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Défiance du public, concurrence des réseaux sociaux et fin du modèle économique : quel avenir pour le journalisme ?

kisspng-freedom-of-the-press-journalism-news-media-freedom-5af8ca43afa019.5199593915262541477194Alors qu’en France les médias sont attaqués de toutes part, aussi bien par les partis extrêmes et le mouvement des « Gilets Jaunes » que par le Président de la République sans parler du scandale de la « Ligue du LOL », au Royaume Uni, un rapport commandé par le gouvernement, s’inquiète de l’avenir de ce secteur et préconise un certain nombre de mesures « pour un futur durable du journalisme ».

Si elle se révèle aujourd’hui de façon criante, la crise de cette profession existe depuis plusieurs années. En 2004, nous avions réalisé à la Bibliothèque de Sciences Po un dossier documentaire sur ce sujet, présentant déjà des préoccupations semblables : éthique et déontologie, émergence de nouveaux médias, fragilisation du modèle économique. « Manipulateur-manipulé, le journaliste dispose-t-il encore du pouvoir dont on le crédite ? Participe-t-il à cette fabrique de l’opinion où tous les sujets sont passés au tamis du système médiatique ? […] Comme dans d’autres secteurs, celui des médias subit une restructuration qui fragilise l’emploi et se traduit par une précarisation de la profession. L’évolution technologique touche au cœur même du métier ».

L’impact de l’internet et la fin du modèle économique des médias traditionnels

Le rapport Cairncross, du nom de la journaliste chercheure chargée de sa réalisation, souligne l’impact de l’arrivée d’internet sur le modèle économique de la presse en Grande-Bretagne : « Avec la baisse drastique des revenus publicitaires sur format papier, elle a encore du mal à compenser les pertes sur le numérique. Les revenus publicitaires étant principalement captés par les géants du web, elle a dû faire des économies. C’est-à-dire au détriment des investissements qu’elle aurait pu faire pour accompagner sa transformation digitale ou encore en rognant sur les coûts de l’information (- 6000 journalistes depuis 2007 au Royaume Uni). » (Alexandre Bouniol dans Meta-Media). Les deux types de journalisme les plus touchés sont le journalisme d’investigation (trop cher) et la presse locale. On constate une contraction des contenus locaux, donc une baisse d’implication dans la vie politique et sociétale … L ’arrivée du smartphone s’accompagne d’une baisse drastique de la distribution des quotidiens nationaux qui passent de 11, 5 millions d’exemplaires en 2008 à 5,9 millions en 2018. Le nombre de quotidiens locaux passe de 1303 à 982 entre 2007 et 2017. réseaux-sociaux-et-journalisme

L’émergence des ‘pure players’ comme Buzzfeed ou le Huffpost de même que le passage par des plateformes d’information comme Google News, Apple News et Facebook, changent complètement le comportement des lecteurs pour accéder à l’information. En passant par ces plateformes, le lecteur n’a plus accès à un ‘panorama’ de l’information comme dans un journal. L’accès se fait article par article suivant un algorithme construit à partir des données de l’utilisateur. « Les informations d’intérêt public sont celles qui émergent le moins sur les plateformes. Les algorithmes ne sélectionnent pas la pertinence d’un contenu mais récompensent les contenus qui se partagent le plus. ». Cette ‘désagrégation de l’information’ « fait que les adultes britanniques passent de moins en moins de temps à s’informer et se sentent submergés par le flot de l’information ».

En France aussi, la presse et les médias traditionnels intéressent de moins en moins le grand public. Le dernier Baromêtre de la Croix le confirme. Dans cette enquête, les Français montrent une vraie défiance envers les médias. La télévision recule de 10 points (38%), la radio de 6 points (50%) et la presse écrite de 8 points (44%%). Quant à internet, il est jugé fiable par 25% des sondés… Comme le souligne Thierry Wojciak de Cbnews, « l’étude met au jour un paradoxe « les médias auxquels les Français accordent le moins de confiance sont ceux qu’ils utilisent le plus pour s’informer. » La télévision reste en tête (46% des sondés) devant internet (29%). Mais ce qui est inquiétant c’est que moins de la moitié des jeunes 18-24 ans prêtent intérêt aux nouvelles, alors que près des trois quarts des plus de 65 ans (74%) s’y intéressent encore. L’enquête a aussi étudié la perception du traitement médiatique du mouvement des Gilets jaunes. Moins d’un tiers du panel (32%) se disent satisfaits de la couverture médiatique du mouvement, alors que 51% la jugent mauvaise. Il leur est reproche d’avoir « dramatisé les évènements » (67%), trop laissé s’exprimer un point de vue extrême (52%), ne pas avoir permis de « bien comprendre » (54%). La violence envers les journalistes est justifiée pour 23% des personnes interrogés, tandis que 32% la condamnent et 39% ne la jugent pas « vraiment justifiée ».

Par ailleurs, pour nombre de « Gilets jaunes », seuls deux médias, en dehors de leurs cercles sur les réseaux sociaux, ont grâce à leur yeux, RT, la chaîne d’information d’influence russe, et Brut, une chaine vidéo aux commentaires très ‘factuels’.

Lutte contre les infox et déontologie de l’information MédiasNePasAvalerDésinfoBON

Le rapport Cairncross dénonce aussi le manque de clarté pour distinguer les informations vérifiées des infox. Pour remédier à cela le rapport propose plusieurs solutions : rendre responsables juridiquement les plateformes, que la rapporteuse trouve elle-même assez délicat ; introduire dans l’algorithme un quota d’informations de bien public afin que tout le monde ait accès à ce genre de contenus ; mettre en place une instance de régulation qui rendrait compte de la qualité d’information diffusée sur ces plateformes.

On retrouve cette préoccupation en France, où le Président Macron voudrait introduire un contrôle des médias, comme le rapporte Claude Askolovitch dans Slate. Le Président voudrait « s’assurer de la neutralité et vérifier l’information dans les médias, en créant des structures financées par l’Etat qui contrôleraient médias publics et privés, structures nantis de journalistes qui seraient les ‘garants’ de l’affaire ». Claude Askolovitch continue en ironisant « Notre Président veut mettre le journalisme sous tutelle, telle une classe sociale assistée […] La liberté s’épanouira sous la contrainte ? Son organe de vérification s’imposera-t-il à la presse ? Les journalistes qui lui seront affrétés deviendront-ils nos supérieurs et nos gardiens, nos censeurs, les auxiliaires du pouvoir, de l’Etat ? ». Cela risque, comme pour la loi sur les Fake news, de remettre en cause de la liberté d’expression en introduisant une dose de censure et surtout se pose la question « qui va contrôler les contrôleurs ? ».  images

Plus concrètement, des syndicats de journalistes ainsi que d’autres instances de l’édition, notamment l’Observatoire de la déontologie de l’information préconisent la création d’un  Conseil de presse. Ce projet, qui réunirait aussi bien des journalistes, des éditeurs et des représentants du public, aurait comme objectif de gérer et instruire les plaintes mais aussi de proposer des orientations en matière de déontologie. Il  pourrait s’appuyer sur le rapport, « Autorégulation de l’information : comment incarner la déontologie ? », réalisé en 2014 par Marie Sirinelli et le Ministère de la Culture. Cette idée est encore controversée dans le milieu journalistique et les médias, mais est soutenu par une personnalité comme Jean-Luc Mélenchon qui déplore qu’on ne dispose que de la justice pour « faire appliquer une sanction pour dissuader de recommencer ».

Or, ce sont souvent les rédactions qui s’opposent à la mise en œuvre d’une telle instance, c’est ce que soulignent les intervenants  de l’émission « Faut-il noter les journalistes ? » (Du grain à moudreFrance Culture) alors que souvent il existe déjà une charte déontologique dans les organes de presse (Les Echos, Radio France). « C’est à chaque rédaction de prendre son destin en main […] il faut que tous les rédacteurs soient capables de se défendre des pressions des actionnaires » soutient François Ernenwein, rédacteur en chef de La Croix, « Il faut donner aux rédactions les moyens de se défendre contre certaines pressions (loi Bloche, Secret des affaires) pour Leila de Cormamond, journaliste sociale aux Echos

charte-580x445Regagner la confiance du public et construire un journalisme de qualité

La crise des Gilets jaunes a révélé en France la défiance d’une importante partie du public vis-à-vis des médias et des journalistes. Certains se sont lancé dans une autocritique de leurs pratiques comme les rédacteurs réunis dans le dossier de Libération. Dans ce dossier, les journalistes se soumettent à un « examen de confiance ». Les 25 professionnels de l’information se demandent « s’ils ne méritent pas une partie de la méfiance qu’ils inspirent et que la terrible pression qui plombe le secteur des médias et contraint la bonne pratique du métier, ne sert pas d’argument refuge à tous les reproches ». Les journalistes ont conscience de leur uniformité sociale et culturelle, et que, hormis les pigistes et les CDD, il font plutôt partie de la couche moyenne-supérieure de la société (la fameuse ‘élite’ intellectuelle, honnie par le ‘peuple’). Cet ‘entre-soi’ pourrait aussi expliquer le succès de groupes comme la Ligue du LOL, où de brillants journalistes (blancs, males et très parisiens) harcèlent leurs consœurs sur les réseaux sociaux. Les journalistes reconnaissent qu’ils ne ‘s’adressent pas à la masse des gens’. Comme l’exprime Jean-Emmanuel Decoin, rédacteur en chef de l’Humanité «La presse écrite ne raconte pas la vraie vie des gens et on le prend en pleine gueule aujourd’hui. […] Où raconte-t-on la souffrance, la vie derrière les murs des entreprises ? ». De plus, la majorité des journalistes résident dans la région parisienne (20 000 des 35 000 cartes de presse). « Hors de Paris, la presse nationale se donne de moins en moins les moyens d’enquêter. dit Sylvain Morvan, de Médiacités. La presse régionale aussi ferme des antennes locales. Des villes petites et moyennes deviennent des déserts médiatiques. L’actualité locale est moins bien traitée, les journaux perdent en qualité. Il est probable que cela joue sur la défiance ».

Expliquer comment on travaille et on débat comme le suggère Amaelle Guitton de Libération, c’est aussi l’objectif de Pierre Ganz de l’ODI. « Beaucoup de gens ne savent pas comment on fabrique l’information. Les choix éditoriaux sont libres et différents de problèmes de déontologie. ». Car s’il existe un besoin de représentation et d’explication dans le public, il existe aussi un besoin d’interpellation.  « Le désir de noter les journalistes vient de personnes qui estiment que les journalistes traitent trop peu souvent de leurs vies, de leurs combats. Il a fallu que les Gilets jaunes descendent dans la rue pour qu’on parle d’eux. Il faudrait pas laisser le soufflé tomber » souligne Pierre Ganz. Le public identifie l’ensemble des journalistes à quelques personnalités : il faut diversifier la formation des journalistes et par exemple développer le journalisme scientifique comme le préconise Olivier Dessibourg dans Meta-média. « Beaucoup de journalistes considèrent que leur rôle est de dire le bien et le mal, comment il faut penser » remarque Natacha Polony, directrice de Marianne. C’est aussi l’avis de Brice Couturier, chroniqueur à France Culture « Avant, nous avions le monopole de l’information. Désormais, l’information nous devance sur les réseaux sociaux. Nous avons réagi en idéologisant à mort, en devenant des directeurs de conscience. Mais en réalité, un journaliste a peu de compétences, il est généraliste, car on n’approfondit pas les sujets en école de journalisme ».

Une des nouvelles pistes possibles est le ‘journalisme de données’. L’analyse qualitative de données est encore peu courante dans le journalisme, comme le constate Bruno Breton dans Les Échos. A l’exception de quelques initiatives pionnières comme « les Panama Papers ou les Paradise Papers à l’occasion desquelles  l’ICIJ (consortium international des journalistes d’investigation) a agrégé des millions de données pour épingler certains paradis fiscaux, la presse reste frileuse. ». L’utilisation des données publiques, issues par exemple, des réseaux sociaux pourrait être un atout éditorial puissant dans le travail des journalistes, surtout si elles ont été traitées avec des outils adéquats. Cet argument est aussi avancé dans l’émission Soft Power de Frédéric Martel sur France Culture. « Avec la généralisation d’internet, l’accumulation exponentielle des données et la puissance inédite des réseaux sociaux, on assiste à une démultiplication des sources numériques disponibles. Les journalistes s’en emparent : ce sont de nouveaux outils de recherche ; de nouveaux terrains d’enquêtes ; de nouveaux types d’enquêtes et d’écritures. »

 « Il faut en revenir aux faits » comme le soutien Géraldine Mulhmann dans une interview sur Rue89 « Il ne s’agit pas d’invoquer un idéal d’’objectivité’ sans précaution ni doutes.[…] Il s’agit juste de dire que le ‘je’ d’un reporter entre en compte d’une manière toute à fait différente, dans son reportage, que le ‘je’ d’un éditorialiste ». Cela ne signifie par autre chose que l’impératif pour le journalisme, de « faire du journalisme et de le faire bien ». Retrouver le rapport tangible aux faits au lieu de se contenter d’un rapport souvent ‘virtuel’.  « Il est important que le public comprenne qu’il y a une différence entre un lieu de pure expression ou d’opinion et un lieu qui veut donner de l’information. […] Faire voir à quel point il y a un monde entre une rumeur même très puissante sur internet et une enquête minutieuse et soigneusement racontée ».

