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Maintenir la « continuité pédagogique » : l’expérience de l’enseignement à distance en période de confinement

elearning-02Depuis un mois en France, en raison du confinement institué pour restreindre l’extension du COVID19, tous les établissements scolaires sont fermés et le personnel enseignant a été encouragé à pratiquer la « continuité pédagogique » à travers un enseignement à distance. Pour l’enseignement du 1er et du 2nd degré, les parents d’élèves sont aussi invités à aider leurs enfants à pratiquer l’ « école à la maison ». Déjà en fin février, le Ministre de l’éducation nationale, J.M. Blanquer, cité par Lucile Meunier dans Uzbek & Rica, rassurait « Si [l’épidémie] devait prendre des proportions plus importantes, on serait capable de déclencher de l’enseignement à distance massif ». Il faisait allusion à Ma classe à la maison, la plateforme du CNED qui permet aux élèves d’accéder à des cours, vidéos, synthèses et visioconférences. Cet outil est un complément aux ENT (Environnement numérique de travail), grâce auxquels fonctionne notamment Pronote, un logiciel de gestion de vie scolaire, conçu comme une interface entre les professeurs, les élèves et leurs parents.

A part quelques succès de MOOCs dans l’enseignement supérieur et la formation continue, le e-learning n’a jamais vraiment décollé en France. Le CNED a mis longtemps à intégrer internet, et excepté quelques outils (tableau blanc interactif, cahier de correspondance en ligne), les enseignants n’utilisent pas beaucoup les nouvelles technologies. C’est pourquoi, lorsqu’il a fallu se mettre, d’un côté à l’enseignement à distance pour les professeurs, de l’autre à l’école à la maison pour les parents, sans aucune préparation préalable et avec des outils très peu rodés, on a assisté à une levée de boucliers de la plupart des enseignants. En revanche, certains y voyaient l’opportunité d’un renouveau pédagogique avec la mise en œuvre d’un enseignement 2.0 pour le 21e siècle … !

Fracture numérique et accentuation des inégalités elearning2-380x253

Mais surtout, comme l’a souligné Nathalie Mons, sociologue, professeur de politiques éducatives au CNAM, dans l’émission 28 minutes (Arte),  le système souffre d’une double fracture numérique : au niveau familial d’abord, avec des familles peu équipées, surtout en ce qui concerne les élèves des milieux populaires, et au niveau scolaire ensuite, en raison de l’impréparation des enseignants et des structures pédagogiques. L’école à la maison « va renforcer les inégalités sociales face à l’éducation, dans un pays parmi les plus inégalitaires. L’école étant également le lieu de socialisation, il faut sortir du fantasme de l’école du tout numérique, sans professeurs. »

C’est aussi ce que prévoyaient Pierre Ropert et Louise Tourret dès le 13 mars sur France Culture : « Mais malgré la bonne volonté du corps enseignant, la dématérialisation des cours va nécessiter une attention particulière des familles, ne serait-ce que pour s’assurer de la présence et du suivi des étudiants. L’enseignement à distance pose ainsi la question de l’égalité de l’enseignement, quand les familles ne sont pas toutes en mesure d’apporter le même soutien à leurs enfants ». « L’enseignement à distance, s’il venait à s’éterniser, pourrait donc accentuer les inégalités relevées par le classement PISA. Dans plusieurs rapports, déjà, le PISA a en effet relevé que le système éducatif français ne fait qu’accroître les inégalités pré-existantes ».

Impréparation de l’éducation nationale

C’est ce que constate Fanny Capel, professeur de lettres dans une tribune dans l’Obs : « Très rapidement, il est apparu que l’Education nationale n’était pas techniquement prête : les enseignants ont dû travailler avec leur matériel personnel, qui n’est pas forcément adapté ; les ENT (environnements numériques de travail) et les « classes virtuelles » conçues par le Cned n’ont pas supporté un usage massif. ». Les enseignants se sont ensuite « tournés vers les plateformes de discussion ou de visioconférence privées comme Skype, WhatsApp ou Zoom qui mettent en danger les données personnelles des élèves et la neutralité du service public ».

