Regulating Credit Rating Agencies (a historical perspective)

26 January 2011 par taniasollogoub

FOCUS 1.1

MISE EN PERSPECTIVE AVEC LES ÉVOLUTIONS RÉGLEMENTAIRES

 

1. Un premier recours aux notations en pleine dépression des années 1930

–          11 Septembre 1931 : 1ère réglementation intégrant les agences de notation à l’initiative de l’OCC (Office of the Comptroller of the Currency, principale instance de réglementation américaine à l’époque)

  • Toute banque américaine doit valoriser les titres qu’elle détient en portefeuille en fonction de leur rating
  • Objectif : éviter que des titres de « bonne qualité » ne se déprécient pour des raisons simplement conjoncturelles à « 75% of bank bond valuations safe »
  • Ce nouveau texte formalise un usage des ratings déjà en place dans les banques américaines

–          15 Février 1936 : Dans le cadre du Banking Act de 1935, la loi stipule que l’achat de titres « principalement » spéculatifs et de titres en défaut est interdit aux banques

  • Mais la loi ne précise pas la note plancher en deçà de laquelle cette interdiction s’applique
    • 4 grandes agences n’avaient pas établi une division claire entre titres investment grade et speculative grade + OCC a refusé de donner une définition précise d’un titre spéculatif (résultat d’un intense lobbying des banquiers)

2. La multiplication des réglementations intégrant les ratings

–          1951 : National Association of Insurance Commissioners (NAIC) édicte une nouvelle réglementation qui impose aux assureurs des charges en capital supérieures pour tous les titres notés dans la catégorie spéculative

–          À partir des années 1970 : expansion des réglementations reposant sur les notations – 2 formes :

  • Fonds propres exigés des entités supervisées proportionnels aux titres dans leur portefeuille
  • Normes qui limitent ou interdisent l’achat de titres notés sous un certain seuil

–          Réglementations incorporant les notations apparaissent également en Europe, Asie et Amérique Latine

3. Les accords de « Bâle II » : la consécration des agences

–          1988 « Bâle I » : réponse aux faillites bancaires dans les années 1980, particulièrement aux USA, sous l’égide de la Banque de Règlements Internationaux (BRI)

  • « Ratio Cooke » : détermine le % de fonds propres à partir d’une pondération des différents actifs
    • Pondération des créances sur les Etats dépend de leur statut : 0% de pondération si l’Etat est membre de l’OCDE, 100% s’il n’est pas membre
    • Fonds propres doivent représenter au moins 8% du montant total des actifs pondérés – 2 composants :
      • Un ratio Tier 1 de 4 % où le capital doit être du « vrai » capital – 2 composants :
        • Core Tier 1 avec le capital reçu des investisseurs (les actions et les profits réinvestis) à fixé à 2% des actifs pondérés
        • L’autre partie du Tier 1 où les banques ont glissé des titres hybrides, mi capital – mi emprunt obligataire, assurant aux investisseurs une rémunération indexée sur les profits dégagés par la banque.
        • Un de second guichet (Tier 2) pour les autres 4 % qui correspond à ce que chaque régulateur national accepte comme du capital pour aider les banques à respecter ces nouvelles contraintes
  • Limite du « Ratio Cooke » : néglige trop le risque de crédit associé à l’actif détenu par la banque

–          Séries de réforme du ratio de solvabilité « Bâle I » entre 1990 et 2000

–          Juin 2004 « Bâle II » : nouvel accord sur la convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres (mise à jour en novembre 2005 ; entrer en vigueur en janvier 2007)

  • Abandon du critère pays membre de l’OCDE/pays non-membre
  • 2 approches
    • « Standardisée » : utiliser les ratings des agences pour déterminer le capital minimum exigé pour le risque de crédit à plus les notations sont basses, plus la pondération appliquée est élevée et plus l’exigence en capital est élevée
    • IRB (Internal Rating Based) : repose sur les ratings internes des grandes banques à implique le calcul de la probabilité de défaut de l’emprunteur, de la perte en cas de défaut, de l’exposition, et de la corrélation entre actifs pour déterminer l’exigence en fonds propres
  • Bâle II prend en compte le risque de crédit (85% de la pondération globale), mais aussi le risque de marché (5%) et le risque opérationnel (10%)
  • Fonds propres exigés toujours au minimum de 8% du montant de l’actif pondéré
  • Critiques :
    • Effet procyclique de la réglementation : la dégradation d’un émetteur augmente l’exigence en fonds propres des banques prêteuses ou détentrices de titres et complique encore plus son financement à effet déstabilisant sur les flux de capitaux vers les PED et financement plus chers pour les Etats en catégorie spéculative
    • Aussi, les downgrades brusques des ratings peuvent empirer les crises financières (ex : Corée du Sud pendant la crise asiatique de 1997)

–          Depuis la crise des subprimes

  • Remise en cause de l’usage excessif des notations dans les réglementations financières en raison de leurs effets procycliques dévastateurs en période de retournement conjoncturel

4. Bâle III ?

–          Il s’agit de renforcer le niveau et la qualité des fonds propres pour permettre aux établissements financiers de mieux absorber les pertes sur des prêts ou des investissements en cas de crise

  • Objectif : éviter qu’ils ne recourent une nouvelle fois aux fonds publics

–          Réformes annoncées en Septembre 2010 qui devront être validées par le G20 à Séoul en novembre à règles devront être progressivement respectées par les banques entre 2013 et 2018 pour être complètement opérationnelles le 1er janvier 2019

