Une bibliothèque sans livres … C’est possible !

Non, nous ne sommes pas en pleine science fiction … Et cela ne veut pas dire pour autant que nous entrons en décadence !

Le développement des supports numériques et celui du nomadisme rendent désormais possible cette quasi aberration sinon cet oxymore …
La première bibliothèque sans aucun livre (papier) va ouvrir à l’automne prochain à Toronto. BiblioThech , c’est son nom, prêtera des liseuses pour deux semaines à ses lecteurs : pas de politique BYOD (Bring Your Own Device : en français AVEC : Apportez Votre Équipement Personnel de Communication) dans ce lieu, et, bien sûr, il y aura des ordinateurs …
Cette stratégie devrait aussi permettre de rendre ce service aux déficients visuels : des associations sont en train de faire pression sur les constructeurs de liseuses ou tablettes pour mieux adapter ces outils aux personnes en situation de handicap visuel (braille, synthèse vocale, etc.). Malheureusement, les verrous numériques des DRM bloquent encore ces développements ;-( En effet pour transformer certains ouvrages déjà numérisés, il faudrait toucher à la loi sur le copyright et cela se heurte aux puissants lobbies des éditeurs et distributeurs : Amazon a déjà supprimé les fonctionnalités audio de ses liseuses… Aux Etats-Unis, seul 1% des ouvrages est disponible dans un format adapté …

En France, on n’est pas encore arrivé à ce point, mais un certain nombre d’expériences ont lieu dans des bibliothèques publiques, comme la « Pirate Box » à Aulnay-Sous-Bois. Comme l’explique le bibliothécaire Thomas Fourmeux, il s’agit d’un dispositif permettant de télécharger des œuvres appartenant au domaine public ou libres de droit. Aucun piratage donc dans cette expérience qui est complètement légale … ;-) Mais à la différence de la BiblioThech canadienne, il faut apporter son matériel (liseuse, tablette, smartphone, etc..). Une expérimentation pour le prêt de liseuse a aussi eu lieu, de même que des ateliers avec iPads avec les enfants pour les initier à la lecture numérique. En fait, si les livres ‘objets’ disparaissent progressivement des bibliothèques, ce n’est pas le cas des bibliothécaires, qui deviennent de plus en plus indispensables pour accompagner les lecteurs dans cette mutation, c’est ce qu’on appelle la médiation numérique. Si la plupart des jeunes viennent à la bibliothèque pour profiter du réseau wifi, de nombreux utilisateurs ignorent encore qu’il faut se connecter au wifi pour télécharger des documents …
Ce dispositif simplifie aussi le travail des bibliothécaires : plus besoin d’acquérir les classiques en plusieurs exemplaires (surtout pour les scolaires). Et en ce qui concerne les livres relevant du domaine public, on n’a plus à se préoccuper des livres perdus ou en prêt !
Pour les e-books encore sous droit d’auteur, les bibliothécaires de Toronto les rendront illisibles au bout des deux semaines de prêt.

Quant aux ‘accros’ au papier, des distributeurs automatiques de livres (de poche), semblables aux distributeurs de boissons, existent déjà en Chine et … Dans une librairie à Toronto !

Mais, s’il n’y a plus de livres dans les salles de bibliothèque, que faire avec tous ces espaces ?
C’est là qu’intervient la notion de « troisième lieu ». Le troisième lieu est un espace consacré à la vie sociale, qui se positionne après le foyer (1er lieu) et le travail (2eme lieu). C’est le rôle qu’ont joué le forum ou la place de marché, puis l’église et aujourd’hui le café/pub. Le sociologue Ray Oldenburg a conceptualisé cette notion dans son livre « The Great, Good Place ». S’il n’a pas nommément cité les bibliothèques dans ces espaces du « vivre ensemble », c’est la multiplication de services comme l’aide à la formation, l’accès au numérique, l’ouverture vers l’art et l’organisation d’évènements qui en font un lieu de rencontres convivial. Mais il faudra opérer des aménagements entre les espaces calmes consacrés à la lecture (numérique ou pas) et au travail individuel et les espaces plus sociaux où se tiennent des activités ou animations culturelles ou de loisir (jeux vidéos ou FabLabs).
Si ce modèle s’est développé dans les pays du Nord et anglo-saxons (Hollande, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Canada anglophone), les bibliothécaires (et les publics ?) francophones et latins (France, Québec) sont beaucoup plus réticents. Nous ne sommes pas prêts à rompre avec le « temple du savoir » pour « concurrencer l’industrie des loisirs et des produits culturels » comme le fait remarquer Mathilde Servet dans son mémoire d’ENSSIB. La controverse demeure, mais si les bibliothécaires veulent regagner leur(s) public(s) et les réconcilier avec la lecture ou d’autres pratiques culturelles, il faut envisager toutes les hypothèses …

Gaudio, Anne-Gaelle. – Le numérique en bibliothèque part.6 : de nouveaux services. – INSET Montpellier 22-24 mai 2013. – Le CNFPT Slideshare, 27/05/13

Chaimbeault, Thomas. – La bibliothèque dans ton mobile. – ENSSIB, avril 2013. – Slideshare

Thomas Fourmeux : « La Piratebox, c’est surtout l’occasion pour nos lecteurs d’accéder à la connaissance ». – Lettres numériques, 03/05/13

Piratebox : Bilan d’étape. – Biblio Numericus, 07/01/13

Taillandier, Florent. – A quand des ebooks vraiment adaptés aux déficients visuels ?CNet France, 28/05/13

Busacca, Aurélie. – Bibliothèque et médiathèque troisième lieu. – Monde du livre – Hypothèse.org, 18/03/13

Les bibliothèques publiques face au défi du « vivre ensemble ». – Novo Ideo, 26/03/13

Martel, Marie D. – La bibliothèque publique : le modèle québecois. – Bibliomancienne, 30/04/10

Servet, Mathilde. – Les bibliothèques troisième lieu. – Mémoire d’étude ENSSIB, 2009

L’exploitation des données : un secteur très prometteur ….