Face au flou des consignes officielles, les enseignants sont contraints à l’improvisation et adoptent des pratiques très diverses : échange de consignes et de copies par mail, cours en visioconférence ou vidéos en ligne. Du côté des familles, les parents en télétravail ou travaillant encore à l’extérieur se sont sentis vite dépassés et ont eu peur de n’en pas faire assez … Surtout que les conditions de l’étude à la maison (accès à un ordinateur, connexion à internet, logement, disponibilité des parents) n’ont pas été prises en compte.  Finalement les inspections ont rappelé que « le seul objectif était de maintenir un lien avec les élèves en leur proposant de exercices réguliers et la consolidation des compétences et des savoirs déjà acquis » ! 000000071588_zoom

Les enseignants se retrouvent dans un « état d’épuisement professionnel » et la plupart des élèves « vivent l’abandon scolaire et la rupture de leurs apprentissages, en dépit des efforts de leurs professeurs. » Pour Fanny Capel « il n’existe pas de classe virtuelle, seulement des individus à la fois, suprême paradoxe, surveillés et laissés à eux-mêmes. ».

C’est aussi l’avis des enseignantes interrogées dans l’article des Numériques : « L’école 2.0 ne remplacera jamais un prof« , annonce d’emblée Lucie, professeure de lycée en région parisienne. « On peut faire des sortes de cours magistraux, mais c’est à peu près tout« , continue celle qui doit s’occuper de ses deux enfants en primaire en parallèle. Isabelle, une contractuelle dans un lycée, abonde : « on nous vend une école 2.0, mais rien n’est fait pour faciliter la vie des profs et des élèves. » Les cours à distance exigent en effet beaucoup plus de travail pour une bonne partie du corps enseignant. « Au lieu de gérer une classe de 35 élèves, tu fais du cas par cas« , ajoute Isabelle. ». Là encore, l’inégalité est pointée : « S’il y a un mot à retenir, c’est inégalité. Tous les élèves n’ont pas toujours l’appareil et la connexion qu’il faut, certains parents se demandent comment on fait pour enregistrer des documents sur l’ENT, certains élèves ne savent pas se servir des outils informatiques« , s’inquiète Isabelle. ».

Un autre danger de l’enseignement à distance, l’’absentéisme numérique’ : Certains sont partis le vendredi pré-confinement « en se disant qu’ils étaient en vacances« . Mais là encore, cela dépend beaucoup de l’âge et du niveau social. « En 3e, avec des enfants issus de familles défavorisées, j’ai un taux de réponse de 50 à 60 % à mes mails« , explique Célia qui fait désormais cours depuis sa maison en Seine-et-Marne. ».  C’est aussi la question que pose Pascal Plantard, professeur d’anthropologie des usages des technologies numériques à l’Université Rennes 2, en se demandant dans une tribune au Monde « Qui sont les 800 000 élèves perdus ? » : la fracture numérique ne peut pas à elle seule expliquer le ‘décrochage’ de 5 à 8% des élèves depuis le début du confinement.

 

indexUn laboratoire de nouvelles pratiques

Alors que les outils institutionnels s’avèrent insuffisants pour faire face à la demande, certains enseignants en profitent pour expérimenter des solutions alternatives, proches des pratiques des jeunes, comme les jeux-vidéos ou les plateformes de réseaux sociaux. Lucile Meunier, dans son article sur Usbek & Rica, cite le cas d’un professeur de mathématique qui « a eu l’accord de sa direction pour développer des serveurs Discord. Cet outil ludique, bien connu de ses élèves fans de jeux vidéo, permettra d’héberger cours et exercices ». Une linguiste remarque aussi, qu’en l’absence d’ordinateur à la maison « certains outils non institutionnels semblent être plus adaptés à l’usage du smartphone: « Je ne vois pas le mal à faire un cours sur Snapchat, car tout le défi pédagogique est d’arriver à tirer le meilleur d’un outil. Par exemple, les langues requièrent de la spontanéité et de la vitesse, ce qui est très adapté à Snapchat ». Avec sa chaîne « Maths et Tiques » sur YouTube qui compte plus de 700 000 abonnés et 103 millions de vues, Yvan Monka, prof de maths au Lycée de Haguenau, est devenu incontournable depuis le confinement. Si l’élève peut progresser à son rythme, comme le constate Zineb Dryef dans le Monde « L’élève a la possibilité de revenir en arrière ou de cliquer sur pause, de fonctionner à son rythme. », la chaîne d’Y. Monka est très éloignée des standards des poids lourds de YouTube «  Ici, pas de montages sophistiqués, de décor soigné, d’animations rigolotes […] S’il glisse ici et là une blague de matheux, il ne fait pas de vulgarisation à grands renforts de références pop et de potacheries : il enseigne. ».

