Posts tagged: Mobilité

Numérique : quelques prévisions pour 2016

mail-delivery-what-1900-french-artists-thought-the-year-200-would-be-likeRien de particulièrement révolutionnaire dans les différentes prédictions pour 2016. Les principales tendances amorcées ces dernières années se confirment : prépondérance des appareils mobiles, cloud et mégadonnées, automatisation et intelligence artificielle, notamment avec l’internet des objets et les villes connectées. On retrouve l’essentiel des prédictions tech/médias du rapport Deloitte pour 2015, cité par Barbara Chazelles dans Méta-média : abandon de la télévision par les jeunes au profit des vidéos sur mobiles et généralisation des paiements mobiles ; renouvellement des smartphones (phablettes) ; internet des objets, imprimantes 3D et drones (surtout pour les entreprises). En revanche, les e-books ne décollent toujours pas, le livre papier conservant la préférence des lecteurs !

objets-connectesLa sécurité des protocoles et des applications va devenir le grand défi dans le contexte des mégadonnées et de l’internet des objets comme le souligne Mike Martin, responsable de la société d’engineering internet Nfrastructure, dans l’interview accordée à ITBriefcase.

Au niveau de l’enseignement et de la formation, les Moocs et la formation en ligne et à distance investissent la formation professionnelle. L’intelligence artificielle pénètre aussi le champ de l’éducation avec la présence d’algorithmes qui vont intégrer l’école et l’Université pour évaluer la progression des apprenants tout en recueillant une quantité importante de données personnelles, comme l’évoque Audrey Watters dans The algorithmic future of education

1200px-france_in_xxi_century._school1Enfin, les représentations visuelles évoluent aussi, c’est ce que démontre la banque d’image Getty Image avec les tendances 2016 Creative in Focus, expliqué par Alice Pairo dans Méta-Média : 6 types d’images se profilent pour 2016 : l’outsider, le divin, l’homme augmenté, le disgracieux, la solitude et le surréalisme ….!

Bonnes fêtes et meilleurs voeux pour 2016 !

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Chazelle, Barbara. – 10 prédictions tech/médias pour 2015 (Deloitte). – Méta-média, 04/02/15

Watters, Audrey. – The Algorithmic Future of Education. – Hackeducation, 22/10/15

IT Briefcase Exclusive Interview : Top IOT Trends and Predictions for Organizations in 2016. – IT Briefcase, 02/12/15

Pairo, Alice. – Social media : 10 tendances pour 2016. – Méta-média, 06/12/15

Les villes intelligentes connecteront 1,6 milliards d’objets communicants en 2016. – L’embarqué, 08/12/15

Économie du numérique : Axway dévoile 10 prévision pour 2016. – Axway, 08/12/15

Noirfontaine, Elisabeth. – L’internet des objets, allié des ressources humaines ou outil de déshumanisation du travail ?Usine digitale, 22/12/15

Larcher, Stéphane. – Google travaille sur une messagerie instantanée dopée à l’IA et aux chatbots. – L’informaticien, 23/12/15

Cavazza, Frédéric. – Mes 10 prédictions pour 2016. – FredCavazza, 23/12/15

Pairo, Alice. – 6 tendances visuelles pour 2016. – Méta-média, 23/12/15

Ezratty, Olivier. – Méta-prédictions pour 2016. – Opinions libres, 27/12/15

Travail et numérique : un nouveau paradigme ? – 2. L’entreprise et l’organisation en question

1370941087_generation_yLe numérique n’apporte pas seulement des transformations techniques sur le lieu de travail, comme on l’a vu avec l’automatisation croissante dans le post précédent, c’est toute l’organisation du travail et l’emploi qui sont remis en question.

La structure pyramidale de l’entreprise d’abord, avec son fonctionnement ‘top-down’, ne pourra pas tenir longtemps face à l’émergence de la dimension horizontale d’internet. A l’ère de la communication ‘tout azimut’ sur les réseaux sociaux, il serait difficile de ne pas prendre en compte le point de vue des salariés … Cela pourrait d’ailleurs être un des facteurs de réussite des réseaux sociaux d’entreprises (RSE) : Facebook travaille à mettre au point une version pour l’entreprise de son célèbre réseau … Et les grandes entreprises françaises ont pris la mesure de l’importance de la dimension collaborative au travail : voir à ce sujet le rapport d’octobre 2014 du groupe de travail du CIGREF  « Aujourd’hui dans les entreprises, les formes de management changent sous l’impulsion des transformations numériques qui s’opèrent. Les logiques d’efficacité opérationnelles nécessitent de s’appuyer sur les femmes et les hommes de l’entreprise ainsi que les réseaux formels et informels qu’ils constituent. L’entreprise espère ainsi fluidifier et accélérer les flux d’information, favoriser, partager les bonnes pratiques et faire émerger des idées nouvelles ».