« Quand je serai grand, je ferai du commerce de données personnelles ! » Cette remarque ironique exprimée dans l’émission néanmoins sérieuse de France 5 sur le numérique, le « Vinvinteur« , résume assez bien l’importance que prennent ces nouvelles ressources.

Les données, personnelles ou publiques, sont devenues le nouvel « or noir » du 21e siècle ! Celles que l’on appelle le « Big data » sont maintenant extraites en très grande quantités dans les flux des réseaux sociaux et des très nombreuses communications qui s’échangent sur la Toile.

Comme le souligne Michel Vajou dans la dernière Dépêche du GFII, IBM, grâce à son dernier outil, le Social Media Analytics va pouvoir analyser et synthétiser de très gros volumes de données issues des réseaux sociaux. Contrairement à ce qui se passait précédemment, ces données ne sont pas « propriétaires », elles n’appartiennent pas à des entreprises qui les auraient consolidées et structurées dans des entrepôts, ce sont des données ouvertes, transitant par des réseaux ouverts.
Grâce à ce service, les grandes marques de consommation pourront connaître les avis et les réactions (‘sentiment analysis’) des consommateurs sur leurs produits.

Mais les données ne se trouvent pas seulement sur les réseaux sociaux. On les détecte aussi à partir des objets qui nous entourent, à commencer par le smartphone, notre ‘double’ numérique, si l’on en croit Dominique Boullier et son projet Habitele.
Dans le cadre d’une recherche globale sur ‘smartphone et vie privée’, la CNIL s’est associée à l’INRIA avec le projet « Mobilitis ». Celui-ci consiste à analyser en profondeur les données personnelles enregistrées, stockées et diffusées par le smartphone. En constituant une expérience ‘in vivo’ sur un nombre limité de personnes (6 iPhones) et d’applications (géolocalisation, photos, carnet d’adresses et identifiants téléphone), les chercheurs comptent pouvoir répondre à un certain nombre de questions vitales pour la vie privée des utilisateurs : qui accède à l’identifiant unique de l’appareil, à la localisation, au carnet d’adresse, etc.
De nombreuses applications récupèrent, par exemple, l’identifiant unique Apple du téléphone (UDID), qui ne peut pas être modifié par l’utilisateur. Apple a annoncé que cette situation va bientôt être modifiée, mais en attendant de nombreux acteeurs (développeurs d’applis) sont destinataires de ces données, invisibles pour l’utilisateur …!
La CNIL souhaite développer l’accompagnement de ces acteurs pour qu’ils intègrent les problématiques « Informatique et Libertés » dans une démarche « Privacy by Design ».

Mais le smartphone n’est pas le seul ‘mouchard’ de notre environnement numérique, bientôt d’autres objets rempliront cette fonction pour le plus grand bonheur de l’Intelligent Business’. Votre voiture pourra renseigner l’assureur sur vos habitudes de conduites, ou votre frigo intelligent déduira vos croyances religieuses à partir de vos habitudes alimentaires … Déjà nos liseuses nous trahissent ! Amazon prévient ses acheteurs de Kindle : outre les données pratiques (mémoire disponibles, historique des connexions, puissance du signal), le logiciel fournit aussi des informations sur le contenu numérique (la dernière page lue, les annotations, les signets, les passages surlignés, etc. .). Lire des e-book génère donc des informations pour les éditeurs et les distributeurs …! On pourra savoir quels lecteurs abandonnent un texte et lesquels finissent leurs livres … Et surtout les différentes formes de lecture par type de document (essai, fiction, poésie, etc.).

L’analyse des flux de Twitter a déjà permis de prédire le résultat d’élections de vedettes dans une émission de télé-réalité, style « Nouvelle Star » aux Etats-Unis. En recueillant des données très détaillées sur le comportement social des téléspectateurs sur Twitter pendant l’émission, des chercheurs de la Northeastern University de Boston ont démontré que l’élimination des concurrents pouvait être anticipée… Les données de géolocalisation ont semblé jouer un rôle non-négligent dans cette analyse, car on a pu déceler l’influence importante de l’origine géographique des participants sur le vote.

Une activité importante se dessine pour les années à venir dans l’exploitation de cette nouvelle ressource, notamment dans le secteur de la publicité ciblée et du commerce en ligne. Mais il ne faudrait pas que ces pratiques lèsent la source même de ces données : les personnes physiques : en fait vous, moi, n’importe qui un tant soit peu connecté aux outils et aux réseaux numériques !
D’où l’importance du combat pour la protection des données personnelles, aussi bien au niveau national, qu’européen et international.

Y-a-t-il une menace Internet ? Le gros t’chat avec Xavier de La Porte : entretien par Jean Marc Manach. – Le Vinvinteur, France 5, 18/05/13

Vajou, Michel . – Big Data : quand IBM décrypte les messages sur les réseaux sociaux. – La Dépêche du GFII, 22/05/13

Léonard, Clara. – Big Data : quand IBM décrypte les messages sur les réseaux sociaux. – ZDNet, 17/05/13

Guillaud, Hubert. – Big Data, la nouvelle étape de l’informatisation du monde. – InternetActu, 14/05/13

Pouilly, Denis. – L’internet des objets, le prochain chantier de la confidentialité des données. – Regards sur le numérique, 18/04/13

Voyage au cœur des smartphones et des applications mobiles avec la CNIL et Inria. – CNIL, 09/04/13

Lang, Daniel ; Pillet, Jean-Luc. – Menaces des TIC : données privées et comportement des utilisateurs. – Infosec – Université de Genève (Suisse).