En ce qui concerne les élèves, « même si la salle de cours n’existe plus en tant que telle, il se recrée « un microcosme de classe » dans les boucles WhatsApp de certains établissements, explique Lucie à Corentin Béchade dans les Numériques. « Les élèves profitent de ce point d’ancrage, ils s’entraident et discutent« , renchérit celle qui cumule en plus le rôle de représentante des parents d’élève. « Il y a une vraie solidarité, ça a complètement changé la dynamique entre les profs et les élèves. Certains ont même créé un forum de discussion pour partager plus facilement des documents. »

« Il faut faire confiance aux élèves, assure François Taddei, cité par Lucile Meunier. Si l’un d’entre eux propose un outil, et que le professeur décide de lui faire confiance en lui disant : “Fais, tu connais mieux que moi”, on aura déjà fait un grand pas. Et ensuite, il faudra mettre en commun et partager ces nouvelles méthodes ».

Les aspects positifs de l’enseignement à distance transparaissent aussi dans la tribune de Roger-François Gauthier dans le Monde. Pour cet ancien inspecteur général, l’école pourrait aussi sortir renforcée de cette crise. Face à ceux qui déplorent « Que ce confinement des élèves dans les familles préfigurait une privatisation définitive de l’éducation et un éclatement de l’école face à la multiplication des acteurs qui interviennent dans l’enseignement à distance, », il fait le pari que d’autres espoirs sont possibles. « Qui dit que les élèves ne percevront pas plus clairement, après l’expérience du confinement, que leurs apprentissages individuels ne se construisent vraiment que confrontés aux apprentissages des autres ? […] Qui dit que les enseignants communiquant par exemple au téléphone avec leurs élèves ne leur seront pas en bien des cas apparus plus disponibles que dans la classe ordinaire ? ».

Cette crise pourrait aussi l’occasion de mieux former les enseignants, comme l’espère Christine Develotte « Ce serait super de pouvoir embrayer sur une formation numérique plus approfondie, pour les professeurs qui le souhaiteraient, pour revenir sur cette première expérienceSouvent, les enseignants ne sont pas formés à l’informatique donc ils ne voient pas l’enjeu qu’il y a à laisser la main à des spécialistes de conception de plateformes et non de pédagogie ». Mais encore faudrait-il disposer d’un budget, car, comme le souligne l’article d’Usbek et Rica : « Selon l’OCDE, les enseignants français ont moins accès aux formations continues (83%) que ceux des autres pays de l’OCDE (94%). ».

Il faudrait aussi arriver à mettre au point des méthodes plus créatives « Selon une étude PISA menée en 2017, les élèves français ont un niveau de collaboration très faible par rapport aux autres pays, notamment la Finlande. »..

 

Après les difficultés de l’enseignement pendant le confinement, les affres des choix du déconfinementformationnumerique2

Le gouvernement ayant pris conscience des inégalités provoquées par l’école à la maison en période de confinement, le Président de la République a annoncé que les établissements d’enseignement réouvriraient ‘progressivement’ à partir du 11 mai, date prévue du déconfinement pour une majorité de Français et d’activités économiques. On risque un « revers de confinement », similaire au ‘revers de l’été’, bien connu des chercheurs en éducation comme l’explique Céline Darnon dans The Conversation : alors que pendant l’année scolaire, les enfants de familles défavorisées affichent des gains assez similaires à ceux des familles avantagées, pendant les mois d’été, en revanche, de grandes disparités apparaissent. Celles pourraient expliquer en parties les grandes différences de réussites scolaires dans l’enseignement secondaire et les choix de filières dans l’enseignement supérieur.

Mais certains voient dans cette rentrée précipitée plus une nécessité économique (les parents doivent reprendre le travail, qui va garder les enfants ?) qu’une mesure pédagogique. D’autres, comme le chercheur en sciences de l’éducation Benoît Urgelli dans son interview au Monde, invite à « considérer cette période particulière à l’échelle de toute une scolarité » « Les enfants vont perdre deux mois d’école, peut-être plus, est-ce vraiment un drame ? ». Et surtout redoutent les conséquences sanitaires d’une telle reprise.