On retrouve ce manque d’analyse sérieuse dans les menées de la « Ligue du Lol ». Comme le souligne la linguiste Laélia Véron dans la table-ronde d’Arrêt sur images « Ces gens qui sont censés maîtriser la langue ne les ont jamais attaqués sur le fond. Il n’y a jamais eu de débat d’idées ».

Les journalistes pourraient aussi s’inspirer du succès de Rémy Busine, le créateur de Brut, très populaire auprès des Médias-1Gilets jaunes, comme le fait remarquer Nicolas Bequet du quotidien Belge l’Echo « Proximité, écoute, humilité et simplicité, voilà ce qui caractérise son attitude face aux manifestants. L’exercice du ‘live’ façon Brut est une forme de retour aux sources, une interprétation des nombreuses missions dévolues aux journalistes : regarder, s’étonner et restituer. Le tout à hauteur d’homme. Une approche à l’antithèse de la perception qu’ont les classes populaires des médias dits traditionnels ».

Nouveau terrains, nouvelles pratiques pour le journalisme. – Soft PowerFrance Culture, 03/03/19

Faut-il noter les journalistes ?Du grain à moudre- France Culture, 28/02/18

Bouniol, Alexandre. – Les principales leçons du rapport britannique sur l’avenir du journalisme. – Méta-Média, 22/02/19

Doctor, Ken. - The New York Times’Mark Thompson on how he’d run a local newspaper: « Where can we stand and fight?NiemanLab.org, 22/02/19

Ganz, Pierre. – Un débat citoyen sur les médias. – Observatoire de la Déontologie de l’Information, 20/02/19

« Il ne faut pas jeter le LOL avec l’eau du bain ». – Arrêt sur image, 15/02/19

The Caincross Review: a sustainable future for journalism/Department for Digital, Culture, Media & Sport. – Gov.UK, 12/02/19

Lamy, Corentin. – Journalistes, réseaux sociaux et harcèlement : comprendre l’affaire de la Ligue du LOL. – Le Monde, 10/02/19

Askolovitch, Claude. – Emmanuel Macron, le journalisme de cour et le contrôle des médias. – Slate, 03/02/19

Littau, Jeremy. – The Crisis Facing American Journalism did not start with the Internet. – Slate, 26/01/19

Carasco, Aude. – Baromètre médias, les journalistes sommés de se remettre en cause. – La Croix, ma 25/01/19

Ferney, Jeanne. – Actualité : entre jeunes et séniors, le grand écart. – La Croix, 24/01/19

Wojciak, Thierry. – La confiance des Français dans les médias: la TV, la radio et la presse écrite pointées. – CBNews, 23/01/19

Ce que pourrait être un Conseil de presse : les propositions de l’ODI. – Observatoire de la Déontologie de l’Information, 23/01/19

Autocritique des médias : l’examen de confiance. – Libération, 19/01/19

Lefilliâtre, Jérôme. – De la critique des médias à la passion de l’immédiat. – Libération, 04/01/19

Bellanger, Anthony. – Un projet controversé de Conseil de presse en France. – Le Monde diplomatique, décembre 2018

Cahier de tendance Automne-Hiver : bientôt l’ère des post-news ?Meta-Media, 17/12/18

Dessibourg, Olivier. – Pourquoi il faut miser sur le journalisme scientifique. – Meta-Media, 17/12/18

Géraldine Mühlmann : « Revenir aux fondements du journalisme moderne ». – Rue89, 16/11/18

Breton, Bruno. – Le data journalisme, une chance pour la presse. – Les Échos, 24/05/18

Autorégulation de l’information : comment incarner la déontologie/Marie Sirinelli ; Ministère de la culture et de la communication. – Rapports publics – La Documentation française, février 2014

Quel avenir pour le journalisme ? Crise structurelle ou évolution de la profession. – Dossier documentaire. – Sciences Po – La Bibliothèque, Juin 2004

 

Une loi contre les « fake news » : quelle efficacité ?

fake_news_facebookAnnoncée par le Président de la République lors des vœux à la presse en janvier 2018  la proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information a été adoptée à l’Assemblée nationale le 7 juillet mais rejetée par le Sénat le 26 juillet. Ce projet de loi a pour objectif de lutter contre la diffusion de fausses informations, particulièrement lors des campagnes électorales. L’expérience de diffusion massives de ‘fake news’ qui ont pu influencer les électeurs lors de la campagne présidentielle américaine en 2016 et du referendum sur le Brexit en Grande-Bretagne, (voir le post de Prospectibles), a amené les démocraties à réfléchir aux mesures à prendre pour lutter contre la désinformation et la manipulation de l’information.

La Commission européenne recommande, après la publication d’une communication sur la désinformation en ligne, un code bonnes pratiques et le soutien à un réseau indépendant de vérificateurs de faits. En Allemagne, une loi récente contraint les réseaux sociaux à une modération réactive. Au Royaume-Uni, une commission d’enquête mise en place en 2017 a pour objectif de lutter contre la diffusion de fausses nouvelles en impliquant les GAFA.

En France, comme le constatait dans son avis du 19 avril le Conseil d’Etat, le droit français contient déjà plusieurs dispositions visant à lutter contre les fausses informations : la loi de 1881 sur la liberté de la presse permet de » réprimer des propos sciemment erronés, diffamatoires, injurieux ou provocants ». La Loi de 2004 pour la confiance de l’économie numérique les a rendus applicables aux services de communication publique en ligne. Le code électoral contient aussi des dispositions visant à garantir le bon déroulement des campagnes électorales en luttant aussi bien contre la diffusion des fausses nouvelles que contre la publicité commerciale à des fins de propagande électorale.

La proposition de loi

Le gouvernement explique la nécessité d’une nouvelle loi en raison du changement d’échelle de la diffusion des fake news permis par les outils numériques et les réseaux sociaux. Comme le souligne Françoise Nyssen, Ministre de la culture et de la communication « Les fausses informations ne sont pas nécessairement plus nombreuses qu’avant, mais elles sont relayées plus rapidement et plus massivement. Elles se propagent jusqu’à six fois plus vite que les informations vérifiées. Elles font donc plus de dégâts ».

Dans la proposition de loi « Toute allégation ou imputation d’un fait inexacte ou trompeuse constitue une fausse information ». Les opérateurs de plateformes en ligne sont tenus de fournir à l’utilisateur, outre une information sur l’identité des fournisseurs de contenus, « une information loyale, claire et transparente sur l’utilisation de ses données personnelles dans le cadre de la promotion d’un contenu d’information se rattachant à un débat d’intérêt général ».

Elle crée un nouveau référé, pendant les trois mois précédant une élection, pour faire cesser la diffusion artificielle et massive de fausses informations destinées à altérer la sincérité du scrutin. Il s’agit de lutter contre les contenus sponsorisés et les systèmes robotisés, les « fermes à clics », qui véhiculent ces fausses informations et qui le feraient sciemment, en sachant que l’information est fausse.

Mais surtout, le juge des référés peut, « à la demande du ministère public, de tout candidat, de tout parti ou groupement politique ou de toute personne ayant intérêt à agir, et sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire aux personnes physiques ou morales toutes mesures proportionnées et nécessaires pour faire cesser cette diffusion. » Comme le souligne le dossier d’actualité Vie publique « Un candidat ou un parti pourrait saisir le juge des référés pour faire cesser la diffusion de ces « fausses informations » quand il s’en estime victime. Le juge statuerait dans un délai de 48 heures. » Le CSA se voit confier de nouvelles compétences et devient le garant du devoir de coopération des plateformes. Outre son pouvoir de sanction à l’encontre des services de communication audiovisuelle (radio, télévision, vidéos à la demande publics et privés) en cas de non-respect de leurs engagements, le CSA pourra aussi « refuser le conventionnement ou résilier une convention d’une chaîne liée à un État étranger ou sous son influence. » Il peut aussi » suspendre la convention d’une chaîne pendant une période électorale ou pré-électorale si elle participe à une entreprise de déstabilisation en diffusant de façon délibérée des fausses informations de nature à altérer la sincérité du scrutin. »

Enfin, le projet de loi comprend aussi des dispositions portant sur le renforcement de l’éducation aux médias et à l’information pour l’acquisition d’une citoyenneté numérique dans le cadre de l’enseignement moral et civique.

censorship-550x206Le débat

La proposition de loi a fait l’objet d’un débat houleux à l’assemblée avant son adoption, notamment en ce qui concerne la définition de fausse information qui s’est achevé par l’adoption d’un amendement remplaçant l’idée de « mauvaise foi » par celle d’intention « délibérée ». Les oppositions de droite et de gauche ont exprimé leurs réticences « Pour les élus de l’opposition, la proposition de loi serait synonyme de censure et de contrôle de l’information, voire d’une dérive autoritaire du pouvoir. Christian Jacob (député LR) craint une « police de la pensée », Marine Le Pen (FN) dénonce un texte « liberticide », Boris Vallaud (PS) une « loi de circonstances ». (Dossier Vie Publique). Pour Jean-Luc Mélenchon (LFI), le CSA, autorité administrative, n’est pas légitime pour juger si un média étranger outrepasse sa fonction …

Des juristes et des médias critiquent aussi ce texte, comme Christophe Bigot, avocat en droit de la presse, interviewé sur RT France, qui trouve ces méthodes archaïques ; ou Me Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris qui dans un interview sur RT France, s’interroge sur la notion de fausse information, qui renvoie plutôt à ‘bon ou mauvais journaliste’ : pour lui le gouvernement cible la chaîne RT France. En ouvrant au CSA la porte d’internet, on ignore ce qui risque de se passer après. Comment pourra-t-il réguler les plateformes ? Cette loi « inapplicable et dangereuse » ouvrirait la boite de Pandore. Sur son blog du Figaro, Alain Bensoussan, avocat à la Cour d’appel de Paris et expert en droit des technologies de l’information suggère « Plutôt que légiférer dans l’urgence, il faut repenser le texte en encadrant le rôle des plateformes et des robots logiciels dans la diffusion de fausses informations. »

De la propagande à l’architecture du faux : les différents canaux du ‘fake’

La prolifération des fausses nouvelles ne date pas d’hier : Patrick Chastenet, professeur de science politique à Bordeaux, le rappelle dans son article de The Conversation ; la propagande et la manipulation de l’information ont été utilisées par le tyran Pisistrate au Vie siècle avant J.C.  Comme le remarque un partisan du Brexit, les électeurs préfèrent que l’on s’adresse à leurs tripes plutôt qu’à leur raison … Aux Etats-Unis, les messages politiques mensongers n’ont pas commencé avec Trump. Déjà, en 2008, Sarah Palin, candidate à la vice-présidence, répandit l’idée que la réforme du système de santé prévoyait des ‘death panels’ où des comités gouvernementaux décideraient du sort des personnes âgées ou handicapées ! Près de 30% des américains ont cru que ces « panels » faisaient partie de la réforme … Le site Politifact révèle que 70% des déclarations de Trump « étaient principalement fausses, fausses ou de pure invention ».  A présent, comme l’indique l’article du Washington Post, c’est Donald Trump lui-même qui s’estime victime de ‘fake news’ de la part des médias et même du moteur de recherche Google qui ne remonterait sur lui que des informations négatives si bien qu’un de ses conseiller économique propose de ‘réguler’ ces recherches !

Les Américains sont-ils donc plus crédules que les autres ? Ils sont surtout plus connectés et plus nombreux à s’informer en ligne et principalement sur les réseaux sociaux. La nouveauté réside dans le caractère viral des informations, vraies ou fausses, relayées sur les réseaux sociaux et les forums de discussion. Contrairement aux théories généreuses des pionniers du web, les internautes ne bénéficient pas de « démocratie numérique » fondée sur un accès égal pour tous à la connaissance. Alors que la masse d’information n’a jamais été aussi vaste et rapidement disponible, l’information non filtrée par des algorithmes devient plus rare en raison de nos choix antérieurs. En effet, nos recherches antérieures et nos choix sur les réseaux sociaux (likes, RT, etc.) nous enferment dans des boucles de filtres qui produisent un cercle vicieux dont nous ne sommes souvent pas conscients … 1d162bf19fb6e1f83aa71ed060459d59d872aee3-thumb-500xauto-64860

Comme le souligne Olivier Ertzscheid dans son post, les plateformes constituent « une architecture toxique au service du faux […] Et cette architecture est celle, visible, de la promiscuité des profils dans Facebook, comme elle est aussi celle, invisible, de l’orchestration algorithmique de la viralité qui unit les GAFAM. ». Cette ‘promiscuité’ sur les plateformes implique qu’il est impossible de ne pas propager de fausses informations, comme il est impossible de ne pas y être confronté ou exposé …

Cette architecture du faux, qui se double aussi d’une architecture de l’invisibilisation – les ‘Shadow Profiles’ (utilisateurs malgré eux des réseaux sociaux) et les ‘Dark posts (publicités ciblées sur Facebook à partir des données personnelles). Seule une architecture technique autorisant d’autres usages, comme un index indépendant du web, en remettant les ressources documentaires au centre à la place des personnes. La disparition de Google Reader et la fin programmée des fils RSS n’est pas un hasard et est corrélée avec des logiques de désinformation.

