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Maintenir la « continuité pédagogique » : l’expérience de l’enseignement à distance en période de confinement

elearning-02Depuis un mois en France, en raison du confinement institué pour restreindre l’extension du COVID19, tous les établissements scolaires sont fermés et le personnel enseignant a été encouragé à pratiquer la « continuité pédagogique » à travers un enseignement à distance. Pour l’enseignement du 1er et du 2nd degré, les parents d’élèves sont aussi invités à aider leurs enfants à pratiquer l’ « école à la maison ». Déjà en fin février, le Ministre de l’éducation nationale, J.M. Blanquer, cité par Lucile Meunier dans Uzbek & Rica, rassurait « Si [l’épidémie] devait prendre des proportions plus importantes, on serait capable de déclencher de l’enseignement à distance massif ». Il faisait allusion à Ma classe à la maison, la plateforme du CNED qui permet aux élèves d’accéder à des cours, vidéos, synthèses et visioconférences. Cet outil est un complément aux ENT (Environnement numérique de travail), grâce auxquels fonctionne notamment Pronote, un logiciel de gestion de vie scolaire, conçu comme une interface entre les professeurs, les élèves et leurs parents.

A part quelques succès de MOOCs dans l’enseignement supérieur et la formation continue, le e-learning n’a jamais vraiment décollé en France. Le CNED a mis longtemps à intégrer internet, et excepté quelques outils (tableau blanc interactif, cahier de correspondance en ligne), les enseignants n’utilisent pas beaucoup les nouvelles technologies. C’est pourquoi, lorsqu’il a fallu se mettre, d’un côté à l’enseignement à distance pour les professeurs, de l’autre à l’école à la maison pour les parents, sans aucune préparation préalable et avec des outils très peu rodés, on a assisté à une levée de boucliers de la plupart des enseignants. En revanche, certains y voyaient l’opportunité d’un renouveau pédagogique avec la mise en œuvre d’un enseignement 2.0 pour le 21e siècle … !

Fracture numérique et accentuation des inégalités elearning2-380x253

Mais surtout, comme l’a souligné Nathalie Mons, sociologue, professeur de politiques éducatives au CNAM, dans l’émission 28 minutes (Arte),  le système souffre d’une double fracture numérique : au niveau familial d’abord, avec des familles peu équipées, surtout en ce qui concerne les élèves des milieux populaires, et au niveau scolaire ensuite, en raison de l’impréparation des enseignants et des structures pédagogiques. L’école à la maison « va renforcer les inégalités sociales face à l’éducation, dans un pays parmi les plus inégalitaires. L’école étant également le lieu de socialisation, il faut sortir du fantasme de l’école du tout numérique, sans professeurs. »

C’est aussi ce que prévoyaient Pierre Ropert et Louise Tourret dès le 13 mars sur France Culture : « Mais malgré la bonne volonté du corps enseignant, la dématérialisation des cours va nécessiter une attention particulière des familles, ne serait-ce que pour s’assurer de la présence et du suivi des étudiants. L’enseignement à distance pose ainsi la question de l’égalité de l’enseignement, quand les familles ne sont pas toutes en mesure d’apporter le même soutien à leurs enfants ». « L’enseignement à distance, s’il venait à s’éterniser, pourrait donc accentuer les inégalités relevées par le classement PISA. Dans plusieurs rapports, déjà, le PISA a en effet relevé que le système éducatif français ne fait qu’accroître les inégalités pré-existantes ».

Impréparation de l’éducation nationale

C’est ce que constate Fanny Capel, professeur de lettres dans une tribune dans l’Obs : « Très rapidement, il est apparu que l’Education nationale n’était pas techniquement prête : les enseignants ont dû travailler avec leur matériel personnel, qui n’est pas forcément adapté ; les ENT (environnements numériques de travail) et les « classes virtuelles » conçues par le Cned n’ont pas supporté un usage massif. ». Les enseignants se sont ensuite « tournés vers les plateformes de discussion ou de visioconférence privées comme Skype, WhatsApp ou Zoom qui mettent en danger les données personnelles des élèves et la neutralité du service public ».

Face au flou des consignes officielles, les enseignants sont contraints à l’improvisation et adoptent des pratiques très diverses : échange de consignes et de copies par mail, cours en visioconférence ou vidéos en ligne. Du côté des familles, les parents en télétravail ou travaillant encore à l’extérieur se sont sentis vite dépassés et ont eu peur de n’en pas faire assez … Surtout que les conditions de l’étude à la maison (accès à un ordinateur, connexion à internet, logement, disponibilité des parents) n’ont pas été prises en compte.  Finalement les inspections ont rappelé que « le seul objectif était de maintenir un lien avec les élèves en leur proposant de exercices réguliers et la consolidation des compétences et des savoirs déjà acquis » ! 000000071588_zoom

Les enseignants se retrouvent dans un « état d’épuisement professionnel » et la plupart des élèves « vivent l’abandon scolaire et la rupture de leurs apprentissages, en dépit des efforts de leurs professeurs. » Pour Fanny Capel « il n’existe pas de classe virtuelle, seulement des individus à la fois, suprême paradoxe, surveillés et laissés à eux-mêmes. ».

C’est aussi l’avis des enseignantes interrogées dans l’article des Numériques : « L’école 2.0 ne remplacera jamais un prof« , annonce d’emblée Lucie, professeure de lycée en région parisienne. « On peut faire des sortes de cours magistraux, mais c’est à peu près tout« , continue celle qui doit s’occuper de ses deux enfants en primaire en parallèle. Isabelle, une contractuelle dans un lycée, abonde : « on nous vend une école 2.0, mais rien n’est fait pour faciliter la vie des profs et des élèves. » Les cours à distance exigent en effet beaucoup plus de travail pour une bonne partie du corps enseignant. « Au lieu de gérer une classe de 35 élèves, tu fais du cas par cas« , ajoute Isabelle. ». Là encore, l’inégalité est pointée : « S’il y a un mot à retenir, c’est inégalité. Tous les élèves n’ont pas toujours l’appareil et la connexion qu’il faut, certains parents se demandent comment on fait pour enregistrer des documents sur l’ENT, certains élèves ne savent pas se servir des outils informatiques« , s’inquiète Isabelle. ».

Un autre danger de l’enseignement à distance, l’’absentéisme numérique’ : Certains sont partis le vendredi pré-confinement « en se disant qu’ils étaient en vacances« . Mais là encore, cela dépend beaucoup de l’âge et du niveau social. « En 3e, avec des enfants issus de familles défavorisées, j’ai un taux de réponse de 50 à 60 % à mes mails« , explique Célia qui fait désormais cours depuis sa maison en Seine-et-Marne. ».  C’est aussi la question que pose Pascal Plantard, professeur d’anthropologie des usages des technologies numériques à l’Université Rennes 2, en se demandant dans une tribune au Monde « Qui sont les 800 000 élèves perdus ? » : la fracture numérique ne peut pas à elle seule expliquer le ‘décrochage’ de 5 à 8% des élèves depuis le début du confinement.