  • Comité de Bâle a décidé de relever le ratio de solvabilité Core Tier 1 de 2% à 4,5% avec en plus un matelas de protection de 2,5%
    • Les fonds propres “durs” (Tier 1), c’est-à-dire composés uniquement d’actions et de bénéfices mis en réserve, devront représenter 7% des activités de marché ou de crédit des banques
      • L’augmentation de ce ratio devra contribuer à limiter l’incitation à la prise de risque
      • Plus grandes restrictions sur ce qui peut être considéré comme du capital
  • Possibilité d’ajouter de 0 % à 2,5 % de capital en plus quand le crédit s’emballe pour nourrir la spéculation
    • Problème : aucun accord donc l’opportunité est laissée à chaque régulateur national
  • Fixer un « ratio pur »:  ratio où tous les actifs comptent à 100 % quel que soit leur niveau de risque.
    • Moyen de contrôler la taille des banques pour imposer des contraintes à celles qui grossissent trop
  • Mise en oeuvre de ratio de liquidité?
    • Chaque banque devra disposer de quoi tenir au moins un mois au cas où le marché interbancaire coincerait

–          Critiques :

  • Le relèvement du ratio demandé est inférieur à ce qu’exigent déjà les marchés (dans la pratique, la plupart des banques Européenes visent déjà 7%)
  • Banques : si elles doivent “geler” plus de fonds propres, il y aura moins de ressources pour le crédit (autrement dit, plus elles doivent mettre de capital de côté avec lequel elles ne peuvent pas jouer, plus cela leur coûte cher et moins l’activité est rentable)
  • Échéance des réglementations trop lointaines (2019)
    • Mais la pression de la concurrence entre banques fera que les établissements qui y arriveront avant les autres seront mieux côtés par les marchés : leur cours de Bourse sera plus fort et les taux d’intérêt auxquels elles empruntent seront plus faibles

Sources:

CHAVAGNEUX, Christian. Bâle III ou les premiers pas d’une vraie régulation des banques. Alternative Economique. Septembre 2010. Disponible sur: http://www.alternatives-economiques.fr/bale-iii-ou-les-premiers-pas-d-une-vraie-regulation-des-banques_fr_art_633_50460.html

GAILLARD, Norbert. Les Agences de notation. Paris : Ed. La Découverte, 2010. V p.102-111

RAIM, Laura. La réforme bancaire de Bâle 3 pour les nuls. L’Express. Septembre 2010. Disponible sur : http://www.lexpansion.com/entreprise/la-reforme-bancaire-de-bale-3-pour-les-nuls_238852.html

FOCUS 1.2

LE POINT SUR LES PARTS DE MARCHÉ DES DIFFERENTS AGENCES

Avant d’analyser les parts de marché des différentes agences de notation, il faut d’abord montrer les différents secteurs notés par chaque agence. Les trois agences qui dominent le marché sont : Moody’s, Standard and Poor’s et Fitch Ratings.

Moody’s divise ses note par « segment de marché » qui sont : Corporates, Financial Institutions, Structured Finance, Managed Investments, Infrastructure and Project Finance, Sovereign and Supranational, Sub-sovereign et U.S. Public Finance

Quant à Fitch, la structure est un peu différente : Corporate Fininace, Financial institutions, Global Infrastructure and Project Finance, Insurance, Public Finance, Structured Finance et Sovereign and Supranational,
Standard and Poor’s est divise par : Corporates, Financial institutions, Fund Ratings, Insurance, Governments et Structured Finance.

Les segments les plus controverses ces dernières années sont : les souverains à cause de l’influence de cet oligopole sur l’économie mondiale et leur manque capabilité de « prévoir » les crises de financent qui est un de leurs buts principaux. L’autre segment très important est celui du financement structuré. Ce segment comprend les infâmes « collaterized debt obligations », « commercial mortgage-backed securities » et « residential mortgage-backed securities ». Il y a eu des grands problèmes concernant la neutralité des agences de notation car elles sont tous « juge et partie » étant donné qu’eelles sont payées par les entreprises qui ont créé les produits.

Malgré le fait que (presque) chaque agence est utilisée par tous les entreprises et gouvernements notés mondiaux, certaines agences sont plus utilisées dans certains segments que d’autres.

Moody’s est systématiquement l’agence de « référence ». Malgré une industrie oligopolistique, Moody’s compte note plus de 100 Etats, 5,5000 entreprises, 29000 emprunteurs publics et 96000 produits structurés avec plus de 3400 salariés. En effet, cette « agence de référence »  existe depuis longtemps. Les premières « notes » ont été émises en 1909 par Moody’s Analyses of Railroald Investments. Depuis sa naissance, elle a été étroitement liée à la croissance corporate  américaine et reste une agence « américaine ».

Cependant, Standard and Poor’s est devenue plus grande que Moody’s mais n’est jamais devenue l’agence de référence. Avant S&P, il y avait deux agences différentes : Standard Statistics et Poor’s (fusion en 1941). Concernant l’acquisition des petites agences de notation entre 2000 et 2008, Moody’s a acheté le plus grand nombre d’agences (12) comparé à Fitch (9) et S&P (9). Ceci montre la volonté de Moody’s d’agrandir pour rattraper S&P.

Quant à Fitch, en 1989 principalement à cause de sa spéculation dans sa notation, elle a perdu une grosse part du marche et comptait moins de 10% des effectifs comparé à Moody’s ou S&P. Grâce à une recapitalisation en 1090 par l’investisseur Russell Fraser et certaines fusions, elle est « redevenue » une des agence principales. En 2008, elle comptait 2361 employés, beaucoup moins que Moody’s ou S&P mais toujours un acteur important.  Il est important de noter que Fitch est la seule agence non-américaine. Depuis décembre 1997, elle est détenue majoritairement par l’entreprise française « Fimalac ». Comparé à Moody’s ou S&P, Fitch note beaucoup plus d’entreprises européennes.

Au Japon, l’agence de référence pour les entreprises japonaises est Japan Credit Ratings qui note la plupart des entreprises japonaises. Pour les entreprises japonaises, les notes des autres agences sont, en général, « secondaires » ayant une préférence pour l’agence japonaise.

Sources :

http://rru.worldbank.org/documents/CrisisResponse/Note8.pdf

http://www.jcr.co.jp/english/

http://www.fitchratings.com/index_fitchratings.cfm

http://www.standardandpoors.com/home/en/us

http://v3.moodys.com/Pages/default.aspx

GAILLARD, Norbert. Les Agences de notation. Paris : Ed. La Découverte, 2010.

