qui ne désirent pas un ‘nivellement par le bas’ de la diversité culturelle européenne où l’on favorise les « tuyaux » au détriment des contenus (JM Cavada), il faut reconnaître qu’avec l’internet le consommateur culturel est devenu transfrontalier. Il peine à comprendre pourquoi il peut avoir accès à certains contenus (presse, revues, réseaux sociaux) partout, (ou du moins dans les pays où la censure ne sévit pas) et pas à d’autres (films, séries, programmes TV) en fonction de réglementations spécifiques de chaque pays …

Les propositions du Projet de Rapport Reda

  • Reconnaissance de la nécessité d’une protection juridique pour les auteurs et créateurs et interprètes et aussi pour les producteurs et éditeurs dans la commercialisation des œuvres. Amélioration de la position contractuelle des auteurs par rapport aux intermédiaires.
  • Introduction d’un titre européen unique du droit d’auteur qui s’appliquerait directement et uniformément dans l’ensemble de l’UE pour pallier le manque d’harmonisation de la directive 2001/29 CE
  • Poursuite de la suppression des obstacles à la réutilisation des informations du secteur public en exemptant les œuvres du secteur public de la protection du droit d’auteur.
  • Protection des œuvres du domaine public, par définition non soumises au droit d’auteur et qui devraient pouvoir être utilisées et réutilisées sans obstacles techniques ou contractuels.
  • Harmonisation de la durée de protection du droit d’auteur qui ne dépasse pas les normes internationales fixées dans la Convention de Berne (50 ans après le décès de l’auteur).
  • Exceptions et limitations : harmonisation des exceptions ; rendre obligatoires les exceptions facultatives (droit à la citation, copie privée) ; création de nouvelles exceptions : représentation (photos ou vidéos) d’œuvres d’arts ou de monuments sur internet ; prêt numérique (e-books) pour les bibliothèques ; extension du droit de citation (vidéo). Suppression des limitations territoriales (audiovisuel ; chronologie des médias). Les droits se négocieraient au niveau européen plutôt qu’au niveau national.

Rien de très révolutionnaire dans ces propositions, si ce n’est la volonté d’étendre à l’ensemble de l’Union des lois qui existent pour certains Etats-membres. Comme l’explique Julia Reda sur son blog « Nous devons promouvoir la diversité culturelle. Mais la diversité culturelle n’est pas la même chose qu’une diversité de lois. »

Une des principales critiques contre ce projet est que la suppression des limites territoriales serait une porte ouverte pour les GAFA et autres multinationales américaines comme Netflix qui profiteraient d’un copyright unique européen pour imposer leurs conditions aux créateurs et éditeurs. Ces entreprises sont déjà bien installées sur le web européen et profitent plus de la manne publicitaires que les acteurs traditionnels (médias, éditeurs). C’est cette part grandissante des « intermédiaires techniques » qui ne soutiendraient pas assez la création que dénonce le rapport Sirinelli, commandé par le Ministère de la culture pour défendre le point de vue français dans cette réforme du droit d’auteur. Ce rapport voudrait pouvoir surtout renforcer le droit d’auteur et réduire les exceptions. Il s’oppose également au « fair use » à l’américaine qui serait une ‘liste ouverte d’exceptons’. En revanche, l’exception de copie privée devrait être rendue obligatoire pour le paiement de la redevance dans les pays qui y sont encore opposés. Le rapport demande aussi un réexamen de la directive sur le commerce électronique.droitsdauteurs2

En effet, pour ses détracteurs, le projet Reda ne s’attaque pas assez au problème du piratage et de la contrefaçon … Et le fait que la rapporteure est membre du Parti Pirate n’arrange pas les choses !

Mais les acteurs français ne sont pas tous contre la réforme du droit d’auteur. Les bibliothécaires et les chercheurs soutiennent l’idée d’un ‘fair copyright’ qui permet les exceptions pédagogiques et le prêt numérique. Contrairement à ce que soutenait Lionel Maurel au lendemain du Congrès de l’IFLA dans son blog S.I.Lex, les professionnels de l’information ne se limitent pas à défendre les exceptions. L’Interassociation Archives Bibliothèques Documentation (IABD) soutient le London Manifesto des bibliothécaires britanniques en affirmant : « Une législation sur le droit d’auteur équilibrée (fair copyright) à travers l’Europe sont des droits essentiels.  Sans eux, nous ne parviendrions pas à soutenir efficacement la recherche, l’innovation et la croissance et nous entraverions l’ambition d’un marché unique du numérique. ».

Les préconisations des bibliothécaires français et britanniques sont assez proches du rapport Reda : harmonisation des exceptions, normes ouvertes, droit de prêt numérique, harmonisation de la durée de protection, droit d’acquérir une licence d’utilisation, droit d’explorer (fouille de textes) : analyse informatique des ouvrages pour les bibliothèques, droits pour les personnes handicapées : ratification du Traité de Marrakech, droits d’usages transnationaux, numérisation de masse, etc.