 

indexUn laboratoire de nouvelles pratiques

Alors que les outils institutionnels s’avèrent insuffisants pour faire face à la demande, certains enseignants en profitent pour expérimenter des solutions alternatives, proches des pratiques des jeunes, comme les jeux-vidéos ou les plateformes de réseaux sociaux. Lucile Meunier, dans son article sur Usbek & Rica, cite le cas d’un professeur de mathématique qui « a eu l’accord de sa direction pour développer des serveurs Discord. Cet outil ludique, bien connu de ses élèves fans de jeux vidéo, permettra d’héberger cours et exercices ». Une linguiste remarque aussi, qu’en l’absence d’ordinateur à la maison « certains outils non institutionnels semblent être plus adaptés à l’usage du smartphone: « Je ne vois pas le mal à faire un cours sur Snapchat, car tout le défi pédagogique est d’arriver à tirer le meilleur d’un outil. Par exemple, les langues requièrent de la spontanéité et de la vitesse, ce qui est très adapté à Snapchat ». Avec sa chaîne « Maths et Tiques » sur YouTube qui compte plus de 700 000 abonnés et 103 millions de vues, Yvan Monka, prof de maths au Lycée de Haguenau, est devenu incontournable depuis le confinement. Si l’élève peut progresser à son rythme, comme le constate Zineb Dryef dans le Monde « L’élève a la possibilité de revenir en arrière ou de cliquer sur pause, de fonctionner à son rythme. », la chaîne d’Y. Monka est très éloignée des standards des poids lourds de YouTube «  Ici, pas de montages sophistiqués, de décor soigné, d’animations rigolotes […] S’il glisse ici et là une blague de matheux, il ne fait pas de vulgarisation à grands renforts de références pop et de potacheries : il enseigne. ».

En ce qui concerne les élèves, « même si la salle de cours n’existe plus en tant que telle, il se recrée « un microcosme de classe » dans les boucles WhatsApp de certains établissements, explique Lucie à Corentin Béchade dans les Numériques. « Les élèves profitent de ce point d’ancrage, ils s’entraident et discutent« , renchérit celle qui cumule en plus le rôle de représentante des parents d’élève. « Il y a une vraie solidarité, ça a complètement changé la dynamique entre les profs et les élèves. Certains ont même créé un forum de discussion pour partager plus facilement des documents. »

« Il faut faire confiance aux élèves, assure François Taddei, cité par Lucile Meunier. Si l’un d’entre eux propose un outil, et que le professeur décide de lui faire confiance en lui disant : “Fais, tu connais mieux que moi”, on aura déjà fait un grand pas. Et ensuite, il faudra mettre en commun et partager ces nouvelles méthodes ».

Les aspects positifs de l’enseignement à distance transparaissent aussi dans la tribune de Roger-François Gauthier dans le Monde. Pour cet ancien inspecteur général, l’école pourrait aussi sortir renforcée de cette crise. Face à ceux qui déplorent « Que ce confinement des élèves dans les familles préfigurait une privatisation définitive de l’éducation et un éclatement de l’école face à la multiplication des acteurs qui interviennent dans l’enseignement à distance, », il fait le pari que d’autres espoirs sont possibles. « Qui dit que les élèves ne percevront pas plus clairement, après l’expérience du confinement, que leurs apprentissages individuels ne se construisent vraiment que confrontés aux apprentissages des autres ? […] Qui dit que les enseignants communiquant par exemple au téléphone avec leurs élèves ne leur seront pas en bien des cas apparus plus disponibles que dans la classe ordinaire ? ».

Cette crise pourrait aussi l’occasion de mieux former les enseignants, comme l’espère Christine Develotte « Ce serait super de pouvoir embrayer sur une formation numérique plus approfondie, pour les professeurs qui le souhaiteraient, pour revenir sur cette première expérienceSouvent, les enseignants ne sont pas formés à l’informatique donc ils ne voient pas l’enjeu qu’il y a à laisser la main à des spécialistes de conception de plateformes et non de pédagogie ». Mais encore faudrait-il disposer d’un budget, car, comme le souligne l’article d’Usbek et Rica : « Selon l’OCDE, les enseignants français ont moins accès aux formations continues (83%) que ceux des autres pays de l’OCDE (94%). ».

Il faudrait aussi arriver à mettre au point des méthodes plus créatives « Selon une étude PISA menée en 2017, les élèves français ont un niveau de collaboration très faible par rapport aux autres pays, notamment la Finlande. »..

 

Après les difficultés de l’enseignement pendant le confinement, les affres des choix du déconfinementformationnumerique2

Le gouvernement ayant pris conscience des inégalités provoquées par l’école à la maison en période de confinement, le Président de la République a annoncé que les établissements d’enseignement réouvriraient ‘progressivement’ à partir du 11 mai, date prévue du déconfinement pour une majorité de Français et d’activités économiques. On risque un « revers de confinement », similaire au ‘revers de l’été’, bien connu des chercheurs en éducation comme l’explique Céline Darnon dans The Conversation : alors que pendant l’année scolaire, les enfants de familles défavorisées affichent des gains assez similaires à ceux des familles avantagées, pendant les mois d’été, en revanche, de grandes disparités apparaissent. Celles pourraient expliquer en parties les grandes différences de réussites scolaires dans l’enseignement secondaire et les choix de filières dans l’enseignement supérieur.

Mais certains voient dans cette rentrée précipitée plus une nécessité économique (les parents doivent reprendre le travail, qui va garder les enfants ?) qu’une mesure pédagogique. D’autres, comme le chercheur en sciences de l’éducation Benoît Urgelli dans son interview au Monde, invite à « considérer cette période particulière à l’échelle de toute une scolarité » « Les enfants vont perdre deux mois d’école, peut-être plus, est-ce vraiment un drame ? ». Et surtout redoutent les conséquences sanitaires d’une telle reprise.

D’un point de vue épidémiologique, les enfants seraient relativement peu touchés par le virus du COVID19 (de moins de 1% pour les moins de 10 ans à 1% pour les 10 à 19 ans) et contrairement à ce que l’on croyait au début de la pandémie, aussi moins contagieux, d’après une étude de chercheurs français sur le cluster de Haute-Savoie, cité par Natalie Raulin dans Libération.

Malgré la prudence des propos du le premier Ministre lors de la conférence de Presse du 19 avril, la « bonne méthode sera progressive », a-t-il répété. « Les écoles n’ouvriront pas partout le 11 mai et ne fonctionneront pas partout dans les conditions dans lesquelles elles fonctionnaient » avant le confinement. parents et enseignants restent sur leurs gardes : « Le discours est plus prudent, sur cette date du 11 mai, que ce que laissait entendre Emmanuel Macron, salue Frédérique Rolet, secrétaire général du syndicat enseignant SNES-FSU  dans l’article du Monde. On ne pourra faire de rentrée tant que les conditions de sécurité sanitaire pour les élèves et les enseignants ne seront pas remplies. » Pour Hubert Salaün, porte-parole de l’association des parents d’élèves PEEP, interviewé par RTL « Pour des questions d’organisation, on ne peut pas aujourd’hui remettre 50 élèves dans un bus, 600 élèves en une heure à la cantine. Donc ça va être progressif et bien discuté avec les parents d’élèves, les mairies, les collectivités locales et les enseignants ».

 

Coronavirus : les premières pistes du gouvernement pour le déconfinement. – Le Monde, 20/04/20

Déconfinement des écoles : « Il va falloir beaucoup de pédagogie » estime la Peep. – Le Journal RTL, 20/04/20

Raulin, Nathalie. – Les enfants, étonnamment peu vecteurs de la maladie. – Libération, 19/04/20

Mons, Nathalie. – L’école à distance creuse-t-elle les inégalités. – 28 minutes – ARTE – YouTube, 16/04/20

Urgelli, Benoît ; Morin, Violaine. – École à la maison : « Les enfants vont perdre deux mois d’école, peut-être plus, est-ce vraiment un drame ? ». – Le Monde, 15/04/20

Capel, Fanny. – Enseignement à distance : « Le danger d’une école sans humanité ». – L’Obs, 15/04/20

Poupée, Mathilde ; Le Guellec, Gurvan. – Moi prof confiné : « ne nous dédouanons pas de notre immense tâches sous de mauvais prétextes ». – L’Obs, 13/04/20

Watrelot, Philippe. - Confinement : « L’enseignement, c’est d’abords une relation et de l’accompagnement » : Chat. – Le Monde, 08/04/20