D’un point de vue épidémiologique, les enfants seraient relativement peu touchés par le virus du COVID19 (de moins de 1% pour les moins de 10 ans à 1% pour les 10 à 19 ans) et contrairement à ce que l’on croyait au début de la pandémie, aussi moins contagieux, d’après une étude de chercheurs français sur le cluster de Haute-Savoie, cité par Natalie Raulin dans Libération.

Malgré la prudence des propos du le premier Ministre lors de la conférence de Presse du 19 avril, la « bonne méthode sera progressive », a-t-il répété. « Les écoles n’ouvriront pas partout le 11 mai et ne fonctionneront pas partout dans les conditions dans lesquelles elles fonctionnaient » avant le confinement. parents et enseignants restent sur leurs gardes : « Le discours est plus prudent, sur cette date du 11 mai, que ce que laissait entendre Emmanuel Macron, salue Frédérique Rolet, secrétaire général du syndicat enseignant SNES-FSU  dans l’article du Monde. On ne pourra faire de rentrée tant que les conditions de sécurité sanitaire pour les élèves et les enseignants ne seront pas remplies. » Pour Hubert Salaün, porte-parole de l’association des parents d’élèves PEEP, interviewé par RTL « Pour des questions d’organisation, on ne peut pas aujourd’hui remettre 50 élèves dans un bus, 600 élèves en une heure à la cantine. Donc ça va être progressif et bien discuté avec les parents d’élèves, les mairies, les collectivités locales et les enseignants ».

 

Coronavirus : les premières pistes du gouvernement pour le déconfinement. – Le Monde, 20/04/20

Déconfinement des écoles : « Il va falloir beaucoup de pédagogie » estime la Peep. – Le Journal RTL, 20/04/20

Raulin, Nathalie. – Les enfants, étonnamment peu vecteurs de la maladie. – Libération, 19/04/20

Mons, Nathalie. – L’école à distance creuse-t-elle les inégalités. – 28 minutes – ARTE – YouTube, 16/04/20

Urgelli, Benoît ; Morin, Violaine. – École à la maison : « Les enfants vont perdre deux mois d’école, peut-être plus, est-ce vraiment un drame ? ». – Le Monde, 15/04/20

Capel, Fanny. – Enseignement à distance : « Le danger d’une école sans humanité ». – L’Obs, 15/04/20

Poupée, Mathilde ; Le Guellec, Gurvan. – Moi prof confiné : « ne nous dédouanons pas de notre immense tâches sous de mauvais prétextes ». – L’Obs, 13/04/20

Watrelot, Philippe. - Confinement : « L’enseignement, c’est d’abords une relation et de l’accompagnement » : Chat. – Le Monde, 08/04/20

Plantard Pascal. – Ecole à la maison : « Qui sont les 800 000 élèves « perdus » ? » - Le Monde, 07/04/20

Roder, Iannis. – Enseignement à distance : « Allez on se connecte tous à 8h55″ ou presque ... – Le Monde, 07/04/20

Augusto, Hadrien. – Cette application pour apprendre une langue fait un carton pendant le confinement.Presse-citron, 07/04/20

Darnon, Céline. – Inégalités scolaires : des risques du confinement sur les plus vulnérables. – The Conversation, 31/03/20

Gauthier, Roger-François. – Le confinement pourrait permettre « le sursaut dont l’éducation a besoin en France et ailleurs ». – Le Monde, 31/03/20

Treilles, Clarisse. – #JeTravailleChezMoi : « les cours ont une meilleure saveur quand on a du temps devant soi ».  – ZDNet, 31/03/20

Dryef, Zineb. - Yvan Monka, le prof de maths sur YouTube devenu incontournable depuis le confinement. – Le Monde, 26/03/20

Béchade, Corentin. – Confinement : « L’école 2.0 ne remplacera jamais un professeur ». – Les Numériques, 21/03/20

Meunier, Lucie. – « Pendant le confinement, je ne vois pas le mal à faire un cours sur Snapchat.Uzbek & Rica, 20/03/20

Chartier, Mathieu. – Coronavirus : une première journée d’école à la maison très perturbée. – Les Numériques, 16/03/20

Ropert, Pierre ; Tourret, Louise. – Enseignement à distance : « On peut craindre un élargissement des inégalités » dans l’éducation.France Culture, 13/03/20

Bergen, Alain. – Pour l’application Zoom, plus dure sera la chute. – L’Express, 13/04/20

CNED. – Ma classe à la maison : Comment s’organise la continuité pédagogique avec « Ma classe à la maison » ?. – CNED, cop. 2020.