Les biais cognitifs et la question de la confiance

51fmZrX204L._SX195_Olivier Ertzscheid pointe aussi une autre raison : nos biais cognitifs « Nous avons une appétence, une gourmandise presque « naturelle » pour le faux, la tromperie et l’illusion. Et c’est de cette appétence dont l’architecture technique se repaît ».

C’est aussi ce que souligne Katy Steinmetz dans un article de Time. Dans une expérience menée par le chercheur en psychologie de l’Université de Stanford Sam Wineburg, un professeur d’université devant évaluer une publication scientifique de l’American College of Pediatricians, est abusé par un site web qui comporte toutes caractéristiques d’un site officiel. Le « .org » à la fin de l’url, la liste de références scientifiques, le design sobre du site, tout l’amène à la crédibilité. Or le site en question représente un groupe qui a est le produit d’une scission conservatrice de l’organisation officielle : il a été accusé de promouvoir des politiques homophobes et est classé comme discriminatoire (hate group). L’équipe de Wineburg a trouvé que des Américains de tous âges, des adolescents ‘digital natives’ aux universitaires de haut niveau, ne se posent pas les questions importantes au sujet des contenus qu’ils trouvent sur le web, ajoutant encore à la crédulité numérique. C’est aussi ce qui amène les internautes à retweeter des liens sans les ouvrir et à se reposer sur les moteurs de recherche. Pour Wineburg, la consommation d’information sur internet « C’est comme si on conduisait des voitures sans avoir de permis ». Même si des lois et des services de renseignement pouvaient débusquer tous les mauvais acteurs du bout de leurs claviers, il serait imprudent de nettoyer l’internet de toutes ses affirmations trompeuses … Dénoncer une information comme ‘fake news’ peut même la rendre plus populaire, C’est ce que Facebook a constaté lorsque le réseau social a alerté ses utilisateurs que certains posts pouvaient être des ‘hoaxes’ (canulars) avant de réaliser que cette approche ‘immunisante’ pouvait être contre-productive …

On retrouve cet aspect contre-productif du ‘débunkage’ (démystification) des ‘hoaxes’ avec le service de fact-checking de l’AFP. Aurore Gayte relate dans son article du Monde comment ce service a réussi à démystifier une vidéo très partagée sur internet censée représenter la mise en scène de migrants en train de se noyer (on voit des personnes sur la plage filmant des hommes et des femmes voilées émergeant à peine de l’eau). Les journalistes de l’AFP ont pu retrouver, grâce à une analyse détaillée de la vidéo, l’origine de ce document : il s’agit d’un documentaire tourné en Crête par une réalisatrice grecque sur un événement en Turquie en 1922, quand les Grecs ont fui l’incendie d’Izmir. Et pourtant, « même en étant une référence mondiale, et même après avoir expliqué point par point le raisonnement derrière un fact-checking, ils sont nombreux à ne toujours pas vouloir croire ce que dit l’AFP. »

Olivier Ertzscheid désigne aussi une autre raison : les ‘régimes de vérité’ de chaque plateforme : « la popularité pour Google (est « présenté comme vrai » ce qui est populaire), la vérifiabilité sur Wikipédia, et sur Facebook ce que l’on nomme « l’engagement » ou le « reach » c’est à dire une forme singulière, perverse et paroxystique de popularité. Ainsi ce qui est faux sur Google ou sur YouTube peut être vrai dans Wikipédia ». Avec ces différents régimes, il est difficile de départager le vrai du faux et aussi dangereux de se servir de l’un, par exemple Wikipedia pour en démentir un autre, par exemple YouTube … Pour le chercheur « Le dé-référencement à la hussarde est aussi efficace qu’il est à manier avec une extrême précaution tant il renforce là encore un régime d’arbitraire limité à la seule décision de la plateforme ».

L’éducation à l’information et aux médias semble être la principale solution à long terme. L’initiative de la journaliste Aude Favre avec sa chaîne YouTube « WTFake » contre la désinformation sur internet, signalée par Vincent Manilève dans Libération constitue une première réponse au niveau du grand public. Pour les étudiants, les ateliers comme celui des BU de Rennes sur l’évaluation de l’information et le problème des fake news en bibliothèque, rapporté par Damien Belveze (Doc@rennes) devrait pouvoir se multiplier. Comme l’a formulé Edward Snowden dans une interview citéé dans le Fil d’Actu « la réponse aux mauvais discours n’est pas la censure, mais plus de discours ».

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Pour l’avocat Christophe Bigot, « la loi sur les fakes news correspond à des méthodes archaïques. - RT France, 04/04/18

Parce que notre ligne éditoriale ne convient pas au pouvoir en place, serons-nous bientôt censurés ?RT France, 06/04/18

Ertzscheid, Olivier. - Fifty Shades of Fake. Le jour des fous et des mensonges. Et les 364 autres.Affordance.info, 22/04/18

Kodmani, Hala. – Russia Today, Sputnik … Un mois d’intox passé au crible. – Libération, 03/05/18

Deschamps Christophe. – Des faits alternatifs à la « Deep Fake Reality » ou comment on fabrique de la poudre aux yeux. – Outils froids, 04/05/18

Loi contre les fausses informations : l’avis du Conseil d’Etat. – Les Crises, 05/05/18

Belvèze, Damien. – Compte-rendu de l’atelier : comment aborder l’évaluation de l’information et le problème des fake news en bibliothèque ? (17/05/18). – Doc@Rennes, 23/05/18

Casilli, Antonio ; Devilliers, Sonia. – Comment se fabriquent les « fake news » ?France Inter, 08/06/18

Chastenet, Patrick. – Fake news, post-vérité … ou l’extension du domaine de la propagande. - The Conversation, 12/06/18

Fausses nouvelles, manipulation de l’information : comment lutter contre les fake news ? Dossier d’actualité - Vie publique, 20/06/18

Manilève, Vincent. – Aude WTFake pedago contre la désinformation sur Internet.Libération, 02/07/18

Proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l’information : texte adopté n° 151. – Assemblée Nationale, 03/07/18

Les enjeux de la loi contre la manipulation de l’information. – Ministère de la Culture, 04/07/18

Vallat, Thierry. – La loi anti-fake news, une loi « liberticide » : entretien. – RT France via YouTube, 04/07/18

Bensoussan, Alain. -Diffusion de fausses nouvelles par des robots logiciels, enjeu de la loi Fake news. – Droit des technologies avancées – Le Figaro, 20/07/18

Steinmetz, Katy. – How your brain tricks you into believing fake news. – Time, 09/08/18

Gayte, Aurore – Comment fonctionne le « fact-checking » à l’AFP ?Le Monde, 23/08/18

Romm, Tony. – Trump’s economic adviser : ‘We’re taking a look’ at wether Google searches should be regulated.The Washington Post, 23/08/18

 

Affaire Cambridge Analytica : qui a peur des réseaux sociaux ?

Relation-client-online-reseaux-sociaux-plus-performants-que-mail-FDepuis près de trois mois, le scandale Facebook Cambridge Analytica défraie la chronique : tous les médias, la ‘blogosphère’ et les réseaux sociaux résonnent de commentaires et d’analyses sur ce ‘cambriolage’ d’identités numériques 3.0 …

Facebook a reconnu le mois dernier que le réseau avait ‘partagé’ les données personnelles de 87 millions d’utilisateurs avec une entreprise britannique, Cambridge Analytica, qui, sous prétexte de recherche socio-linguistique, vendait ces informations aussi bien à des firmes publicitaires qu’à des groupes politiques. L’élection de Donald Trump aussi bien que le referendum sur le Brexit auraient bénéficié de ces manipulations numériques. Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook, est allé personnellement faire amende honorable devant le Congrès des Etats-Unis.

Que sont ces réseaux sociaux et comment ont-ils pris autant d’importance dans notre vie quotidienne ? Partis d’une idée de partage et d’échange de ‘pair à pair’, ils sont devenus en moins d’une quinzaine d’années les ‘géants du net’, des entreprises multinationales qui comptent des milliards d’usagers ! Or, comme l’explique dans son post Thierry Crouzet, « nous avons négligé une loi mécanique des réseaux décentralisés : le ‘winner-take-all’, (le gagnant rafle tout) autrement dit des nœuds deviennent plus gros que tous les autres, concentrant un nombre faramineux de connexions, et de fait ils recentralisent le réseau, donc limitent l’intelligence collective. » amour-amitie-solidarite-les-petits-miracles-des-reseaux-sociaux

Certains psychologues reprochent aux réseaux sociaux de s’éloigner d’une ‘sociabilité originaire’ (où l’on se retrouve pour des ‘rencontre en dur’) comme Jean Twenge, professeure de psychologie citée dans Slate : les jeunes adolescents ne sortent plus et passent leur vie penchés sur leurs smartphones : « La patinoire, le terrain de basket, le bassin de baignade de la ville, le spot de pêche du coin –ils ont tous été remplacés par des espaces virtuels accessibles par les applications et le web.».

Doit-on donc « effacer Facebook » et les autres médias sociaux de notre vie numérique, ou est-il encore possible d’en tirer des effets bénéfiques ou positifs ? Ces médias sont, d’autre part, devenus indispensables aux enseignants-chercheurs et aux professionnels de l’information et de la communication qui peuvent exploiter leur potentiel pour s’informer et échanger avec leurs pairs.

Transfert de donnesLes socionautes 

Kamel Lefafta, consultant en marketing digital dresse le portrait-robot du socionaute français en 2018. En France, 60% des femmes et 59% des hommes utilisent les réseaux sociaux ; les 12-39 forment la masse critique des usagers avec un taux d’utilisation de 87% mais l’écart générationnel se réduit et les plus de 60 s’y retrouvent de plus en plus. 65% des personnes habitant l’agglomération parisienne les utilisent contre 57% résidant dans une commune rurale ; 70% de cadres et presque autant d’employés (68%) et d’ouvriers (67%), mais seulement 29% de sans diplômes. Les socionautes passent en moyenne 82 minutes par jour sur les réseaux et utilisent essentiellement trois plateformes : Facebook, YouTube et Twitter. Contrairement aux Américains, qui, comme le souligne le site BBCNews, restent ‘loyaux’ à Facebook malgré le scandale Cambridge Analytica, les usagers français sont de plus en plus méfiants vis-à-vis des réseaux sociaux. Comme le résume Kamel Lefafta : « A la fois accro et méfiant, le socionaute français vit une relation paradoxale avec ses réseaux sociaux préférés. Il s’y rend principalement pour échanger, garder le lien avec ses proches, s’informer et se divertir. »

Il est évident que les activités diffèrent en fonction du type de réseaux employé : Facebook, WhatsAppp et Instagram pour les échanges avec la famille et les amis ; YouTube pour se divertir ; LinKedin pour les relations professionnelles, Twitter pour suivre l’actualité et la recherche, Meetic ou Tinder pour les rencontres. Mais il arrive aussi que la frontière se brouille entre le privé et le professionnel. C’est ce que souligne Mathilde Saliou dans son article de Numérama.  « Vous voyez bien que vos collègues likent ». C’est la réflexion d’une chef de service lors d’une réunion, s’étonnant que certains membres de l’équipe n’ont pas partagé ou ‘liké’ un post de l’entreprise sur Facebook … Une autre personne ne sait quoi répondre à un supérieur qui lui demande d’être ami sur Facebook … Pour pouvoir accéder à une association « Je n’aime pas du tout mélanger le professionnel et le personnel, donc ça m’a gênée ». Certain.e.s, dont le travail tournent autour de la communication, sont obligé.e.s de se créer un deuxième profil, complètement professionnel. De plus en plus, les entreprises se dotent d’une charte informatique pour définir et organiser les rapports numériques au sein des entreprises. D’après une juriste spécialisée « « Légalement, aucun employeur n’a de contrôle sur les éléments personnels de l’employé, sauf à ce que ceci ne fasse partie intégrante du contrat. Mais dans ce cas, ils n’ont de pouvoir que dans la limite de la transparence et de la proportionnalité. »

Les usages professionnels des réseaux sociaux

images_resocComme on l’a vu, les réseaux sociaux sont utilisés par les marques commerciales pour entretenir l’intérêt et toucher de nouveaux usagers. Les « Community managers »(CM) sont censé.e.s animer les pages de l’entreprise et aussi répondre aux questions des socionautes. Ces communicant.e.s sont beaucoup plus efficaces pour résoudre un problème que les services clients des organisations. En exposant un contentieux sur une page lue par un large public, on risque de ternir l’image de la firme : on vous propose tout de suite de passer en message privé pour traiter le problème ! Certaines entreprises ont quasiment remplacé leur service clients par un CM sur Facebook !