Pépin, Guénaël. – La CNIL veut peser dans le débat européen sur la vie privée. – Le Monde, 23/04/13

Data : le nouvel or noir : dossier. – Inriality, 28/01/13

Alerte : notre vie privée bientôt détruite à Bruxelles. – La Quadrature du Net, 22/01/13

Habitele

Twitter data crunching the new crystal ball. – Science Blog, 30/08/12

Beuth, Marie-Catherine. – Lire des ebooks génère des données pour les éditeurs. – Étreintes digitales – Le Figaro, 02/07/12

Livres/écrans : quelle hybridation pour la bibliothèque du 21e siècle ?

Le terme « bibliothèque hybride » est souvent employé pour parler de l ‘évolution des ressources documentaires où l’on évoque la ‘complémentarité’ de l’imprimé et du numérique.
Or, pour le psychanalyste Serge Tisseron qui a participé à l’élaboration du rapport de l’Académie des Sciences « L’enfant et les écrans », le support (imprimé ou numérique) n’a aucune importance : ce qui compte c’est la ‘culture’ des écrans qui est en train de remplacer celle du livre dans laquelle nous baignons depuis des millénaires …
Depuis l’invention du codex, le livre est un objet fini dont la lecture est séquentielle. ‘La culture du livre implique de lire un seul livre à la fois, un seul lecteur et un seul auteur’. La relation au savoir y est verticale : le ‘sachant’ s’adresse à l’ignorant. En revanche, la culture des écrans est multiple : elle implique plusieurs fenêtres, plusieurs spectateurs et plusieurs créateurs. Alors que la culture du livre est liée à la temporalité – on progresse dans la lecture et cela prend un certain temps- celle des écrans favorise une pensée spatialisée. A ce niveau-là, la lecture de e-books sur liseuse participe pleinement à la culture du livre ! Au lieu d’assimiler la pensée d’un autre, la culture des écrans nous apprend à faire face à l’imprévisible, à changer de stratégie dans un jeu vidéo, par exemple. Ce n’est pas « le livre papier dans sa linéarité et sa finitude, dans sa matérialité et sa présence [qui] constitue un espace silencieux qui met en échec le culte de la vitesse et la perte du sens critique » comme l’affirment Cédric Biaggini et Guillaume Carnino dans « Le Livre dans le tourbillon numérique » (Le Monde Diplomatique septembre 2009), c’est le livre, qu’il soit papier ou numérique ! Et n’en déplaise à Nicolas Carr « La dernière chose que souhaitent les entrepreneurs du Net, c’est d’encourager la lecture lente, oisive, ou concentrée. Il est de leur intérêt économique d’encourager la distraction… » : la vente des e-books (et surtout pour les liseuses Kindle) représente aujourd’hui 30% du marché américain !

Si ce rapport incite les éducateurs et enseignants à faire bénéficier les enfants du meilleur de ces deux mondes, Serge Tisseron souligne que ces deux environnements ont chacun leurs défauts : la culture du livre implique une ultra-spécialisation des savoirs et valorise les personnalités rigides, la culture numérique favorise la dispersion des savoirs et des apprentissages intuitifs.

Mais ces deux cultures ne vont pas simplement coexister parallèlement l’une à côté de l’autre, elles s’interpénètrent progressivement. C’est ce qui se passe avec les nouvelles techniques de « suivi du regard » développées pour les smartphones, mais qui pourraient aussi bénéficier à l’édition papier de livres ou de magazines ou pour la réalisation de films ou d’expositions. Frédéric Kaplan, professeur des Humanités numériques à l’EPFL de Lausanne nous explique dans un post cette nouvelle économie de l’attention. Avec deux collègues, il avait conçu un système de lunettes, équipées de deux caméras, l’une tournée vers l’extérieur, l’autre vers un des yeux, capable d’enregistrer aussi bien le regard que ce qui est lu. « En répétant cette opération des dizaines de fois par seconde, nous pouvons tracer avec précision le passage de vos yeux sur une page ». La vidéo qui accompagne ce post nous montre ce processus aussi bien dans la lecture d’ouvrages imprimés que sur tablette. Si le suivi attentionnel se généralise, l’industrie culturelle disposera de nouveaux moyens de concevoir les contenus ! On pourrait même jusqu’à créer des contenus qui s’adaptent à la manière dont ils sont ‘lus’, ou alors des tableaux qui se modifient selon la manière dont ils sont ‘vus’ ?

Le lecteur ou le spectateur, qui était jusqu’à présent dans une sphère différente de l’auteur ou de l’artiste, fait son entrée dans l’oeuvre et interagit en fonction de sa perception … Comme le dit Frédéric Kaplan, ces données valent potentiellement de l’or pour les grands acteurs du numérique !

C’est aussi le point de vue de Catherine Becchetti-Bizot, inspecteur général de lettres, qui dans « Texte et TICE » : « Lire sur support écran, écrire avec un clavier d’ordinateur, naviguer sur la Toile, en effet, c’est effectuer une série d’opérations manuelles (cliquer sur des liens, ouvrir des fenêtres, faire apparaître ou défiler des pages, mettre en relation des documents…), mais aussi visuelles et auditives, qui induisent des postures intellectuelles nouvelles – où le lecteur est à la fois un explorateur, un spectateur et un intervenant ou un auteur – et impliquant de nouvelles responsabilités. »

L’enfant et les écrans – Avis de l’Académie des Sciences, 17 janvier 2013

Guillaud, Hubert. – Enfants et écrans : psychologie et cognition.
– Internet Actu – Blog Le Monde, 01/02/13

Lectures numériques. – Dossier Eduscol, 23/03/12

Becchetti-Bizot, Catherine. – Texte et TICE. – Dossiers de l’ingénierie éducative n°61, mars 2008

Mazin, Cécile. – Livres numérique : combien ça rapporte ? – Actualitté, 17/04/13

La généralisation des techniques de suivi du regard annonce une nouvelle économie de l’attention. – Frédéric Kaplan, 13/003/13

Biagini, Cédric ; Carnino, Guillaume. – Le livre dans le tourbillon numérique. – Le Monde diplomatique n°666, septembre 2009

La gestion du temps … retrouvé

 » Mais nous n’avons pas le temps … ! » Cette antienne est reprise à la fin de chaque réunion…
Pas le temps, plus le temps … Et dire que les nouvelles technologies devaient nous en faire gagner, du temps !
Deux articles récents, « Media-activisme » de Franco Berardi dans Multitudes et le dernier post d’Hubert Guillaud dans InternetActu « La technique est-elle responsable de l’accélération du monde » se penchent sur ce problème que l’on retrouve aussi dans un des derniers ateliers de Questions Numériques (FING) « Un meilleur usage du temps ».