Video conferencing, web conferencing, webinars, screen sharing – Zoom

 

Quelle pédagogie à l’heure du numérique ?

300x200xRTEmagicC_PEDAGOGIE_SAINTHILAIRE_01.jpg.pagespeed.ic.BzeethoVGeL’innovation pédagogique est au centre du débat qui agite la société française autour de la réforme du collège. Comme le rappelle Dominique Roux dans un article des Échos, les élèves sont à présent des « digital natives » et l’usage d’outils numériques leur paraît naturel. Et ce, de la maternelle à l’université. Quels changements le numérique pourrait-il apporter à l’enseignement et comment ?

Comme le dit Michel Guillou dans son dernier billet : « J’ai l’impression qu’on n’a pas compris, après l’avoir écrit, ce que signifiait vraiment « L’école change avec le numérique » et qu’on n’a pas pris mesure, avec cette réforme du collège, des mutations en cours. » Et le bloggeur d’exposer les 31 défis amenés par le numérique, dont un des premiers est que ce phénomène n’est « ni un outil ni une fin en soi » …

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, Educpros fait l’inventaire du Top 10 des pédagogies innovantes à l’Université. Classes inversées, fablabs, réalité virtuelle, etc. De nombreuses innovations accompagnent l’entrée du numérique dans l’enseignement, mais s’ils bouleversent les habitudes des enseignants et des étudiants, ces nouveaux outils ne suffisent pas à transformer la pédagogie. Comme le souligne Marcel Lebrun dans une interview « Le numérique peut avoir un impact sur la pédagogie, à condition que celle-ci change ».

Dans le monde anglo-saxon, on se rend compte que les enseignants ont une pratique très limitée des technologies de l’information et des compétences acquises en ligne. Katrina Schwartz explique dans son post, citant le rapport du ‘Project Tomorrow’ Learning in the 21st century, que les enseignants en formation, les ‘professeurs de demain’, apprennent des techniques d’hier, alors qu’ils maîtrisent déjà des compétences numériques plus évoluées comme l’usage des médias sociaux et des appareils mobiles … De même, Michelle Wise, souligne dans The real Revolution in Online Education isn’t MOOCs (Harvard Business Review), que ce qui va vraiment révolutionner le système éducatif ce ne sont pas les MOOCs qui offrent des cours en ligne gratuits et massifs, qui ne sont que la version technologique des cours magistraux traditionnels, mais la nouvelle architecture de transmission et d’échange de savoirs et de pratiques sur internet. Évidemment, l’auteur envisage plutôt l’aspect pragmatique de ces connaissances qui concernent plus les besoins réels des entreprises : « But there is a new wave of online competency-based learning providers […] but creating a whole new architecture of learning that has serious implications for businesses and organizations around the world. “ Là aussi l’utilisation et la pratique des médias sociaux permettent d’acquérir et de développer de nouvelles compétences, très utiles dans des secteurs comme le marketing ou la communication d’entreprise.

Classe-inversée-300x173C’est aussi l’avis d’Emmanuel Davidenkoff dans l’article de Regards d’étudiants en ce qui concerne les MOOCs : « Parfois on appelle MOOCS un cours filmé, ce qui n’est pas plus élaboré que ce que l’on fait quand on met une caméra devant quelqu’un qui parle, et ça, on sait le faire depuis que la télévision existe » mais aussi : « Je pense effectivement qu’au vu du redécoupage des séquences que cela impose, avec la nécessité et toutes les possibilités de collecter des données sur la façon dont les gens réagissent, on devrait pouvoir de plus en plus faire des propositions assez engageantes pour que des personnes qui, aujourd’hui, seraient réticentes ou décrocheraient assez vite rentrent dans les apprentissages, et réussissent à apprendre ». Grâce au recueil de données personnelles le numérique permettrait « d’industrialiser ce qui relève aujourd’hui de l’artisanat, le suivi individuel ». E. Davidenkoff rassure aussi sur le caractère hybride de l’enseignement : les Moocs n’ont pas vocation à remplacer tous les cours en présentiel …