 

 

 

FOCUS 1.3

POURQUOI LES AGENCES ONT-ELLES ÉTÉ CRÉÉES? EVOLUTION DE L’ACTIONARIAT, MODE DE FINANCEMENT, PHASE DE DÉVELOPPEMENT DE LA NOTATION SOUVERAINE

Chaque acteur financier doit pouvoir déterminer la solvabilité des emprunteurs. Ainsi, les agences de renseignement financier voient le jour au 19ème siècle. Avec le développement des investissements internationaux (exemple du financement des chemins de fer US), on fait appel aux agences de notation.

  1. 1. Aperçu historique des agences de notation

 

1.1.Les origines de la notation

1820 : à l’origine des termes « notation du risque pays», « évaluation des risques de de défaut »,… on trouve le terme de « renseignement financier ». Ce type de renseignement externe se développe grâce à la Barings à la fin des 1820’s. La banque crée alors plusieurs catégories :

–          Les firmes inconnues

–          Les firmes solvables mais stratégiquement inintéressantes pour la Barings

–          Les firmes à fort risque d’insolvabilité

–          Les sociétés à risque mais stables à long terme

–          Les firmes solvables en lien avec la Barings

 

Les informations fournies au 19ème siècle sont souvent assez précaires : les agences se basent sur la fortune des dirigeants ou sur leur moralité pour noter la solvabilité de l’entreprise. De même, la liquidité est déterminée par l’étude du seul chiffre d’affaire.

Deux changements dans l’économie mondiale vont entraîner un essor des agences de notation :

–          L’essor du capitalisme et une intensification des flux entre les différents partenaires économiques.

–          La multiplication des nouvelles entreprises et l’arrivée de nouveaux acteurs jusque-là inconnus.

 

1.1.Les principaux acteurs historiques du renseignement financier et de la notation

 

1833 : création du Bureau des renseignements universels pour le commerce et l’industrie, par Eugène-François Vidocq.

1868: publication par Poor de Poor’s Manuals of the railroads of the United States.Il faut cependant attendre Moody pour avoir les premiers notations.

1909 : apparition des premiers ratings dans le manuel Moody’s Analyses of Railroads.

1916 : Poor’s se met également aux notations.

1922 : apparition de Standard Statistics

1924 : apparition de Fitch

1933 : fusion de la R. G. Dun and Company (créée dans les 1840’s sous le nom de Mercantile Agency) et de la société de John Bradstreet qui donne naissance au leader mondial du renseignement financier à l’époque : D&B. aujourd’hui encore, l’entreprise est « the world’s leading source of information », selon son site.

1980 : Duff & Phelps se lance dans la notation souveraine et corporate mais Fitch la rachètera en 2000.

A noter : forte concentration des agences de notation entre 2000 et 2008. Pour voir les rachats des agences durant cette période, aller en page 10 du livre de Norbert Gaillard.

  1. 2. Modes de financement des agences de notation

Aujourd’hui, environ 90% des revenus des agences proviennent des commissions facturées aux émetteurs. Le reste du financement provient des souscriptions ou des formations dispensées. Or, le mode de financement des agences n’a pas toujours été ainsi.

Initialement, c’est d’ailleurs la vente des publications des manuels qui rapportait le plus d’argent. Sans entrer dans les détails pratiques, Moody’s et Fitch vendaient différents manuels spécialisés sur la notation de certains secteurs industriels. Le prix de ces manuels augmente dans les 1920’s.

Au cours des 1930’s, les agences fournissent de nouveaux services facturés aux investisseurs. On voit ainsi le développement des informations hebdomadaires sur les résultats financiers des entreprises notées, des recommandations d’achat/vente, des conseils personnalisés…

Néanmoins, jusque dans les 1970’s, la principale source de revenus des agences de notation provient de la vente des manuels consacrés aux entreprises et collectivités locales américaines.

1970 : développement du principe de l’émetteur-payeur : ce sont les émetteurs de dette obligataire qui rémunèrent les agences. Deux explications à cela :

–          Les agences étaient victimes de clients qui arrivaient à se procurer les informations sans payer.

–          Après le défaut de la société de chemins de fer Penn Central, de nombreux émetteurs ont sollicité les agences afin d’avoir un rating sous un format davantage personnalisé.

Conséquences pour les agences de notation : augmentation du CA. Cependant, on s’aperçoit que la rémunération des agences de notation dépendant en grande partie du dynamisme des marchés actions et obligataires.

  1. 3. Phases de développement de la notation souveraine

 

3.1.Le développement de la notation des Etats au cours de la première moitié du 20ème siècle

En plus de la capacité qu’un Etat a à respecter ses engagements financiers, celui-ci se démarque des émetteurs privés dans la mesure où il a une réelle volonté de respecter ces engagements.

Jusqu’au début de la première guerre mondiale, les investissements sont encore très régionaux : on ne peut pratiquement pas acheter d’émissions souveraines en dehors de leurs lieux d’émission. Avec le financement de l’effort de guerre franco-anglais par le NYSE, les investissements se mondialisent.

La faiblesse des volumes d’émissions obligataires souveraines sur le NYSE entraîne un faible développement de la notation souveraine. Raisons de cet échec :

–          Les Etats européens et asiatiques sortent exsangues de la guerre. La reconstruction va se faire au moyen de prêts du FMI et de la BM, ce qui permet aux Etats en développement de sortir du marché de la dette.

–          L’instauration en 1963 aux USA de la IET (Interest Equalization Tax) lutte contre la sortie des capitaux américains et impose des barrières tellement fortes que le financement étranger diminue.

–          Le faible nombre de défauts sur cette période laisse penser que les crises souveraines ne sont plus qu’un mauvais souvenir.

3.2.La notation souveraine depuis 1970 : principales étapes du renouveau de la notation

1974 : Les USA abrogent l’IET. A partir de 1975, de nombreux pays commencent à redemander une aide sur les marchés américains. C’est le cas de l’Australie, de la Norvège et de l’Autriche cette année-là.