Mais les médias sociaux peuvent être aussi des ressources précieuses pour les enseignants, les chercheurs et les professionnels de l’information. Comme l’explique Pierre Levy, professeur de communication à l’Université d’Ottawa « Dans mes cours, je demande à mes étudiants de participer à un groupe Facebook fermé, de s’enregistrer sur Twitter, d’ouvrir un blog s’ils n’en n’ont pas déjà un et d’utiliser une plateforme de curation collaborative de données comme Scoop.it, Diigo ou Pocket. » Les étudiants sont ainsi plongés dans le flux de ces outils de communication et comprennent mieux leur fonctionnement. Ils apprennent aussi l’importance de l’indexation avec les tags qui permettent de classer et de catégoriser les informations. Les plateformes de curation permettent d’organiser une veille collaborative, indispensable aux futurs chercheurs. La participation et le travail collaboratif sur les réseaux sociaux est d’ailleurs quasiment obligatoire dans les MOOCs.

Organiser et partager sa veille avec des collègues et des lecteurs est aussi un des objectifs des bibliothécaires sur les réseaux sociaux. Cela fait partie d’un programme plus vaste de médiation numérique qui aboutit à l’éditorialisation de contenus, à travers des blogs, par exemple. Comme l’explique les diapositives Les réseaux sociaux en bibliothèque : « La Bibliothèque dissémine ses contenus pour mieux les réintégrer dans ses propres dispositifs ». Mais comme les entreprises ou les collectivités locales, les bibliothèques doivent animer leurs communautés d’usagers sur les réseaux.

La structure des réseaux et la connectivité

Un réseau est « un ensemble d’individus reliés entre eux par des liens créés lors d’interactions sociales » Thomas Laigle, Le Réseau pensant. Cette définition semble induire que les individus ont librement décidé d’interagir socialement et que la communauté ainsi créée ne dépend que de leur seule volonté. Or, quand on analyse la participation des socionautes sur les réseaux, l’activité développée est plutôt réduite. La courbe de participation se traduit par la distribution 90/9/1 : 90% de simple lecteurs, 9% de contributeurs occasionnels et 1% de contributeurs actifs. On est loin de la l’utopie des pionniers d’internet qui voulaient édifier un réseau décentralisé où chacun collabore !

Thierry Crouzet rappelle cette espérance dans son post : « Lors de l’avènement d’Internet, nous avons été quelques utopistes à croire et à prédire que la complexité toujours croissante ainsi que les possibilités technologiques nous aideraient à créer des réseaux toujours plus décentralisés, avec ce rêve que les hiérarchies seraient toujours moins présentes, donc les étoiles toujours plus petites. »  Contrairement à Rezonance, réseau social citoyen limité à la Suisse romande, les réseaux sociaux sont tombés dans le trou noir du ‘winner-take-all’, « L’information circule alors à sens unique. Elle irrigue les hubs et elle assèche les nœuds périphériques. » On a choisi la facilité en allant tous au même endroit au même moment. Plutôt que de réguler l’internet en limitant les connexions, on a fait confiance aux mêmes distributeurs, les GAFAM … mentions-legales-réseaux-sociaux

Les plateformes et le capitalisme de surveillance

Sur l’internet recentralisé, les plateformes deviennent les intermédiaires obligées pour les transactions économiques (acheter, vendre). Elles ont gagné la bataille de la distribution et sont devenues plus performantes. La publicité sur Facebook est un des leviers incontournables pour les entreprises. Le modèle économique de Google et Facebook repose essentiellement sur la revente des données personnelles à des ‘data brokers’, comme le développe Benjamin Sontag dans l’émission de France Inter Comme un bruit qui court. Si Facebook se présente comme une plateforme communautaire (ce qu’il est), il ne faut pas oublier les 30 millions d’utilisateurs actifs en France métropolitaine ! « Un atout indéniable pour l’ensemble des secteurs industriels tous confondus qui pourront utiliser les nombreuses données récoltées et segmentées pour un ciblage Facebook efficient auprès des bonnes personnes. » comme le souligne Arnaud Verchère dans son article du Siècle digital.

La Quadrature du Net, qui mène en ce moment une action de groupe contre les GAFAM en application de la nouvelle loi européenne (RGPD) explique comment Facebook arrive à récolter des informations grâce à ses techniques de traçage, même pour des personnes qui n’ont pas de compte Facebook. En plus des contenus publics, message privés, liste d’amis, de pages, de groupes, likes, commentaires et réactions diverses, les informations sur l’appareil qu’on utilise et de la localisation GPS, le réseau social utilise des cookies, des pixels invisibles (images transparentes qui transmettent des informations de connexions) le login de Facebook que certains sites ou applications utilisent comme outil d’authentification des utilisateurs … Les personnes ciblées sont rarement informées et leur consentement n’est pas sollicité … On peut néanmoins les détecter en installant des traceurs sur le navigateur comme UBlock ou Privacy Badger. GDR

« De l’analyse de toutes ces données résulte un nouveau jeu d’informations, qui sont les plus importantes pour Facebook et au sujet desquelles l’entreprise ne nous laisse aucun contrôle : l’ensemble des caractéristiques sociales, économiques et comportementales que le réseau associe à chaque utilisateur afin de mieux le cibler. » A partir d’un test de personnalité et des seuls ‘j’aime’ d’un échantillon de 58 000 utilisateurs, l’université de Cambridge a réalisé une étude en 2013 qui lui a permis d’estimer « leur couleur de peau (avec 95 % de certitude), leurs orientations politique (85 %) et sexuelle (80 %), leur confession religieuse (82 %), s’ils fumaient (73 %), buvaient (70 %) ou consommaient de la drogue (65 %). » « Au bout de 100 clics, on peut connaître quelqu’un mieux que sa famille » (Benjamin Sontag). Et ce n’est même pas la puissance publique, l’Etat, ce ‘big brother’ qui nous espionne à tous les instants, ce sont des sociétés privées multinationales, ce que la Quadrature net appelle le ‘capitalisme de surveillance’. reseauxsociaux

Les manipulations cognitives des notifications : l’écologie de l’attention

Depuis quelques mois on a vu des cadres des GAFAM venir dénoncer les pratiques des géants du numérique. « Depuis Chamath Palihapitiya et Sean Parker (respectivement cadre et ancien président de Facebook) à Loren Brichter (ancien codeur de Twitter), en passant par Tristan Harris (ex salarié de Google auteur du virulent manifeste « Comment la technologie pirate l’esprit des gens »), tous ces repentis du digital pointent du doigt les manipulations cognitives que leur ex employeurs n’ont cessé d’utiliser et de perfectionner depuis des années, dans le but de captiver l’attention de leurs utilisateurs et de s’accaparer leur « temps de cerveau disponible ». Hervé Monier analyse dans son post, comment la captologie, cette nouvelle discipline théorisée par le psychologue américain Brian J. Foggs maintient « les niveaux d’attention et d’engagement des internautes au plus haut degré d’excitation possible » grâce à une combinaison « des enseignements de la psychologie et des neurosciences avec les dernières avancées de l’informatique ». Les plateformes utilisent cinq biais cognitifs pour capter notre attention. A commencer par les notifications, ces signaux auditifs ou visuels qui apparaissent sur nos écrans pour nous signaler la nécessité d’une mise a jour ou d’une mention sur nos réseaux sociaux favoris, puis les gratifications représentées par les ‘likes’ et les retweets qui déclenchent le ‘circuit de la récompense’ avec l’activation de la dopamine, le fameux  neurotransmetteur, sans oublier les interactions sociales dont notre cerveau est si friand !

Mais si les socionautes sont hantés par les ‘informations à ne pas manquer’ (FOMO : Fear of Missing Out), ils ne sont pas pour autant ‘accros’ aux écrans et aux applis … « Pour les addictologues Joël Billieux (professeur à l’université du Luxembourg) ou bien Michel Lejoyeux (chef du service de psychiatrie et d’addictologie à l’hôpital Bichat), l’addiction aux écrans et aux réseaux sociaux par exemple est en elle-même plutôt marginale. » Certains symptômes (manque ou habituation) ne s’appliquent pas vraiment, internet représente davantage un moyen supplémentaire de satisfaire une addiction existante (pornographie, jeu d’argent ou jeu vidéo). De même, aucune étude scientifique n’a vraiment constaté des dégâts cognitifs permanents chez les plus jeunes, liés à un usage excessif des réseaux ou des plateformes … De même, comme le souligne Antonio Casilli dans une émission de France Culture, la sociabilité ‘intermédiée’ qui fonde les réseaux sociaux n’est pas apparue avec les technologies de l’information, mais a toujours existé : on retrouve cette dimension symbolique autant dans les œuvres de fiction (romans, théâtre, poésie) que dans la presse écrite ou les récits oraux (rapsodes).

Plutôt que de prôner la déconnexion et l’abstinence dans l’usage des réseaux sociaux et services en ligne qui constituent malgré tout de formidables outils de socialisation et d’apprentissage, ces experts mettent en garde contre la perte de contrôle face à la technologie. Là encore, on retrouve le problème de la gouvernance de l’internet et de la régulation des plateformes.

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Données personnelles : gare aux GAFAM/Giv Anquetil, Antoine Chao, Charlotte Perry. – Comme un bruit qui court – France Inter, 12/05/18

Verchère, Arnaud. – Le ciblage Facebook, c’est bien plus que des centres d’intérêt. – Le Siècle digital, 11/05/18

Frenkel, Sheera. – Scholars Have Data on Millions of Facebook Users. Who’s Guarding It. – The New York Times, 06/05/18

Calimaq. – L’anti-protection sociale de Facebook et le « providentialisme de plateforme ». – S.I.Lex, 06/05/18

Monier, Hervé. – Réseaux sociaux et plateformes : après des années de manipulations cognitive, vers une écologie de l’attention. – Le blog des marques et du branding, 06/05/18

Facebook privacy: Survey suggest continuing US loyalty. – BBC New, 06/05/18

Casilli, Antonio ; Tisseron, Serge. - Splendeurs et misères des réseaux sociaux. – Matières à penser – France Culture, 27/04/18

Audureau, William. – Comment les réseaux sociaux accentuent l’enfermement dans ses idées. – Le Monde, 24/04/18

Ertzscheid, Olivier. – Pourquoi je ne quitte pas (encore) Facebook ?Libération, 24/04/18

Brunfaut, Simon. – Antoinette Rouvroy : « A mon sens,Zuckerberg est dépassé. – L’écho, 23/04/18

Pourquoi attaquer Facebook ?La Quadrature du Net, 19/04/18

Le premier réseau social a 20 ans. – Thierry Crouzet, 19/03/18

Saliou, Mathilde. – « Vous voyez bien que vos collègues likent » : les profils perso au service du boulot, une fatalité ?Numérama, 19/03/18

Alberti, Xavier. – Twitter, Facebook et les « braves gens ». – Xavier Alberti, 26/02/18

Levy, Pierre. - Comment j’utilise les médias sociaux dans mes cours à l’université. – Red.Hypothèse.org, 22/02/18

Réseaux sociaux : portrait robot du socionaute en 2018. – LK Conseil, 113/02/18

Gaudion, Anne-Gaëlle. – Réseaux sociaux en bibliothèque : support de la formation donnée les 7 et 8 septembre 2017. Bibliothèque départementale de la Mayenne. – Slideshare.net, 11/09/17

Audouart, Marie-Françoise ; Rimaut, Mathilde ; Wiart, Louis. - Des tweets et des likes en bibliothèques. – Paris ; Editions de la Bibliothèque publique d’information, 2017. – Coll. Etudes et recherche. – OpenEdition Books, 11/12/17

Panfill, Robin – Les smartphones ont-ils détruit la génération « iGen » ? – Slate.fr, 04/08/17

 

 

Présidentielle 2017 : quel bilan pour les civic-tech ?

1249b0949cb30954e2effc2017a51af1_originalCette élection présidentielle se présentait comme l’occasion d’expérimenter des technologies qui permettraient d’avoir une approche plus participative et plus pertinente que les campagnes précédentes. Les sondages traditionnels, qui ont montré leurs limites lors des derniers scrutins au Royaume Uni et aux Etats-Unis, seraient remplacés par l’analyses des mégadonnées et l’intelligence artificielle permettant de prédire les résultats au plus près du vécu de l’électeur. Et surtout, par l’utilisation massive de diverses plateformes de participation citoyenne et des réseaux sociaux.