Les « Géants du web », comme Google ou Microsoft ont aussi compris qu’il fallait laisser une certaine liberté à leurs salariés pour leur permettre de développer leur créativité. La firme de Mountain View accorde 20% de leur temps de travail à ses employés pour développer leur propre projet ; c’est grâce à cela que nous bénéficions d’applications comme Gmail, Google Maps ou d’un logiciel de numérisation de livres … formationnumerique2

L’emploi stable et permanent est en passe d’être dépassé : exit le CDI, place à l’intermittence généralisée … ! Mais avec un revenu de base pour survivre comme le souligne Xavier de la Porte, citant Thierry Crouzet dans InternetActu. Avec la croissance de la précarité, le salariat qui représente depuis deux siècles le modèle du rapport au travail, devrait peu à peu disparaître au profit d’autres formes de rapports à l’emploi. C’est aussi ce qu’explique Bernard Stiegler dans une interview sur We demain : le modèle salarial keynésien implique « de redistribuer via les salaires, une partie des gains de productivité réalisés grâce à la technologie, et constituer ainsi du pouvoir d’achat ». C’est sur ce paradigme que reposait l’Etat providence fondé sur la croissance. Mais ce modèle est sous perfusion depuis la crise de 2008 … ! C’est pourquoi il faudrait penser à une nouvelle redistribution, à un nouveau paradigme.

Si les technologies de l’information peuvent générer de nouvelles contraintes et multiplier les aspects négatifs dans l’organisation du travail (intensification du travail, morcellement de tâches, externalisation, contrôle  et surveillance accrue des salariés, sans oublier les troubles psycho-sociaux), comme le souligne Amandine Brugière dans InternetActu, elles permettent aussi une personnalisation du travail, une autre articulation entre travail et vie personnelle.

L’atelier Digiwork (Fing) a imaginé 8 scénarios pour le travail à l’ère numérique, avec pour chacun, des tendances contradictoires :

–          « numérique libéral » : précarité, chômage, outsourcing, CDD, augmentation du temps de travail, digital labor (exploitation des internautes), désengagement de la ‘génération Y’, surveillance ….

–          Le modèle ‘autonome’ : collaboration, auto-entrepreneur, porosité entre temps de travail et temps personnel, mode projet, modèle contributif, marchand ou non.

La multiplication des plateformes web peut aussi bien amener une nouvelle forme d’exploitation au service des consommateurs comme les services Uber (taxis) ou AirBn’B (chambres) que de la participation contributive à but non-marchand. Ces services s’accompagnent de collectifs de travail, impliquant des réseaux physiques et numériques, qui dépassent les limites physiques et organisationnels de l’entreprise ou de l’administration. Ces nouveaux organigrammes reposent sur le principe du « BYON » (Bring Your Own Network).

labo Ethique numerique_logoLes adeptes du télétravail peuvent se retrouver aussi dans des lieux bien matériels, les espaces de co-working. Là aussi, l’unité de lieu et de temps dans l’entreprise se dilue et se multiplie au rythme de ces nouveaux modes d’organisation. Le lieu de travail devient aussi « entreprise apprenante », grâce à la » formation de pair à pair ». Le management aussi se renouvelle dans « l’entreprise agile », il fonctionne principalement en mode projet, distribué de pair à pair : le fameux « scrumisme ».

Les jeunes aujourd’hui sont assez réalistes sur ce que l’avenir leur réserve au niveau professionnel, ils sont bien conscients que le numérique risque de détruire de nombreux emplois, mais d’autre part, ils accueillent assez positivement les innovations de l’entreprise. C’est ce que souligne le post de Tommy Pouilly dans Regards sur le numérique.

En bouleversant l’organisation du travail, le numérique implique toute la société, et ce aussi bien au niveau technologique et économique qu’en matière de transmission des savoirs. Dans l’entreprise ‘connectée’, comme l’explique Elsa Bastien dans Digital Society Forum (Orange) « les jeunes comme les aînés ont des choses à apporter et à s’apporter : à la nouvelle génération la transmission de la culture numérique et ses nouvelles « manières de faire » et à la génération en place le transfert de ce que l’on apprend sur le temps long, la connaissance du métier et de l’entreprise. ».

