EBooks : avenir du livre, fin de l’œuvre, système clos ou univers ouvert … (2e partie)

Une des questions de recherche qui est sortie du Forum du 28 juin des Ateliers de Réflexion prospective de L’ANR (Atelier Culture et médias de Digital 3.0 PRISE), s’intitulait précisément « la fin de l’œuvre » avec tout ce que cette expression implique. Car ce n’est pas l’œuvre en tant que telle qui est destinée à disparaître, mais la notion d’auteur, qui la sous-tend, et bien entendu, l’idée de droit d’auteur. Le droit d’auteur, qui ne compte qu’un peu plus de deux siècles de légitimité, repose essentiellement sur la notion d’ »œuvre ». Celle-ci se définit par un certain nombre d’attributs dont l’originalité et la mise en forme (voir « Informations pratiques : les œuvres protégées » dans les Fiches techniques de la Direction du Développement des Médias, Ministère de la Culture et de la Communication).
Les œuvres, ‘augmentées’ ou ‘étendues’, vont peu à peu perdre leurs spécificités et se fondre dans des « Commons », créatifs … ou pas. Quant à leur financement ou à la rémunération de leurs créateurs (ou plutôt ‘contributeurs’), le mécénat ou la publicité peuvent remplacer le droit d’auteur. Les chefs-d’œuvre de la Renaissance n’ont pas eu besoin du droit d’auteur pour exister….
On le voit actuellement avec les difficultés d’appliquer le droit d’auteur aux œuvres numérisées, notamment en matière de musique ou de vidéo.

C’est ce que pressentait déjà le philosophe Walter Benjamin, lorsqu’il écrivait en 1935, « L’œuvre d’art à l’époque de la reproduction mécanisée ». Le développement des technologies de reproduction a changé la perception du spectateur, qui a l’impression que l’œuvre lui est plus accessible (par exemple, pour le cinéma, il reçoit des images en permanence), alors qu’en même temps ces images lui révèlent son absence (disparition de l’’aura’). L’aura représentait l’unicité et l’originalité de l’œuvre d’art, la reproduction technique, en soulignant son absence, la révèle au spectateur moderne et lui permet de participer au fonctionnement des œuvres modernes : il n’est plus dans le recueillement, mais dans l’action.

Mais, en fait, la notion d’œuvre avait déjà perdu son unicité et son intégrité. Avec les différentes variations et interprétations, il était déjà difficile de déterminer les limites d’une œuvre musicale ou théâtrale. Seule l’œuvre littéraire, sous la forme du roman, est parvenue, à partir du XVIIe siècle, à une forme accomplie et finie, qui atteint son idéal au XIXe siècle. Comme un édifice, elle possède sa propre architecture, qui se suffit à elle-même, et se déroule suivant un plan qui va de la première page au mot « fin ».

C’est la thèse que développe Frédéric Kaplan dans « Comment le roman a transformé l’écriture savante », pour répondre aux « Cassandre » qui annoncent la fin du livre. C’est le cas de l’éditeur numérique Tim O’Reilly, qui vient de supprimer les DRM (mesures techniques de protection) de ses ebooks.
Interviewé dans Forbes : « Tim O’Reilly on Piracy, Tinkering and the Future of the Book », le père du Web 2.0, évoque, non pas la mort de l’imprimé, mais la transformation du marché du livre. Il prend l’exemple de la carte, qui s’est complètement transformée (elle disparaît en tant que telle avec le GPS). La carte imprimée n’existe presque plus et les cartes numériques contiennent des adresses et signalent les stations d’essences et les commerces des environs. Le livre n’est pas encore parvenu à ce stade. Les ‘liseuses’ ressemblent à des tablettes de pierre où l’on aurait rassemblé des photocopies de pages …

Mais bientôt les annotations des lecteurs vont devenir aussi importantes que le livre lui-même … ! C’est l’idée que James Brindle défend dans « Walter Benjamin’s aura : Open bookmarks and the future eBook » où l’on retrouve l’ »aura » chère à Walter Benjamin.
Les signets (bookmarks), placés par des lecteurs dans les livres sur leurs étagères électroniques (bookshelf), forment une aura d’un nouveau type … ;–) Or, les éditeurs n’ont pas l’air de comprendre la valeur des annotations et l’importance de pouvoir les partager. Même les notes en bas de page disparaissent et les références sont publiées séparément … !