1986 : Moody’s décide de noter des Etats qui n’avaient pas émis de titres obligataires en dollars (Allemagne, Suisse, Pays-Bas, HK).

1989 : le plan Brady le premier plan doit restructurer la dette mexicaine de 1982 en émettant des par bonds et des discount bonds. La majorité des Brady bonds obtiennent un rating quelques mois après leur émission.

2002 : Fitch et le Trésor Américain signent un contrat afin de noter une quinzaine d’Etats d’Afrique subsaharienne. Ceci permet à des Etats d’avoir leur premier rating à renouveau de la notation souveraine.

Sources :

GAILLARD Norbert, Les agences de notation, La Découverte, Collection Repères

MADISON, James H., The evolution of commercial credit reporting agencies in 19th Century America

NORRIS J.D., The development of credit reporting in the 19th Century, Greenwood Press, Westport

 

FOCUS 1.4

MISE EN PERSPECTIVE AVEC LE DÉVELOPPEMENT DES FLUX PRIVÉS, L’APPARITION DENOUVEAUX EMPRUNTEURS ET LE MODE DE FINANCEMENT DES PAYS

 

Le développement des flux privés et les nouveaux emprunteurs dans les pays émergents

  • La libéralisation progressive de mouvements de capitaux privés au fil des années 1980 contribue à augmenter le nombre de notes attribuées à des entreprises non américaines (surtout européennes et asiatiques).
  • La plupart des pays en développement ont profité de l’accroissement mondial des flux de capitaux, notamment dans les années 1990, durant lesquelles les entrées dans les pays en développement pris collectivement ont fortement augmenté. à Les dix principaux pays destinataires ont bénéficié d’une part accrue de capitaux privés, et leur taux de croissance a augmenté.
    • Cependant, la part des capitaux internationaux privés à destination des pays à faible revenu, qui était déjà relativement faible, a encore diminué, tout comme les taux de croissance de ces pays.
    • Or, vu la grave crise de confiance des marchés de la dette, les pays émergents auront plus de mal à obtenir un financement privé avec les instruments financiers traditionnels. Il leur faut des méthodes novatrices puisque le crédit pour les emprunteurs privés est encore plus rationné que celui des emprunteurs publics.
    • Les faits indiquent que les flux de capitaux privés — notamment les investissements de portefeuille — sont associés à l’essor des marchés nationaux de capitaux qui, à leur tour, soutiennent la croissance. Les flux de capitaux privés peuvent néanmoins accroître la vulnérabilité aux crises bancaires et aux tensions sur le taux de change d’un pays dont les marchés financiers sont faibles.

ð  D’où : Boom de la notation corporate durant la décennie 1990 à cause de :

  • La récession américaine de 1990-1991.
  • La fiabilité des notations renforce la crédibilité des agences auprès des investisseurs privés.
  • à Donc les acteurs de marché se fient d’autant plus aux ratings que ceux-ci sont désormais intégrés dans de nombreuses règlementations financières aux Etats-Unis et en Europe.
  • Cependant, la crise financière de la deuxième moitié des années 1990, a servi à rappeler que des accidents graves et coûteux peuvent arriver à cause de la volatilité continue des flux de capitaux
    • A partir de la fin des années 1980, l’afflux de capitaux vers l’Asie du Sud-Est alimente la croissance du PIB, contribue à l’appréciation des monnaies locales à La forte croissance en Asie du Sud-Est jusqu’en 1997 conduit les entreprises locales, encore peu connues, à solliciter un rating afin de mieux attirer de flux d’investissement étranger à mais ces flux fait également apparaitre des bulles financières qui s’éclatent en 1997 à La fuite des investisseurs provoque une chute des monnaies régionales à Le resserrement du crédit casse la croissance et les réserves de change amassées par les pays asiatiques ne suffisent pas à soutenir l’activité économique. La solvabilité des Etats de la région est menacée.
    • La crise asiatique a été marqué par les abaissements de notes les plus nombreux et les plus massifs.
    • Force est de constater que les Etats qui ont les systèmes financiers les plus dérèglementés (Corée du Sud) sont confrontés aux crises les plus sévères. Malgré tout, ils affichent des taux de croissance moyens et des ratings supérieurs aux Etats qui ont plus règlementé et ont connu des crises financières de faible ampleur (Inde).
      • à ces résultats paradoxaux montrent à quel point l’ouverture financière d’un pays est susceptible d’influer favorablement sur sa solvabilité à moyen et long terme.
  • Jusqu’au début des années 2000, très peu de pays en développement étaient notés. Il a fallu attendre les programmes de notation des pays africains, à l’initiative du département d’Etat américain et du PNUD, pour voir leur nombre s’accroitre.
    • Les agences prennent en compte certaines variables spécifiques pour déterminer la solvabilité des Etats émergents : par exemple le degré de dépendance à l’égard de certains flux de capitaux.
    • Les fonds privés que les travailleurs immigrés envoient dans leur pays d’origine constituent une variable prise en compte par les analystes, en particulier pour noter les petits Etats à faibles revenus ou à revenus intermédiaires.
      • Les agences justifient les abaissements de notes de la Jamaïque depuis 2008 par la chute de ces transferts de fonds des expatriés habitant aux Etats-Unis.