Pour aller plus loin

Pouilly, Tommy. – Les « sans bureau fixe » à la conquête du mieux-vivre en ville. – Regards sur le numérique, 16/10/13

Bys, Christophe. – « La notion de temps de travail n’a plus de sens dans de nombreux métiers » explique Henri Isaac. - Usine Digitale, 25/10/13

Kaplan, Daniel. – Travailler autrement ? Mutations des lieux et des temps du travail. – Digiwork – La FING, 18/04/14

Comment travaillerons-nous demain ?  – Regards sur le numérique, 03/06/14

Bastin, Côme. - Bernard Stiegler : « L’emploi salarié devient minoritaire ». – We Demain, 13/06/14

Boboc, Anca ; Taboy, Thierry. – Numérique et transformations du monde du travail : vers de nouveaux équilibres. – Digital Society Forum, 06/14

Brugière, Amandine. - La métamorphose du travail. – InternetActu, 27/06/14

Les réseaux sociaux d’entreprise. – Cigref, octobre 2014 (pdf)

Leclerc, François. – Huit scénarios extrêmes pour imaginer comment nous travaillerons demain. – La Tribune, 17/10/14

Sussan, Rémi. – L’avenir du bureau. – InternetActu, 30/10/14

Guillaud, Hubert. – Le bonheur au travail ? Sérieux ! - InternetActu, 03/11/14

Pouilly, Tommy. – Recruteurs du futur cherchent jeunes hors du système. – Regards sur le numérique, 26/11/14

 

Bonnes vacances !

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Quelques références issues de Philosophie Magazine sur le temps et l(a)es vacance(s) à méditer si vous trouvez le temps …

Eltchaninoff, Michel. – L’été en suspend. – PhiloMag. n°21, 03/07/08

Stiegler, Bernard ; Eltchaninoff, Michel. - « Dans la vacance, on cherche à retrouver la consistance dans l’existence » Entretien. – PhiloMag. n°21, 03/07/08

Rosa, Hartmut. – « Les vacances participent de l’accélération généralisé » Entretien. – PhiloMag. n°51, 30/06/11

Réflexions sur l’ « IFLA Trend Report » : les défis qui attendent les professionnels dans la société de l’information

Twitter network of @OIIOxfordLe dernier « Trend Report » de l’IFLA , publié juste avant le Congrès de Singapour en août 2013, « Riding the Waves or Caught in the Tide? Navigating the evolving information environment” se penche sur les principales tendances qui marquent notre environnement informationnel.

Cette fois, ce ne sont pas des problèmes techniques, ou même scientifiques que le numérique pose à la profession et aux médiateurs, mais plutôt des questions éthiques et philosophiques, voire politiques, dues notamment à l’émergence du ‘big data’ avec le recueil d’un grand nombre de données personnelles pour toute transaction.

Le rapport présente cinq grandes tendances pour le futur proche :
– Les nouvelles technologies vont en même temps étendre et restreindre l’accès à l’information en fonction des publics concernés.
L’extension concerne le développement de l’ouverture des données publiques (open data), des archives ouvertes, des « e-commons » (savoirs communs), etc.
Les limites, ce sont les restrictions à l’accès : DRM, mots de passe, biométrie. Mais aussi le fossé numérique qui se creuse, créant une situation d’inclusion/exclusion en ce qui concerne les compétences numériques (information literacy skills).
– Les cours en ligne vont aussi bien démocratiser que bouleverser l’enseignement au niveau mondial. D’un côté les MOOC (cours en ligne massifs), les ressources éducatives en ligne vont permettre un apprentissage tout au long de la vie (lifelong learning), mais cet enseignement informel et souvent la pédagogie inversée (flipped learning) qu’il implique, vont remettre en question toute la structure éducative.
– Les frontières autour de la vie privée et la protection des données personnelles doivent être redéfinies. Le scandale de l’utilisation de métadonnées de messageries et de réseaux sociaux par la NSA et les multinationales de l’information ont révélé au monde que l’on pouvait traquer des individus à travers leurs connexions numériques et leur téléphone mobile … ! Tout cela a remis en cause la confiance que tout un chacun avait dans l’internet et le numérique … Comme le dit Philippe Mussi, conseiller régional Vert de la région PACA en introduction de la Semaine européenne de l’Open data : « l’ouverture des données, c’est la reprise en main par le citoyen de l’espace démocratique. Elles doivent être ouvertes, car c’est politique, et parce que c’est dangereux. Oui, les nouvelles libertés présentent des dangers. Dans un paysage général où le monde s’ouvre, où la transparence est à la fois demandée et imposée par la société, la transparence de la gestion publique est de toute première importance. On ne peut plus imaginer de démocratie fermée sur la propriété de la connaissance de la chose publique. Nous devons tous contribuer à cet objectif-là !” [Cité dans InteretActu].
– Dans ces sociétés hyper-connectées, de nouvelles voix et de nouveaux groupes vont émerger pour s’emparer de problèmes sociaux ou politiques à travers des actions collectives et de nouveaux médias.
– Les nouvelles technologies vont transformer l’économie mondiale : de nouveaux modèles économiques vont s’imposer à travers structures innovantes (e-commerce, mobilité, etc.).
En 2016, on prévoit 10 milliards d’appareils mobiles connectés à l’internet. Il y a aussi la technologie que l’on porte sur soi (wearable), comme les « Google Glasses ».