On retrouve ces préoccupations chez les chercheurs, comme dans la présentation d’Eric Verdeil à l’Ecole doctorale SHS de Lyon « Publications scientifiques en sciences humaines et sociales à l’ère du numérique : enjeux pour les chercheurs » : valorisation du ‘fair use’, copyleft et Creative Commons.

On est encore loin d’avoir épuisé les domaines d’application du droit d’auteur : les impressions 3D font partie des prochains défis : les sénateurs viennent finalement de décider que les imprimantes 3D ne seraient pas soumises à la redevance pour copie privée … ! En revanche, les tracteurs ‘connectés’ (cf le dernier post d’Affordance) vont devoir embarquer des DRM dans les codes informatiques qui les font fonctionner et empêcher les utilisateurs de ‘bidouiller’ pour les dépanner !

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IFLA 2014 : les bibliothèques et le piège des exceptions. – S.I.Lex, 29/09/14

Günter Oettinger promet une réforme du droit d’auteur d’ici deux ans.Euractiv, 30/09/14

Rapport de la mission sur la révision de la directive 2001/29/CE sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information/Pierre Sirinelli – Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, octobre 2014

Mon rapport sur le droit d’auteur dans l’UE. - Julia Reda, 16/12/14

Rees, Marc. – Fleur Pellerin aiguise ses armes pour défendre les ayants droits à Bruxelles. – NextInpact, 13/01/15

Projet de rapport sur la mise en œuvre de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information/Julia Reda – Parlement européen ; Commission des affaires juridiques, 15/01/2015

Un rapport parlementaire plaide pour le détricotage du droit d’auteur. – Euractiv, 20/01/15

Rees, Marc. – Rapport Reda : la commission ITRE veut concilier anciens et modernes. – NextInpact, 03/03/15

La mobilisation sur le droit d’auteur devrait étendre le champ de la réforme en cours. – Euractiv, 13/03/15

Gary, Nicolas. – Auteurs et éditeurs : les relations empirent en France. – Actualitté, 20/03/15

The London Manifesto : Time for reform ? – 1709 Blog, 01/03/15

La culture européenne n’est pas confinée aux frontières nationales – n’utilisons pas le droit d’auteur pour la forcer à l’être (discours au Sénat). – Julia Reda, 04/04/15

L’IABD soutient le London Manifesto qui prône une réforme européenne du droit d’auteur favorable aux bibliothèques, aux archives et aux services de documentation. – IABD, 04/94/15

Gary, Nicolas. - IABD : pour une législation équilibrée du droit d’auteur, le fair copyright. – Actualitté, 06/04/15

Langlais, Pierre-Carl. – Le droit d’auteur ne fait vivre qu’une minorité d’artistes. – L’Obs, 08/04/15

Verdiel, Eric. – Publications scientifiques en sciences humaines et sociales à l’heure du numérique : enjeux pour les chercheurs. – Lyon, Ecole doctorale SHS, session 2015 [Slideshare]

Rees, Marc. – Pas de taxe copie privée pour les imprimantes 3D. – NextInpact, 27/04/15

Du Digital labor au copytalisme. – Affordance.info, 28/04/15

 

Lire, écrire … Voir ! Les technologies au service des déficients visuels

deficient-visuelSMS, mails, objets connectés, notre monde numérique multiplie les écrans où lecture et écriture sont un passage obligé à la communication. Seul le téléphone et la radio font encore exception …

Ces usages semblent exclure un grand nombre de non-voyants et de malvoyants de l’accès à la société de l’information et de la connaissance. Or, ce sont précisément ces nouvelles technologies qui vont apporter, en partie, des réponses adéquates à ce handicap.

Le Congrès « Vision innovation » qui s’est tenu à l’UNESCO le 10 février 2015 en partenariat avec l’Institut de la vision, avait pour objectif de répondre à ces défis. Comme l’affirme le Pr Sahel, Directeur de l’Institut de la vision « Nous sommes aujourd’hui dans un moment particulier où l’innovation pourrait venir au-devant des patients que ce soit pour limiter l’aggravation de la maladie ou pour vivre mieux avec un handicap visuel.

Ces innovations sont très importantes et beaucoup de technologies proviennent d’autres domaines que la médecine. Si la dimension « accessibilité » est intégrée dans la réflexion, le design et l’ergonomie d’un produit ou d’un service, il n’en sera que plus riche et universel. ».