 

L’apparition de nouveaux emprunteurs et le mode de financement des pays

  • Les flux d’exportations (investissements directs) sont parfois le seul mode de financement des pays les plus risqués (en dehors des prêts multi et bilatéraux) car ils n’ont pas accès aux marchés internationaux des capitaux ou à la dette bancaire. La situation a profondément changé par rapport aux années 80 lorsque les banques prêtaient massivement aux Etats souverains, sous la forme de crédits à l’exportation et de crédits financiers.
  • Au début de la décennie 90, de nouvelles catégories de prêteurs et d’emprunteurs privés sont apparues à côté des Etats et des banques. La résurrection d’instruments oubliés (obligations, investissements de portefeuille) est un facteur de diversification et de répartition des risques. Le concept de marché émergent tend, parfois abusivement, à remplacer celui de pays à risque ou de pays en développement.
  • Les capitaux privés jouent à nouveau un rôle prépondérant dans le financement externe de nombreux pays.
    • Les investissements privés directs, non générateurs de dette mais exigeant tout de même une rémunération, croissent spectaculairement. Ils sont concentrés sur les grands pays, la Chine absorbant environ 40% des flux.
    • Cependant, même si les concepts et les modes de financement ont changé, la nature profonde des crises potentielles reste la même que par le passé : une accumulation trop grande de dette ou de promesses de payer par rapport aux capacités de remboursement d’un pays.
  • Les emprunteurs des collectivités locales (CL) et leur rating :
    • Les CL américaines (comtés et municipalités des Etats-Unis) : le traitement spécifique des CL américaines par les agences de notation est dû en grande partie à leur longue tradition d’emprunter sur le marché des capitaux. Sur la période 1986-2007, aucun émetteur noté AAA ou AA par S&P n’a fait défaut.
    • Les CL non américaines (entités locales et régionales dans le restant du monde) : peu de pays sont dotés, comme les Etats-Unis, d’institutions fédérales qui permettent aux collectivités d’emprunter sur les marchés. Ensuite, parmi celles qui sont constitutionnellement ou légalement autorisées à emprunter, nombreuses sont celles qui optent pour des prêts bancaires.
      • Plusieurs raisons vont contribuer au renouveau de la notation des collectivités locales en dehors des Etats-Unis
        • Lancement de processus de décentralisation dans de nombreux pays, tant industrialisés qu’émergents, qui se traduit par une plus grande autonomie fiscale des collectivités locales et une capacité accrue en matière d’emprunt, est également crucial.
        • L’extension des politiques d’emprunt fondés sur les mécanismes de marché qui a incité les collectivités locales, dans le sillage des Etats, à solliciter les agences afin d’obtenir un rating. L’obtention d’une notation a également été rendue obligatoire par certaines réglementations financières. (cas au Mexique)

FOCUS 1.5

STATISTIQUES SUR L’EVOLUTION DES RATINGS SOUVERAINS

 

 

I Qu’est ce que le souverain?

Du point de vue des agences de rating, le souverain correspond au gouvernement (national ou fédéral) qui détient de facto le pouvoir sur la juridiction. Étant l’autorité la plus important, le souverain a le pouvoir d’imposer sa volonté dans la juridiction qu’il régit. En conséquence les créanciers ont un recours légal très limité au cas où le souverain serait incapable à garder sa dette à un niveau bas. Alors, l’analyse du risque de crédit souverain doit prendre en considération la volonté de payer et la capacité financière de l’état.

D’ailleurs, le risque souverain est parfois assimilé au risqué pays. Il s’agit d’une confusion car ces deux notions renvoient à deux types de risque bien distincts.

Le risque souverain mesure la probabilité qu’un état cesse de respecter ses engagements financiers vis-à-vis de ses créditeurs. Ceux-ci peuvent être des banquiers, des institutions internationales, des investisseurs publics ou privés. L’état tombe donc en défaut de paiement sur sa dette bancaire ou obligataire. Il s’agit alors d’un risque limité et précis.

II) Forte hausse des souverains notés par les agences de notations

Chart 1

Chart 2

Chart 3

  • Le diagramme 1 montre une augmentation du nombre de ratings et une expansion dans les catégories speculative investor
  • L’augmentation des ratings souverains dans la catégorie speculative investor est à l’origine de la restructuration réussie de la dette bancaire en Mexique
  • Aujourd’hui Standard and Poor (comme Moody’s et Fitch) notent quasiment tous les pays

Aujourd’hui tous les souverains reçoivent deux notations, une en devise locale et  une en devise étrangère. Selon agences de notations, les États disposent de plus de moyens et de mécanismes de contrôle pour financer la dette en devise locale que la dette en devise étrangère qui dépend de l’économie mondiale et des chocs externes. En conséquence, beaucoup de souverains ont des ratings en devise locale qui sont supérieurs aux ratings en devise étrangère.

Table 4

  • Le tableau 4 montre le “weighted average one-year transition matrix” pour la catégorie des ratings en dévise étrangère pour une période de 35 ans. Si il n’y avait pas de transition d’un catégorie de rating à une autre, les cases le long de la diagonale indiquaient 100%.
  • Les ratings AAA se sont avérée clairement les plus stables (97,7% en moyenne)

III En réalité, le risque souverain est plus concentré sur les payses non-développés

 

 

  • Il s’était créé un lien historique entre développement et risque souverain
  • Cependant aujourd’hui, certains indicateurs ne sont plus en relation linéaire avec les classements. Il y a alors un mélange dans les ratings entre les pays développés et les pays émergents
  • Le ratio dette publique/BIP est élevé en haut et en bas des classement et la discipline budgétaire n’est plus une pratique réservé aux pays investment grade  
  • L’élément fondateur de ce renversement est alors l’apparition d’excédents structurels pour quelques grands pays. Le déplacement de l’épargne bouleverse aussi la logique  des seuils d’alertes puisqu’ils ne correspondent pas aux exigences de conjoncture. Le dépassement du seuil d’alerte ne suffit pas à expliquer les crises souveraines.  

 

 

 

Sources :

GAILLARD Norbert, Les agences de notation, La Découverte, Collection Repères

SOLLOGOUB Tanja, Quand la Chine nous notera Eclairage, Crédit Agricole, Études Économique http://www.credit-agricole.com

http://www.fitchratings.com/index_fitchratings.cfm

http://v3.moodys.com/Pages/default.aspx

FOCUS 1.6

LES AGENCES DE NOTATION: RUPTURES METHODOLOGIQUES

 

 

 

  • Les trois agences de notation (Moody’s, S&P, Fitch) se sont dans un premier temps attaché à uniformiser leur méthodologie et l’échelle de notation. Ce processus qui s’étend des années 19930 à l’après guerre a été crucial pour le développement de la finance moderne dans la mesure où il permet un comparaison des ratings et donc une meilleur appréciation des prédictions financières formulées par les agences.

