Hommages à Sophie Body-Gendrot

10 octobre 2018
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Extrait de Libération, 1er octobre 2018 :

Par Thierry Paquot.

Sophie Body-Gendrot, au-delà des villes

Sophie Body Gendrot lors de la présentation du rapport annuel de la commission nationale de déontologie de la sécurite, en 2011. Hommage. Après des études de langue anglaise et de sciences politiques (doctorat de troisième cycle et doctorat d’Etat), Sophie Body-Gendrot, qui a séjourné aux Etats-Unis trois ans avec sa famille, s’est spécialisée à la fois sur la question urbaine et les problèmes d’insécurité propres à l’urbanisation.

Elle commence sa carrière universitaire comme maître de conférences à l’IEP (1986-2001), puis devient professeur à l’université de Clermont-Ferrand (1989-1991) avant de rejoindre l’université de Paris IV-Sorbonne (1991-2011), où elle dirige le Centre d’études urbaines dans le monde anglophone. Elle participe également au Celsa, est experte auprès de la London School of Economics (à partir de 2004) et de l’Union européenne (depuis 2009) et collabore à de nombreuses missions et autres institutions dont les activités concernent l’urbain (comme le jury du grand prix de l’urbanisme ou le comité de rédaction de la revue Urbanisme jusqu’en 2012 et de la revue l’Esprit des villesdepuis 2014), la sécurité (elle rédigera plusieurs rapports officiels), les migrations, les politiques urbaines, etc.

Elle ira chaque année aux Etats-Unis, parfois pour plusieurs mois. Son énergie, sa curiosité de tout comprendre, d’aller voir sur place, de rencontrer aussi bien des collègues, des experts, des activistes que des simples habitants du lieu qu’elle étudie, lui assurent une compréhension sans cesse renouvelée des situations urbaines. C’est elle qui fait traduire The Global City de Saskia Sassen, qu’elle préface, et American Apartheid de Douglas Massey et Nancy Denton, tout comme elle invitera de nombreux universitaires américains à Paris. Grâce à elle, Richard Sennett publiera, dans l’Esprit des villes, son article majeur, «La ville ouverte». Observatrice du «fait urbain», théoricienne, Sophie Body-Gendrot prend à cœur ses enseignements tout comme son encadrement des thèses, ses doctorants sont unanimes pour saluer sa générosité et son attention personnalisée, non seulement pour leur thèse mais aussi pour leurs conditions de vie…

Elle préparait chaque intervention avec minutie, n’improvisait pas, lisait de nouveaux auteurs, adoptait de nouvelles notions au fur et à mesure où la réalité urbaine se métamorphosait. Pour cela elle voyageait. Elle voulait voir sur place, ressentir, avant d’écrire et d’analyser. C’est ainsi qu’elle a été un des piliers de la vaste enquête internationale publiée en deux volumes, The Endless City (2007) etLiving in the Endless City (2011). Parmi ses nombreuses publications, il convient de mentionner Ville et Violence (1993), les Villes face à l’insécurité. Des ghettos américains aux banlieues française (1998), The Social Control of Cities ? A comparative perspective (2000), la Société américaine après le 11 septembre (2012), Globalization, Fear and Insecurity. The Challenges for Cities North and South (2012).

Sophie Body-Gendrot est avant tout, pour ses proches, un sourire éclatant qui illumine un visage et précède une rencontre vraie, chaleureuse, amicale. Elle tenait beaucoup à indiquer son assiduité gourmande au Club des Croqueurs de chocolat, depuis plus d’une quinzaine d’années. C’est Christian Bobin qui écrit: «Le sourire est la seule preuve de notre passage sur Terre.» Alors Sophie a bien été une passagère et nous avons eu la chance de croiser sa route…


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Sophie Body Gendrot was a long time enthusiastic member of RC 21 where she brought her  tremendous energy, generosity for younger colleagues together with intellectual curiosity,  a robust sense of humour and a permanent smile. Sophie, a professor at Paris IV university, was always an optimist about the US, about the energy of community organisations, the capacity for experimentation. She trained generations of students to think about cities, race, the police, the migrants, the urban periphery. She became an expert comparativist to discuss those themes in France and in the US, relentlessy criticising the race blindness of the French state, or French urban studies. Her main  book « the social control of cities » published in the SUSC series, became a classic to consider issues of urban violence. She was passionate about urban issues, about urban justice. Her brillant conversation was a treat to think about public policies, ethnic minorities, the police or violence on both side of the Atlantic. As a devoted expert in chocolate she was also well known and liked as a wonderful human being. She’ll be missed by the RC 21 community.

Patrick Le Galès