Frédéric Kaplan prend le contrepied de ce point de vue en reprenant l’exemple de la carte. Dans « How books will become machines » (23/08/11), il se sert de l’exemple de “la mécanisation des cartes pour discuter de l’avenir du livre », en opposant « les technologies et les motivations de l’encyclopédisme avec celle du livre ». Les cartes sont devenues un « système géographique interactif », comme la plupart des outils intellectuels (tableurs), elles vont être transformées en machines.
Au contraire de l’Encyclopédie, qui est un système ouvert, la fonction du livre est d’organiser un discours dans un volume clos. Le livre se trouve aujourd’hui a un croisement : ou bien il fusionne avec le courant intellectuel et technologique dominant, au risque de perdre sa fonction structurante, ou bien il continue son chemin dans un nouveau « corps » capable de survivre dans un monde dominé par le modèle encyclopédique …

Face à « La tentation de l’encyclopédisme », « aux vertus libératrice de la pensée ouverte, réticulée, décentralisée (mais totalisante) que permettraient internet et le web », le livre électronique reprendrait l’héritage structurant du livre papier en l’organisant dans un espace fermé (les liseuses et les tablettes). Et si certaines entreprises proposent déjà de vendre des livres, chapitre par chapitre, comme des feuilletons, il serait dommage que l’usage du numérique n’ait qu’un effet décomposant au contact du réseau. « Ces formes closes, nécessaires aux démonstrations et aux narrations, ont aussi leur place dans le monde qui vient ».

Personnellement, je privilégierais les liseuses dédiées de type « Kindle » sur les tablettes multifonctions, d’abord pour des raisons physiologiques – l’encre électronique ne fatigue pas les yeux – et ensuite, parce qu’on est moins « distrait » sur ces supports que dans environnement web (messagerie, jeux, vidéo, etc..), même si les « applis » conservent l’aspect intime d’un club fermé…

EBooks : avenir du livre, fin de l’œuvre, système clos ou univers ouvert … (1ère partie)

Les ebooks et la numérisation des ouvrages annoncent-ils vraiment la fin du livre, comme on aime à le répéter depuis plus d’une décennie ?

Le « Livre du futur » (et non le futur du livre …) a figuré parmi les enjeux traités au dernier Congrès de l’IFLA à San Juan (Porto Rico). Il a été au centre d’un débat entre éditeurs, auteurs et bibliothécaires lors d’une session rapportée par Silvie Delorme, Directrice de la BU de Laval au Québec, dans son blog IFLA 2011 Laval. Comme le modèle économique de ce nouveau support n’est pas encore opérationnel, même les éditeurs (les ‘gros’ et les ‘spécialisés’) ne sont pas d’accord entre eux sur les accès simultanés. Quant aux bibliothèques, « elles devront devenir des points d’accès plutôt que des lieux de conservation » …

C’est aussi l’objet du Colloque international qui se tient les 5 et 6 septembre 2011 à Rio-de-Janeiro (Brésil) « E-Books et démocratisation de l’accès. Modèles et expériences de bibliothèques ». Le post « Évolution ou révolution » sur le site Rioscope.com.br pose la question « Comment les bibliothèques peuvent-elles continuer à jouer leur rôle traditionnel avec l’énorme augmentation de l’usage de Smartphones, iPads, Tablet-PCs et e-Readers portables? »

Ce qui ne rassure pas, par ailleurs les bibliothécaires, comme « New Jack Librarian » dans le post « Cassandra and the future of libraries without librarians » qui appréhende l’avenir de la bibliothèque sans bibliothécaires. Cette situation est surtout la conséquence des coupes sombres que subissent les BU américaines en raison des restrictions budgétaires. Les effectifs de certaines bibliothèques fondent, d’après ce post, et ce d’autant plus que certaines ne disposent pas d’une autonomie de recrutement par rapport aux universités dont elles dépendantes …

Mais la seconde raison avancée par New Jack est bien la numérisation croissante des ressources documentaires et plus particulièrement l’acquisition de « bouquets » de revues et bientôt de livres numériques, grâce à des consortiums de bibliothèques. Le travail de sélection et de gestion des collections réalisé jusqu’à présent par les bibliothécaires va bientôt être externalisé vers des sociétés comme « Proquest ».

Avec les bibliothèques numériques gérées par des tiers, la Bibliothèque universitaire risque de représenter plus un coût qu’un investissement pour ses institutions de tutelle. Les bibliothécaires doivent pouvoir répondre à ce défi, notamment à travers des services aux publics (étudiants, enseignants, chercheurs) et démontrer que leur travail incarne aussi bien les valeurs de la bibliothèque, que celles de l’enseignement et de la recherche et de la communauté universitaire.