L’importance de la présence des enseignants est d’ailleurs rappelée par le philosophe Michel Serres dans son interview à Vousnousils : ‘On n’a jamais eu autant besoin d’enseignants’. Si les enseignants et les médecins n’ont plus le monopole du savoir, c’est une chance : « Si on s’intéresse au cancer par exemple, il est possible d’effectuer des recherches sur Internet, mais on ne va rien y comprendre. Il sera toujours indispensable de contacter un spécialiste qui pourra nous transmettre son savoir. » Il en est de même dans les amphis où les étudiants ont déjà consulté sur Wikipedia le sujet du cours, mais ont besoin des compétences de l’enseignant pour mieux assimiler ces connaissances. « Le travail des enseignants s’en trouve allégé car l’information est déjà passée, mais leur rôle de passeur de connaissances reste inchangé. »

Michael Godsey va encore plus loin dans son post The deconstruction of K12 teacher (The Atlantic). Le professeur va passer du statut d’’expert en contenu’ à celui de ‘facilitateur technologique’, les contenus étant dispensés soit par des ‘super-profs’ dans les Moocs, soit sur des sites comme TED.melting pot d'enfants du monde

C’est bien ce que souligne Marcel Lebrun dans son interview : « doter les établissements d’outils numériques ne suffit pas. Il faut des formations plus méthodologiques, qui laissent moins de place aux savoirs eux-mêmes mais sont davantage tournées vers la manière d’apprendre. » . En effet, « en allant chercher des informations autour de lui, dans la société, l’étudiant acquiert un savoir que l’enseignant n’a pas forcément, ce qui place celui-ci dans une position d’apprenant. »

On assiste ainsi à de nouvelles formes d’apprentissage comme la pollinisation comme l’explique Marc Dennery dans C-Campus. « Reprenant l’image du monde végétal, on peut dire que les grains de savoir circulent d’agents de savoir à agents de savoir, comme des grains de pollen vont de plante en plante. » Les agents du savoir pouvant être aussi bien les apprenants eux-mêmes, mais également des bases de ressources pédagogiques (wiki, réseau social d’entreprise).

Les Français sont bien conscients de l’impact de ces nouveaux types d’apprentissage, comme le souligne Dominique Roux dans l’entretien aux Echos : « 72 % des sondés considèrent que l’enseignement numérique accroît l’autonomie d’apprentissage des élèves ». C’est ce que Christine Vaufray indique dans son post  MOOC : cours du prof ou cours des gens ?  « Le MOOC des gens, c’est celui dans lequel les informations transmises et les activités proposées stimulent l’apparition d’une multitude de commentaires, productions, débats, actions… qui constituent en finale la véritable matière du cours, bien plus que l’information initiale. ».belleimage
Learning in the 21st century : Digital experiences and expectations of tomorrow teachers. – SpeakUp – Project Tomorrow Report, 2013.

Schwartz, Katrina. - Are teachers of tomorrow prepared to use innovative tech ?KQED News, 13/02/13

De la transmission à la pollinisation des savoirs. – C-Campus- Le blog, 30/12/13

Weise, Michelle. – The real revolution in online education isn’t MOOCs. – Harvard Business Review, 17/10/14

« Le numérique aura toute sa place dans l’enseignement ». E. Davidenkoff. – Regards d’étudiants, 16/11/14

Blitman, Sophie. – Marcel Lebrun : « L’écart entre collaboration et aliénation numérique est étroit ». – L’Etudiant, 26/11/14

Godsey, Michael. – The deconstruction of the K12 teacher. – The Atlantic, 25/03/15

Michel Serres : “On n’a jamais eu autant besoin des enseignants !”. – Vousnousils, 03/04/15

MOOC : cours du prof ou cours des gens ?Jamais sans mon laptop, 10/05/15

Les 31 défis pour le collège mais aussi pour l’Ecole et l’Université. – Culture numérique, 23/05/15

Roux, Dominique. – Le numérique pour enseigner autrement. – Les Echos, 27/05/15

 

Enseignement et numérique : quelles difficultés, quels enjeux ?

l2code-cssUne controverse s’est développée récemment en France sur la nécessité d’enseigner le numérique à l’école. Doit-on en faire une discipline comme les autres, comme les maths ou l’instruction civique ? Ou au contraire, aborder chaque aspect de ce nouveau champ de connaissance à partir des autres enseignements : philosophie, droit, économie, physique, etc. comme le propose Michel Guillou, dans son post sur la « littératie numérique » ?