Que ce soit avec  la plateforme citoyenne de la Primaire.org (qui permet aux citoyens de choisir leurs candidat(e)s et de co-construire les projets politiques), les comparateurs en ligne de programmes électoraux, les chatbots pour discuter sur les messageries instantanées ou les applications de réalité virtuelle, la campagne électorale a expérimenté un certain nombre de ces nouveaux outils ou services, les civic-tech.

Définition(s)

La newsletter Civictechno propose plusieurs définitions de ces dispositifs « à la croisée de l’innovation, d’un gouvernement ouvert et de l’engagement du citoyen » (Rapport de la Knight Foundation, 2013). On y retrouve le désir « de rapprocher les citoyens des collectivités et des Etats », de « rendre les gouvernements plus accessibles et plus efficaces » et de permettre « à des individus ou à des groupes d’influer sur la scène publique ».

Comme le rappelle Dominique Cardon dans son intervention  « Démocratie et internet » (Nouvelles citoyennetés), « Peu d’innovations technologiques ont autant été investies de promesses politiques que ne l’a été internet. ». La contre-culture qui a entouré les pionniers de l’internet a influencé cette articulation entre technologie et politique. L’infrastructure réticulaire et la décentralisation (le réseau distribué, idiot au centre, intelligent à la périphérie) remettent en cause la démocratie représentative. L’utopie libertaire des pionniers inspire les premières communautés virtuelles : l’’empowerment’ et les communautés électives devraient permettre de « changer la société sans prendre le pouvoir ».

Néanmoins, la démocratie représentative s’est aussi emparée de ces outils, notamment lors des campagnes électorales, comme par exemple lors de la campagne d’Obama en 2008 avec des réseaux de mobilisation de bénévoles et des financements de la campagne par micro-dons (badges de fierté).

La participation citoyenne civic-tech

Ségolène Royale avait initié cette idée en 2007 avec son site « Désirs d’avenir », devenue depuis desirs-davenir.eu, laboratoire d’idées, citoyen et participatif, qui fonctionne avec la page Facebook de la Ministre de l’environnement. L’objectif était de recueillir des idées, des expertises et des témoignages venant de la base pour élaborer un programme sans passer par le parti. Le résultat fut mitigé malgré la considérable production militante, comme le souligne Patrice Flichy  Internet et le débat démocratique, (2008).

On retroette participation militante dans l’élaboration de la Loi numérique, où 21 330 citoyens ont co-écrit le projet de loi, comme l’indique le document du Ministère de l’économie présenté par Axelle Lemaire.

Outre l’expérience de la Primaire.org qui a réussi à désigner une candidate à la présidentielle (Charlotte Marchandise n’a finalement obtenu que 135 parrainages sur les 500 nécessaires pour se présenter à l’élection), de nombreuses initiatives se sont multipliées pour inventer de nouvelles formes d’engagement citoyen.  D’autres mouvements ont mis en œuvre des plateformes participatives à commencer par des candidats (Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon). On les retrouve dans l’article du Monde : « Les civic-tech ou le B-A BA de la démocratie ».

MaVoix, vise les législatives et a pour objectif de « hacker l’Assemblée Nationale en faisant élire des citoyens volontaires, formés et tirés au sort qui voteront pendant 5 ans sur toutes les lois comme leurs électeurs le décideront. ». Quant à la ‘boite à outils’ citoyenne voxe.org, elle ne se contente pas de comparer simplement les programmes des candidats ; cette application permet aussi de s’informer sur la campagne, d’interpeler les candidats et aussi de se rencontrer IRL (dans la vraie vie) pour débattre d’un sujet, par exemple sur la valeur travail dans un café de Strasbourg. La Fabrique de la Loi (Medialab + CEE Sciences Po) permet d’explorer l’évolution des textes de loi au fil de la procédure.

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Les plateformes des candidats

Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon la France Insoumise est celui qui se présente comme le plus équipé au niveau numérique. Il dispose de deux outils pour interagir avec ses militants : la plateforme La France insoumise (plus de 500 000 participants) et la messagerie instantanée très sécurisée Discord Les Insoumis qui permet des conférences en ligne dans différents ‘salons’ pour discuter du programme. Enfin le portail Insoumis.online rassemble tous les outils et les réseaux sociaux où interviennent JLM et les insoumis : les sites internet proches de la FI ; les chaînes YouTube de JLM et d’autres militants et médias ; les comptes twitter des diverses militants et communautés FI ; les comptes Facebook, complétés par des jeux vidéo engagés et d’autres ressources (bande dessinée, banque d’images, outils de simulation et … concours de photos de chats et de chiens sur twitter !). Et évidemment l’’hologramme’ (en fait une projection vidéo) de Mélenchon qui lui a permis de tenir jusqu’à 6 meetings simultanément … !

Le candidat Benoît Hamon propose aussi des outils de participation : le Conseil citoyen où on peut participer au programme sur 10 thèmes (éducation, travail, santé, environnement, discriminations) et la plateforme Expression « ouverte à toutes les initiatives de la société civile, elle est alimentée par des textes, des vidéos, des photos, des films d’animation et des infographies pour éclairer les expérimentations et projets qui construisent aujourd’hui le monde de demain. ».

La plateforme Marine2017 est beaucoup plus classique : à part un compte à rebours pour le jour de l’élection, elle ne propose que des soutiens pour la candidate, sur la plateforme et sur les réseaux sociaux twitter et Facebook, accompagné par un lien vers le site : actualités, programme, blog de Marine Le Pen, vidéos, photos, boutique et formulaire de procuration en ligne ! Mais la plupart des militants proches du FN se retrouvent sur des fils de forums comme la ‘Taverne des patriotes’ ou  4chan liés à l’’altright’ américain sans oublier, bien sûr les médias russes.

Sur le site d’En Marche !, seul un fil d’actualités avec un moteur de recherche présente une revue de presse sur la campagne et les dernières déclaration d’Emmanuel Macron. En fait l’équipe informatique du candidat, dirigée par Mounir Mahjoubi, ex-directeur du Conseil national du numérique, est surtout occupée de contenir les piratages de ses serveurs et de faire la chasse aux ’fake news’ comme on l’a vu à la fin de la campagne avec l’affaire du compte aux Bahamas et les MacronLeaks où une somme de documents du mouvement En Marche ! a été publiée sur le forum  4Chan puis relayée sur les réseaux sociaux …

digital surveillanceL’effet bulle

Mais il existe aussi un côté obscur de ces instruments … Le dessinateur Joann Sfar en a fait récemment la cruelle expérience. S’apprêtant à voter Mélenchon, l’auteur du « Chat du rabbin » a été choqué par les prises de position du leader de la France Insoumise en matière de relations internationales (adhésion à l’Alliance bolivarienne, approbation du soutien de la Russie à Bachar El Assad en Syrie). Il a donc posté quelques dessins critiques sur les réseaux sociaux … Mal lui en a pris, les militants FI ont commencé à le harceler sur les réseaux sociaux « J’ai vu débarquer sur Facebook, Instagram et Twitter des centaines de pseudos dont je n’avais jamais entendu parler et qui venaient me « désintoxiquer ». J. Sfar explique ensuite la méthode des Insoumis : la création de centaines  de faux comptes twitter et de l’utilisation de la plateforme Discord pour planifier les attaques de ‘désintoxication’.

Ces réactions résultent aussi des ‘bulles de filtres’ (filter bubble) qui fonctionnent sur les réseaux sociaux. Ces algorithmes vous montrent surtout les pages des personnes avec qui on a le plus d’interaction. On reste dans sa bulle et on ne connaît pas les positions des autres groupes (ex : conservateurs contre libéraux). D’où les réactions en chaîne quand un autre sonde cloche résonne dans la bulle … C’est cet aspect psychologique qui a été exploité par la firme Cambrige Analytica, une société de communication stratégique utilisant l’analyse de données et le ‘sentiment analysis’ qui a influencé aussi bien le referendum britannique que l’élection de Trump aux États-Unis comme l’explique Carole Cadwalladr dans son article du Observer.

L’analyse Big data pour remplacer les sondages ?

Les sondages ont été incapables de prédire deux scrutins très importants en 2016. Jusqu’au dernier moment, les instituts de sondage soutenaient la victoire du « Remain » au référendum britannique sur le maintien dans l’Union européenne de même que Hillary Clinton était donnée victorieuse à l’élection présidentielle américaine.

Pour remédier à cette carence des outils traditionnels, un groupe d’étudiants du master spécialisé Big data de Télécom Paris Tech ont lancé le projet « Predict the President » qui avait pour objectif de « prédire le résultat du premier tour en mixant de nombreuses données (sondages, occurrences sur twitter et Google, cartes électorales, etc.) ». Le 18 avril, Le Point publiait leur prédiction (valable au 15 avril) : un duel Fillon-Le Pen ! Dix jours plus tard, les étudiants reviennent dans le Point sur leur prédiction. Même s’ils ont pu produire une deuxième estimation plus pertinente le 21 avril, ils tiennent à tirer les leçons de cette première estimation. Leur principale erreur a été de constituer des ‘blocs’ politiques. En intégrant « des données sociodémographiques sur plusieurs années … afin d’estimer les réservoirs de voix des grandes familles politiques ». Ils ont ensuite « ajusté les scores des données issues d’internet et les intentions de vote des instituts de sondage. […] Les données du web incluaient les recherches sur Google et le sentiment exprimé dans les tweets. ». Les étudiants reconnaissent que « l’estimation des grands blocs politiques souffrent du fait que les couleurs politiques des candidats sont difficiles à classer ». Emmanuel Macron classé au centre gauche (sans prendre en compte les voix captées au PS et à LR ?) et le score de Marine Le Pen reposant presque uniquement sur l’historique de cette « dynastie » de candidats …

Le projet a aussi souffert d’un biais avec la ‘sentiment analysis’ sur Twitter. Les tweets anti-Fillon étaient très nombreux et ont, en réaction généré beaucoup de tweets positifs, ce qui a surévalué les points positifs pour le candidat … La prise en compte du contexte semble très importante dans l’analyse très délicate de l’opinion sur les réseaux sociaux. Comme le souligne Eric Scherer (France Télévision), interrogé dans Télérama ces nouvelles méthodes d’estimation d’opinion n’ont pas vocation à remplacer les sondages, mais à agir en complément. « Le big data n’a pas su répondre à ces questions lors de l’élection, mais il ne faut pas l’enterrer pour autant car il est l’avenir des sondages. »… blogimage_KnightFoundCivicTech

Désintermédiation versus médias traditionnels

En dehors de cette initiative, cette campagne électorale a connu peu d’innovations technologiques. C’est ce que confirme Xavier de La Porte (France Culture), dans le même article de Télérama,  «Les deux grandes tendances de cette campagne sur Internet étaient déjà apparentes, il s’agit de l’intensification du fact-checking (vérification méthodiques des faits et des affirmations) et l’usage massif des réseaux sociaux quasiment en direct. ». Cela confirme la tendance à la désintermédiation, les mouvements politiques produisant eux-mêmes leurs propres produits d’information comme les chaînes YouTube de la France Insoumise au détriment des médias de même que les débats télévisés se doublent de discussions en direct sur les réseaux sociaux.

Si les civic-techs n’ont pas tenus les promesses que l’on espérait, « le numérique chamboule tous les espaces confrontés de près ou de loin à la question démocratique : les villes bien sûr, mais aussi les entreprises et organisations sous toutes leurs formes » comme le souligne Dominique Cardon. De plus, cette élection présidentielle comportait un facteur souvent oublié des analyses électorale, les émotions. Comme le souligne Martial Foucault du Cevipof, dans un article du Monde « La raison ne peut suffire. L’électeur, en tant que citoyen sentimental, est traversé par un ensemble d’émotions, allant des expériences, des souvenirs positifs ou négatifs aux réactions plus immédiates face à un événement. ». Malgré des avancées indéniables, le numérique n’est pas encore en mesure de prendre pleinement en compte ce facteur. 20inscritsCivicTheque-300x251

Flichy, Patrice. - Internet et le débat démocratique. – Réseaux vol.150:n°4, 2008/04 – via Cairn-info

Flichy, Patrice ; Bougnoux, Daniel ; Cardon, Dominique. - Internet, nouvel espace démocratique ? – Table-ronde animée par Caroline Broué. – La vie des Idées – Réinventer la démocratie – Granoble, 09/05/09

Cardon, Dominique ; Williamson, Audrey. – Internet, nouvel espace démocratique ? Entretien. – La vie des idées, 07/07/09

Cardon, Dominique. – La démocratie Internet : promesses et limites. – La République des idées, 2010

The Emergence of Civic Tech: Investments in a growing field. – Knight Foundation, December 2013

Projet de loi pour une République numérique : 21330 citoyens ont co-écrit le projet de loi/Axelle
Lemaire (ed.). – Ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique ; Secrétariat d’Etat au numérique, 2016. (pdf).

Gombert, François. – C’est quoi la Civic Tech ? – Civictechno, 16/01/16

La Fabrique de la loi : les parlementaires font-ils la loi ?