Les deux articles se réfèrent à l’œuvre du sociologue allemand Hartmut Rosa « Accélération : une critique sociale du temps », récemment mise à jour. Pour ce penseur, le diagnostic sociologique rejoint le diagnostic psychopathologique dans la perception moderne du temps avec un noyau commun de perturbation dans la relation au temps. Cela s’est traduit récemment par la classification de la procrastination (tendance à remettre systématiquement au lendemain des actions) en maladie … Cette pathologie, comme la dépression ou le ‘burn out’ proviendraient d’une modification des structures temporelles sociales : accroissement des vitesses et raccourcissement des horizons temporels. C’est ce que H. Rosa explique dans la synthèse parue dans « Les Cahiers du Rhizome » de Janvier 2012. Nous avons le sentiment que « tout ce qui dure, dure trop longtemps, consomme trop de temps et que nous devons courir plus vite, ne serait-ce que pour ‘tenir notre position’ ou rester au courant ».
Il distingue 3 dimensions dans cette accélération sociale :
– l ‘accélération technique : la vitesse de déplacement s’est multipliée par cent tandis que celle du traitement de l’information a été multipliée par 100 000 … ! C’est cette expérience qui est à l’origine du ‘rétrécissement de l’espace’
– l’accélération du changement social : le ‘rétrécissement permanent du présent’ qui nous déstabilise en ‘ringardisant’ de plus en plus vites toutes les innovations
– l’accélération des rythmes de vie qui nous pousse à faire plusieurs choses en même temps.
Entre le fast-food, le speed-dating et même le ‘power nap'(petite sieste réparatrice?), on n’arrête pas de faire du ‘mutitasking’ pour rentabiliser cette ressource au maximum !
Or toutes ces accélérations se heurtent à des limites naturelles, biologiques : celles de la terre, de l’écosystème global, de notre corps et de notre cerveau … qui peinent à digérer et à filtrer les pollutions physiques et informationnelles.. ! Comme le fait remarquer Franco Berardi « l’accélération du flux d’information produit un double effet sur la psycho-sphère de la société. Le premier est un temps d’attention réduit du fait de l’intensification des stimuli : plus l’info-stimulus est rapide, moins de temps d’attention et d’élaboration consciente est laissé au spectateur. […] Le second effet est une conformation résultant de la réaction au stimulus. Plus l’info-stimulation est rapide, moins nous avons de temps pour en extraire de la signification, par conséquent plus nous sommes obligés de réagir de façon automatique. ». On est loin des effets bénéfiques de la révolution numérique !

Dans ce contexte, le ralentissement et le freinage ne sont que des ‘effets collatéraux’ comme les embouteillages … On arrive à ce paradoxe où la vitesse de circulation baisse dans les agglomération en raison de l’accroissement de la circulation …. Voilà où mène la ‘dromocratie’ prédite par Paul Virilio dès 1977 !

Dans la mondialisation comme dans le capitalisme libéral, le temps est devenu une marchandise de plus en plus rare que l’on cherche à gagner le plus possible. Comment renverser ce paradigme ? Peut-on se réapproprier le temps et en avoir un usage durable ?
C’est le défi auquel voulaient répondre les « Questions numériques » 2013-2014.
Un des moyen de maîtriser cette accélération est de la considérer d’un point de vue de «développement durable » : le temps est une ressource naturelle que l’on croyait inépuisable, mais qui ne l’est pas. Son exploitation toujours plus intensive ne suffit pas à résoudre le problème, et l’inégalité de sa distribution en fait partie : sa gestion est autant une affaire individuelle que collective. En effet, tout le monde ne court après le temps : certaines personnes ont même trop de temps. Les exclus manquent de tout sauf de temps … Mais il n’est pas valorisé …;-(

Les nouvelles formes de gestion du temps :
– Le mouvement « Slow », d’abord individuel, mais maintenant étendu aux villes. Comme le ‘Slow tech’ : technique pour ralentir, valoriser la construction longue d’une pensée ou d’un projet ; le ‘slow blogging’ (ce que j’essaie de faire …;-)
– Le développement de lieux hybrides : ‘tiers lieux’, espaces de co-working
– Donner de la valeur au temps : acheter, offrir, partager du temps à travers des ‘Systèmes d’échanges locaux (SEL)
– Disposer d’un ‘capital-temps’ à tiroir avec un tiroir ‘vierge’ de temps personnel
– Une politique du temps : ‘droit au temps’ dans l’entreprise (voir expérience Google) et en général. Capital-temps personnel, mais aussi temps protégé de déconnexion et d’indisponibilité.

Berardi, Franco. – Média-activisme revisité. Multitudes, n°51. – 2012/4. – p.65-73

Guillaud, Hubert. – La technique est-elle responsable de l’accélération du monde. – InternetActu, 19/03/13

Rosa, Hartmut. – Aliénation et accélaration : vers une théorie critique de la modernité tardive. – Paris : La Découverte, 2012

Rosa, Hartmut. – Accélération et dépression. Réflexion sur le rapport au temps de notre époque. – Cahiers de Rhizome, n°43, janvier 2012.