Il faudrait d’abord définir ce que l’on entend aujourd’hui par numérique, notion qui recouvre un grand nombre de connaissances et d’activités et bien distincte de l’informatique, aussi bien la théorie que la technologie spécifique. Or, un projet de loi vient d’être déposé à l’Assemblée nationale pour instituer l’ apprentissage du code informatique à l’école primaire (NextINpact, 13/06/14). Cet apprentissage, appuyé d’ailleurs par le Conseil national du numérique, est préconisé dans le ‘nouveau socle de connaissance’ du Ministère de l’éducation nationale.

Mais si une certaine base de connaissances et de pratique des algorithmes est indispensable à une bonne éducation, il paraît excessif de faire de nos « chères têtes blondes » des ‘codeurs’ émérites ! En effet, l’informatique est fondée sur la logique, et cette matière n’est abordée qu’en terminale, avec la philosophie … ! Il vaut mieux apprendre aux élèves à « mettre à plat » un problème ou une situation à l’aide d’algorithmes comme une recette de cuisine, comme l’explique Tasneem Raja dans « Is coding the new literacy? ». Une fois que les enfants auront compris ce qu’est une itération comme on comprend la composition d’une sauce en cuisine, les « petit(e)s malin(e)s pourront s’inscrire en atelier de ‘code’ pour programmer, par exemple, le jeu vidéo de leurs rêves, comme ils/elles peuvent s’inscrire à un atelier de pâtisserie, pour réaliser de magnifiques cupcakes ;-) Il existe d’ailleurs des tutoriels très attractifs pour les très jeunes amateurs, comme le montre ce programme de Mitch Resnick du Medialab du MIT. tarif-e-learning

Mais l’informatique ne représente qu’un aspect, essentiel certes, des si vieilles « Nouvelles technologies de l’information et de la communication » NTIC ou TIC, rebaptisées « numérique » depuis quelques années …. Les usages de ces technologies ont pénétré tous les champs de notre vie quotidienne. Les jeunes « digital natives » n’envisagent même plus la vie sans ces services … Comme certains pratiquent apparemment mieux que leurs enseignants, on pourrait penser qu’il est inutile de leur enseigner quoi que ce soit à ce sujet !

Or la pratique n’est pas la connaissance et encore moins la conscience des mécanismes ou des enjeux qui sous-tendent ces usages technologiques. En raison des inégalités très lourdes qui existent dans la société actuelle, seule l’école peut répondre à cette nécessité. Il est indispensable que les enseignants apportent un éclairage sur ce que recouvrent un profil Facebook, une messagerie instantanée, un téléchargement ou une recherche Google. Les enseignants peuvent bien sûr être assistés par des documentalistes et bibliothécaires, pour la recherche documentaires et les ressources numériques.

Si le numérique est effectivement « ignoré de la maternelle à l’ENA », comme l’affirment les participants d’ EDUCNUM 2014 , cité par Renaissance Numérique, que représente-t-il au juste ? « De la culture et de l’humain. On dépasse la technique et l’informatique » comme le twitte Clotilde Chevet, ou « Une culture générale numérique englobe à la fois le code, les images ou les questions des libertés » pour Sophie Pène.

Plutôt que d’apprendre à coder, les élèves ont d’avantage besoin d’ « apprendre à penser par eux-mêmes, à ‘décoder’, à ‘déchiffrer’  » analyse Olivier Le Deuff dans le Guide des égarés. Ils doivent être formés à une « culture nouvelle », en produisant un « nouveau régime de savoirs … C’est la question de la formation du citoyen dans des environnements complexes où se produisent différentes lectures et écritures ».

Mais qu’en est-il de l’utilisation des techniques numériques dans l’enseignement ? Les TICE, le e-learning, et à présent les MOOC, arrivent-ils à transformer l’éducation ? Assistons-nous à un nouveau paradigme pédagogique grâce au numérique ?
Si les moyens techniques et humains, et surtout la formation des enseignants, sont loin d’être opérationnels, certains indicateurs portent à l’optimisme.

Le e-learning permet d’abord aux apprenants à être plus autonomes, moins passifs face à l’enseignement du maître. Le ‘blended learning’ combine la transmission des connaissances et les compétences de l’enseignant avec des modules de e-learning, une recherche de contenus, des exercices et des ‘jeux sérieux’, et surtout des échanges avec d’autres étudiants et enseignants grâce aux forums de discussion.