Plantard Pascal. – Ecole à la maison : « Qui sont les 800 000 élèves « perdus » ? » - Le Monde, 07/04/20

Roder, Iannis. – Enseignement à distance : « Allez on se connecte tous à 8h55″ ou presque ... – Le Monde, 07/04/20

Augusto, Hadrien. – Cette application pour apprendre une langue fait un carton pendant le confinement.Presse-citron, 07/04/20

Darnon, Céline. – Inégalités scolaires : des risques du confinement sur les plus vulnérables. – The Conversation, 31/03/20

Gauthier, Roger-François. – Le confinement pourrait permettre « le sursaut dont l’éducation a besoin en France et ailleurs ». – Le Monde, 31/03/20

Treilles, Clarisse. – #JeTravailleChezMoi : « les cours ont une meilleure saveur quand on a du temps devant soi ».  – ZDNet, 31/03/20

Dryef, Zineb. - Yvan Monka, le prof de maths sur YouTube devenu incontournable depuis le confinement. – Le Monde, 26/03/20

Béchade, Corentin. – Confinement : « L’école 2.0 ne remplacera jamais un professeur ». – Les Numériques, 21/03/20

Meunier, Lucie. – « Pendant le confinement, je ne vois pas le mal à faire un cours sur Snapchat.Uzbek & Rica, 20/03/20

Chartier, Mathieu. – Coronavirus : une première journée d’école à la maison très perturbée. – Les Numériques, 16/03/20

Ropert, Pierre ; Tourret, Louise. – Enseignement à distance : « On peut craindre un élargissement des inégalités » dans l’éducation.France Culture, 13/03/20

Bergen, Alain. – Pour l’application Zoom, plus dure sera la chute. – L’Express, 13/04/20

CNED. – Ma classe à la maison : Comment s’organise la continuité pédagogique avec « Ma classe à la maison » ?. – CNED, cop. 2020.

Video conferencing, web conferencing, webinars, screen sharing – Zoom

 

Evolution des bibliothèques : où en est-on ?

4175783446_7e32581cf5_bLa fin des bibliothèques, souvent annoncée (presque autant que la fin du travail !), ne semble pas  encore réalisée. Au contraire, la dernière Enquête sur les publics et les usages des bibliothèques municipales du Ministère de la culture indique une augmentation de la fréquentation des bibliothèques publiques (40% des Français de plus de 15 ans contre 35% en 2005). Si toutes les bibliothèques ne sont pas devenues des ‘learning centres’ ou des ‘leisure centres’ comme dans d’autres pays, un certain nombre de mutations sont à l’œuvre, aussi bien dans les bibliothèques universitaires et de recherche que dans les BM et les médiathèques grand public.

Ces évolutions concernent autant l’offre d’activités des bibliothèques que les transformations plus profondes des métiers et des pratiques de l’information-documentation.

L’innovation est le maître-mot, comme le rappelle Clémence Jost dans Archimag en évoquant le thème central du Congrès de l’ABF en 2016 « L’innovation en bibliothèques ». Pour repenser la bibliothèque, Christine Tharel-Douspis, cite dans le BBF la « Bibliothèque en [r]évolution », thème de la Journée Régionale de la Commission lecture publique de Mobilis organisée en partenariat avec l’ENSSIB. Au programme, réseaux sociaux, usages différents et mouvants, BiblioRemix, co-construction, design thinking, expérience utilisateur, etc.

Diversification et offre de pratiques innovantes

Un certain nombre de bibliothèques ont introduit de nouveaux outils ou de nouvelles pratiques à destination des publics. Outre les incontournables ‘fablabs’, on trouve aussi :

  • Un kiosque qui distribue de courtes nouvelles rédigées par les étudiants à la Penn State University Library
  • Des « feuilletoirs» numériques (écrans tactiles insérés dans les rayonnages donnant accès aux 132 000 documents des collections en magasins) à la Bibliothèque Alexis de Toqueville à Caen
  • Des animations de réalité virtuelle avec casques à la Médiathèque Federico Fellini de Montpellier et à la bibliothèque de la Manufacture de Nancy FabLab
  • « Les Yeux docs », plateforme de vidéos documentaires à la BPI
  • Labo2 : laboratoire des usages numériques à la BM de Nantes : écriture, jeux vidéo, créations numériques, outils cartographiques
  • Une « grainothèque» à la BM Aimé Césaire de Villeneuve-La-Garenne : chacun peut apporter son sachet de graines dans un espace dédié où d’autres « semeurs » peuvent se servir gratuitement.
  • Un concours de « Bibtubeurs» à la BM de Bègles où de jeunes lecteurs réalisent des « Booktubes » : petite vidéo résumant un livre que l’on veut partager avec d’autres lecteurs. Donner en 5 minutes envie de lire le livre et apprendre à maîtriser les bases techniques de la réalisation vidéo.
  • La plateforme de photos Instagram d’étudiants sur des livres ou des activités de la bibliothèque. Comme La New York Public Library des d’autres BU américaines, la bibliothèque de la « London School of Economics” lance sa plateforme Instagram pour sa « Review of Books ».

Comme le souligne l’enquête sur les bibliothèques municipales « l’usage des équipements [de lecture publique] évolue également : autrefois axé sur l’emprunt et le livre, il s’est fortement diversifié, en lien avec la richesse des services proposés par les bibliothécaires, sur place, en ligne et hors les murs ».

Les transformations en profondeur des métiers de l’information et de la 6232096-9311528documentation

L’impact du numérique et de la communication n’est pas récent dans ces métiers et remonte bien à plus d’une trentaine d’années, mais les mutations se font surtout sentir depuis une dizaine d’années. Elles se traduisent par un certain nombre de transformations dans la vie professionnelle du domaine.

  • Mise à jour de la terminologie en sciences et techniques de l’information (Archives 21)
  • Le rôle des bib-docs dans la lutte contre la désinformation et les Fake news. L’importance de la formation à l’’information literacy’ dans la construction des savoirs.
  • La contribution à l’encyclopédie Wikipédia, aussi bien en tant que professionnel avec l’évènement 1Bib1Ref (Un bibliothécaire, une référence), qu’en tant que médiateur pour faire connaître cette entreprise « Creative common » aux lecteurs. Comme le souligne Sylvain Machefert, auteur de ce chapitre, « Wikipédia peut aussi être le point de départ à une sensibilisation du public aux questions en lien avec le droit d’auteur », en raison de sa licence libre.
  • Le rôle croissant de la communication interne au sein de l’institution, notamment à travers les outils collaboratifs et les réseaux sociaux d’entreprises, comme Slack ou Teams.
  • Le rôle des bibliothèques de recherche dans le développement des Humanités numériques. Le rapport des Research Libraries UK souligne le rôle que pourraient avoir ces bibliothèques dans la création, l’archivage, la curation et la préservation d’outils pour la recherche en Humanités numériques. Le RLUK veut comprendre le rôle joué par ces bibliothèques dans la représentation numérique pour identifier les zones spécifiques à valoriser et aussi pour faciliter le partage des bonnes pratiques. 497671-rea-197588-011-580x310
  • Les nouvelles appellations des métiers de la documentation. Comme le relève E. Barthe dans son blog, cité par H. Girard dans la Gazette des Communes, le mot documentaliste, tel que le définit le code du Répertoire opérationnel des métiers et des emplois (ROME), ne correspond plus à la réalité du métier. Depuis le début des années 2000, on a vu émerger des knowledge managers, des gestionnaires de bases de données et de ressources numériques, des community managers et autres webmasters … Ces nouveaux métiers qui portent aussi sur la gestion des documents et de l’information n’apparaissent pas dans le code ROME 1601. Or, on trouve de nombreux emplois et postes pour ces dénominations … Cette évolution des métiers a été cartographiée par l’ADBS en 2013. Mais comme le remarque Archimag dans son 2e Baromètre sur l’emploi et le compétences (2016), d’autres compétences complémentaires sont nécessaires, comme le numérique ou la communication.
  • L’importance de la présence des bibliothèques sur les réseaux sociaux. Les bibliothèques se sont majoritairement investies dans les deux principaux réseaux sociaux Facebook et Twitter où se retrouvent la plupart des utilisateurs. Mais comme on l’a vu plus haut, certaines bibliothèques choisissent de participer à des activités plus ciblées sur certains réseaux, comme Instagram ou YouTube pour développer l’aspect prescripteur des lecteurs. Sur les réseaux sociaux dédiés aux livres qui remontent aux années 1990, on est passé des pionniers (Zazieweb), aux start-ups et à la professionnalisation (Babélio) pour atteindre une certaine concentration avec la pérennisation de certains sites (Sens critique) et une polarisation de la prescription avec la quasi disparition de la ‘longue traîne’. Comme le souligne Louis Wiart, dont l’étude est citée par Christine Tharel-Douspis dans son article du BBF, les réseaux sociaux ont un effet de caisse de résonnance : les best-sellers et les livres les plus cités concentrent le plus de visibilité, tandis que les catégories intermédiaires sont moins représentées … « Les réseaux sociaux ne bouleversent pas les champs des pratiques, mais fortifient le lien entre professionnels et usagers ».
  • Le « BiblioRemix » et le « nouveau paradigme de la participation ». Cette démarche veut accompagner l’évolution des bibliothèques vers le ‘3e lieu’ et rompre avec l’image stéréotypée de ces établissements. Elle implique la participation du public dans une démarche de décision et de gouvernance plus citoyenne. Il s’agit de repenser la bibliothèque avec les usagers, de co-concevoir les politiques publiques. Avec BiblioRemix, on passe du service public aux services aux publics. De nombreux exemples de projets sont cités dans l’article du BBF, dont les 4C aux Champs libres à Rennes (Création, collaboration, connaissance et citoyenneté).