Mais en quoi tout ceci concerne les bibliothèques ?
Imaginons un usager entrant dans une bibliothèque portant ces fameuses lunettes « moteur de recherche » : de fait avec cet instrument, il peut mettre toutes les personnes présentes (lecteurs + bibliothécaires) sous surveillance … !! Comment les bibliothèques pourraient-elles rester des lieux sûrs dans ces conditions ? Il faudra désormais trouver le moyen de concilier la technophilie avec le respect de l’intimité …

Les cours en ligne, par exemple, sont des mines d’or en ce qui concerne les données personnelles. Les résultats de tests, les progrès réalisés par les étudiants, et d’autres informations sont importants pour les éducateurs pour évaluer les apprenants et améliorer leur enseignement. Mais dans un environnement mondial de plus en plus numérisé et connecté, il faut se poser la question : qui d’autre a accès à ces données ?
Il faut donc penser non seulement à gérer ces informations indispensables à l’enseignement, mais aussi à les protéger.

Les étudiants utilisent de plus en plus des moteurs de recherche pour répondre à leurs questions de cours. Il faudrait analyser leurs habitudes de recherche pour évaluer l’influence qu’elles ont sur leurs réponses. Est-ce vraiment toute l’information dont ils ont besoin ? Ces algorithmes appartiennent à des sociétés multinationales et surtout ont été développés pour augmenter les revenus des publicités en ligne. Cela devrait faire réfléchir les bibliothécaires et les enseignants lorsqu’ils encouragent les étudiants à utiliser ces outils …

D’autre part, si toutes les réponses sont dans l’algorithme, que devient la bibliothèque ?

D’après l’enquête de l’Oxford Internet Institute, actuellement les gens ont plus confiance dans les FAI (fournisseurs d’accès internet) que dans les médias et les principales institutions politiques, sociales ou économiques (journaux, entreprises, gouvernements, etc.).

Mais si les technologies de recherche limitent la quantité et la diversité d’information en fonction des usages, des langues et de la localisation géographique, peut-on encore avoir confiance dans les résultats fournis par les moteurs de recherche ?
Comment les bibliothécaires et les éducateurs pourraient-ils désormais assurer aux étudiants et aux usagers qu’ils accèdent bien à l’information pertinente et non à celle que leur données agglomérées a permis à l’algorithme de trouver ? Dans ce cas de figure, « comment qualifier « la chance » (J’ai de la chance) ? Comment édifier des communautés fondées sur l’inattendu ? » Louis Zacharilla – Global Intelligent Community Forum.

Les gouvernements, même les plus démocratiques, filtrent de plus en plus l’accès à l’information en ligne sous prétexte de prévention du terrorisme ou de l’ »immoralité ».
Les bibliothèques se sont toujours opposées à la censure : a-t-on prévu des réponses adéquates à cette problématique ?
Si ces pratiques se développent, les bibliothèques pourront-elles mener à bien leurs mission de recueil et de préservation de la mémoire numérique ? Cross-language blog linking in the aftermath of the 2010 Haitian earthquake

Future Libraries : infinite possibilities – IFLA WLIC 2013 IFLA World Library and Information Congress – 79th IFLA General Conference and Assembly. – 17-23 August 2013, Singapore

Riding the Waves or Caught in the Tide? Navigating the Evolving Information Environment. – Insights frond the Trend Report – IFLA, 16/08/2013

Livre numérique, médiation et service de référence en ligne, droit d’auteur – Congrès IFLA Singapour 2013. – Bibliobsession, 30/08/13

Guillaud, Hubert. – Open data (1/3) : la technique a-t-elle pris le pas ? - Internet Actu, 12/07/13

Oxford Internet Institute – University of Oxford

Oxford Internet Survey (OxIS) 2013 Report Lauch

Intelligent Community Forum

Sur les MOOC et le e-learning
Voir le Scoop It ProspecBib : Formation en ligne & à distance

Sur l’open access et les archives ouvertes
Voir le Scoop It : Open Access Now !

Sur la société de surveillance et l’utilisation des données personnelles
voir le Scoop it : Big Brother, little sisters

Une bibliothèque sans livres … C’est possible !

Non, nous ne sommes pas en pleine science fiction … Et cela ne veut pas dire pour autant que nous entrons en décadence !