L’accessibilité en bibliothèque et en ligne

L’accessibilité a été un des principaux objectifs des bibliothèques pour compenser le handicap. A la Bibliothèque de Sciences Po, comme dans d’autres établissements, des aménagements ont été réalisés pour les déficients visuels : salle insonorisée et équipements adaptés, clavier et imprimante braille, synthèse vocale, zoom texte, etc. La bibliothèque de l’IEP de Toulouse s’est dotée d’un téléagrandisseur  « Clearview Speech Couleur ». Équipé d’un logiciel de synthèse vocale et d’un logiciel d’agrandissement d’écran, il facilite la lecture, la création de fichiers informatiques, la numérisation des documents ainsi que la consultation sur internet. Toujours à Toulouse, mais à la médiathèque José Cabanis, une application spécifique permet l’identification par synthèse vocale de tous les documents via leur étiquette RFID. Positionné sur un document le petit lecteur DAISY (Digital Accessible Information System) énonce les principales informations : auteur, titre, résumé … En équipant ainsi tous les documents et pas seulement les collections adaptées, la Médiathèque permet une mixité entre voyants et malvoyants, lorsque ces derniers s’y rendent en famille … b_touch

Et évidemment, la bibliothèque de l’Association Valentin Haüy a créé une bibliothèque numérique de livres audio, Eole et met gratuitement à disposition de personnes handicapées plus de 6000 ouvrages sur un site internet dédié. Les ouvrages en braille numérique ou audio sont au format DAISY qui permet une navigation plus aisée. La bibliothèque bénéficie dans ce cas de l’exception « handicap » du droit d’auteur et des droits voisins qui permet la reproduction et la représentation des œuvres au profit des personnes en situation de handicap. Sur ce thème, l’ARALD (Agence Rhône-Alpes pour le livre et la documentation) organise avec la Médiathèque Valentin Haüy une Journée d’information « Bibliothèque, accessibilité et numérique » le 5 mars 2015 à Lyon.

Le copyright et l’accessibilité dans l’édition : le Traité de Marrakech (juin 2013)

Si en France et en Europe, le droit d’auteur comporte une exception de « handicap », ce n’était pas le cas dans le reste du monde et particulièrement aux Etats-Unis, où les lois sur le copyright ne permettaient pas de transformer les ouvrages numériques par la synthèse vocale ou le braille. Les associations de malvoyants ont dû mener une bataille au niveau international pour obtenir ces facilités pour les déficients visuels avec l’institution par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) du Traité de Marrakech (27 juin 2013). Le traité reconnaît l’importance pour les personnes handicapées de disposer d’un « exemplaire en format accessible » afin « d’accéder à l’œuvre et d’y avoir accès aussi aisément et librement qu’une personne sans déficience visuelle ou autre difficulté de lecture des textes imprimés. ».

Les NBIC au service des aveugles et des déficients visuels

La journée « Vision – Innovation » a présenté toutes les solutions que les technologies actuelles permettent pour rendre la vue ou améliorer la vie aux personnes en situation de handicap.

Avec les NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives), chercheurs, ophtalmologistes, orthoptistes, laboratoires médicaux, opticiens, starts up et associations de patients tentent de répondre aux besoins des 4, 3 milliards de personnes qui ont une mauvaise vision dans le monde dont 2,5 milliards ne sont pas corrigés … Quant à la cécité, elle touche environ 5% de la population mondiale, à peu près le nombre d’habitants de l’Espagne …

Pour les plus touchés, les non-voyants, victimes de rétinopathies ou de DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), des avancées formidables sont perceptibles et font espérer une solution assez proche, comme le système de restauration de la vision IRIS, développé par la ‘jeune pousse’ Pixium Vision. Cet implant rétinien remplace les fonctions physiologiques des cellules photo-réceptricesA de l’œil en stimulant électriquement les cellules nerveuses de la rétine interne qui transmettent ensuite l’information au cerveau via le nerf optique. Ce système fonctionne avec une caméra asynchrone et un petit ordinateur de poche : il devrait permettre au patient de se déplacer de façon autonome.prothese-optique

D’autres solutions ont été présentées comme les lunettes « intelligentes » à réalité augmentée de Light Vision pour les personnes atteintes de DMLA. En détectant les parties encore fonctionnelles de la rétine, le système affiche les bonnes images au bon endroit ! La société pense distribuer une centaine lunettes en 2016. GenSight Biologics préconise, en revanche une thérapie génique pour des rétinites, la DMLA et la dégénérescence des cellules du nerf optique. L’objectif est de développer des vecteurs issus des « Adeno-Associated Virus » (AAV) pour le traitement génique de certaines dystrophies rétiniennes.

Mais il n’y a pas que ces grandes pathologies, dans les pays développés, la presbytie atteint un grand nombre de personnes. L’application « Back in Focus » permet de lire sur écran sans ses lunettes. Ce support numérique permet de tirer parti des appareils mobiles pour avoir l’image corrigée pour la vision de chacun. C’est l’écran qui s’adapte aux yeux des personnes (âgées souvent) plutôt que les lunettes correctrices … ! Ca simplifie beaucoup la vie pour lire un SMS ou regarder un plan sur son smartphone !