Ces différentes tendances dessinent une nouvelle configuration des bibliothèques, où professionnels et usagers se retrouvent dans des pratiques où l’information passe par différents canaux comme la communication interne et extérieure, la formation, la participation, ou des outils comme les humanités numériques, la curation et l’échange aussi bien « in real life » que sur les réseaux sociaux.

communs

Mollett, Amy ; Mc Donnell, Anthony. – Five ways libraries are using Instagram to share collections and draw public interest. – Impact of Social Sciences, 16/04/14

Enquête sur les publics et les usages des bibliothèques municipales en 2016. – Ministère de la Culture et de la Communication – Livre et lecture, 16/06/16

Barclay, Donald A. – The challenge facing libraries in an era of fake news. – The Conversation, 05/01/17

Jost, Clémence. - Innovation : les bibliothèques, laboratoires de réinvention. – Archimag, 02/05/17

Machefert, Sylvain. – “Wikipédia et bibliothèques : agir en commun” dans Communs du savoir et bibliothèques/Lionel Dujol. – Paris, Cercle de la Librarie, 2017. Via Hal-archives ouvertes, 31/05/17

Tharel-Douspis, Christine. « Bibliothèque en (r)évolution ». – Bulletin des bibliothèques de France  n° 11. – 23/06/17

Kamposiori, Christina. – The role of Research Libraries in the creation, archiving, curation, and preservation of tools for the Digital Humanities. RLUK Report. – Research Library UK, cop. July 2017. Pdf.

La communication interne en bibliothèque : expérimentation de Teams, le Slack de Microsoft. – Hortensi-us, 15/07/17

Girard, Hélène. – Documentaliste : le poids du mot face aux mutations des fonctions.La Gazette des communes, 03/08/17

Enis, Matt/ – Penn State Libraries launch short stories dispensers. – Library Journal, 04/08/17

Ducharme, Daniel. – Un projet de mise à jour de la terminologie de base en sciences de l’information. – Archives 21, 15/08/17

L’inventivité en bibliothèque : les bibtubeurs, le concours de Booktube. – Actualitté, 29/08/17

Dillaerts, Hans.- Créer, gérer et animer un dispositif de Fab Lab au sein d’une bibliothèque publique : entretien avec Julien Amghar, créateur de l’espace Kénéré le Lab. – DLIS.Hypothèses.org, 06/09/17

 

 

Humanités numériques : nouvelle discipline ou méthodologie des Sciences humaines et sociales ?

perles-alphabet-en-bois-300-perlesComme le rappelait  Etienne Cavalié (Lully) dans son post de Bibliothèques (reloaded) en janvier 2015 « le concept d’humanités numériques est vraiment en train de se répandre » depuis quelques années. Mais que représente cette notion qui prend de plus en plus de place dans le champ des sciences humaines et sociales (SHS) ? L’annonce d’une série « Humanités numérique » au baccalauréat général de même que la création d’un Executive Master Digital Humanities à Sciences Po interroge encore plus sur la place de cet objet ‘technoscientifique’ …

Définition

« Les humanités numériques2 sont un domaine de recherche, d’enseignement et d’ingénierie au croisement de l’informatique et des arts, lettres, sciences humaines et sciences sociales.
Elles se caractérisent par des méthodes et des pratiques liées à l’utilisation des outils numériques, en ligne et hors ligne, ainsi que par la volonté de prendre en compte les nouveaux contenus numériques, au même titre que des objets d’étude plus traditionnels.
Les humanités numériques s’enracinent souvent d’une façon explicite dans un mouvement en faveur de la diffusion, du partage et de la valorisation du savoir. »

Dans cette définition de Wikipédia on retrouve les deux pôles de ce champ de connaissance : ‘un domaine de recherche et d’ingénierie’ où l’informatique s’intègre dans les sciences humaines grâce aux outils numériques. La définition ne se limite pas aux méthodes et pratiques que ces outils instaurent, mais souligne aussi « la volonté de prendre en compte nouveaux contenus numériques ». On voit dans cette acceptation un dépassement de l’opposition que notait Alexandre Moatti dans Bibnum en octobre 2014 où il soulignait « deux tendances […] : ceux qui pensent que les des DH sont d’abord et avant tout une pratique, un outil, à intégrer aux champs disciplinaires universitaires […] ; ceux qui pensent que ce doit être une théorie, une discipline … ». Le chercheur se rattache lui-même à la première tendance (méthode, outil) tout en reconnaissant que les deux acceptations puissent coexister. Social_Network_Analysis_Visualization

C’est cette dimension transversale des HN, « ce carrefour, cette convergence entre savoirs et savoir-faire technologiques » qu’analyse Elydia Barret dans son mémoire ENSSIB. Pour elle, les « SHS et les disciplines littéraires et artistiques connaissent une mutation numérique ». Ce sont aussi bien « les méthodes et les modes de travail que les problématiques et les productions scientifiques qui évoluent sous l’effet de la généralisation du numérique ». On se trouve donc bien devant un nouveau domaine de recherche qui requiert des compétences aussi bien des chercheurs dans chaque discipline mais aussi d’autres professionnels de l’information : informaticiens mais aussi bibliothécaires/documentalistes, archivistes et autres gestionnaires de productions esthétiques et sémantiques (conservateurs de musées, iconographes, etc.). C’est l’objet de ce mémoire qui souligne l’importance de la coopération entre chercheurs et bibliothécaires « Les humanités numériques font appel à des problématiques et à des compétences familières aux bibliothèques ». C’est aussi le point de vue que défend Etienne Cavalié dans son Projet de mode d’emploi sur les Humanités numériques où il explique un projet de livre sur les HN réalisé par deux tandems chercheurs/bibliothécaires « Les chercheurs vont progressivement s’emparer des technologies et méthodologies comprises dans l’appellation d’humanités numériques «

De plus, comme le rappelle la définition de Wikipédia, les HN « s’enracinent souvent dans un mouvement en faveur de la diffusion, du partage et de la valorisation du savoir ». Ce mouvement des « Archives ouvertes », lancé par des collectifs de chercheurs à la fin des années 1990, a été soutenu, relayé et alimenté par des professionnels de la documentation. dig-hum

Périmètre des Humanités numériques

Que recouvrent les HN et quelles sont les pratiques habituellement désignées par ces termes ?