La Primaire.org

Mavoix : nous sommes celles et ceux que nous attendions

Voxe.org : vous allez adorer les élections

Volontat, Adrien de. – La civic-tech invente la démocratie 2.0.- La Croix, 26/06/16

Cardon, Dominique ; Taboy, Thierry. – Démocratie et Internet. – Forum Nouvelles démocraties – Digital Society Orange, 15/11/16

Joann Sfar :  « Les méthodes des partisans de Mélenchon sont dégueulasses ». – Le Monde, 20/04/17

Schott, François. – Les « civic tech » ou le b-a ba de la démocratie 2.0.Le Monde, 26/04/17

Jeanticou, Romain. – Présidentielle et médias : La grande baudruche de l’innovation. – Télérama, 28/04/17

« Predict the President » : retour sur une prédiction. – Le Point, 29/04/17

Tual, Morgane ; Untersinger, Martin. - Macron et l’évasion fiscale : itinéraire d’une rumeur de 4Chan aux plateaux télé. – Le Monde, 04/05/17

Foucault, Martial ; Marcus, George E. ; Valentino, Nicholas ; Vasilopoulos, Pavlos. – Election présidentielle : « Nos émotions façonnent nos réaction à l’environnement ». – Le Monde, 06/05/17

Delmas, Aurélie. – « Macronleaks » : tentative de déstabilisation de dernière minute. – Libération, 06/05/17

Cadwalladr, Carol. – The great British Brexit robbery: how our democracy was hijacked. – The Guardian, 07/05/17

Fake news, désinformation, post-vérité : quel rôle pour les professionnels de l’information ?

truth-lies-wallpaper__yvt2-550x412La victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle aux Etats-Unis a fait émerger une nouvelle notion dans l’univers des actualités et de l’information : l’idée de ‘vérité alternative’. Dès son installation à la Maison Blanche, une polémique s’est développée autour du nombre de participants à la cérémonie d’investiture du Président : comme le rappelle l’article du Guardian, Kellyanne Conway conseillère à la Maison Blanche a défendu la version du porte-parole du Président Sean Spicer , « la plus importante cérémonie d’investiture en terme d’audience » en déclarant que celle-ci se basait sur des ‘faits alternatifs’ (alternative facts). Depuis, la ‘post-vérité’ triomphe aux Etats-Unis dans une atmosphère quasi-orwellienne où la « majorité des journalistes sont malhonnêtes » …

La fabrique des fake news et la contre-offensive des médias

L’utilisation des réseaux sociaux et de certains médias pour répandre ces faits alternatifs (« Le Pape François soutient D. Trump ») a été particulièrement importante lors de cette campagne électorale comme lors de la campagne pour le ‘Brexit’. On leur a surtout reproché l’usage de robots logiciels et d’intelligence artificielle (‘bots’) pour manipuler les électeurs. Mais comme le souligne le sociologue Antonio Casilli dans sa conférence sur Infobésité et fake News et algorithmes politiques (Numa, Paris) : aujourd’hui, les entreprises de désinformation sur le net sont loin d’utiliser uniquement des algorithmes et autres ‘chatbots’ pour influencer les internautes. Si Facebook a effectivement utilisé un effet de ‘bulle de filtre’ en faisant circuler un même type d’information à l’intérieur d’un cercle d’amis, (si quelqu’un est de droite, il ne va voir que des informations venant de la droite), la plupart des ‘Likes’ et retweets ont été effectués par des humains dans des ‘usines à click’ de pays émergents (Philippines, Mexique,etc.). Ce ‘digital labor’, comme le Mechanical Turk d’Amazone, est payé quelques centimes le click, un peu plus pour les femmes au foyer de l’Amérique profonde … !

A la veille de l’élection présidentielle en France, un certain nombre de médias et géants du Net se posent la question de vérification des informations. Plusieurs initiatives ont vu le jour depuis quelques semaines pour décrypter ces attaques, notamment le Décodex, outil mis au point par le Monde, mais aussi une alliance de plusieurs médias français avec Facebook et Google. Vreuz0Z4aYsXhAor0wG05Tl72eJkfbmt4t8yenImKBVvK0kTmF0xjctABnaLJIm9

Que valent ces outils et peut-on véritablement dénicher les fausses informations qui se multiplient sur la Toile ? Déjà un certain nombre de critiques sont portées à l’égard du Décodex. En cherchant à labelliser la crédibilité des médias en fonction de points de vue subjectifs (Valeurs actuelles a pignon sur rue, tandis que Fakir est une feuille militante), cet outil effectue un biais comme le souligne Vincent Glad dans son article dans Libération : « le Monde se donne le rôle de censeur et de vérificateur du web, de CSA de l’information en ligne ». C’est aussi le point de vue de SavoirCom1, cité par Blog Univesrdoc, blog de veille des chefs de projets à l’INTD-CNAM  « Le collectif SavoirComun1 (1) – un groupement de bibliothécaires engagé pour les libertés à l’ère numérique et la libre dissémination des savoirs – ne dénigre pas l’utilité de Décodex dans le contexte actuel, mais partage son inquiétude sur ce type d’application d’évaluation, qui gérée par des plate-formes privées, voire par l’Etat pourrait amener à des formes de censure. ». Le Monde par la voix de Samuel Laurent (Les Décodeurs) s’est engagé pour sa part à faire évoluer son outil, notamment en distinguant les informations factuelles des commentaires. Mais si certaines mesures ont été prises concernant les sites d’opinion (Les crises, Valeurs actuelles), apparemment cela n’a pas empêché la requalification d’un site comme Doctissimo auparavant classé en orange (site imprécis, ne citant pas ses sources), et passé en vert le 21 février … Serait-ce parce que le groupe Le Monde et Doctissimo lançaient ce jour-là le magazine Sens et Santé (voir Les Echos) comme le souligne Olivier Berruyer dans Les Crises ?

La désinformation dans l’histoire

L’IFLA, de son côté, nous rappelle que ce travail de vérification et de filtrage de l’information est le propre de professionnels de l’information avec son infographie, en collaboration avec Wikipedia, « How to spot fake news »  posté sur Facebook et twitter et explique sur son blog comment les bibliothèques peuvent aider leurs utilisateurs à trouver des faits qui ne sont pas alternatifs … L’exemple de Wikipedia avec ses millions d’utilisateurs qui vérifient les articles peut être une garantie de bonnes pratiques informationnelles tout comme les ‘peer reviews’ des revues scientifiques. Le rôle historique des bibliothécaires dans l’’information literacy’ (formation à l’information) est aussi rappelé dans l’article de Donald Barclay de Conversation « The Challenge facing libraries in the era of fake news ». La désinformation n’a pas commencé avec les réseaux sociaux. Barclay cite le cas de la campagne menée par l’industrie du tabac dans les années 1960 qui s’appuyant aussi bien sur la presse populaire que sur des pseudo-revues scientifiques, sans parler du soutien de Barry Goldwater qui assimilait la dénonciation des effets du tabac sur la santé à un complot communiste !

media_image3Antonio Casilli a aussi rappelé que la manipulation de l’information ne date pas d’hier : la propagande, largement utilisée au 20e siècle, a été créée par l’Eglise catholique au 15e siècle (De propaganda fidei : sur la propagation de la foi) ! Le reste des fausses nouvelles passaient par la littérature de colportage et les complots, souvent en lien avec des puissances surnaturelles, se retrouvaient dans les écrits apocryphes et les mystères ….

Depuis les années 1970, la complexification des sources et des supports de l’information (bases de données, microfilms, informatisation), a rendu crucial le rôle des bibliothécaires universitaires pour former l’esprit critique des étudiants. Cette formation ne se limite plus à localiser des ouvrages ou des documents sur des étagères, mais à » identifier, organiser et citer des informations ». Aujourd’hui avec le foisonnement de l’internet, il ne suffit plus aux étudiants de savoir distinguer une revue scientifique comme Nature d’un magazine grand public, ils doivent différencier les articles de périodiques véritablement scientifiques de ceux de revues ‘prédatrices’ ou pseudo-scientifiques … Sans parler des données et des résultats faussés par les chercheurs eux-mêmes !

Un défi pour les professionnels de l’information

Devant l’incertitude qui entoure la fiabilité des données et dans un environnement universitaire de plus en plus changeant, où les étudiants sont plus souvent créateurs de nouveaux savoirs que consommateurs d’information, l’ACRL (Association américaine de bibliothèques de recherche) a lancé son « Framework for Information Literacy in Higher Education », cette charte pour la formation à l’information dans l’enseignement supérieur reconnaît que l’évaluation de l’information n’est pas une chasse au trésor ou les ressources identifiées seraient ‘bonnes’ ou ‘mauvaises’. L’autorité est construite et contextuelle et fait appel aux enseignants et aux bibliothécaires pour une approche de l’autorité et de la crédibilité à partir du contexte de l’information et non pas dans l’absolu. Pour D. Barclay cette position est beaucoup plus stimulante pour les étudiants que d’accepter l’autorité d’une source sans discussion ou de réfuter toute autorité comme anachronique au nom de la post-vérité !

C’est une approche semblable qu’a pris le Collectif SavoirCom1 en considérant la question de l’information sous l’angle des ‘Communs de la connaissance’ : en prenant l’exemple de Wikipédia, il montre qu’»un espace de publication constitué comme un commun résiste mieux aux fausses informations ». Le collectif veut favoriser l’émergence d’une communauté de ‘vigilance informationnelle autour du Décodex » : elle permettrait que les outils de vérification soient eux-même vérifiables, que les règles de contribution et de régulation soient clairement énoncées, que les sites évalués puissent faire appel de leur évaluant en démontrant leur mode d’élaboration et de transmission de l’information et enfin que les acteurs de l’information (organes de presse ou prestataires de services informationnels) s’impliquent dans la formation aux médias et à l’information des citoyens. On retrouve ici l’importance de la co-construction de l’information et du contexte prôné par l’ACRL dans son Framework.

 

Framework for Information Literacy for Higher Education/Association  of College & Research Libraries. - Ala.org, 11/01/16

Swaine, Jon. – Donald Trump’s team defends ‘alternative facts’ after widespread protests. – The Guardian, 22/01/17

L’annuaire des sources du Décodex : mode d’emploi/Les Décodeurs.Le Monde, 23/01/17

Dorf, Michael C. ; Tarrow, Sidney. – Stings and scams: ‘Fake news’, the First Amendment and the New Activist Journalism. – Cornell Legal Studies Research Paper n°17602, 26/01/17

Alternative Facts and Fake News : Verifiability in the Information Society. - Library Policy and Advocacy Blog [IFLA Blog], 27/01/17

How to spot fake news ? IFLA in the post-truth society. – Ifla.org, 01/02/17

Delcambre, Alexis ; Leloup, Damien. - La traque ardue des « fake news ». – Le Monde, 02/02/17

Yeh, Alexandra.- Les citoyens n’ont jamais été aussi méfiants envers les médias.Méta-média, 03/02/17

Glad, Vincent. – Qui décodera les décodeurs ? De la difficulté de labelliser l’information de qualité. – Libération, 03/02/17

Barclay, Donald A. – The Challenge facing libraries in an era of fake news. – The Conversation, 05/02/17

Bounegru, Liliana. - Three ways in which digital researchers can shed light on the information politics of the post-truth era. – Impact of Social Sciences, 06/02/17

Ertzscheid, Olivier. – La vie en biais. – Affordance.info, 07/02/17

Controverses autour du Décodex, un outil contre la désinformation ?Docs pour Docs, 07/02/17

Seabright, Paul. – Les « fake news », « quelques gouttes d’eau dans une cascade de propagande ». – Le Monde, 08/02/17

Decodex : on s’engage dans une guerre contre les ‘fake news’. S. Laurent (Le Monde), F. Ruffin (Fakir), L. Merzeau (SavoirCom1) débattent. – Arrêt sur image, 10/02/17

Lacour, Sophie. - Image, ma belle image, montres-tu la vérité ? – Usbek & Rica, 10/02/17

Manach, Jean-Marc. - Il est trop tard pour s’alarmer d’une cyber-guerre électorale. - Slate, 14/02/17

« Fake news » : les profs américains ajoutent l’éducation à l’information dans leurs cours. – VousNousIls, 15/02/17

Décodex, la controverse. – Blog UniversDoc, 20/02/17

[Tellement prévisible] Décodex victime d’un conflit d’intérêts patents …Les-crises.fr, 21/02/17

 

 

 

Numérique : quelques prévisions pour 2016

mail-delivery-what-1900-french-artists-thought-the-year-200-would-be-likeRien de particulièrement révolutionnaire dans les différentes prédictions pour 2016. Les principales tendances amorcées ces dernières années se confirment : prépondérance des appareils mobiles, cloud et mégadonnées, automatisation et intelligence artificielle, notamment avec l’internet des objets et les villes connectées. On retrouve l’essentiel des prédictions tech/médias du rapport Deloitte pour 2015, cité par Barbara Chazelles dans Méta-média : abandon de la télévision par les jeunes au profit des vidéos sur mobiles et généralisation des paiements mobiles ; renouvellement des smartphones (phablettes) ; internet des objets, imprimantes 3D et drones (surtout pour les entreprises). En revanche, les e-books ne décollent toujours pas, le livre papier conservant la préférence des lecteurs !

objets-connectesLa sécurité des protocoles et des applications va devenir le grand défi dans le contexte des mégadonnées et de l’internet des objets comme le souligne Mike Martin, responsable de la société d’engineering internet Nfrastructure, dans l’interview accordée à ITBriefcase.