Comme le souligne Mathieu Cisel dans son post « ce ne sont pas seulement les équipes pédagogiques qui s’adaptent ; pour les apprenants aussi c’est une évolution très importante de la posture face à l’apprentissage. Beaucoup plus d’autonomie, d’autonomisation et de responsabilisation » (La Révolution MOOC, 26/05/14).

Et surtout, comme l’affirme Emmanuel Davidenkoff, Directeur de l’Étudiant, « n’attendons pas de savoir si le numérique améliore les apprentissages. Intégrons-le tout simplement, car il est notre nouveau monde ».

Tablet PC with cloud of application icons

Resnick, Mitch. – Let’s teach kids to code. – TED, nov. 2012

Berne, Xavier. – Faut-il sensibiliser les enfants au code dès l’école primaire ?Next INpact, 21/05/14

Tasneem, Raja. – Is coding the new literacy ? - Mother Jones, 06/14

Guillou, Michel. – Socle : tous les élèves doivent savoir publier. – Culture numérique, 13/05/14

Guillou, Michel. – Pour une littératie numérique qui traverse et éclaire les disciplines scolaires. – Culture numérique, 01/06/14

Une culture générale du numérique pour tous ! - Renaissance numérique, 02/06/14

Enseignement de l’informatique à l’école : l’Académie des technologies prend position. – vousnousils, 03/06/14

François Fourcade. – Le numérique ne peut s’affranchir des lois de la pédagogie. – Parlons pédagogie ! Blog Educpros, 03/06/14

Cisel, Mathieu. – MOOC : la question de l’autonomie des apprenants. – La Révolution MOOC – Blog Educpros, 26/05/14

Gauchet, Marcel ; Soulé, Véronique. – Internet oblige le prof à remettre de l’ordre dans du désordre : interview. – Libération, 06/06/14

Kumar, Lokesh. – Blended learning – Is it the right move for you?Upside Learning, 10/06/14

Davidenkoff, Emmanuel. – Intégrons le numérique à l’école, car il est notre nouveau monde. – L’Express, 13/06/14

Le Deuff, Olivier. – Il faut apprendre à décoder, l’enjeu d’un nouveau programme commun. – Guide des égarés, 15/06/14

Compagnon, Antoine ; Duquesne, Margaux. – L’école du futur vue par Antoine compagnon. - Journaleuse, 16/06/14

Apprenants en ligne : à la conquête de leur liberté. – Thot Cursus, 17/06/14

 

Ecrans, tableaux interactifs : les nouveaux outils de l’école ?

Le Deuxième Colloque « Ecriture et technologies : écrans et lectures » qui s’est tenu les 6-7 avril 2011 à Sophia-Antipolis s’est penché sur la nouvelle donne des outils scolaires représentée par l’envahissement des écrans et des TICS dans l’enseignement. Comme l’expliquent Catherine Bechetti-Bizot (Groupe IGEN Lettre) et Paul Mathias (IGEN Philosophie et Pilote de la cellule TICE), dans la présentation de la problématique des Actes 2011, « La lecture, entendue à la fois comme acquisition et activité scolaire, pratique culturelle et moyen d’apprentissage, est au cœur des compétences fondamentales transmises par l’Ecole. (…) Les supports d’enseignement traditionnels que sont le manuel, le livre, le cahier ou le tableau noir sont ébranlés par l’arrivée des supports de lecture numérique. Ecrans d’ordinateurs, écrans mobiles, tactiles, tableaux blancs interactifs… pénètrent de plus en plus rapidement l’espace et les pratiques scolaires ». Ces nouvelles pratiques (corpus de textes et d’images numérisés, réalité « augmentée) engendrent des mutations aux niveaux cognitif, pédagogique, culturel et socioéconomique. Enseignants et pédagogues doivent se saisir de ce nouveau défi pour stimuler la réflexion collective, poser les enjeux et anticiper les mutations en cours dans l’enseignement. Et dans cette action, ils pourront s’appuyer sur les bibliothécaires et les documentalistes des Centres de documentation et d’information scolaire (CDI), Comme le fait remarquer Hans Dillaerts (InfoDoc Microveille) dans son post du 22 avril en évoquant la thèse d’Helen Boelens à l’Université de Middlesex : « The evolving role of the school library and information centre in education in digital Europe », ces centres vont prendre une importance croissante dans l’enseignement et la pédagogie du 21e siècle en Europe.

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