Le développement des supports numériques et celui du nomadisme rendent désormais possible cette quasi aberration sinon cet oxymore …
La première bibliothèque sans aucun livre (papier) va ouvrir à l’automne prochain à Toronto. BiblioThech , c’est son nom, prêtera des liseuses pour deux semaines à ses lecteurs : pas de politique BYOD (Bring Your Own Device : en français AVEC : Apportez Votre Équipement Personnel de Communication) dans ce lieu, et, bien sûr, il y aura des ordinateurs …
Cette stratégie devrait aussi permettre de rendre ce service aux déficients visuels : des associations sont en train de faire pression sur les constructeurs de liseuses ou tablettes pour mieux adapter ces outils aux personnes en situation de handicap visuel (braille, synthèse vocale, etc.). Malheureusement, les verrous numériques des DRM bloquent encore ces développements ;-( En effet pour transformer certains ouvrages déjà numérisés, il faudrait toucher à la loi sur le copyright et cela se heurte aux puissants lobbies des éditeurs et distributeurs : Amazon a déjà supprimé les fonctionnalités audio de ses liseuses… Aux Etats-Unis, seul 1% des ouvrages est disponible dans un format adapté …

En France, on n’est pas encore arrivé à ce point, mais un certain nombre d’expériences ont lieu dans des bibliothèques publiques, comme la « Pirate Box » à Aulnay-Sous-Bois. Comme l’explique le bibliothécaire Thomas Fourmeux, il s’agit d’un dispositif permettant de télécharger des œuvres appartenant au domaine public ou libres de droit. Aucun piratage donc dans cette expérience qui est complètement légale … ;-) Mais à la différence de la BiblioThech canadienne, il faut apporter son matériel (liseuse, tablette, smartphone, etc..). Une expérimentation pour le prêt de liseuse a aussi eu lieu, de même que des ateliers avec iPads avec les enfants pour les initier à la lecture numérique. En fait, si les livres ‘objets’ disparaissent progressivement des bibliothèques, ce n’est pas le cas des bibliothécaires, qui deviennent de plus en plus indispensables pour accompagner les lecteurs dans cette mutation, c’est ce qu’on appelle la médiation numérique. Si la plupart des jeunes viennent à la bibliothèque pour profiter du réseau wifi, de nombreux utilisateurs ignorent encore qu’il faut se connecter au wifi pour télécharger des documents …
Ce dispositif simplifie aussi le travail des bibliothécaires : plus besoin d’acquérir les classiques en plusieurs exemplaires (surtout pour les scolaires). Et en ce qui concerne les livres relevant du domaine public, on n’a plus à se préoccuper des livres perdus ou en prêt !
Pour les e-books encore sous droit d’auteur, les bibliothécaires de Toronto les rendront illisibles au bout des deux semaines de prêt.

Quant aux ‘accros’ au papier, des distributeurs automatiques de livres (de poche), semblables aux distributeurs de boissons, existent déjà en Chine et … Dans une librairie à Toronto !

Mais, s’il n’y a plus de livres dans les salles de bibliothèque, que faire avec tous ces espaces ?
C’est là qu’intervient la notion de « troisième lieu ». Le troisième lieu est un espace consacré à la vie sociale, qui se positionne après le foyer (1er lieu) et le travail (2eme lieu). C’est le rôle qu’ont joué le forum ou la place de marché, puis l’église et aujourd’hui le café/pub. Le sociologue Ray Oldenburg a conceptualisé cette notion dans son livre « The Great, Good Place ». S’il n’a pas nommément cité les bibliothèques dans ces espaces du « vivre ensemble », c’est la multiplication de services comme l’aide à la formation, l’accès au numérique, l’ouverture vers l’art et l’organisation d’évènements qui en font un lieu de rencontres convivial. Mais il faudra opérer des aménagements entre les espaces calmes consacrés à la lecture (numérique ou pas) et au travail individuel et les espaces plus sociaux où se tiennent des activités ou animations culturelles ou de loisir (jeux vidéos ou FabLabs).
Si ce modèle s’est développé dans les pays du Nord et anglo-saxons (Hollande, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Canada anglophone), les bibliothécaires (et les publics ?) francophones et latins (France, Québec) sont beaucoup plus réticents. Nous ne sommes pas prêts à rompre avec le « temple du savoir » pour « concurrencer l’industrie des loisirs et des produits culturels » comme le fait remarquer Mathilde Servet dans son mémoire d’ENSSIB. La controverse demeure, mais si les bibliothécaires veulent regagner leur(s) public(s) et les réconcilier avec la lecture ou d’autres pratiques culturelles, il faut envisager toutes les hypothèses …

Gaudio, Anne-Gaelle. – Le numérique en bibliothèque part.6 : de nouveaux services. – INSET Montpellier 22-24 mai 2013. – Le CNFPT Slideshare, 27/05/13