Au niveau de l’enseignement et de la formation, les Moocs et la formation en ligne et à distance investissent la formation professionnelle. L’intelligence artificielle pénètre aussi le champ de l’éducation avec la présence d’algorithmes qui vont intégrer l’école et l’Université pour évaluer la progression des apprenants tout en recueillant une quantité importante de données personnelles, comme l’évoque Audrey Watters dans The algorithmic future of education

1200px-france_in_xxi_century._school1Enfin, les représentations visuelles évoluent aussi, c’est ce que démontre la banque d’image Getty Image avec les tendances 2016 Creative in Focus, expliqué par Alice Pairo dans Méta-Média : 6 types d’images se profilent pour 2016 : l’outsider, le divin, l’homme augmenté, le disgracieux, la solitude et le surréalisme ….!

Bonnes fêtes et meilleurs voeux pour 2016 !

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Chazelle, Barbara. – 10 prédictions tech/médias pour 2015 (Deloitte). – Méta-média, 04/02/15

Watters, Audrey. – The Algorithmic Future of Education. – Hackeducation, 22/10/15

IT Briefcase Exclusive Interview : Top IOT Trends and Predictions for Organizations in 2016. – IT Briefcase, 02/12/15

Pairo, Alice. – Social media : 10 tendances pour 2016. – Méta-média, 06/12/15

Les villes intelligentes connecteront 1,6 milliards d’objets communicants en 2016. – L’embarqué, 08/12/15

Économie du numérique : Axway dévoile 10 prévision pour 2016. – Axway, 08/12/15

Noirfontaine, Elisabeth. – L’internet des objets, allié des ressources humaines ou outil de déshumanisation du travail ?Usine digitale, 22/12/15

Larcher, Stéphane. – Google travaille sur une messagerie instantanée dopée à l’IA et aux chatbots. – L’informaticien, 23/12/15

Cavazza, Frédéric. – Mes 10 prédictions pour 2016. – FredCavazza, 23/12/15

Pairo, Alice. – 6 tendances visuelles pour 2016. – Méta-média, 23/12/15

Ezratty, Olivier. – Méta-prédictions pour 2016. – Opinions libres, 27/12/15

Le « Meilleur des mondes » des GAFA : l’intelligence artificielle et les biotechnologies aux commandes des « Big companies » du Net

1cf44d7975e6c86cffa70cae95b5fbb2-2Les GAFA (Google Apple Facebook Amazon) – que l’on devrait désormais appeler AAFA, Google, le moteur de recherche historique n’étant plus qu’un département de l’entité Alphabet qui couvre plusieurs champs de recherche – misent de plus en plus sur l’intelligence artificielle et les sciences et technologies de la santé dans leur course à l’hégémonie sur la toile …

Si XLab, labo de recherche  de Google a déjà lancé la Google Car (voiture autonome) et les Google Glasses (lunettes de réalité augmentée), d’après 01Net « M », l’assistant personnel de Facebook nous promet de trouver le cadeau idéal pour nos ‘amis’ en utilisant les millions de données personnelles que le réseau social recueille (à leur insu souvent …) sur le web. Avec un milliard d’utilisateurs, c’est un jeu d’enfant !

Mais, qu’il s’agisse de mégadonnées (big data) ou d’intelligence artificielle, on reste encore dans l’informatique, or les Géants du net ont voulu se diversifier dans un domaine qui va prendre de plus en plus d’importance au 21e siècle : la santé et les biotechnologies. C’est Bill Gates, l’ancien patron de Microsoft qui s’est lancé le premier avec sa fondation contre le paludisme.

Comme l’explique Olivier Ertzscheid dans Rue 89, Le Web 4.0 sera celui du génome : on est passé du web 1.0 qui a permis d’indexer des documents et de les rechercher (moteurs de recherche) au web 2.0, le web social qui recense les profils sur les réseaux sociaux ; avec le web 3.0 on passe aux objets connectés et au World Wide Wear « où le corps devient une interface comme les autres ». Après cela, après les plateformes de l’’économie du partage’ qui concurrencent de plus en plus de secteurs traditionnels, que reste-il à indexer ? L’ADN. C’est ce champ que les big companies vont investir pour créer le « web généticiel ». Olivier Ertzschied cite une étude du MIT l’Internet de l’ADN « dont l’objectif est de documenter chaque variation de chaque gène humain et de déterminer quelles sont les conséquences de ces différences ». Il évoque ainsi la possibilité « de structurer une économie de ‘servicialisation’ du vivant ». Dans cette bio-économie, Google est, bien sûr, très présent. Mais pour le moment, en dehors des délires transhumanistes du gourou Ray Kurtzweil, fondateur de la Singularity University, dont le modeste objectif est de « vaincre la mort », la société de biotech Calico du groupe Alphabet, pose ses jalons. Elle vient de s’allier avec les laboratoires français SANOFI pour travailler sur le traitement du diabète ; la société de biotechnologie avait déjà réalisé un partenariat avec la firme de santé Dexcom sur des minuscules capteurs permettant de mesurer le taux de glucose dans le sang et Google X avec Novartis pour des lentilles de contact connectées pour le même objectif, mais là à partir des larmes … !090422165949

Les autres grands acteurs du net s’investissent aussi dans d’autres secteurs comme les plateformes de services ou les objets connectés. « Amazon Home Services » connecte l’internaute à des professionnels de services à domicile, du plombier au professeur de yoga comme l’indique Charlotte Volta dans un post de l’Atelier, tandis que le Pentagone s’allie à Apple pour créer des objets connectés militaires (article du Monde Informatique).
Google se retrouve évidemment dans ce genre de plateformes, la société prévoit même de lancer sa propre place de marché permettant de connecter les internautes avec les fournisseurs de services directement, à partir de la page de résultats ! Quant aux TICE et à l’éducation en ligne, Google a déjà sa plateforme, cf post de Frédéric Lardinois sur Techcrunch, et propose son école en ligne devançant toutes les réformes des éducations nationales ! Toujours au niveau de l’éducation, Amazon fournit désormais les manuels scolaires aux écoles de New York pour une période de trois ans. Mais, comme le souligne l’article d’Actualitté, les e-books comportent des DRM qui les rendent impossibles à utiliser pour les malvoyants …

Mais les géants du Net ne sont pas tous américains … Alibaba, la star montante chinoise investit aussi dans l’intelligence artificielle pour traiter les big data. C’est ce qu’explique Guillaume Périssat dans l’Informaticien : la société « vient d’ouvrir une plateforme cloud dédiée à l’analyse de grands volumes de données, mêlant deep learning, machine learning et analyse prédictive avec une puissance de calcul inégalée et une ergonomie à toute épreuve ».000010180_imageArticlePrincipaleLarge

Devant toutes ces initiatives, notamment dans les secteurs de la santé et de l’éducation, on peut se poser la question : quid des États et des institutions internationales ? Or, comme le souligne le chirurgien Laurent Alexandre, cité par Hervé le Crosnier, invité des Matins d’été sur France Culture « Google et les autres géants du net sont plus puissants que les Etats. Quel Etat peut investir un milliard de dollars dans la recherche ? Pourtant, il est de la responsabilité du politique d’investir dans les nouvelles technologies ». Or comme rappelle Hervé le Crosnier, « un milliard c’est ce que Google doit au fisc français … ». Ces activités donnent un pouvoir énorme à ces entreprises : les algorithmes mis en œuvre permettent de comprendre beaucoup de choses à partir des données personnelles et à agir. Grâce à l’intelligence artificielle et au ‘deep learning’, ils peuvent non seulement classifier et interpréter les données recueillies, mais aussi analyser les émotions (ex : reconnaissance faciale des photos dans Facebook) et ainsi définir les « besoins » des utilisateurs. Des chercheurs de Cambridge assurent dans une étude pouvoir déduire l’âge, le genre, la religion et l’opinion politique des utilisateurs à partir des seuls « like » du réseau social … !

D’autre part, lorsque l’ont fait une recherche sur Google, le ‘Page rank’, l’algorithme du moteur de recherche, va sélectionner sur l’ensemble des résultats ceux qui correspondent le plus à l’utilisateur : à partir des recherches précédentes mais aussi de la géolocalisation (programmes du cinéma d’à côté, par ex.). Cet algorithme représente le modèle que Google se fait de ce que nous sommes. On arrive ici à la limite de la personnalisation.

Comme l’exprime Henri Verdier dans son blog, « C’est le réel lui-même qui est retranscrit en données, qui est analysé à un nouveau niveau de granularité ». Le ‘quantified self’, ce ‘moi quantifié’ peut traduire, à travers les mesures des objets connectés de bien-être (bracelets, vêtements), soit « un désir de maitrise de son propre destin, de connaissance de soi, soit une menace sur la vie privée […] la pénétration de l’empire du management dans la sphère la plus intime du corps ».

Comme le rappelle Sophie Coisne, rédactrice en chef de La Recherche, la médecine personnalisée, si elle peut apporter des réponses appropriées dans des cas très précis, peut aussi représenter un grand danger, par exemple dans le cas des médicaments adaptés à chacun, car on n’a plus aucun contrôle sur les données … Cela implique des protocoles de recherche qui coûtent des millions, un pur fantasme !

Il faut réfléchir à la question : « Qui fixe les buts ? La machine ou les humains ? » « Deviendrons-nous les ‘entrepreneurs’ de nos données, ou serons-nous progressivement enserrés dans des étaux, asservis voire ‘marchandisés’ » (Henri Verdier) ?

Il existe néanmoins des projets institutionnels dans ces technologies de pointe. L’Union européenne, à travers son programme H2020 présente 17 projets de robotique (robots industriels, bras articulés, humanoïdes de compagnie) impliquant de l’intelligence artificielle et des éléments de cognitique.

Il en est de même en France dans le cadre du Commissariat général à la Stratégie et à la Prospective qui a produit l’étude « La dynamique d’internet : Prospective 2030 ».

A la différence de ceux des Gafa, ces projets prennent en compte les contraintes juridiques liées aux données personnelles, du moins on peut l’espérer …

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France ; Premier Ministre ; Commissariat général à la stratégie et à la prospective. – La dynamique d’internet : Prospective 2030. – Études n°1, 2013. via Slideshare.

L’intelligence artificielle, le nouveau dada de Google. – ITespresso, 24/10/14

Bazin, Amélie ; Pacary, Jade ; Jean, Camille. – La lovotique : vers des machines reconnaissant les émotions ?Culturenum, 03/12/14 (U. de Caen – notes de synthèses par les étudiant(e)s).

Regalado, Antonio. – Internet of DNA. – MIT Technology Review, 2015.

European Commission ; CORDIS. – Robotics gets celebrated with 17 new projects under H2020.Cordis.europa, 27/01/15

Intelligence artificielle : jusqu’où iront les réseaux sociaux ?La Recherche, avril 2015

Voltat, Charlotte. – Quand les géants du Net s’attaquent à l’industrie du service.L’Atelier, 30/04/15

Ertzscheid, Olivier. – Le web 4.0 sera celui du génome, et il y a de quoi flipper. – Rue 89-L’Obs, 07/03/15

Belfort, Guillaume. – Google signe avec Novartis pour des lentilles de contact connectées. – Clubic, 15/07/15

Intelligence artificielle, transhumanisme : quel futur les GAFA nous préparent-ils ? – Avec Sophie Coisne et Hervé Le Crosnier. – Les matins d’été – France Culture, 19/08/15

Lardinois, Frédéric. – Google classroom gets an update ahead of new school year. – Techcrunch, 24/08/15

Périssat, Guillaume. – Alibaba lance une offre de service en intelligence artificielle destinée au Big Data. – L’informaticien, 25/08/15

Gary, Nicolas. – New-York signe avec Amazon, aveugle aux problème de lecture ? - Actualitté, 27/08/15

Facebook annonce « M », un assistant personnel intégré à la messagerie.01Net, 28/08/15

Filippone, Dominique. – Le Pentagone s’allie avec Apple pour créer des objets connectés militaires.Le Monde informatique, 28/08/15

Le Quantified self, pivot de la révolution des données. – Henri Verdier Blog, 30/08/15

Dove, Jackie. – Google Life Sciences teams up withe Sanofi to,take down diabetes. – The Next Web, 01/09/15

Fredouelle, Aude. – Quels sont les projets connus de Google X ?Journal du Net, 02/09/15


Le web a 25 ans … Survivra-t-il à toutes ses déviances ?