Dassault Systemes a développé une simulation de réalité virtuelle en 3D pour la recherche médicale pour faire ressentir aux utilisateurs et aux soignants ce que vit une personne malvoyante ou en fauteuil roulant … Des simulations semblables sont aussi disponibles sur la vision des animaux : chat, chien ou oiseau. On peut voir ce que perçoivent nos compagnons à poil ou à plumes, au ras du sol ou dans les airs… !

Mais ce qu’ont surtout développé les services ophtalmologistes, les laboratoires et les opticiens, ce sont des parcours de soins et d’accompagnement des malades ; l’aspect humain et organisationnel primant ainsi sur les aspects thérapeutiques et technologiques.

L’autre grande innovation, c’est l’émergence des réseaux sociaux spécialisés à partir d’association de patients comme Retina ou Carenity. Les patients ne sentent plus seuls avec leur handicap et peuvent compter sur des communautés comprenant des médecins, bénévoles, soignants et personnes connaissant les mêmes affections.

 

Sciences Po accessible

Vision innovation 2015
UNESCO, 10 février 2015

Taillandier, Florent. - A quand des ebooks vraiment adaptés aux déficients visuels ? – CNET France, 28/05/13

European Commission. – Marrakech Treaty : Equal Access to Books for Visually Impaired and Print Disabled. – Disabled World, 28/06/13

Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). – Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées. – OMPI, 27/06/13

Kudzia, Kudzia. - Table ronde « Lire autrement : vers de nouveaux usages et de nouveaux services en bibliothèque. – Accessible ABF, 11/05/14

 

Vers une modification du droit d’auteur en Europe ?

La Commission européenne vient de lancer une consultation auprès des citoyens sur la « modernisation » du droit d’auteur et du copyright. Ceux-ci, auteurs, créateurs, consommateurs ou gestionnaires, ont jusqu’au 5 mars pour exprimer leur opinion. Les résultats seront publiés dans un Livre Blanc qui servira de base au projet de directive sur la modernisation du droit d’auteur qui sera soumis au Parlement européen après les élections européennes de mai 2014.
Comme on pouvait le prévoir, deux camps s’affrontent sur ce sujet :
– d’un côté les syndicats d’auteurs et de créateurs qui défendent une conception « classique » de la créativité et du droit d’auteur, tout en dénonçant l’amalgame réalisé par la Commission européenne entre droit d’auteur et copyright (qui relève plus des éditeurs ou d’une marque commerciale alors que le droit d’auteur offre une protection financière et morale aux créateurs).
– de l’autre les défenseurs du partage sur internet qui favorisent les pratiques non marchandes et une économie culturelle équitable plutôt que les industries culturelles traditionnelles.

Cette consultation européenne arrive à un moment où les grands éditeurs intensifient leurs contrôles sur les œuvres en circulation sur la toile, allant même jusqu’à utiliser des robots pour traquer les « pirates » comme le relate SILex à propos de la mésaventure d’Alain Hurtig. Celui-ci avait récupéré un exemplaire du Droit à la paresse de Paul Lafargue sur le site de l’ABU, donc relevant complètement du domaine public. Or Editis et les Éditions de la Découverte lui ont intimé l’ordre (par mail) de le retirer à travers leur intermédiaire « Attributor » (qui utilise des robots). En fait, il y avait eu confusion avec une autre édition, augmentée, de l’ouvrage, publiée par La Découverte. Évidemment, après quelques jour de « buzz » sur twitter, Editis et La Découverte sont revenus sur leur décision … !

Outre la multiplications de DRM qui entravent les usages des consommateurs, comme partager, revendre, prêter une œuvre numérique, les grands éditeurs veulent imposer leurs propres lois. C’est le cas d’Elsevier qui en simplifiant le « data mining » sur ses bases de données obligent les établissements, comme les BU françaises à travers l’accord avec le consortium Couperin, de passer par une API connectée à la plateforme ScienceDirect … Cela limite les possibilités d’analyse et retarde considérablement l’accès aux données. De plus, les citations ne doivent pas dépasser 200 caractères du texte original, ce qui contredit ouvertement l’exception de « courte citation » du droit d’auteur et des droits voisins …!