Un meilleur usage du temps. – Questions numériques 2013/2014 : les promesses du numérique. – FING : Gaité Lyrique, 21 février 2013

Aaron Swartz : la guerre de l’ »Open Access » fait sa première victime

Aaron SwartzLe récent suicide ( 11/01/13) de l’informaticien militant Aaron Swartz a bouleversé le monde du numérique et surtout les partisans du libre accès.

Ce jeune activiste de 26 ans, co-inventeur à 14 ans des flux RSS, risquait en effet 35 ans de prison et 1 million de dollars pour avoir « hacké » la base de données de revues en ligne JSTOR en téléchargeant illégalement sur un ordinateur portable des millions d’articles à partir d’un serveur du MIT.
Ce n’était pas la première action de ce jeune prodige qui s’était déjà attaqué en 2008 à la base de données PACER (Public Access to Court Electronic Records), le service de publication des décisions de justice américaines. Malgré son nom (public access), l’accès à cette base est payant, de même que JSTOR qui publie des articles de recherche.
Mais si l’hébergeur JSTOR a rapidement retiré sa plainte, et le MIT a été moins clair, c’est surtout la justice américaine, et particulièrement la procureure Carmen Ortiz, qui s’est acharnée sur son cas, accusant le jeune hacker de « voler des biens valant des millions de dollars » …
Il est évident qu’Aaron Swartz n’a pas fait cela pour de l’argent comme le fait remarquer son ami le juriste Lawrence Lessig, le créateur du « Creative Common » dans son post du 12 janvier « Prosecutor as bully »

La communauté de l’internet libre lui a rendu hommage en mettant en ligne des œuvres ‘libérées’, notamment grâce au hashtag #pdfTribute sur Twitter (voir le site http://pdftribute.net/), comme par exemple le document ‘Open Government‘ de Tim O’Reilly.
Mais aussi d’autres hackers continuent son action en ‘libérant’ d’autres bibliothèques numériques comme le site de « Gale Digital collections » téléchargé sur un faux site http://galecengage-publicdomain.com/ vantant le domaine public … !
La « guerilla open access » que menait Aaron Swartz n’était pas portée par le profit ou une ambition commerciale comme celle du hacker Kim Dotcom avec Mega (suite de Megaupload).
Il voulait, avec tout le mouvement du libre accès sur internet, rendre aux chercheurs les fruits de leurs recherches que les éditeurs et les distributeurs en ligne exploitent comme une rente sans fin.
Mais sa mort aura permis au moins de relancer le débat sur les mesures anti-piratage disproportionnées aux États-Unis.

Guerilla Open Access Manifesto. – Open Access News. [attribué à Aaron Swartz], July 2008

PdfTribute sur Twitter

Prosecutor as bullyLessig Blog V2, 12/001/13
Aaron Swartz, le suicidé de l’édition scientifique commerciale/ par Antonio Caselli. – Huffington Post, 13/01/13
Aaron Swartz, martyr de la libre circulation des connaissances ?/ par Olivier Laffargue. – BFMTV.com, 14/01/13
En marge du décès d’Aaron Swartz, le site de Gale Cengage hacké à son tour pour libérer le domaine public ! S.I.Lex, 14/01/13
Open Access et suicide d’Aaron Swartz : des larmes de trop/par Célya Gruson-Daniel. – My Science Work, 16/01/13
L’histoire d’Aaron Swartz. – Le Geektionnerd, 16/01/13
Suicide d’Aaron Swartz : vers un amendement de la loi anti-hacking aux USA ? - ZDNet, 16/01/13
Après la mort d’Aaron Swartz, des débats sur la législation. – Le Monde, 16/01/13
Avec le suicide d’Aaron Swartz, le MIT a-t-il perdu son âme ?/ par Emmanuel Tellier – Télérama, 17/01/13
Aaron Swartz, le feu RSS/Fabrice Rousselot. – Écrans – Libération, 18/01/13
Kim Dotcom: the internet cult hero spoiling for a fight with US authorities/by Toby Manhire. – The Guardian, 18/01/13
Aaron Swartz: a bittersweet memorial/ by Paul HarrisThe Guardian, 19/01/13
Économie de la publication scientifique et libre accès: un débat relancé par la mort d’Aaron Swartz. – Slate, 21/01/13
Cinq bonnes raisons de ne pas utiliser Mega. – par Olivier Tesquet. – Télérama, 21/01/13

Le numérique, les bibliothèques, les big data et notre rapport au monde

Cette énumération à la Prévert peut sembler chaotique, mais elle révèle un certain malaise qui s’empare de nous devant la mutation des usages qu’implique le numérique dans notre vie quotidienne, et plus particulièrement dans les bibliothèques.
Cette réflexion m’est venue, en cette fin 2012 à la lecture de quelques posts décrivant la situation actuelle face au numérique.

D’abord l’enquête « Les Français et le savoir« , réalisée cet été par la TNS Sofres et cité dans « Veille documentaire » : le savoir est jugé important pour 56% des Français et 54% des personnes actives regrettent de ne pas y consacrer plus de temps … Quand à son utilité, pour 42% des interrogés, le savoir permet de « comprendre le monde qui nous entoure ».