Chaimbeault, Thomas. – La bibliothèque dans ton mobile. – ENSSIB, avril 2013. – Slideshare

Thomas Fourmeux : « La Piratebox, c’est surtout l’occasion pour nos lecteurs d’accéder à la connaissance ». – Lettres numériques, 03/05/13

Piratebox : Bilan d’étape. – Biblio Numericus, 07/01/13

Taillandier, Florent. – A quand des ebooks vraiment adaptés aux déficients visuels ?CNet France, 28/05/13

Busacca, Aurélie. – Bibliothèque et médiathèque troisième lieu. – Monde du livre – Hypothèse.org, 18/03/13

Les bibliothèques publiques face au défi du « vivre ensemble ». – Novo Ideo, 26/03/13

Martel, Marie D. – La bibliothèque publique : le modèle québecois. – Bibliomancienne, 30/04/10

Servet, Mathilde. – Les bibliothèques troisième lieu. – Mémoire d’étude ENSSIB, 2009

La gestion du temps … retrouvé

 » Mais nous n’avons pas le temps … ! » Cette antienne est reprise à la fin de chaque réunion…
Pas le temps, plus le temps … Et dire que les nouvelles technologies devaient nous en faire gagner, du temps !
Deux articles récents, « Media-activisme » de Franco Berardi dans Multitudes et le dernier post d’Hubert Guillaud dans InternetActu « La technique est-elle responsable de l’accélération du monde » se penchent sur ce problème que l’on retrouve aussi dans un des derniers ateliers de Questions Numériques (FING) « Un meilleur usage du temps ».

Les deux articles se réfèrent à l’œuvre du sociologue allemand Hartmut Rosa « Accélération : une critique sociale du temps », récemment mise à jour. Pour ce penseur, le diagnostic sociologique rejoint le diagnostic psychopathologique dans la perception moderne du temps avec un noyau commun de perturbation dans la relation au temps. Cela s’est traduit récemment par la classification de la procrastination (tendance à remettre systématiquement au lendemain des actions) en maladie … Cette pathologie, comme la dépression ou le ‘burn out’ proviendraient d’une modification des structures temporelles sociales : accroissement des vitesses et raccourcissement des horizons temporels. C’est ce que H. Rosa explique dans la synthèse parue dans « Les Cahiers du Rhizome » de Janvier 2012. Nous avons le sentiment que « tout ce qui dure, dure trop longtemps, consomme trop de temps et que nous devons courir plus vite, ne serait-ce que pour ‘tenir notre position’ ou rester au courant ».
Il distingue 3 dimensions dans cette accélération sociale :
– l ‘accélération technique : la vitesse de déplacement s’est multipliée par cent tandis que celle du traitement de l’information a été multipliée par 100 000 … ! C’est cette expérience qui est à l’origine du ‘rétrécissement de l’espace’
– l’accélération du changement social : le ‘rétrécissement permanent du présent’ qui nous déstabilise en ‘ringardisant’ de plus en plus vites toutes les innovations
– l’accélération des rythmes de vie qui nous pousse à faire plusieurs choses en même temps.
Entre le fast-food, le speed-dating et même le ‘power nap'(petite sieste réparatrice?), on n’arrête pas de faire du ‘mutitasking’ pour rentabiliser cette ressource au maximum !
Or toutes ces accélérations se heurtent à des limites naturelles, biologiques : celles de la terre, de l’écosystème global, de notre corps et de notre cerveau … qui peinent à digérer et à filtrer les pollutions physiques et informationnelles.. ! Comme le fait remarquer Franco Berardi « l’accélération du flux d’information produit un double effet sur la psycho-sphère de la société. Le premier est un temps d’attention réduit du fait de l’intensification des stimuli : plus l’info-stimulus est rapide, moins de temps d’attention et d’élaboration consciente est laissé au spectateur. […] Le second effet est une conformation résultant de la réaction au stimulus. Plus l’info-stimulation est rapide, moins nous avons de temps pour en extraire de la signification, par conséquent plus nous sommes obligés de réagir de façon automatique. ». On est loin des effets bénéfiques de la révolution numérique !

Dans ce contexte, le ralentissement et le freinage ne sont que des ‘effets collatéraux’ comme les embouteillages … On arrive à ce paradoxe où la vitesse de circulation baisse dans les agglomération en raison de l’accroissement de la circulation …. Voilà où mène la ‘dromocratie’ prédite par Paul Virilio dès 1977 !