  • Numérisation et archivage électronique des différents objets concernés : textes, image, sons, etc.
  • Edition électronique « open access » à travers des dépôts institutionnels comme HAL ou Spire à Sciences Po, mais aussi édition d’ouvrages et de revues en ligne à travers le portail Open Edition
  • Constitution de corpus numériques : textes, images et son, soit par numérisation de documents existants, soit par recueil de documents ‘nativement numériques’ : sites web, réseaux sociaux, etc. Exemple : le corpus COP21 réalisé par le Médialab et la Bibliothèque de Sciences Po
  • Capture, analyse et traitement des données numériques : traitement linguistique (TAL), fouille de textes, traitement de l’image et du son, etc.
  • Représentation graphique et visualisation des données.

Comme le rappelle Elydia Barret dans son mémoire, l’utilisation d’outils informatiques pour traiter les humanités n’est pas si nouvelle, puisque, dès la fin des années 1940, le père Roberto Busa entreprend l’élaboration d’un index des œuvres de Saint Thomas d’Aquin avec l’aide des informaticiens d’IBM, soit 11 millions de mots ! Ces ‘Humanities Computing’ continuent dans les années 1960 à 1980 et concernent essentiellement le traitement linguistique de corpus de textes comme le Brown Corpus aux Etats-Unis où un million de mots sont sélectionnés pour représenter la langue américaine … Les humanités numériques se distinguent en effet de ses précurseurs par la diversité et l’hétérogénéité de leurs objets, aussi bien que des méthodes et des outils mis en œuvre.

64018-cartographie-des-tweets-du-thatcamp-www-martingrandjean-ch-cc-by-nc-sa-3-0Les HN : nouvelles méthodes ou discipline spécifique ?

Cette controverse continue de diviser les différents acteurs (chercheurs, ingénieurs, professionnels de l’information). Comme le souligne Laurence Monnoyer-Smith dans son article « Ouvrir la boite à outils de la recherche numérique » : « Si les méthodes numériques mobilisées dans le cadre de recherche en sciences humaines ne sont pas radicalement différentes, elles renouvellent toutefois les débats épistémologiques provenant du croisement entre informatique et SHS ». Elle cite à ce propos l’article de Noortje Marres qui défend la théorie d’une ‘redistribution’ des méthodes qui a lieu au sein de la recherche numérique. D’après cette auteure, « les outils numériques et les sources de données en ligne transposent sur le web des méthodes traditionnelles en SHS, tout en les adaptant aux nouvelles propriétés du support ». Les chercheurs adaptent donc ces méthodes et les modifient pour faire face à de nouveaux défis épistémologiques.

En revanche, le Manifeste des Digital Humanities (THATCAMP 2010) proclame « Les Digital Humanities désignent une transdiscipline, porteuse des méthodes, des dispositifs et des perspectives heuristiques liées au numérique dans le domaine des sciences humaines et sociales ». Les participants du Thatcamp ne négligent pas pour autant les méthodes traditionnelles « elles s’appuient sur l’ensemble des paradigmes, savoir-faire et connaissances propres à ces disciplines tout en mobilisant les outils et les perspectives singulières du champ du numérique ».

Il est indéniable que le numérique a changé notre rapport aux objets généralement étudiés par les humanités et les SHS. Par rapport à l’écrit par exemple, aussi bien la lecture que l’écriture connaissent une transformation par le numérique, grâce aux liens hypertexte et l’éditorialisation des contenus, sans oublier les groupes de lecture ou d’écriture en réseau … Quant aux pratiques sociales, elles ont été ‘cannibalisées’ par les outils de communication et de réseaux sociaux et l’utilisation d’algorithmes à l’intérieur de ces dispositifs changent complètement la donne !

Face à ce changement radical qui transforme notre relation cognitive au monde, Michel Wieviorka dans son manifeste l’Impératif numérique [analyse de Jean-François Blanchard] exhorte les chercheurs « à ne pas abandonner le domaine à des spécialistes et à prendre la mesure des enjeux qui sont vitaux pour les SHS. Utiliser les ressources numériques, intégrer le numérique dans les méthodes de travail et les objets d’étude constituerait une première avancée vers une appropriation du changement ».  bandeau_humanum

Manifeste des Digital Humanities/par Marin Dacos. – THATCAMP Paris, 2010 maj. 25/01/12. – Hypothèse.org

Berra, Aurélien. – Faire des humanités numériques. – in Read/Write 2/Pierre Mounier, dir. – Open Edition Books, p.25-43. – 2012

Plantin, Jean-Christophe ; Monnoyer-Smith. – Ouvrir la boite à outils de la recherche numérique. – Tic&Société vol.7:n°2, 2e semestre 2013

Blanchard, Jean-François. – Michel Wieviorka, l’impératif numérique ou la nouvelle ère des sciences humaines et sociales ? - Lectures Revues.org. – comptes-rendus 2013

Barret, Elydia. – Quel rôle pour les bibliothèques dans les humanités numériques ? Mémoire d’étude – ENSSIB -Université de Lyon, janvier 2014

Dacos, Marin ; Mounier, Pierre. – Rapport Humanités numériques. – Institut français ; Open Édition, 20/06/14 via Slideshare.net

Humanités numériques. – Institut français, 2014. – Publication d’une étude consacrée aux humanités numériques, soutien à la participation de chercheurs français à la conférence Digital Humanities 2014 de Lausanne, table ronde au Salon du livre, rencontres et débats dans le réseau culturel.

Humanités et cultures numériques : éléments d’histoire et de prospective/Milad Douehi ; Louise Merzeau. – DHNord 2014 Humanisme et humanités numériques. – Publie.meshs, 27/05/14

Dunleavy, Patrick. – Big data and the future of social sciences. – LSE podcasts – Audible impact episode 3, 06/08/14

Moatti, Alexandre. – Quelle acceptation du terme « humanités numériques ». – Bibnum, 19/11/14

Levy, Pierre. – My talk at « The Future of Text 2014. Communication presented at The Future of Text symposium IV at the Google’s headquarters in London (2014). – Pierre Levy’s Blog, 02/11/14

Quels agencements pour les humanités numériques ?/ Eddie Soulier.dirLes Cahiers du numérique. – Numéro spécial, vol.10 – 2014/4. – via Cairn.info

Cavalié, Etienne. – Projet de mode d’emploi des humanités numériques. – Bibliothèques (reloaded), 30/01/15

Qu’est-ce que les humanités numériques ? - France Culture Plus, 25/05/15 [Alexandre Gefen (fabula.org), Pierre Mounier (CLEO), Michel Wieviorka (FMSH). Rencontre animée par Xavier de La Porte (France Culture) au Salon du Livre, Paris 2014).

 

Libre accès et partage des données de la recherche … Vers une science ouverte ? II – L’exploration de contenus

text_mining_analytics_survey_softwareAprès la disposition permettant aux chercheurs de mettre gratuitement en ligne leurs publications réalisées dans le cadre de recherches sur fonds publics, nous allons examiner l’impact des amendements autorisant la fouille automatique de textes et de données (Text and Data Mining –TDM) sur le développement de la recherche.