Internet1Le 12 mars 1989, il y a exactement 25 ans, l’informaticien britannique Tim Berners-Lee publiait un document qui décrivait le fonctionnement du World Wide Web. Élaboré dans un laboratoire du CERN à Genève, cet outil de communication devait surtout servir aux chercheurs du nucléaire …
Mais c’est grâce à ce navigateur que l’internet a été popularisé auprès du grand public. C’est lui qui, aujourd’hui, permet à 2,7 milliards d’internautes de se connecter sur la Toile et surtout d’interagir sur les réseaux sociaux ! Malheureusement, comme toute grande invention, le Web a aussi ses côtés négatifs, et ces dernières années ont été marquées du signe de la défiance, surtout depuis les révélations d’Edward Snowden sur les pratiques d’espionnage massif de la NSA et de détournements de données personnelles des internautes…

Sir Berners-Lee a d’ailleurs appelé ces jours-ci à un sursaut de civisme et d’éthique sur les réseaux par l’institution du d’une « Magna Carta » du Web.
En effet, le web était au départ porteur de valeurs de partage, d’échange et d’égalité, venues essentiellement des pionniers de la contre-culture américaine, comme le montre bien l’article d’Hubert Guillaud dans InternetActu, qui visaient une gestion collective et non commerciale de la circulation des informations et du savoir …
Aujourd’hui, l’essentiel du web est aux mains de multinationales de l’information, les « Géants du Web », les fameux GAFA (Google Apple Facebook Amazon et autre Microsoft …) et les internautes (enfin, ceux qui en sont conscients …) se méfient de plus en plus de moteurs qui pillent sans états d’âme les données personnelles pour les vendre aux publicitaires ou les donner (??) aux services secrets … La vie privée, est en effet devenue une « anomalie » aujourd’hui, comme l’a déclaré Vint Cerf, Chef évangéliste chez Google, ou tout au plus une illusion pour Mark Zuckerberg, le patron de Facebook … !

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Dans une étude récente le Pew Internet Project présente « 15 thèses sur l’avenir du numérique ». Malgré l’enthousiasme des chercheurs sur les progrès techniques, notamment en matière de santé, d’enseignement, d’évolution des relations internationales (« printemps arabe ») et de sécurité, 5 de ces thèses se présentent de façon beaucoup moins optimistes, « Less hopeful theses ».
Elles soulignent, d’abord l’élargissement du fossé numérique entre nantis et démunis (have & have not) qui reflète l’inégalité croissante des sociétés actuelles, amplifiée par l’écho des réseaux sociaux … !! De nombreux conflits risquent de se développer à l’instar des révolutions arabes.
Les abus et la criminalité se multiplient sur la toile, et évidemment le cyber-terrorisme. Outre la disparition de la vie privée et de la confidentialité, les « maladies numériques » (physiques, mentales et sociales) affectent de plus en plus les individus, familles et communautés.
Mais un des impacts majeurs se trouve au niveau géopolitique : Internet représente en effet un phénomène de mondialisation achevé qui ne reconnait plus la souveraineté des États ; les lois des différents pays ont du mal à s’appliquer à cet acteur transnational.
D’autre part, les gouvernements vont de plus en plus utiliser internet comme un instrument de contrôle politique et social : en répondant par la censure et la fermeture aux velléités d’ouverture et de liberté d’expression de leurs concitoyens …
De plus, en raison de la montée de la cyber-criminalité, la e-sécurité est en train de devenir le principal soucis des consommateurs et des internautes en général … bigdata_image2

Olivier Ertzscheid a une vision encore plus noire de l'avenir du Net. Pour ce spécialiste de l'information, l'internet va se diviser en deux entités : OuterWeb et InfraNet. Le web va se dissoudre et se diffuser dans une multiplicité d'objets connectés (l '»internet des objets ») tout autour de nous : écrans, murs, voiture, lunettes, montres, etc. Il deviendra le « World Wide Wear », un accessoire que l'on 'porte sur nous' … En devenant invisible, il sera d'autant plus dangereux !!

Les acteurs du web seront d'ailleurs de moins en moins humains. Les robots représentent déjà la majorité du trafic sur la Toile : certains pour nous rendre service (moteurs de recherche), d'autres pour des pratiques beaucoup moins avouables (cookies, surveillance, indexation des métadonnées des internautes à des fin commerciales, policières ou malveillantes). Ces informations vont servir à développer l'industrie du « Big data » qui devrait pouvoir prédire le comportement d'un grand nombre de consommateurs-citoyens par le traitement de masse de milliards de données et de métadonnées glanées sur les moteurs de recherche, les messageries et les réseaux sociaux.
Dans ces nouveaux réseaux, « l'essentiel des interactions s'effectuera en deçà de notre seuil de perception » !
Le premier web s'était construit autour du document et de l'écrit (clavier, souris), les nouveaux internets, mobiles désormais, s'élaborent autour des gestes et de la voix. L'image prend aussi une part prépondérante avec la multiplication des écrans : téléphone, tablettes, ordinateur portable viennent compléter l'usage de la télévision (connectée ou pas). Voir l'étude de Médiamétrie sur la consommation de vidéo.
On assiste aussi à une certaine privatisation des réseaux à travers les applications mobiles qui remettent en cause la gratuité et la neutralité du Net. Demain, il faudra peut-être payer pour avoir accès à un internet « nettoyé » des pilleurs de données personnelles, grâce un « opt-out » !

Aurélie Barbaux, dans l’Usine digitale s’inquiète d’une probable « mort d’internet ». Son article part aussi des révélations de Snowden qui risquent de donner le coup fatal. Les géants du Net vont passer « une année d’enfer » pour regagner la confiance des internautes et des gouvernements. Ces derniers ont d’ailleurs des tentations protectionnistes qui peuvent s’avérer « interneticides » … !
Aussi bien Jean-Marc Ayrault pour la France, qu’Angela Merkel pour l’Europe proposent des infrastructures « sûres » pour de nouveaux internets … ! Ces internets « privés », entourés de frontières, vont à l’encontre de l’idée du Réseau des réseaux et surtout sont en contradiction avec l’espace mondial où il se situe !
A. Barbaux cite l’ouvrage de Boris Beaude, chercheur à l’EPFL (Polytechnique de Lausanne), « Les fins d’Internet ». Celui-ci reprend « les mises à mal quasi définitives des valeurs qui ont porté la création du réseau mondial : liberté d’expression, résilience, abolition de l’espace, intelligence collective et partagée, gratuité et décentralisation. » Pour sauver l’internet, le chercheur appelle à forger une nouvelle valeur, « porter l’émergence du monde comme horizon politique pertinent pour l’humanité, comme espace d’identification et de projection autour d’intérêts communs »
On retrouve ici les enjeux éthiques, politiques et géopolitiques exprimés aussi bien par les thèses du Pew Internet Center que par Tim Berners Lee.

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Crochet-Damais, Antoine. – Le World Wide Web fête ses 25 ans. – Journal du Net, 10/003/14

Kiss, Jemima. – An online Magna Carta: Berners-Lee calls for bill of rights for web. – The Guardian, 12/03/14

Berners-Lee, Tim. – Statement from Sir Tim Berners-Lee on the 25th Anniversary of the Web. – PewResearch Internet Project, 11/03/14

Anderson, Janna ; Rainie, Lee. – 15 Theses About the Digital Future. – PewResearch Internet Project, 11/03/14

Ertzscheid, Olivier. – Outerweb et infranet : rendez-vous en 2063. – Affordance.Info, 02/02/14

Barbaux, Aurélie. – Internet peut-il mourir ?. – L’Usine digitale, 27/02/14

Guillaud, Hubert. – Ce que l’internet n’a pas réussi (1/4) : des rêves de pionniers à un monde post-Snowden. – InternetActu, 04/02/14

Anizon, Emmanuelle ; Tesquet, Olivier. – Que reste-t-il de notre vie privée sur Internet ?. – Télérama, 15/02/14

Things the NSA doesn’t want you to know. And why you should know about it :). – La Quadrature du Net, 2014

Quels modèles de propriété intellectuelle pour les univers virtuels ?

C’est la question que posait la conférence de i-expo « Propriété de l’information : vers de nouveaux modèles juridiques ? » organisée par l’ADIJ, le 18 mai dernier. Les règles actuelles du droit d’auteur sont bousculées en effet par les pratiques des technologies numériques et de nouveaux modèles juridiques restent à inventer.
Le modérateur Alain Bensoussan, avocat à la Cour d’appel de Paris, a comparé la situation actuelle avec celle des années 1900 lorsque l’on déplorait le vol d’électricité. On pouvait constater l’existence de fraudeurs et de personnes dépossédées, mais comment prouver l’existence d’une ‘propriété virtuelle’ ? Il existe des valeurs virtuelles avec destruction des valeurs réelles. Il existe, en effet deux combats, l’un pour la propriété positive (contrats) et le second pour la propriété « négative » (contrefaçon, atteinte aux personnes, vol). Jusqu’à présent, la Cour de Cassation refuse de reconnaître un vol d’information s’il n’y a pas de support matériel … Existe-t-il une propriété virtuelle ? Non, pas en l’état actuel. Existe-t-il des solutions ? Peut-être ou sûrement …
Si la plupart des intervenants (Yves Leroux, Consultant CA Technologie, Laurent Berard-Quélin, Directeur général délégué de la Société Générale de Presse, président de la Commission des médias électroniques, FNPS et Xavier Dalloz, Président, Xavier Dalloz Consulting) ont défendu l’idée d’une propriété intellectuelle virtuelle, seul Georges Chatillon, Directeur du Master Droit de l’internet, Maître de Conférences, Ecole de Droit de la Sorbonne, a reconnu dans l’information et les oeuvres de l’esprit un « Bien commun de l’humanité », à protéger, non pas avec des contrats commerciaux mais avec le « Creative Commons ». Y. Leroux a développé ses arguments pour les jeux vidéo et en ligne, nous citant des cas faramineux d’arnaque et de vols de milliards de crédits (Runscape, Zinga, Affaire Playstation, victime d’une attaque pirate). L. Bérard-Quélin a défendu la presse et l’édition en ligne, arguant de la complexification et de l’accélération du métier (le scoop journalistique est passé avec Twitter, d’une journée à une minute…) Il a aussi réfuté l’idée que le numérique coûte moins cher que le papier, car il y a des investissements lourds et une inflation des coûts avec la multiplication des supports numériques (Ipad). On est passé d’une économie de stock à une économie de flux. Xavier Dalloz, quant à lui, s’est attaqué au rôle-clé des données, en prédisant qu’avec 50 milliards d’objets connectés en 2050, on allait assister à une production immense de données interactives. On entre enfin dans une logique de réseaux collaborative et communautaire, avec un point de passage important : l’accès. On ne dit plus « ça m’appartient » mais « j’appartiens à » (communauté). On parvient à la construction de la confiance avec un « tiers de confiance » dans l’économie systémique en réseau. La notion de propriété n’a plus de sens aujourd’hui, pas plus que celle de vie privée … On est en train d’aller vers une médiation basée sur l’abonnement, avec l’émergence du concept de monnaie privative ou attributive, vers un internet transactionnel.
La discussion a porté sur le droit à l’oubli vs le ‘devoir de mémoire’, le droit d’accès et le droit d’abonnement qui fait des internautes des « co-propriétaires » de l’information et des réseaux sociaux qui représentent soit un nouvel esclavage, soit l’instrument de la libération des peuples (printemps arabe) ….

Blogs ou médias sociaux, que choisir ?

On a un peu vite enterré les blogs au profit des nouveaux acteurs de la toile que sont les médias sociaux. C’est ce qu’affirment Loïc Le Meur dans ses vidéos sur YouTube « Votre entreprise sur les médias sociaux » et aussi Julien Bonnel, qui le rapporte dans son post du 27 avril « Les blogs ne sont pas morts à l’ère des médias sociaux ». Il reprend les arguments de L. Le Meur (les blogs sont des points de rassemblement de communautés, ils permettent de développer beaucoup mieux une argumentation qu’avec les 140 caractères de Twitter ou les quelques lignes de FaceBook, le contenu d’un blog peut aussi se partager sur les réseaux sociaux) et en ajoute d’autres : le contenu d’un blog est beaucoup plus viral, il peut être archivé et est facilement accessible…
Mais il reconnait aussi les contraintes de rédaction et de temps qu’implique la tenue régulière d’un blog.
En fait, ce que souligne surtout Loïc Le Meur dans ses vidéos, c’est l’importance prise par les réseaux sociaux aujourd’hui. Pour une entreprise ou une institution, FaceBook, Twitter, YouTube ou Viadeo sont incontournables pour être présent sur la Toile. Toute organisation doit désormais penser sa communication en tenant compte de ces nouveaux médias. Blogs et réseaux sociaux ne s’opposent pas sur l’Internet, ils sont complémentaires.
C’est d’ailleurs grâce à la page FaceBook de Bibliobsession où j’ai trouvé ces informations que je vous communique sur ce blog ….;-)

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