Dans la mondialisation comme dans le capitalisme libéral, le temps est devenu une marchandise de plus en plus rare que l’on cherche à gagner le plus possible. Comment renverser ce paradigme ? Peut-on se réapproprier le temps et en avoir un usage durable ?
C’est le défi auquel voulaient répondre les « Questions numériques » 2013-2014.
Un des moyen de maîtriser cette accélération est de la considérer d’un point de vue de «développement durable » : le temps est une ressource naturelle que l’on croyait inépuisable, mais qui ne l’est pas. Son exploitation toujours plus intensive ne suffit pas à résoudre le problème, et l’inégalité de sa distribution en fait partie : sa gestion est autant une affaire individuelle que collective. En effet, tout le monde ne court après le temps : certaines personnes ont même trop de temps. Les exclus manquent de tout sauf de temps … Mais il n’est pas valorisé …;-(

Les nouvelles formes de gestion du temps :
– Le mouvement « Slow », d’abord individuel, mais maintenant étendu aux villes. Comme le ‘Slow tech’ : technique pour ralentir, valoriser la construction longue d’une pensée ou d’un projet ; le ‘slow blogging’ (ce que j’essaie de faire …;-)
– Le développement de lieux hybrides : ‘tiers lieux’, espaces de co-working
– Donner de la valeur au temps : acheter, offrir, partager du temps à travers des ‘Systèmes d’échanges locaux (SEL)
– Disposer d’un ‘capital-temps’ à tiroir avec un tiroir ‘vierge’ de temps personnel
– Une politique du temps : ‘droit au temps’ dans l’entreprise (voir expérience Google) et en général. Capital-temps personnel, mais aussi temps protégé de déconnexion et d’indisponibilité.

Berardi, Franco. – Média-activisme revisité. Multitudes, n°51. – 2012/4. – p.65-73

Guillaud, Hubert. – La technique est-elle responsable de l’accélération du monde. – InternetActu, 19/03/13

Rosa, Hartmut. – Aliénation et accélaration : vers une théorie critique de la modernité tardive. – Paris : La Découverte, 2012

Rosa, Hartmut. – Accélération et dépression. Réflexion sur le rapport au temps de notre époque. – Cahiers de Rhizome, n°43, janvier 2012.

Un meilleur usage du temps. – Questions numériques 2013/2014 : les promesses du numérique. – FING : Gaité Lyrique, 21 février 2013

La médiation numérique, avenir de la société de l’information ?

Cette notion nous est familière dans le monde des bibliothèques, grâce aux interventions de Silvère Mercier, le bloggeur « bibliobsédé », notamment sa conférence de clôture à la journée professionnelle de la Bibliothèque de Sciences po.

Mais je l’ai retrouvée dans un autre contexte, en participant à l’atelier « mobilité » de la journée « Promesses pour Questions numériques 2013« , organisé par la FING à l’Ecole Boule le 24 octobre dernier. Lors de cette journée, très riche en expériences et en échanges – dans l’atelier se retrouvaient chercheurs R&D de grandes entreprises (Thalès, RATP, Renault, Bell, Alcatel), professionnels de l’information et étudiants – nous devions évaluer la promesse d’une mobilité « plus libre, plus diverse, plus libre et plus durable », mais aussi proposer à l’issue d’une controverse (les fans et les déçus de la mobilité actuelle) des solutions pour l’avenir basés sur des outils et services mobiles. Contrairement au groupe ‘futuriste’ qui proposait des solutions pour un jeune cadre divorcé, mon groupe a dû réfléchir sur un scénario pour une personne âgée peu connectée. Le vieillissement de notre société devient incontournable et il est important de prendre en compte cette cible …

L’essentiel de la solution proposée pour ‘désenclaver’ Germaine de son isolement spatial et technologique réside dans le recours à un(e) médiat(eur)rice, qui devrait l’initier peu à peu à l’usage des outils et services numériques.
Dans ce scénario, on n’abandonne pas la personne « peu connectée » aux seuls outils numériques, le contact avec le médiateur doit être régulier, que ce soit en présentiel (centre de mobilité ou visites) ou par téléphone. Notre choix a étonné un participant de l’autre groupe qui s’attendait à nous voir barder la mamie d’appareils automatiques et de robots domestiques …;-)

Cette nouvelle promesse « garantie l’adaptation des ressources au gens et non l’inverse. Les moyens individualisés pour accéder aux bénéfices de la mobilité s’appuient sur des réseaux sociaux existants et des potentiels collaboratifs ».

Cette conception rappelle la définition avancée par Philippe Cazeneuve aux « Assises de la médiation numérique », « La médiation numérique consiste à accompagner des publics variés vers l’autonomie, dans les usages quotidiens des technologies, services et médias numériques ».