« Last but not least », Facebook vient de s’arroger le droit de contrôler les contenus publiés sur le réseau social grâce à un brevet digne de « Minority Report » ! Ce dispositif permet d’utiliser les informations de profils d’utilisateurs et des « signes sociaux » pour déterminer si des contenus partagés sont piratés ou non. Et Facebook prétend même « prédire » quels internautes seraient susceptibles de faire circuler des contenus piratés, comme dans la nouvelle de Philip K. Dick (et dans le film éponyme) !
Toutes ces péripéties justifieraient bien un « dépoussiérage » du droit d’auteur, au moins au niveau européen …

Consultation publique sur la révision des règles de l’Union européenne en matière de droit d’auteur
Commission européenne – Le Marché unique de l’UE, 2013

Mobilisation pour défendre ou moderniser le droit d’auteur en Europe. – par Antoine Oury – Actualitté, 31/01/14

Réponse de la Quadrature du Net à la consultation publique de la Commission européenne sur la réforme du droit d’auteur en Europe. – La Quadrature du Net, janvier 2014

L’Europe consulte sur le droit d’auteur encore et toujours. – Par Guillaume Champeau – Numérama, 05/12/13

Les Syndicats d’auteurs mobilisés pour défendre le droit d’auteur. – par Antoine Oury – Actualitté, 055/02/14

Participez à la consultation de la Commission européenne sur le droit d’auteur et signez la pétition des créateurs. – Creators for Europe, janvier-mars 2014

DRM et copyright : la liberté du consommateur en jeu. – Par Clément Solym – Actualitté, 10/002/14

Message à Editis : laissez « Le droit à la paresse » dans le domaine public !. – S.I.Lex, 05/02/14

Data Mining : quand Elsevier écrit sa propre loi – par Pierre-Carl Langlais. – Sciences communes, 08/02/14

Et Facebook inventa le Robocopyright social. – S.I.Lex, 05/12/13

Livres/écrans : quelle hybridation pour la bibliothèque du 21e siècle ?

Le terme « bibliothèque hybride » est souvent employé pour parler de l ‘évolution des ressources documentaires où l’on évoque la ‘complémentarité’ de l’imprimé et du numérique.
Or, pour le psychanalyste Serge Tisseron qui a participé à l’élaboration du rapport de l’Académie des Sciences « L’enfant et les écrans », le support (imprimé ou numérique) n’a aucune importance : ce qui compte c’est la ‘culture’ des écrans qui est en train de remplacer celle du livre dans laquelle nous baignons depuis des millénaires …
Depuis l’invention du codex, le livre est un objet fini dont la lecture est séquentielle. ‘La culture du livre implique de lire un seul livre à la fois, un seul lecteur et un seul auteur’. La relation au savoir y est verticale : le ‘sachant’ s’adresse à l’ignorant. En revanche, la culture des écrans est multiple : elle implique plusieurs fenêtres, plusieurs spectateurs et plusieurs créateurs. Alors que la culture du livre est liée à la temporalité – on progresse dans la lecture et cela prend un certain temps- celle des écrans favorise une pensée spatialisée. A ce niveau-là, la lecture de e-books sur liseuse participe pleinement à la culture du livre ! Au lieu d’assimiler la pensée d’un autre, la culture des écrans nous apprend à faire face à l’imprévisible, à changer de stratégie dans un jeu vidéo, par exemple. Ce n’est pas « le livre papier dans sa linéarité et sa finitude, dans sa matérialité et sa présence [qui] constitue un espace silencieux qui met en échec le culte de la vitesse et la perte du sens critique » comme l’affirment Cédric Biaggini et Guillaume Carnino dans « Le Livre dans le tourbillon numérique » (Le Monde Diplomatique septembre 2009), c’est le livre, qu’il soit papier ou numérique ! Et n’en déplaise à Nicolas Carr « La dernière chose que souhaitent les entrepreneurs du Net, c’est d’encourager la lecture lente, oisive, ou concentrée. Il est de leur intérêt économique d’encourager la distraction… » : la vente des e-books (et surtout pour les liseuses Kindle) représente aujourd’hui 30% du marché américain !

Si ce rapport incite les éducateurs et enseignants à faire bénéficier les enfants du meilleur de ces deux mondes, Serge Tisseron souligne que ces deux environnements ont chacun leurs défauts : la culture du livre implique une ultra-spécialisation des savoirs et valorise les personnalités rigides, la culture numérique favorise la dispersion des savoirs et des apprentissages intuitifs.

Mais ces deux cultures ne vont pas simplement coexister parallèlement l’une à côté de l’autre, elles s’interpénètrent progressivement. C’est ce qui se passe avec les nouvelles techniques de « suivi du regard » développées pour les smartphones, mais qui pourraient aussi bénéficier à l’édition papier de livres ou de magazines ou pour la réalisation de films ou d’expositions. Frédéric Kaplan, professeur des Humanités numériques à l’EPFL de Lausanne nous explique dans un post cette nouvelle économie de l’attention. Avec deux collègues, il avait conçu un système de lunettes, équipées de deux caméras, l’une tournée vers l’extérieur, l’autre vers un des yeux, capable d’enregistrer aussi bien le regard que ce qui est lu. « En répétant cette opération des dizaines de fois par seconde, nous pouvons tracer avec précision le passage de vos yeux sur une page ». La vidéo qui accompagne ce post nous montre ce processus aussi bien dans la lecture d’ouvrages imprimés que sur tablette. Si le suivi attentionnel se généralise, l’industrie culturelle disposera de nouveaux moyens de concevoir les contenus ! On pourrait même jusqu’à créer des contenus qui s’adaptent à la manière dont ils sont ‘lus’, ou alors des tableaux qui se modifient selon la manière dont ils sont ‘vus’ ?