Au départ cette mesure ne devait pas apparaître dans la loi ; en attendant une réglementation européenne sur la question, le Ministère de la Culture et de la Communication avait nommé une mission pour en faciliter le recours comme exception au droit d’auteur comme le signale Antoine Oury dans un article d’Actualitté. Les éditeurs, dans leur ensemble, étaient plutôt réticents à ouvrir leurs collections, même si certains grands acteurs, comme Elsevier ou Springer, accordaient des licences limitées aux chercheurs.

Le TDM : aspects juridique et technique

Que représente exactement ce traitement et qu’apporte-t-il à la recherche ? Une partie de la réponse se trouve dans la tribune parue dans le Monde le 7 mars dernier, signé par un grand nombre de chercheurs « Pour une science ouverte à tous ». Après avoir rappelé l’importance du libre accès des publications scientifiques, notamment dans l’archive ouverte HAL, les chercheurs invitent les sénateurs à voter l’article 18 bis en s’assurant que la fouille de données ne soit pas soumise à des négociations avec un tiers. « La fouille de données doit devenir un droit ».

L’article en faveur du TDM permettra donc « d’extraire de l’ensemble de la production scientifique mondiale de nouvelles connaissances grâce à l’exploitation automatisée, à l’aide d’algorithmes, de corpus désormais gigantesques. » Application-du-processus-de-fouille-de-donnees-dusage-du-web-sur-les-fichiers-logs-du-site-cubba16

Contrairement à d’autres pays (Etats-Unis, Royaume Uni), en France, les chercheurs n’étaient pas autorisés à pratiquer cette fouille de contenus de façon automatique et certains laboratoires étaient obligés de se rendre à l’étranger pour réaliser cette opération … ! Si certains éditeurs accordent des licences, celles-ci sont limitées (10 000 articles par semaine pour Elsevier sur la plateforme Science Direct). La Contribution de l’ABDU au CNNUM est très claire sur cette question : 10 000 articles/semaine cela peut paraître beaucoup, mais si l’hypothèse de recherche n’est pas validée au bout de X jeux de 10 000 articles de Science Direct, comment explorer les Y jeux nécessaires, et aussi sur d’autres bases de données ? Et ce, sans jamais pouvoir fouiller en une seule fois l’ensemble du corpus. De plus, Elsevier impose aux chercheurs de publier sous licence CC-BY-NC (pas d’utilisation commerciale) les extraits pertinents retenus en limitant leur longueur à 350 mots … Quant à Springer, il impose que chaque projet de TDM portant sur ses contenus soit décrit et enregistré via à un formulaire en ligne et se réserve le droit de décider si la demande est fondée … « Une ingérence inacceptable du point de vue de l’indépendance de la recherche ».

En effet, en procédant à ce traitement, les chercheurs n’ont pas comme objectif « la dissémination indue de ces contenus sous droit ou de leur exploitation commerciale ». Mais cette ‘lecture computationnelle’ implique la création d’une copie numérique du corpus à fouiller, ce qui soulève un problème de propriété intellectuelle. Il est évident qu’une solution doit être trouvée pour les ayants droit, d’autant que la plupart des chercheurs impliqués sont eux-mêmes des auteurs … !

Les éditeurs ont fait pression sur l’UE pour qu’une solution contractuelle soit priorisée par rapport à une révision du cadre juridique qui passerait par la création d’une nouvelle exception au droit d’auteur. C’est déjà le cas au Royaume Uni où la loi a consacré une nouvelle exception au droit d’auteur couvrant les ‘analyses computationnelles’ de contenus protégés, effectuées dans un cadre de recherche sans but lucratif, comme le souligne Calimaq dans un post de S.I.Lex sur l’exploration des données. C’est aussi la raison pour laquelle les chercheurs insistent sur la désignation d’un ‘tiers de confiance’, extérieur au milieu de l’édition commerciale, pour réaliser ces opérations. C’est ce que propose l’ABDU : une super base de données sur une plateforme publique pouvant « héberger tous les corpus du web visible et invisible aux seules fins d’en permettre la lecture algorithmique». Cette immense base de contenus constituerait une ‘base maître’ qui ne serait accessible et manipulable que par le tiers de confiance. Pour chaque demande de recherche, un ‘bac à sable’ serait constitué en copiant les corpus à partir de la ‘base maître’ ; cette copie serait détruite en ne conservant que les occurrences pertinentes, une fois les opérations de TDM terminées. Cela permet de répondre aux besoins des chercheurs tout en assurant la protection des ayants droit.

Le TDM comme service aux chercheurs text-mining

Dans les sciences dites ‘dures’ l’exploitation des données de la recherche est largement répandue et souvent effectuée par les chercheurs eux-mêmes ; c’est beaucoup moins le cas en sciences humaines et sociales (SHS) et dans les humanités où la formation aux outils numériques est moins répandue. Le traitement linguistique nécessaire à la fouille de texte est généralement confié à un service hybride de documentation et d’ingénierie linguistique. Frédérique Bordignon analyse ce service dans un récent billet du Carnet’IST. Cette ingénieure de recherche explique le fonctionnement d’un des outils nécessaire à la fouille automatique de textes RapidMiner et le service que ces spécialistes peuvent apporter aux chercheurs. Cette nouvelle activité pourrait s’imposer auprès des bibliothèques et des laboratoires de recherche, comme le Medialab à Sciences Po.

C’est cette activité de ‘data librarian’ qu’évoque Alexandre Tur dans un article de Catherine Muller sur le blog de l’ENSSIB. Ce conservateur de bibliothèque a effectué son stage au Canada dans le département de services aux chercheurs de la Quenn’s University de Kingston (Ontario). Il a travaillé surtout sur l’assistance à la gestion de données de la recherche auprès des chercheurs en humanités et à la promotion de l’open access dans l’université. text-mining _1

Alexandre Tur prend soin de distinguer les données scientifiques des données publiques qui sont proposées librement, les ‘open data’ (données ouvertes). Ces dernières proviennent généralement des Etats et des administrations publiques, en France c’est la Mission ETALAB qui les représente, (statistiques économiques, démographiques, géographiques, sociales et culturelles). Comme le souligne le Comité d’éthique du CNRS (COMETS) dans son avis du 7 mai 2015 sur les enjeux éthiques du partage des données, « Les politiques qui promeuvent l’ouverture des données publiques n’ont pas les mêmes objectifs que celles du partage des données scientifiques ». Si les données scientifiques produites sur fonds publics ont vocation à devenir publiques, les données publiques ont vocation à devenir scientifiques lorsqu’elles concernent l’environnement, la société ou la santé. Dans ces domaines, les questions éthiques doivent être évoquées lorsque ces données sont sensibles et relèvent de la vie privée.

Les bibliothèques de recherche représentent un partenaire ‘naturel’ pour héberger et gérer ces données. Comme l’explique William M. Cross dans son article du Library Journal : les bibliothèques vont se développer comme un ‘écosystème open data’. On va passer de l’idée d’infrastructure des données, centrée autour des revues scientifiques et des dépôts institutionnels à une ‘écologie des données de la recherche’. Cette  écologie implique une évolution dans plusieurs domaines, comme le développement de nouvelles normes autour de la validation des données de la recherche, de l’identification de la provenance des jeux de données et des nouveaux types de gestion et de propriété de ces données.

Les métadonnées deviennent centrales dans ce processus de transition entre le web documentaire et le web de données. Comme le dit Valérie Tesnières, citée dans « Gérer les données de la recherche », une formation de la TGIR Humanum, « L’enjeu est moins de produire des données que de les connecter les unes avec les autres […] Produire des métadonnées permet à la fois l’interopérabilité des données et à en assurer une meilleure pérennisation »

C’est ce que soutient aussi Gildas Ilien dans un récent article d’Archimag : de nouveaux formats doivent permettre d’adapter le catalogage à l’environnement web et numérique des bibliothèques. Cette « revanche des données » nous oblige à revenir à une sorte de catalogue pour s’y retrouver dans la jungle du numérique, même si l’usager n’a pas besoin de les voir … ! Seules les machines les traiteront. Ce retour aux sources (catalogage) implique néanmoins un changement de structures et de système : la transition bibliographique où la logique du document s’efface au profit de la logique de l’information.