Ce monde qui change si vite et dans des proportions si importantes qu’il peut en désarçonner certains, comme ces bibliothécaires dont parle Pierre Marige dans le dernier article d’Aka Reup « Numériquement incapables : stigmatisation et acculturation », ceux qui semblent « réfractaires à tout ce qui touche l’informatique », ceux qui déclarent, comme beaucoup de nos contemporains « Moi, de toute façon, j’y comprend rien ».
La stigmatisation qui découle de cette ignorance autoproclamée des nouvelles technologies est finement analysée et Marige démontre comment on passe d’un tri entre ‘intellectuels’ et ‘manuels’ à la différence entre ‘scientifiques’ et ‘littéraire’ pour finir avec les ‘connectés’ ou ‘digital natives’ et les vieux ‘incapables’. Pour finir par constater que ces jeunes nés avec l’internet sont en fait moins à l’aise qu’il n’y paraît avec le numérique … Et ont toujours besoin d’un bon médiateur pour trouver leurs références en bibliothèque …;-). La plupart de ces « digital natives », à part quelques ‘génies de l’informatique’ ne fait qu’utiliser ces nouveaux outils, ils n’en ont pas une connaissance approfondie. Tandis que les bibliothécaires, loin de simplement « s’adapter à ces nouvelles technologies, participent à leur création ». D’où l’importance de la formation continue dans le métier.

Dans la dernière livraison d’Internet Actu, Hubert Guillaud revient sur notre compréhension du monde avec l’arrivée des ‘big data’. Dans « De la statistique aux big data : ce qui change dans notre compréhension du monde« , il analyse l’intervention de Dominique Cardon sur ce sujet aux « Entretiens du nouveau monde industriel », les 17 et 18 décembre au Centre Pompidou.

Depuis quelques années, tout un chacun (militants, citoyens, entreprises, pouvoir publics) est d’accord pour « le partage et l’ouverture des données ». Tout le monde souhaite les rendre publiques. Mais ces précieuses données sont utilisées différemment suivant que l’on est journaliste, statisticien ou « data scientist ».
Alors que les statisticiens ont pour objectif de « dézoomer » ces informations pour comprendre la réalité sociale en la modélisant pour faire ressortir les corrélations entre catégories, le modèle des données ‘ouvertes’ « consiste à porter sur la place publique de la donnée ‘brute’ […] La plus proche possible du mythe d’une ‘nature sociale originale’ ». Le mouvement open data préfère les cartographies aux catégories et favorisent la personnalisation et l’individualisation. Les catégories sociologiques représentaient un monde désincarné, alors que l’univers des données parle à chacun de chacun. Ce décalage permet de mieux comprendre la crise des interprétations face aux nouveaux savoirs.

Un dernier post récapitule les nouvelles tendances du web en 2012. Il s’agit du : « [Best of 20012] Web : les 5 tendances majeures de l’année » sur FrenchWeb.fr .
Ces cinq grandes évolutions sont
– le boom de l’économie collaborative
– [H factor] le retour du facteur humain
– l’obsession des données et le quantified-self
– la déferlante des abonnements
– le real time bidding et les places d’Ad Exchange
Toutes ces informations devraient nous permettre de mieux méditer sur notre rapport au monde et au savoir pendant la trêve des confiseurs et mieux aborder l’année 2013 …

Bonnes Fêtes et Meilleurs voeux pour 2013

Pixel Perfect Digital – Free stock photos

La médiation numérique, avenir de la société de l’information ?

Cette notion nous est familière dans le monde des bibliothèques, grâce aux interventions de Silvère Mercier, le bloggeur « bibliobsédé », notamment sa conférence de clôture à la journée professionnelle de la Bibliothèque de Sciences po.

Mais je l’ai retrouvée dans un autre contexte, en participant à l’atelier « mobilité » de la journée « Promesses pour Questions numériques 2013« , organisé par la FING à l’Ecole Boule le 24 octobre dernier. Lors de cette journée, très riche en expériences et en échanges – dans l’atelier se retrouvaient chercheurs R&D de grandes entreprises (Thalès, RATP, Renault, Bell, Alcatel), professionnels de l’information et étudiants – nous devions évaluer la promesse d’une mobilité « plus libre, plus diverse, plus libre et plus durable », mais aussi proposer à l’issue d’une controverse (les fans et les déçus de la mobilité actuelle) des solutions pour l’avenir basés sur des outils et services mobiles. Contrairement au groupe ‘futuriste’ qui proposait des solutions pour un jeune cadre divorcé, mon groupe a dû réfléchir sur un scénario pour une personne âgée peu connectée. Le vieillissement de notre société devient incontournable et il est important de prendre en compte cette cible …

L’essentiel de la solution proposée pour ‘désenclaver’ Germaine de son isolement spatial et technologique réside dans le recours à un(e) médiat(eur)rice, qui devrait l’initier peu à peu à l’usage des outils et services numériques.
Dans ce scénario, on n’abandonne pas la personne « peu connectée » aux seuls outils numériques, le contact avec le médiateur doit être régulier, que ce soit en présentiel (centre de mobilité ou visites) ou par téléphone. Notre choix a étonné un participant de l’autre groupe qui s’attendait à nous voir barder la mamie d’appareils automatiques et de robots domestiques …;-)

Cette nouvelle promesse « garantie l’adaptation des ressources au gens et non l’inverse. Les moyens individualisés pour accéder aux bénéfices de la mobilité s’appuient sur des réseaux sociaux existants et des potentiels collaboratifs ».

Cette conception rappelle la définition avancée par Philippe Cazeneuve aux « Assises de la médiation numérique », « La médiation numérique consiste à accompagner des publics variés vers l’autonomie, dans les usages quotidiens des technologies, services et médias numériques ».

La précaution de Philippe Cazeneuve de distinguer la médiation numérique dans les territoires de celle défendue dans les bibliothèques n’a pas empêché Sylvère Mercier de remettre en question cette définition en privilégiant la notion de ‘réappropriation’ par rapport à celle d’autonomie. Dans un post du 29/09/2011, il propose sa propre définition : « La médiation numérique est une démarche visant à mettre en oeuvre des dispositifs techniques, éditoriaux ou interactifs favorisant l’appropriation, la dissémination et l’accès organisé ou fortuit à tout contenu proposé à des fins de formation, d’information et de diffusion des savoirs. »
Personnellement, je ne vois de grosses différences entre ces deux conception, l’appropriation de contenus étant un moyen de se repérer et d’explorer de façon autonome l’écosystème informatif et cognitif où nous évoluons dans l’interdépendance.