Le lecteur ou le spectateur, qui était jusqu’à présent dans une sphère différente de l’auteur ou de l’artiste, fait son entrée dans l’oeuvre et interagit en fonction de sa perception … Comme le dit Frédéric Kaplan, ces données valent potentiellement de l’or pour les grands acteurs du numérique !

C’est aussi le point de vue de Catherine Becchetti-Bizot, inspecteur général de lettres, qui dans « Texte et TICE » : « Lire sur support écran, écrire avec un clavier d’ordinateur, naviguer sur la Toile, en effet, c’est effectuer une série d’opérations manuelles (cliquer sur des liens, ouvrir des fenêtres, faire apparaître ou défiler des pages, mettre en relation des documents…), mais aussi visuelles et auditives, qui induisent des postures intellectuelles nouvelles – où le lecteur est à la fois un explorateur, un spectateur et un intervenant ou un auteur – et impliquant de nouvelles responsabilités. »

L’enfant et les écrans – Avis de l’Académie des Sciences, 17 janvier 2013

Guillaud, Hubert. – Enfants et écrans : psychologie et cognition.
– Internet Actu – Blog Le Monde, 01/02/13

Lectures numériques. – Dossier Eduscol, 23/03/12

Becchetti-Bizot, Catherine. – Texte et TICE. – Dossiers de l’ingénierie éducative n°61, mars 2008

Mazin, Cécile. – Livres numérique : combien ça rapporte ? – Actualitté, 17/04/13

La généralisation des techniques de suivi du regard annonce une nouvelle économie de l’attention. – Frédéric Kaplan, 13/003/13

Biagini, Cédric ; Carnino, Guillaume. – Le livre dans le tourbillon numérique. – Le Monde diplomatique n°666, septembre 2009

Aaron Swartz : la guerre de l’ »Open Access » fait sa première victime

Aaron SwartzLe récent suicide ( 11/01/13) de l’informaticien militant Aaron Swartz a bouleversé le monde du numérique et surtout les partisans du libre accès.

Ce jeune activiste de 26 ans, co-inventeur à 14 ans des flux RSS, risquait en effet 35 ans de prison et 1 million de dollars pour avoir « hacké » la base de données de revues en ligne JSTOR en téléchargeant illégalement sur un ordinateur portable des millions d’articles à partir d’un serveur du MIT.
Ce n’était pas la première action de ce jeune prodige qui s’était déjà attaqué en 2008 à la base de données PACER (Public Access to Court Electronic Records), le service de publication des décisions de justice américaines. Malgré son nom (public access), l’accès à cette base est payant, de même que JSTOR qui publie des articles de recherche.
Mais si l’hébergeur JSTOR a rapidement retiré sa plainte, et le MIT a été moins clair, c’est surtout la justice américaine, et particulièrement la procureure Carmen Ortiz, qui s’est acharnée sur son cas, accusant le jeune hacker de « voler des biens valant des millions de dollars » …
Il est évident qu’Aaron Swartz n’a pas fait cela pour de l’argent comme le fait remarquer son ami le juriste Lawrence Lessig, le créateur du « Creative Common » dans son post du 12 janvier « Prosecutor as bully »

La communauté de l’internet libre lui a rendu hommage en mettant en ligne des œuvres ‘libérées’, notamment grâce au hashtag #pdfTribute sur Twitter (voir le site http://pdftribute.net/), comme par exemple le document ‘Open Government‘ de Tim O’Reilly.
Mais aussi d’autres hackers continuent son action en ‘libérant’ d’autres bibliothèques numériques comme le site de « Gale Digital collections » téléchargé sur un faux site http://galecengage-publicdomain.com/ vantant le domaine public … !
La « guerilla open access » que menait Aaron Swartz n’était pas portée par le profit ou une ambition commerciale comme celle du hacker Kim Dotcom avec Mega (suite de Megaupload).
Il voulait, avec tout le mouvement du libre accès sur internet, rendre aux chercheurs les fruits de leurs recherches que les éditeurs et les distributeurs en ligne exploitent comme une rente sans fin.
Mais sa mort aura permis au moins de relancer le débat sur les mesures anti-piratage disproportionnées aux États-Unis.