Cette ‘révolution copernicienne’ dans la documentation  explique le slogan des chercheurs du LERU (Ligue des universités européennes de recherche) justifiant la fouille de textes et de données « The right to read is the right to mine » (Le droit de lire est le droit d’explorer).

llc_droit_d_auteur

Langlais, Pierre-Carl. - Text mining : vers un nouvel accord avec Elsevier. – Sciences communes, 29/10/14

Exploration des données : un environnement juridique en évolution. – S.I.Lex, 05/12/14

Consultation du Conseil national du numérique : contributions de l’ABDU.- ABDU, 02/15

Les enjeux éthiques du partage de données scientifiques : avis du COMETS. – CNRS, 07/05/15

Oury, Antoine. – Déclaration de la Haye : le copyright contre les connaissances. – Actualitté, 11/05/15

Naegelen, Pierre. – Données de la recherche : quel positionnement et quels rôles pour les bibliothèques ? – SCD Université Toulouse III Paul Sabatier, 15/06/15

LERU Statement : the right to read is the right to mine. – League of European Research Universities, 15/06/15

Demange, Julie. – Gérer les données de la recherche, de la création à l’interopérabilité (1/3). – Archives des mondes contemporains, 14/10/15

Fradin, Andrea. – Premier bug : la fouille automatique de données es adoptée.Rue89/L’Obs, 21/01/16

Oury, Antoine. – France : une mission pour faciliter la fouille et l’exploration de textes et de données. – Actualitté, 21/01/16

La circulation des données et du savoir. Projet de loi pour une République numérique adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. – Assemblée nationale, 26/01/16

Cross, William M. – Libraries support data-sharing across the research lifecycle. – Librairy Journal, 01/02/16

Langlais, Pierre-Carl. – Text-mining : une licence nationale contre l’exception ? - Sciences communes, 19/02/16

Bordignon, Frédérique. – Le text-mining comme service aux chercheurs.CarnetIST, 05/03/16

Pour une science ouverte à tous. – Le Monde, 08/03/16

Ilien, Gildas. – Transition bibliographique : la revanche des données ?Archimag, 14/03/16

 

 

Le retour des sciences sociales : «Humanités ou humanisme numérique(s) » ?

Après avoir régné sans partage sur l’intelligentsia occidentale, notamment en France, dans les années 1960-70, les sciences humaines et sociales (SHS) ont subi un repli dans les années 1980-90 – les « années fric » du capitalisme financier et surtout de la disparition des idéologies … Elles reviennent aujourd’hui sur le devant de la scène, mais elles se sont entre temps mondialisées et hyper-spécialisées. Mais surtout elles disposent désormais d’outils plus performants : les « Humanités numériques ».
C’est ce qu’explique le sociologue Michel Wieviorka dans un entretien à Libération la veille du colloque international « Penser global »

Mais que sont donc ces « Humanités numériques » ? D’après Wikipédia, c’est « un domaine de recherche au croisement de l’informatique, des arts, lettres, sciences humaines et sciences sociales ». Elles permettent, par l’utilisation des outils numériques, la modélisation et la représentation graphique d’oeuvres et de pratiques sociales, mais aussi « la prise en compte des contenus numériques comme objets d’étude ».

C’est aussi cette dimension scientifique que Bruno Latour veut utiliser dans son concept d’ »Humanités scientifiques » qui sera l’objet de son CLOM (Cours en Ligne Ouvert et Massif) « Scientific Humanities » sur la plate-forme de France Université Numérique (FUN). Il s’agit de prendre en compte les conditions de production de ces disciplines et de les évaluer à l’aune d’un processus cognitif. C’est dans cette optique que les différentes opinions qui se reflètent dans les pratiques sociales que sont la politique, la morale ou la philosophie, sans oublier les oeuvres littéraires et artistiques, pourront être analysées et représentées grâce aux outils numériques. Car seuls ces outils informatiques seront en mesure de traiter la quantité industrielle de données, le « Big data » dont on dispose désormais..

Deux grandes manifestations ont remis cet automne, les sciences humaines et sociales au centre des préoccupations numériques :
Horizon 2020 – Perspectives européennes pour les sciences. Vilnius, 23-24 septembre 2013
Forum Mondial des sciences sociales. Montréal, octobre 2013

Mais en se soumettant à la logique du numérique, la société et les SHS ne risquent-elles pas de perdre l’humanisme qui les caractérisaient les Lumières ou la Renaissance ?
« Pour un humanisme numérique », c’est le défi que lance le philosophe canadien Milad Doueihi, dans un essai récent. Le numérique, à travers « le code informatique fondé sur le calcul, romprait avec notre rapport historique à l’écriture et aux pratiques lettrées ». Tout y passe : le droit, les modèles économiques et politiques. « L’informatique a cette propriété d’encourager le passage et l’expression de toute activité à ces propres termes ». Le numérique opère une rupture historique avec l’humanisme classique… D’où la nécessité de penser un « humanisme numérique » pour nous préserver d’une « robotisation » de l’humain.

Mais n’est-ce pas aussi ce que défendent les partisans des Humanités numériques comme Wieviorka ? Car il ne s’agit pas de réduire la recherche en SHS aux seules mesures (souvent quantitatives) permises par ces nouveaux outils. Même si la figure de l’intellectuel, dominant la scène culturelle, est en train de s’estomper au profit d’une plus grande collaboration des chercheurs entre eux, mais aussi avec le grand public, grâce à internet et aux réseaux sociaux, les « digital humanities » ne se réduisent pas à une boite à outils. Elles permettent aussi de prendre en compte les contenus numériques comme objets d’étude. En devenant objet de la recherche, les différents usages et pratiques numériques ne vont pas de prendre le dessus. Les chercheurs restent les sujets de leurs travaux, et ne risquent pas de se transformer en « cyborgs », hybrides bio-électroniques que les « Transhumanistes » attendent comme le Messie.
C’est, en effet, contre cette nouvelle croyance, le Transhumanisme, la « Singularité » de Ray Kurzweil, que Milad Doueihi veut lutter en prônant le retour à un nouvel humanisme, à une nouvelle éthique face à la « conversion numérique ».

Wieviorka, Michel. – Mettre le numérique au service des humanités. – Libération, 10/05/13

Humanités numériques. – Wikipedia

Latour, Bruno. – Scientific Humanities : MOOC. – FUN, 2014/01-03

Douihei, Milad. – Pour un Humanisme numérique. – Paris : Seuil, 2011. – (La librairie du 21e siècle)

Féraud, Jean-Christophe. – Pour un humanisme numérique. – Libération, 20/10/13

Vilnius Declaration. – Horizons for Social Sciences and Humanities. Vinius (Lithuania), 24 september 2013

Wieviorka, Michel. – Horizons for Social Sciences and Humanities : what follows Vilnius ? Michel Wieviorka Sociologue – Hypothèse.org, 23/09/13

Transformations sociales et ère numérique. – Forum mondial des sciences sociales 2013. Montréal

World Social Science Forum: Building a global platform for social sciences in the digital age. – Impact of Social Sciences – Blog LSE, 09/10/13

Transhumanisme. – Wikipedia

Humanity+ : Elevating the Human Condition

Kurzweil, Ray. – The singularity is near : when huamans transcend biology. – New York, Toronto, London : Penguin Books, 2005

Vion-Dury, Philippe. – Le transhumanisme français : que des surhommes, pas des sous-hommes. – Le Nouvel Observateur, 03/11/13

Qui a peur des bibliothécaires en grève ? Le désamour des étudiants pour les BU des deux côtés de l’Atlantique

Sûrement pas les étudiants qui désertent de plus en plus les bibliothèques des campus d’Amérique du Nord … et de France !
C’est ce qu’explique « Annnoyed Librarian » dans le billet « If Striking Librarians Fell in the Forest … » sur le site du « Journal of Library.com ». En faisant référence à la grève menée la semaine précédente à la bibliothèque de l’University of Western Ontario (Canada), ce professionnel se pose la question de la gêne que cette manifestation pourrait occasionner, à part celle de la circulation au milieu du campus, en raison du piquet de grève …
En effet, le fait que certains services de référence ne soient pas assurés ne devrait pas perturber outre mesure les rares utilisateurs des « Reference Desk », déjà en voie de disparition dans certaines grandes BU américaines (cf le post consacré à ce sujet en juin dernier). D’autant que l’on assigne de plus en plus aux bibliothécaires des sujets sur lesquels ils/elles ne sont pas spécialisés … Aujourd’hui, on voit de plus en plus de scientifiques avoir la responsabilité d’un secteur des « Humanités » (lettres et sciences humaines), alors qu’auparavant c’était plutôt le contraire !