 

  • La discrimination investment grade/ spéculative grades est apparue dans les années 1930 a été fondamentale puisqu’elle introduit un seuil psychologique important. Le passage à la catégorie investment grade est souvent perçu comme le résultat d’une bonne gestion alors que l’inverse est perçu comme le signe d’une décadence financière.

 

 

  • La perspective de notations (Outlook) : d’abord apparu dans les rapport de Fitch en 1936, leur utilisation est devenue globale dans les années 1980. Les Outlooks indiquent les perspectives d’évolution du rating. Cependant, un Outlook positif peut aboutir à un downgrade de la part des agences (cf downgrade du Malawi en décembre 2005 par Fitch).

 

  • La  mise sous surveillance est apparue dans les années 1990 et signale l’imminence d’un changement de notation.
  • L’introduction de note sur l’échelle nationale dans les années 2000 répond à la demande des investisseurs de différencier la solvabilité des émetteurs au sein d’un même pays. Ces notes ne sont pas comparables d’un pays à l’autre mais sont seulement pertinent au sein d’un même pays. Ce type de ratings permet une meilleur appréciation du risque pour les investisseurs : ils constituent un  outils plus pertinent et subtil dans l’analyse de la solvabilité des émetteurs.

 

  • Le « plafond pays » est un concept dont la répercussion en terme méthodologique est tout à fait substantielle. Jusque dans les années 2000, les agences de notations estimaient que la note d’un émetteur ne pouvait dépasser la notation souveraine en devises étrangères. Ce dogme était justifié par le fait que dans l’hypothèse où le gouvernement imposait un contrôle des changes, les émetteurs n’aurait pas la capacité d’assurer le service de leur dette en monnaie étrangère.  Mise à part quelques exceptions étudiées au cas par cas, il était très rare, qu’un émetteur perce le plafond pays. Les conditions nécessaires pour  percer ce plafond ont été assouplies et dépendent essentiellement de la solvabilité de l’émetteur, sa capacité à se procurer des devises étrangères et la probabilité qu’il n’y ait pas de moratoire sur la dette. L’introduction de cette nouvelle donne rompt avec la méthodologie précédemment utilisée qui considérait le plafond souverain comme une limite infranchissable.

 

  • Ces ruptures méthodologiques sont intégrées dans le processus de notation des agences et répondent essentiellement aux critiques dont ont été victimes les agences.
    •  Depuis la crise des pays asiatiques dans les années 1997-1998, les agences ont été critiquées pour leur incapacité à anticiper la faillite des émetteurs.
    •  L’action procyclique des ratings : les downgrades qui surviennent pendant une crise accentuent les effets des anticipations des investisseurs et aggravent la situation.
    •  Les agences sont critiquées de manière récurrente sur le manque de transparence et les possibles conflits d’intérêts liés à leur mode de rémunération.

 

 

D’où la volonté des agences d’introduit à ces moments clefs (Enron, Crises Asiatiques) dans le but d’améliorer la qualité, la transparence de leurs ratings.

Bibliographie:

Norbert Gaillard «  Les agences de notation »

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/catalogue/3303331600343/3303331600343_EX.pdf

La documentation française « les agences de notation au cœur du système financier et des critiques »

 

 

 

 

FOCUS 1.7
QUELS LIENS ENTRE LES NOTATIONS ET LA SOLVABILITE DES ETATS?

Les États, tout comme les entreprises, peuvent être notés financièrement, qu’il s’agisse de pays développés ou du tiers monde. La notation souveraine des pays est l’évaluation de la solvabilité de ces pays par trois agences de notation : Moody’s, Standard & Poor’s et Fitch Ratings. Cette évaluation se traduit par l’attribution d’une note à la dette publique de chaque pays. Cette note conditionne les capacités d’emprunt des états.

De manière générale, plus la note est élevée, plus le risque est faible. Les notes AAA correspondent à une bonne solvabilité, les notes BBB définissent une solvabilité moyenne, les CCC indiquent un risque très important de non remboursement. Enfin, la note D traduit une situation de faillite de l’emprunteur.

Dans le cas d’une Etat cherchant à se financer, la notation obtenue sera déterminante pour les conditions de l’opération. Que ce soit par financement bancaire ou par émission d’obligations sur le marché, plus la note est élevée et plus l’Etat trouvera des fonds bon marché à des taux d’intérêt faibles. A l’inverse, une mauvaise note signifiera un taux d’intérêt plus élevé et des difficultés pour mettre sur pied un financement. La différence de niveaux entre les taux d’intérêt constitue la prime de risque. Sans pouvoir remplacer totalement, du moins en principe, l’analyse personnelle par l’investisseur, la notation financière d’une entreprise est un élément essentiel de la prise de décision d’investissement. La révision d’une note à la baisse ou à la hausse modifie le comportement des investisseurs et leur capacité à prendre des risques.

L’effet procyclique des notations souveraines a notamment été pointé du doigt. En effet, à l’occasion des crises asiatique et russe, les agences ont eu tendance à abaisser massivement les ratings des émetteurs souverains dont la situation financière était déjà largement fragilisée. Ces downgrades ont ainsi contribué à aggraver la crise.

Extrait de Les Agences de Notation de Norbert Gaillard (p.108-109)

« Cantor et Packer (1996) ont été les premiers à analyser l’impact des changements de notes souveraines de Moody’s et S&P sur les spreads pour la période 1997-1994. Ils démontrent que les upgrades et downgrades ont un impact supérieur s’ils proviennent de Moody’s et s’ils concernent des Etats notés en speculative grade.

A partir d’une analyse des changements des ratings et d’outlooks de Fitch, Moody’s et S&P intervenus entre 1989 et 1997, Reisen et von Maltzan (1999) montrent que les dégradations de notes ont une influence sur les rendements du marché, contrairement aux upgrades qui demeurent anticipés sur le marché.