Guerilla Open Access Manifesto. – Open Access News. [attribué à Aaron Swartz], July 2008

PdfTribute sur Twitter

Prosecutor as bullyLessig Blog V2, 12/001/13
Aaron Swartz, le suicidé de l’édition scientifique commerciale/ par Antonio Caselli. – Huffington Post, 13/01/13
Aaron Swartz, martyr de la libre circulation des connaissances ?/ par Olivier Laffargue. – BFMTV.com, 14/01/13
En marge du décès d’Aaron Swartz, le site de Gale Cengage hacké à son tour pour libérer le domaine public ! S.I.Lex, 14/01/13
Open Access et suicide d’Aaron Swartz : des larmes de trop/par Célya Gruson-Daniel. – My Science Work, 16/01/13
L’histoire d’Aaron Swartz. – Le Geektionnerd, 16/01/13
Suicide d’Aaron Swartz : vers un amendement de la loi anti-hacking aux USA ? - ZDNet, 16/01/13
Après la mort d’Aaron Swartz, des débats sur la législation. – Le Monde, 16/01/13
Avec le suicide d’Aaron Swartz, le MIT a-t-il perdu son âme ?/ par Emmanuel Tellier – Télérama, 17/01/13
Aaron Swartz, le feu RSS/Fabrice Rousselot. – Écrans – Libération, 18/01/13
Kim Dotcom: the internet cult hero spoiling for a fight with US authorities/by Toby Manhire. – The Guardian, 18/01/13
Aaron Swartz: a bittersweet memorial/ by Paul HarrisThe Guardian, 19/01/13
Économie de la publication scientifique et libre accès: un débat relancé par la mort d’Aaron Swartz. – Slate, 21/01/13
Cinq bonnes raisons de ne pas utiliser Mega. – par Olivier Tesquet. – Télérama, 21/01/13

Quand Amazon s’improvise en bibliothèque de prêt …

by cortesy Amazon.com

Parmi les « silences » d’Online 2011(*), Michel Vajou (GFII) a recensé celui de la « stratégie des grands acteurs BtoC de l’économie numériques », plus clairement l’absence sur le salon du trio incontournable des multinationales du web : Amazon, Apple, Google …

Or quelques semaines auparavant, Amazon venait de lancer un nouveau service avec le libraire en ligne OverDrive : le prêt de livres électroniques pour les propriétaires de Kindle aux Etats-Unis. Les clients d’AmazonPremium peuvent désormais emprunter gratuitement un e-book par mois pour le lire sur leur Kindle.
Cette décision n’a pas manqué de rallumer le conflit entre éditeurs et distributeurs avec les bibliothécaires pris(es) en étau … !
Nathalie Hideg y consacre un billet très complet sur le site InaGlobal

Les éditeurs n’ont en effet pas encore arrêté de modèle économique pour le livre numérique et encore moins en matière de prêt … D’où la réaction de Penguin Group qui a retiré tous ses titres numériques des bibliothèques britanniques pour protéger le droit d’auteur ! Le groupe d’édition est revenu sur sa décision quelques jours plus tard, en établissant un « embargo » pour les titres les plus récents … Quand aux grands éditeurs américains (les « Big Six ») ils ne veulent pas tomber dans le même piège qui a lié l’industrie musicale à des distributeurs en ligne comme iTunes d’Apple et veulent pouvoir contrôler les prix et les conditions de prêt des e-books dans les bibliothèques (avec parfois des conditions draconiennes comme le rachat d’un titre après 26 prêts.. ;-() .
Cela va peut-être les amener à plus collaborer avec les bibliothèques, qui représentent malgré tout un marché important, surtout en acquisitions de livres électroniques, qui ont presque triplé en un an !

Certaines initiatives, comme Bilbary veulent promouvoir la vente et le prêt de e-books dans une boutique en ligne en « concentrant le savoir faire du libraire et du bibliothécaire » pour le plus grand bonheur des consommateurs ! Le fondateur de cette start-up, Tim Coates est en négociation finale avec cinq des « big six » pour mettre en ligne 300 à 400 000 titres (50/50 % scientifiques et commerciaux) avec des bibliothécaires prêts à répondre aux questions des lecteurs … Les éditeurs ne seront pas oubliés et toucheront 80% des revenus, les droits de prêt s’élevant à 25% du prix recommandé des livres pour un emprunt de 20 jours.