Mais en fait, cela n’a aucune importance, car comme l’affirme l’article « What Students don’t Know » de Steve Kolowich sur « Inside Higher Ed », les étudiants n’ont aucune idée de ce que les bibliothécaires peuvent leur apporter dans leur recherche documentaire … L’idée que les bibliothécaires sont experts sur des sujets universitaires ne leur vient même pas à l’esprit. Pour la plupart des étudiants, le personnel des bibliothèques ne sert qu’à orienter dans les différentes salles (en accès direct).

Pour analyser ces pratiques, les professionnels de cinq BU de l’Illinois, ne se sont pas contentés des enquêtes habituelles, ils ont embauché deux anthropologues sur le projet ERIAL (Ethnographic Research in Illinois Academic Libraries). Les résultats, qui seront publiés par l' »American Library Association », dépassent les plus mauvaises prédictions. Seuls 30% des étudiants interrogés sont capables de mener une recherche documentaire correcte …;-( Et le mythe des « digital natives » en prend un coup ! Ces enfants de l’internet ne savent pas plus rechercher dans Google de façon pertinente … Mais les enseignants et les bibliothécaires sont aussi responsables de cet état de fait, car ils se mettent rarement au niveau de l’étudiant pour lui enseigner les bases de la recherche documentaire.

Cette ignorance et cette méconnaissance se retrouvent de ce côté-ci de l’Atlantique. C’est ce que révèle le mémoire de l’ENSSIB de Laurence Jung « Je ne travaille jamais en bibliothèque ». Enquête auprès d’étudiants non fréquentants ou faibles fréquentants. Michèle Battisti le cite dans son compte-rendu de l’Université d’été du GFII dans Paralipomènes pour évoquer l’importance de la médiation en bibliothèque.
Cette enquête sociologique analyse les représentations de la bibliothèque de ce « non public » qui représente plus de 13%% des étudiants (2006). La plupart de ceux qui fréquentent les bibliothèques les utilisent de plus en plus comme des « lieux de travail », calmes et silencieux. C’est d’ailleurs cet aspect ‘quasi religieux’ qui rebutent certains …

A l’autre bout du cursus universitaire, les chercheurs ont aussi déserté la bibliothèque physique, depuis qu’ils ont découvert la bibliothèque numérique ! L’un d’eux ignore même que c’est la BU qui gère ses abonnements en ligne !

Il est encore temps de récupérer cette désaffection, notamment en travaillant en amont avec les enseignants sur les disciplines. L’étude montre, en effet, que les variations d’utilisation des BU dépendent des sujets étudiés. Alors que les étudiants en sciences n’ont besoin de consulter aucun document jusqu’au master, les étudiants en lettres – qui sont souvent des étudiantes – sont « obligées » d’aller à la bibliothèque consulter ou emprunter des documents. Mais ceci est encore une exception française, car dans les pays anglo-saxons, les étudiants en sciences sont très tôt formés à la recherche documentaire.

BU américaines : vers la disparition du « Reference Desk » ?

Diamond Law Library Columbia UniversityYale Sterling LibraryBobst Library New York UniversityLe « Reference Desk », ce coeur des bibliothèques, est en train de connaître ses derniers jours aux États-Unis ! C’est un des éléments d’information que nous avons tiré du voyage d’étude qu’un groupe de la Bibliothèque de Sciences-po a effectué la semaine dernière dans les bibliothèques de New-York et Yale (voir le groupe Facebook « Voyage professionnel New York Libraries »).
En effet, à l’exception de la bibliothèque de droit de Columbia (Diamond Law Library) où le travail des ‘Reference librarians’ est encore très important en raison de la diversité et la complexité des sources aussi bien imprimées qu’électroniques, dans toutes les BU visitées, les professionnels on mis ou s’apprêtent à mettre en place de nouveaux services plus adaptés aux usages actuels des étudiants et des chercheurs.
C’est déjà le cas pour le Digital Social Science Center à Columbia qui met à la disposition des usagers de nombreuses bases de données factuelles (statistiques, géographiques, audiovisuelles) + tous les outils logiciels nécessaires pour utiliser, gérer et créer les produits (dataset) et graphiques obtenus. Dans cet environnement, les étudiants peuvent travailler individuellement ou en groupe et peuvent compter sur les conseils de l’équipe de bibliothécaires et d’experts.
A Yale, la Social Science Library va fusionner en partie avec la bibliothèque de sciences pour mettre en place le Statlab . Ce centre d’information statistique, fournit outre les bases de données et les outils logiciels, des conseils d’experts. Même aux États-Unis, les bibliothécaires ne sont pas encore formés à ce genre de pratique et ils sont secondés par une équipe de consultants qui forment et conseillent les étudiants.
Même schéma à la New York University Library où les départements de sciences sociales et des sciences dures collaborent pour gérer le Data Service Studio.

Évidemment, les renseignements aussi bien pratiques que bibliographiques se dématérialisent aussi. Outre les services de Questions-Réponses en ligne comme « QuestionPoint » de l’OCLC, les bibliothécaires se sont mises au « chat » (Messagerie instantanée) et aux SMS (voir la page « Ask a librarian » à la NYU Library) pour communiquer avec les étudiants …! C’est plus cool !A La New York Public Library, ce sont les bibliothécaires qui deviennent mobiles, et armé(e)s d’un IPad vont à la rencontre des utilisateurs !

Les nouvelles tendances de l’organisation des connaissances : thème du colloque de l’ISKO

« Stabilité et dynamisme dans l’organisation des connaissances », c’est le thème du 8e Colloque de l’International Society for Knowledge Organization (ISKO) qui se tiendra les 27-28 à l’Université Charles-de-Gaulle Lille 3.
Le débat portera autant sur l’évolution des langages contrôlés à l’ère du ‘web sémantique’ et sur les mutations dans les pratiques professionnelles (pratiques collaboratives, transformation des formes documentaires, dématérialisation, nouvelles formes éditoriales et nouveaux modes de représentation et de circulation de l’information et des connaissances) que des nouvelles pratiques des usagers et des usages de nouveau outils de classification et de catégorisation (folksonomies).

Humanités numériques : le nouveau blog de l’INTD

Après les wikis du CNRS (Edition électronique en Sciences Humaines et sociale), l’INTD-CNAM vient de lancer un nouveau blog de veille sur les humanités numériques, avec le soutier financier du TGE Adonis. Digital Humanities International se propose d’appréhender les humanités numériques et les champs connexes au niveau international. Il s’adresse aux chercheurs en SHS et aux professionnels de l’information. Ses articles couvrent tout ce qui concerne l’édition électronique, le traitement des données numériques et les initiatives de libre accès (Open access).

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