Le numérique change-t-il le rapport au savoir ?

C’est ce que Vincent Berger, Président de l’Université Paris Diderot – Paris 7 a déclaré lors du « Kick off » de la « Social Good week », le 25 septembre dernier dans l’amphi Buffon. Intitulé « Comment les nouvelles technologies changent le monde » cet évènement veut marquer l’impact positif des nouvelles technologies dans les relations sociales et économiques, notamment au travers de l’économie sociale et solidaires et des ONG sur le web.

Vincent Berger a insisté pour sa part sur l’impact du numérique à l’Université. Grâce au e-learning et aux « amphis numériques », des milliers d’étudiants peuvent se connecter à des cours en ligne. Cela représente une « rupture épistémologique » en pédagogie : le rapport au savoir est bouleversé. En consultant « Wikipedia » sur leur smartphone, les étudiants trouvent plus d’informations que dans tous leurs cours jusqu’en licence …!
Évidemment, ces contenus numériques ne suffisent pas : il faut encore apprendre aux étudiants à se retrouver dans ce savoir, à se répérer, apprendre à « savoir savoir » …;-)
La pédagogie traditionnelle du professorat, le cours magistral, est désormais obsolète ! Cette nouvelle relation entre l’individu et le savoir doit transformer la relation pédagogique pour développer l’esprit critique et pratique. Car le numérique n’éloigne pas les individus, au contraire, il les rapproche !

Cette alternative à l’enseignement professoral « top down », se retrouve dans l’enseignement « peer to peer » qui repose sur l’idée « que l’on a toujours quelque chose à apprendre de n’importe qui » comment nous l’explique l’article qui y est consacré dans le blog Learning Shelter. L’enseignant se trouve alors au même niveau que l’élève qui apporte autant sa contribution dans la relation pédagogique. En général, cela se passe dans un contexte de communauté d’apprenants sur une plate-forme collaborative comme Skillshare.

Quand aux cours en ligne à l’université, ils sont en train de faire exploser toutes les statistiques, notamment aux États-Unis. Les principales universités américaines ont multiplié récemment leurs plate-formes de e-cours, qui sont prises d’assaut par des étudiants du monde entier.
Il faut dire qu’à ce sujet, les universités américaines ont changé leur modèle économique. En adoptant le « freemium », le e-cours gratuit à travers des plate-formes comme Cousera ou Edx, ces universités prestigieuses (Harvard, MIT, Berkeley, Princeton) ne font plus payer des droits faramineux aux étudiants pour suivre leurs cours …!!
Ces derniers peuvent suivre ces cours à distance en temps réel, en faisant les mêmes exercices que les étudiants inscrits en présentiel, pratiquement sans bourse délier ! Seul l’examen est payant et souvent aussi le manuel d’accompagnement sous forme de e-book, avec des coûts relativement modiques, mais qui chiffrent à des dizaines de milliers d’exemplaires ! Il est vrai que ces cours ne donnent pas accès à ces précieux sésames que sont les diplômes universitaires, mais s’ils les ont bien suivis, les « e-étudiants » auront droit à un certificat qu’il pourront utiliser dans leur CV et leurs recherche d’emploi …;-)

Mais ces cours en ligne ne sont pas uniquement utilisés par des étudiants virtuels. Ceux qui sont « normalement » inscrits à ces cours y ont aussi recours : en les consultant à l’avance, ils peuvent poser des questions à l’enseignant et en débattre avec lui lorsqu’ils assistent aux cours, au lieu de passer leur temps à prendre des notes … Ce mode « hybride » d’enseignement devrait connaître un succès garanti.

Avec les « MOOC » (Massive Online Open Classroom ), les universités et bientôt les écoles vont être forcées de repenser leurs cours, les horaires et les modes d’évaluation (exercices, examens) des contenus éducatifs où l’interactivité et la créativité des étudiants devront être prises en compte.
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L’enseignement P2P. – Learning Shelter. 4/004/20012

Vasseur, Flore. – La salle de classe planétaire. – Le Monde, 09/08/2012.

L’université en ligne est-elle l’avenir de l’éducation ?. – Blog – Regards sur le Numérique, 13/008/2012

Service(s) aux usagers : une innovation en bibliothèque qui remonte à un siècle !

Le ou les « service(s) aux usagers » (SAU : département auquel j’appartiens à Bibliothèque de Sciences Po) fait partie des dernières préconisations en matière d’activités des bibliothèques. Ils se retrouvent, par exemple au cœur des interventions de la Journée d’étude de l’ADBS, lors de l’i-Expo 2012.

Or, on retrouve cette préoccupation dans l’ouvrage d’Eugène Morel (1869-1934), « La Librairie publique », datant de 1908 et cité dans l’article de Lydie Ducolomb « Eugène Morel et la section des bibliothèques moderne : une réflexion sur la formation professionnelle des bibliothécaires au début du XXe siècle », publié dans le BBF de février 2012.
Pour ce bibliothécaire visionnaire « Il faut exciter sans cesse le public, le fournir de renseignement de toute sorte, chercher pour lui […], suivre l’actualité, dresser à chaque moment l’état des ressources de la librairie sur les sujets les plus diveers : une guerre, des tarifs douaniers, une loi sociale, une invention nouvelle … »