Le problème avec ce genre d’hybridation entre bibliothèque et librairie, c’est que le lecteur ne sait plus dans quel espace il évolue. Comme le souligne Silvae dans son dernier post , il faudra « non seulement se plier au prêt numérique (donc à des DRM chronodégradables à grande échelle) et en plus accepter qu’un tiers comme Amazon se positionne à ses conditions entre les éditeurs et les bibliothèques ». De plus, reprenant le témoignage d’un bibliothécaire américain « volontaire » pour cette expérience paru dans librarian.net, et traduit dans le billet de Marlene’s Corner « Quand l’ebook est rendu, il ne s’évapore pas purement et simplement. Le titre, la couverture etc restent visibles sur mon Kindle, exactement comme si l’ebook était toujours disponible[…]et un juste bouton, qui ne nous propose pas de renouveler [le prêt]. La seule possibilité est d’acheter l’ebook chez Amazon.[…] » Le lecteur (re)devient un client pour l’hypermarché en ligne qui continue à le bombarder de spam sur son mail et son Kindle …

Amazon ouvre encore le débat sur le prêt de livres numériques par Nathalie Hideg, InaGlobal, 23/12/11

Livres numériques : 2012 une année charnière Bibliobsession, 02/01/12

Prêt d’e-books : ça ressemble à un prêtMarlene’s Corner, 16/11/11

The Kindle lending experience from a patron’s perspective “a wolf in a book’s clothing”, Librarian.net, 15/11/11

Kindle library lending goes live, by Andrew Albanese, Publishers Weekly, 21/09/11

Kindle Owners Public Library Amazon.com

Penguin withholds new e-books from UK library suppliers by Charlotte Williams, The Bookseller.com, 24/11/11

Coates to launch Bilbary e-books site by Benedicte Page, The Bookseller.com, 02/12/11

(*) « Synthèse des tendances du Salon Online Information de Londres 2011″ Disponible sur le réseau AMICO pour les abonnés

Les métadonnées … Une preuve de confiance pour le numérique !

« Les métadonnées sont un ensemble de données structurées décrivant des ressources physiques ou numériques. Elles sont un maillon essentiel pour le partage de l’information et l’interopérabilité des ressources électroniques. »
Dans cette définition, tirée du « Dublin Core » simplifié et proposée par l’INIST , on remarque l’importance de l’aspect structuré de ces données pour la recherche et le partage de l’information.
Et pourtant ces métadonnées, si précieuses, sont aussi vieilles que le traitement de l’information et on les trouve avec les premières bibliothèques !

La question de la confiance, c’est un des intervenants aux « Entretiens du nouveau monde industriel » (portant cette année sur la confiance et le crédit) qui l’a posée en introduisant le « Carrefour des possibles » au Centre Pompidou le 19 décembre dernier : sur le web, un document qui se présente « nu », sans métadonnées, n’inspire pas confiance. Ce sont les métadonnées, qui, en le qualifiant, en lui donnant un contexte, le socialisent d’une certaine façon et lui permettent de gagner notre confiance …!

Les métadonnées ont aussi été à l’honneur lors des « Retours » des voyages d’étude du GFII, aussi bien pour la foire de Francfort que pour le salon Online de Londres
Ruth Martinez et Michel Vajou ont souligné l’importance de cette notion dans ces manifestations. Elle est devenue un des « buzzwords » de l’année 2011 !
La gestion des données est devenue une priorité stratégique pour les livres numériques : les titres avec des métadonnées complètes connaissent des ventes à 70% plus importantes ! Et cela a un impact sur le classement du site de l’éditeur sur Google …
Des entreprises se spécialisent dans l’enrichissement des contenus, comme TEMIS et on assiste au transfert de fonctions comme le catalogage, l’indexation ou la description, des bibliothèques vers l’édition.
Avec des métadonnées sémantiques, les contenus deviennent attractifs et on les retrouve plus facilement dans les moteurs de recherche et grâce à des pages thématiques … et ils peuvent servir à des publicités contextuelles !
La production éditoriale se tourne de plus en plus vers la catégorisation et le taggage automatique.

Mais là où les métadonnées deviennent un enjeu important dans l’industrie de l’information, c’est dans la corrélation qui existe avec les méthode du « Discovery ». Dans cette nouvelle manière d’explorer les informations, grâce à des graphiques et des cartographies, la métadonnée devient multi-dimensionnelle et dépasse la simple dimension bibliographique. Les métadonnées deviennent le pivot des logiques de navigation : on accède ainsi à un degré de granularité de l’information et le document traité peut être « éclaté » en plusieurs « nano-publications ». On peut ensuite proposer ces contenus sous plusieurs déclinaisons …

Avant que des robots n’annexe ces précieux outils, les professionnels de l’information ont encore quelques cartes à jouer, aussi bien en amont (indexation) qu’en aval (recherche documentaire) dans la construction du web sémantique !

Les « Retours » des voyages d’étude de Francfort et de Londres du GFII ont été très bien résumés dans les comptes-rendus de Michèle Battisti dans Paralipomènes :
Online Information 2011 ou le pouls du marché de l’information professionnelle
Édition scientifique et professionnelle tendances

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