Une étude récente mesure l’impact immédiat des changements des ratings souverains de trente-deux Etats émergents sur leurs spreads EMBIG (Emerging Markets Bond Index Global) pour la période décembre 1993-février 2007. Elle analyse l’évolution des spreads au cours de la journée de cotation qui suit le changement de notation (j+1) afin de mesurer l’effet immédiat des 180 upgrades et des 144 downgrades décidés par Fitch, Moody’s et S&P. Les principaux résultats de cette étude sont les suivantes :

  • L’impact moyen des changements de ratings sur les rendements en j+1 est supérieur à l’impact de l’évolution moyenne des spreads au cours des soixante ou trente jours qui précèdent. Pourtant, cette évolution anticipe les changements de notes à venir : les downgrades (upgrades) étant logiquement précédés d’une hausse (baisse) des rendements ;
  • Les downgrades (upgrades) conduisent en moyenne à des augmentations (baisses) de primes de risques pour les trois agences ;
  • Les effets d’un downgrade de la catégorie investissement à la catégorie spéculative sont bien plus significatifs que ceux d’un upgrade de la catégorie spéculative à la catégorie investissement ;
  • Les upgrades de Moody’s et les downgrades de S&P ont les impacts les plus nets sur les spreads. Les changements de notes de Fitch semblent plus synchronisés avec le marché ;
  • L’impact des downgrades et des upgrades n’est pas fonction de leur nombre : les augmentations de notes de Moody’s ont l’impact le plus fort alors qu’elles sont moins fréquentes que celles de Fitch et de S&P. Ce résultat met donc en évidence l’importance du timing des changements de notes. »

Bibliographie:

« Agence de Notation Financière », La Finance Pour Tous, http://www.lafinancepourtous.com/Agence-de-notation-financiere.htm

« Credit Rating Agencies and their Potential Impact on Developing Countries », Discussion Papers n186,  United Nations Conference on Trade and Development, January 2008.

GAILLARD, Norbert. « Les agences de notations au coeur du système financier…et des critiques ». Questions internationales n° 34, novembre-décembre 2008.

Gaillard, Norbert. Les Agences de notations. Paris: Ed. La Découverte, 2010. V

Focus 1.8: Dans Quels contextes, les ratings ont-ils eu un effet de self fulfilling prophecies ?

Self Fulfilling prophecies: (Merton):

  • Une prophétie auto realisatrice est une prophétie dont le fait de l’énoncer modifie le comportement des individus de telles sorte qu’ils font advenir ce que la prophétie annonce.
  • Le sociologue Merton définit une prophétie auto réalisatrice comme «la définition d’abord fausse d’une situation, mais cette définition erronée suscite un nouveau comportement qui la rend vraie.»
    • Le phénomène de prophétie auto réalisatrice n’induit pas obligatoirement la notion de prédiction future, il se peut que la description d’une situation actuelle conduit à une modification des comportement des agents qui induit la validation de cette assertion.

Finance, Ratings & Self fulfilling prophecies:

  • Les agents présentent des comportements mimétiques qui peuvent entraîner des effets «boule de neige» à la suite d’un élément perturbateur (un changement de rating entre autre).
  • Orléan & Aglietta: Le Pouvoir de la Finance.
    • Il existe plusieurs types de mimétisme:
      • On adopte le même comportement que votre voisin, parce qu’il est trader et parce qu’on estime qu’il a plus d’informations en sa possession. (rationnel mais mimétique)
      • La marché va dans un sens, on suit le marché même si celui-ci a tort parce qu’on y trouve plus d’intérêt. (Keynes)
      • Kuhn: la règle du jeu ne donne pas la possibilité de résoudre le problème. Les acteurs partagent un savoir inconscient et mimétique qui les amènent à se retrouver à un point focal.
  • A certaine période, les marchés sont attirés par une convention, un point focal.
  • Les agences de notation, dont le rôle est aujourd’hui central dans le monde de la finance internationale, pose la question de leur caractère pro-cyclique en temps qu’agents systémiques.
    • Il est donc de légitime de se demander si les prédictions financières ne sont pas dans une certaine mesure des prophéties auto réalisatrices.
    • On peut mentionner deux points de vue contradictoires:
      • Si pour Reinhart (2002) et Gaillard (2009), les ratings des agences n’influencent pas le marché: les agences sont neutres, voire en retard par rapport au marché.
      • dans la logique développée par Kaminsky et Schmukler (2001), Ferri et Stiglitz (1999), Reisen et Malzan (1998), les agences sont procyliques et peuvent induire des phénomènes de prédictions auto réalisatrices.
  • Pour Kuhner (2001), les agences ont tendances a révéler plus d’informations, si elles pensent, à parti d’un point de vue ex post, que leur ratings ne peuvent devenir des self fulling prophecies.
    • Dans la mesure ou les agences de notations émettent de «opinions» et qu’il n’existe pas d’obligations légales qui évaluent la performance des agences de notation.
    • C’est la nécessité de maintenir leur réputation qui fournit l’incitation aux agences de fournir des ratings les plus performants possibles.
    • Dans la mesure où les agences de notations ont une préférence pour la stabilité, la possibilité que leur prédictions deviennent des self fulling prophécies peut constituer un élément désincintatif dans l’élaboration de leur ratings.
    • Pour Kuhner (2001), les agences ont tendance a attribuer des notes incorrects lorsqu’elles pensent que l’inverse produirait un effet de  self fulling prophecie.
    • Selon Kuhner (2001), il y a une relation négative entre crédibilité des agences et l’observation de self fulfilling prophecies.
  • D’autre théorie, toutefois, nuance ce propos:
    • Milbourn and Schmeits (2003): Les agences de notation fonctionnent dans le cadre d’un jeu à plusieurs équilibres et leur ratings sert de point focal au marché.
    • Carlson & Hale (2006) montrent que l’introduction d’agence de notation donne lieu à l’apparition de multiples équilibres, alors qu’avant cette introduction ils n’en existé qu’un seul.