Les bibliothèques de données, vers des hypercatalogues ?

Les grandes bibliothèques sont en train d’expérimenter un nouveau type de catalogue basé sur le web de données (souvent dénommé « web sémantique ») qui englobe les références des auteurs et de leurs oeuvres.

La BNF avec « data.bnf« , ainsi que l’Europeana, offrent cette nouvelle exploitation des métadonnées.
Si l’on fait par exemple une recherche sur Antonin Artaud sur data.bnf, on trouve sur la page du résultat, outre une biographie succincte du poète, l’ensemble de ses oeuvres entant qu’auteur, mais aussi toutes ses contributions, en tant qu’adaptateur, commentateur, compositeur, dessinateur, acteur, interprète, etc. (la vie du « Momo » était très diversifiée … !). Et ce, sur l’ensemble des ressources BNF (Catalogue général, Gallica, Archives et manuscrits, etc.). La page pointe aussi vers des ressources extérieures (Catalogue collectif de France, Europeana, SUDOC, OCLC), puis enfin vers l’article Antonin Artaud de Wikipedia.

Le Portail Europeana rassemble, quant à lui, toutes les données multimédias sur un auteur ou une oeuvre, recueillies auprès de bibliothèques, de musées, d’archives ou même de particuliers.
Sur le personnage de « James Bond« , on dispose de 25 textes, 80 images, 36 vidéos et 7 fichiers son. Mais si les images et les vidéos se rapportent bien à l’agent secret au service de Sa Gracieuse Majesté (personnage de fiction), près de la moitié des textes concerne les écrits d’un Pr James Bond (plutôt réel), expert en commerce international et développement durable ….
On touche là à la limite actuelle du web sémantique …;-(
Comme l’explique « La petite histoire du web sémantique », citant Tim Berners-Lee dans « La Recherche » en novembre 2007 : « Le terme sémantique prête un peu à confusion car la sémantique s’intéresse au sens du langage pour en déduire des constructions logiques. » En fait, le web sémantique ne cherche pas à réaliser des opérations d’intelligence artificielle basées sur le langage naturel, mais cherche simplement à relier des données entre elles. C’est l’idée du « Linked data » (qu’on peut traduire par « web de données ») qu’une machine ou un être humain pourrait explorer.

Le projet « Linked Open Data » auquel participe l’Europeana, repose sur l’ontologie Yago, une base de connaissance qui unifie le lexique sémantique WordNet et Wikipedia. Sa structure est fondée sur les relations (« signifie », « année de naissance », « a remporté le prix ») entre le sujet et ses attributs.
Exemple : « AlbertEinstein » année de naissance « 1879 » ou « AlbertEinstein » a remporté le « prix Nobel », etc..

Wikipedia est aussi à l’origine de la base de connaissance DBpedia. Cette initiative communautaire, soutenue par l’Université libre de Berlin et l’Université de Leipzig, a pour objectif d’extraire des informations structurées à partir des articles de Wikipedia, notamment sur les villes et les pays. On arrive ainsi à une base de données encyclopédique, où on peut utiliser de nombreux filtres pour sa requête. Exemple : « les scientifiques français nés au XIXe siècle ».
Mais gare aux homonymes, qui possèdent les mêmes nom et prénom (sans même une initiale ou un deuxième prénom), comme pour notre James Bond, l’erreur est au coin de l’ontologie …!

La valeur ajoutée des Bibliothèques pour la recherche

L’ABDU (Association des Directeurs et personnels de direction des Bibliothèques Universitaires et de la Documentation) vient de faire traduire un rapport « The value of libraries for research and researchers » publié en mars 2011 par le Research Information Network (RIN) et Research Libraries United Kingdom (RLUK) du Royaume-Uni. « Valeur des bibliothèques pour la recherche et les chercheurs » présente les conclusions d’une étude, reposant sur l’analyse des données statistiques de 67 établissements d’enseignement supérieur du Royaume Uni ainsi que sur une analyse qualitative menée auprès de bibliothécaires et de chercheurs de neuf institutions d’enseignement supérieur britanniques, basée sur des entretiens et des « focus groups ». Il s’agissait de déterminer s’il existe une corrélation entre l’activité de la bibliothèque et les performances en matière de recherche de l’établissement.