On retrouve là les services « push » que les bibliothèques et centres de documentation peuvent mettre au service de touts les catégories de lecteurs : jeunes lecteurs ou étudiants grâce aux réseaux sociaux ou blogs, dossiers documentaires ; services au chercheurs aussi, comme il en ressort dans l’article d’Archimag de Juin 2012 « Chercheurs, technologies et bibliothèques universitaires : questions d’usages ». Guillaume Nuttin y interroge trois responsables sur les besoins des chercheurs en information scientifique et technique (IST). Jean-Michel Barbiche, conservateur à la Bibliothèque de l’Ecole Centrale de Paris souligne « La qualité d’une bibliothèque ne se mesure pas à la quantité de documents qu’elle propose, mais à l’aune des services proposés autour des ressources ».
Odile Hologne, directrice déléguée à l’Information scientifique et technique à l’INRA explicite cette révolution copernicienne de l’activité documentaire « Nous avons repositionné complètement l’offre de services en IST pour les scientifiques : veille, bibliométrie, gestion des connaissances. Au lieu de nous positionner sur la gestion du stoock de documents, nous nous orientons sur l’analyse de l’information ».
Mais, comme le fait remarquer Ghislaine Charton, professeure à L’INTD « les chercheurs, dans leur grande majorrité, ne veulent pas être formés, faute de temps ou à cause d’autres priorités liées à leurs recherches. […] Il faut lever les barrières techniques et mmultiplier les services d’accompagnement de l’usager, en présentiel ou à distance ».

La formation des utilisateurs devient ainsi une des principales activités des professionnels de l’information qui retrouvent là leur mission de médiation.

Ce sont ces nouvelles compétences des « bib/docs » qu’explore Claudine Masse, Directrice de l’EBD, dans sa contribution « Nouveaux territoires pour les professionnels de l’information : l’évolution des compétences » Journée d’étude de l’ADBS, i-Expo 2012.
Elle insiste sur les compétences à acquérir ou approfondir dans le cadre de son école. Outre le management et la gestion de projet, l’architecture de l’information, la gestion et la production de contenus, les futures bibliothécaires et documentalistes devront acquérir des compétences dans la veille et des compétences transverses : langue (anglais), informatique, travail en équipe, communication écrite et orale.
L’exploitation de ces compétences permettra une maîtrise des bases de l’information-documentation (gestion et recherche documentaire, traitement, produits et services doc.) mais aussi le développement d’une expertise : architecture de l’information, veille, conduite de projet, archive et record management, communication/marketing, etc.

Ces expertises se retrouvent dans l’analyse de Loïc Lebigre à cette même journée d’étude à i-Expo « Vers un observatoire ADBS des fonctions « information » : opportunités et enjeux ».
De nouvelles fonctions émergen t pour les professionnels de l’information à partir du contexte des évolutions technologiques et sociétales :
– la fonction de « Coordination » pour les pratiques collaboratives
– Celle d' »éditorialisation » (curation) et d' »Analyse expertise métier » devant la surabondance des données accessibles et raccourcissement des cycles (R&D, production, valorisation)
– La « Maîtrise d’usage et gouvernance du SI » face à l’innovation technologique permanente et la diversité des solutions mobilisables.

Dans sa communication « Valeurs ajoutée des médiateurs » à cette même journée d’étude, Ghislaine Chartron identifie quatre pôles de compétences pour les professionnels de l’information : Gestion-Qualité ; Informatique ; Performance de l’activité principale et Communication-formation.

Dans la conclusion de son article, Lydie Ducolomb souligne que « l’héritage d’Eugène Morel [consiste] en une conception globale du rôle du bibliothécaire dans la société : informer, communiquer, rendre service, permettre l’accès de tous à la culture »

Table ronde « Nouveaux territoires pour les professionnels de l’information » animée par Elisabeth Gayon, présidente de l’ADBS, sur le salon i-expo 2012 – Journée d’étude, 14 juin 2012

Ducolomb, Lydie. – Eugène Morel et la section des bibliothèques modernes : une réflexion sur la formation professionnelle des bibliothécaires au début du XXe siècle ». – Bulletin des bibliothèques de France. – (20012/02)t.57:n°1, p.35-38

Nuttin, Guillaume. – Chercheurs, technologies et bibliothèques universitaires : questions d’usages. – Archimag. – (2012-06)n°255, p. 21-22.

Fab Labs et Bibliothèques

Je ne pensais revenir sur les Fab Labs après mon dernier post, surtout dans le cadre des bibliothèques. J’ai d’ailleurs été surprise par certains commentaires, l’un liant ces pratiques au champ du politique, et l’autre me proposant d’organiser un événement « Fab Lab » à la Bibliothèque de Sciences Po …

J’ai retrouvé le thème des « Fab Labs » et des « makers » dans l’actualité récente des blogs d’information.
Dans « Made in ma bibliothèque », Sabine Blanc d’Owni, évoque les initiatives de deux bibliothèques américaines, celle de Wesport et la « La Fayetteville Free Library », qui, la première avec un « makerspace » et la seconde avec un « Fabulous Laboratory » permettent à leurs usagers d’exprimer leur créativité … ;-)

Lassés du virtuel, les lecteurs se plongent ainsi dans la fabrication concrète d’objets – aidés toutefois d’outils numériques : imprimantes 3D, découpe laser, etc…

Ces clubs de bricolage du 21e siècle deviennent parfois des pépinières de starts-up, grâce à l’esprit de partage et de coopération d’internet …

Ce sont ces espaces de coopération pour « travailler, se former et échanger » que veut développer « Artesi » (devenu depuis la Fonderie) le « groupe de travail international francophone sur les Tiers Lieux ».
Table interactive, table à graver et projections - Artilect-Fablab ToulouseIssue des « Rencontres d’Autrans 2012 » (11-13 janvier), cette initiative veut regrouper des « lieux passerelles coopératifs » : espaces de coworking, fab labs, hackers spaces, Espaces publics numériques, etc.
Pour en revenir aux bibliothèques comme « Tiers lieux », Claire Margeron, dans Préfiguration d’un méta-modèle de la bibliothèque du 21e siècle (ENSSIB Brèves, 11/07/12), cite le projet ArtilectFabLab accueilli à la Médiathèque de Toulouse en juin 2012.

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