Quelques éléments factuels:

  • Avant une crise, il y a toujours sous estimation du risque, après la crise, celui ci est sur évalué.
  • A la hausse, le spread précède le rating (inertie à la baisse)
    • facteur de concurrence
    • facteur de liquidité
    • sélection adverse, aléa moral (Akerlof)
  • Cantor et Packer (1996): les upgrades et les downgrades ont plus d’impact si ils proviennent de Moody’s et s’ils concernent les spéculative grades.
  • Reisen & von Maltzan (1999) : les downgrades ont une influence sur les rendements alors que les upgrades sont anticipé par le marché
  • Les mises sous surveillances ont un effet supérieur changement de note en eux-même.
  • C’est surtout les downgades qui peuvent donner lieu à des self fulfilling prophecies au vue de leur impact tangible sur les rendements et le marché: une dégradation de note, modifie le comportement des investisseurs qui réclame une prime de risque plus importante, les spreads augmentent, le service de la dette augmente en conséquence et peu par la même remettre en question la capacité de l’entité en question à assurer le paiement de sa dette.

Bibliographie:

 

1.9 Définir ce qu’est un succès prédictif – établir un ranking des rankings

 Extrait de GAILLARD, Norbert. Les Agences de notation:

Plusieurs outils statistiques sont utilisés pour mesurer la qualité des notations attribuées par les agences.

Les taux de défaut moyens par catégorie de notes constituent la mesure la plus simple puisqu’il s’agit, pour chaque notation, de déterminer le pourcentage de titres ou d’émetteurs tombés en défaut de paiement sur une période donnée, typiquement une année. Ces taux de défaut moyens peuvent être calculés sur plusieurs années consécutives, auquel cas on parle de taux de défaut moyens cumulés.

Les notations sont d’autant réussites et fiables que, pour un horizon temporel donné :

–          Les taux de défaut associés aux notations les plus élevées sont nuls ou très bas ;

–          Les taux de défaut augmentent au fur et à mesure que la qualité des notes se détériore (passage de AAA à AA+, de AA+ à AA, et de la catégorie investissement à la catégorie spéculative …)

Ces taux de défaut moyens sont utilisés par Fitch, Moody’s et S&P depuis plusieurs années. Ils offrent l’avantage de présenter aux investisseurs une comparaison simple du risque de crédit pour les différentes catégories de notes, mais ne permettent pas de contrôler l’éventuel conservatisme d’une agence qui « sous-noterait » volontairement des émetteurs afin de maintenir à un pourcentage très faible les taux de défaut des notes les plus élevées.

La courbe d’efficacité cumulée, développée par Moody’s, permet de surmonter ce problème en déterminant la capacité des agences à attribuer des ratings élevés aux titres et émetteurs qui ne feront pas défaut. Elle associe le pourcentage d’émetteurs ayant une note inferieure ou égale à ν au pourcentage d’émetteurs en défaut notés ν ou en dessous.

Les résultats de la courbe d’efficacité cumulée ont été synthétisés dans le ratio d’efficacité. Ce ratio s’échelonne de 1 à -1. Plus il se rapproche de 1, plus il indique que l’agence discrimine efficacement les émetteurs en attribuant des notes basses aux émetteurs qui vont tomber en défaut et des notes élevées a ceux qui resteront solvables. Un ratio de 0 équivaudrait a un système de notation aléatoire. Enfin, un ratio négatif révèlerait des notations particulièrement inefficaces.

La comparaison des ratios d’efficacité d’un secteur à l’autre montre que, pour la période 1983-2008, les notes souveraines de Moody’s ont été en moyenne légèrement plus fiables que ses notes d’entreprises : 0,94 contre 0,90. L’examen des ratios du secteur corporate est tout aussi instructif puisqu’il révèle que le ratio de 2008 a été le plus bas depuis les premiers calculs effectués en 1983, démontrant ainsi la sévérité de la crise économique et financière et la plus grande difficulté de l’agence à appréhender le risque de crédit.

Une autre mesure de la qualité des ratings consiste à présenter les notes moyennes et médianes des émetteurs au cours des mois qui ont précédé leur défaut. Moody’s a par exemple effectué ces calculs pour les émetteurs du secteur corporate tombés en défaut entre 1983 et 2008. Ainsi, vingt-quatre mois avant son défaut, un émetteur a une note médiane B2. Celle-ci passe ensuite à B3 dix mois avant le défaut. Plus le défaut se rapproche, plus la chute de la note s’accélère : au mois de défaut, note est Caa2. La note moyenne reste très proche de la note médiane.

Pour la seule année 2008, la note médiane est inferieure d’un cran à la note médiane de la période 1983-2008 si l’on considère les trente-six mois qui précèdent le défaut. En revanche, la note moyenne pour 2008 est légèrement supérieure. Ces résultats en apparence contradictoires signifient que la proportion de notes investment grade attribués plusieurs années avant un défaut a été supérieure pour les entreprises tombés en cessation de paiement en 2008 a ce qu’elle a été pour les sociétés tombées en faillite sur toute la période 1983-2008.

Ces diverses mesures statistiques sont précieuses pour les acteurs de marché qui peuvent plus facilement optimiser leur gestion de portefeuille en fonction du risque de crédit associée à chaque catégorie de notes. Elles comportent pourtant une limite. La faible proportion de défaillances dans les populations étudiées compresse les taux de défaut et, plus généralement, ne permet pas de déterminer précisément la fiabilité des notes, en particulier en période de croissance économique. Seule une vague massive de défauts constitue un vrai test pour les ratings des agences, comme ce fut le cas pour la notation souveraine au début des années 1930 et pour les notes des produits structurés en 2007-2008.

Globalement, depuis les années 1980, la qualité des notations de Fitch, Moody’s et S&P s’est révélée relativement satisfaisante.

Néanmoins, pour avoir plus de critiques et de reformes pour le système actuel du rating, veuillez-vous référer au lien suivant : http://www.edhec-risk.com/performance_and_style_analysis/Rating%20the%20Ratings

Sources:

·         GAILLARD, Norbert. Les Agences de notation. Paris : Ed. La Découverte, 2010. V p.102-111

 
 
 

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