La précaution de Philippe Cazeneuve de distinguer la médiation numérique dans les territoires de celle défendue dans les bibliothèques n’a pas empêché Sylvère Mercier de remettre en question cette définition en privilégiant la notion de ‘réappropriation’ par rapport à celle d’autonomie. Dans un post du 29/09/2011, il propose sa propre définition : « La médiation numérique est une démarche visant à mettre en oeuvre des dispositifs techniques, éditoriaux ou interactifs favorisant l’appropriation, la dissémination et l’accès organisé ou fortuit à tout contenu proposé à des fins de formation, d’information et de diffusion des savoirs. »
Personnellement, je ne vois de grosses différences entre ces deux conception, l’appropriation de contenus étant un moyen de se repérer et d’explorer de façon autonome l’écosystème informatif et cognitif où nous évoluons dans l’interdépendance.

Tablettes et liseuses : quels usages pour les étudiants ?

Avec son projet de tablettes à 1 euro, le Ministre Laurent Wauquiez veut introduire l’usage des tablettes dans l’enseignement supérieur. Les étudiants intéressés disposeraient ainsi de tablettes tactiles 3G+ qui leur reviendraient à 730 euros au bout de deux ans.
Deux tablettes avaient été retenues par l’opérateur Orange qui a répondu à l’appel d’offre du Ministère : l’incontournable iPad 2 d’Apple et le Galaxy Tab de Samsung.
Critiqué pour avoir favorisé des produits étrangers, le Ministère a aussi accordé son soutien à une deuxième offre, où le fabricant français Archos forme un tandem avec l’opérateur Bouygues Telecom pour une tablette avec forfait internet 3G + à 0,66 euro par jour ! Et dans ce cas, la clé 3G, facilement amovible (ce qui est impossible sur un iPad), peut aussi être utilisée sur un ordinateur portable.
Précisément, l’intérêt de la connexion 3G ne paraît pas évident non plus avec la multiplication des bornes wifi dans les universités et les lieux publics.

Mais la question fondamentale porte plutôt sur l’utilisation de ce nouvel équipement par les étudiants.
Lorsque l’on examine l’utilisation que les Français font des tablettes, ce qui ressort c’est l’usage privé et personnel (74%) de ce matériel !
On peut difficilement effectuer un travail universitaire ou autre sur une tablette et quant à la dimension nomade de ce nouveau jouet, elle se partage entre le salon (85%) et la chambre (69%) de l’utilisateur !
Les usages les plus fréquents de la tablette recouvrent, avec quelques différences (pas de téléphone GSM), les utilisations des téléphones mobiles : surfer sur l’internet, consulter l’actualité, rechercher des informations pratiques, consulter et répondre à ses mails, etc. La taille de la tablette (7 ou 10 pouces) permet de mieux profiter des vidéos, des jeux et des magazines.
Mais en ce qui concerne la lecture des livres numériques, on pourrait se demander si des « liseuses » de type Kindle (Amazon) ne seraient pas plus adaptées aux besoins des étudiants ? Elles sont, il est vrai, limitées au noir et blanc de l’encre électronique, mais si l’objectif est de faire lire les étudiants avec des terminaux mobiles, les liseuses disposent de plus d’atouts : lisibilité en plein jour tout en préservant les yeux des utilisateurs, grande sobriété de consommation énergétique, et surtout, prix beaucoup plus abordable (à partir de 100 euros) !
Bien sûr, les étudiants ne pourraient pas visionner des e-cours ni jouer à des jeux sérieux (?), mais ils auraient la possibilité de partager leurs annotations ou des signets pour retrouver les pages-clés dans une bibliographie !

Personne ne peut prédire aujourd’hui les usages qui seront faits de ces nouveaux outils. Lors de la popularisation du téléphone, certains prévoyaient que sa principale utilisation serait l’écoute d’enregistrements de musique ; cette prédiction s’est réalisée … près d’un siècle plus tard !

Des tablettes numériques à un euro par jour pour les étudiants. – Portail du Gouvernement, 05/10/11

En partenariat avec le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Bouygues Telecom et Archos proposent aux étudiants la première tablette avec forfait internet 3G+ à 0,66E par jour. – Communiqué de presse, Archos – Bouygues Telecom, 14/10/11

Méli, Benoît. – Comment les Français utilisent les tablettes ? – Journal du Net , 12/10/11

Maussion, Catherine. – Tablettes à 1 euro : Archos dénonce Orange. – Ecrans – Libération.fr, 04/10/11

Auffray, Christophe. – Archos et Bouygues Telecom répliquent avec une tablette à 0,66 euro par jour. ZDnet.fr, 14/10/11

Charles, Frédéric. – Et pourquoi ne pas déployer les liseuses Kindle d’Amazon en entreprise ? Green SI – ZDnet, 01/10/11

Guillaud, Hubert. – Le Lire et l’écrire : clôture, glissement et déconnexion. – La Feuille – Blogs Le Monde.fr, 15/10/11

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