Avec la numérisation des ressources, les chercheurs ne se déplacent plus pour fréquenter la Bibliothèque et ne considèrent celle-ci que comme comme un intermédiaire pour accéder aux documents. Comment re-fidéliser ces usagers spéciaux que sont les chercheurs et quels services leur proposer ?

L’étude recense 11 attitudes et bonnes pratiques recommandées pour adapter les services des bibliothèques aux besoins des chercheurs. Outre les compétences en information et organisation et une bonne maîtrise des sujets, il faut : des professionnels de l’information « proactifs », une forte culture de service, une bibliothèque ouverte sur son environnement, des ressources documentaires solides, un catalogue accessible au public, des espaces flexibles, un dépôt institutionnel, une position neutre dans l’institution et enfin arriver à faire percevoir la bibliothèque comme le « lieu » du savoir.

Ces attitudes conduiraient à une bonne connaissance de l’environnement extérieur en resserrant les liens entre chercheurs et bibliothécaires. Avec des services axés sur la recherche, la bibliothèque jouerait un rôle plus important dans l’institution. Cela améliorerait les pratiques documentaires des chercheurs dans un meilleur environnement de recherche.

En augmentant la visibilité et la réputation de la bibliothèque, ces aspects rejailliraient sur l’établissement universitaire. Ces bonnes conditions favoriseraient les financements et les bourses de recherche tout en accroissant le potentiel et la qualité de la recherche. Qui permettront, à leur tour, un meilleur recrutement et maintien de chercheurs qualifiés.

BU américaines : vers la disparition du « Reference Desk » ?

Diamond Law Library Columbia UniversityYale Sterling LibraryBobst Library New York UniversityLe « Reference Desk », ce coeur des bibliothèques, est en train de connaître ses derniers jours aux États-Unis ! C’est un des éléments d’information que nous avons tiré du voyage d’étude qu’un groupe de la Bibliothèque de Sciences-po a effectué la semaine dernière dans les bibliothèques de New-York et Yale (voir le groupe Facebook « Voyage professionnel New York Libraries »).
En effet, à l’exception de la bibliothèque de droit de Columbia (Diamond Law Library) où le travail des ‘Reference librarians’ est encore très important en raison de la diversité et la complexité des sources aussi bien imprimées qu’électroniques, dans toutes les BU visitées, les professionnels on mis ou s’apprêtent à mettre en place de nouveaux services plus adaptés aux usages actuels des étudiants et des chercheurs.
C’est déjà le cas pour le Digital Social Science Center à Columbia qui met à la disposition des usagers de nombreuses bases de données factuelles (statistiques, géographiques, audiovisuelles) + tous les outils logiciels nécessaires pour utiliser, gérer et créer les produits (dataset) et graphiques obtenus. Dans cet environnement, les étudiants peuvent travailler individuellement ou en groupe et peuvent compter sur les conseils de l’équipe de bibliothécaires et d’experts.
A Yale, la Social Science Library va fusionner en partie avec la bibliothèque de sciences pour mettre en place le Statlab . Ce centre d’information statistique, fournit outre les bases de données et les outils logiciels, des conseils d’experts. Même aux États-Unis, les bibliothécaires ne sont pas encore formés à ce genre de pratique et ils sont secondés par une équipe de consultants qui forment et conseillent les étudiants.
Même schéma à la New York University Library où les départements de sciences sociales et des sciences dures collaborent pour gérer le Data Service Studio.

Évidemment, les renseignements aussi bien pratiques que bibliographiques se dématérialisent aussi. Outre les services de Questions-Réponses en ligne comme « QuestionPoint » de l’OCLC, les bibliothécaires se sont mises au « chat » (Messagerie instantanée) et aux SMS (voir la page « Ask a librarian » à la NYU Library) pour communiquer avec les étudiants …! C’est plus cool !A La New York Public Library, ce sont les bibliothécaires qui deviennent mobiles, et armé(e)s d’un IPad vont à la rencontre des utilisateurs !

Les nouvelles tendances de l’organisation des connaissances : thème du colloque de l’ISKO

« Stabilité et dynamisme dans l’organisation des connaissances », c’est le thème du 8e Colloque de l’International Society for Knowledge Organization (ISKO) qui se tiendra les 27-28 à l’Université Charles-de-Gaulle Lille 3.
Le débat portera autant sur l’évolution des langages contrôlés à l’ère du ‘web sémantique’ et sur les mutations dans les pratiques professionnelles (pratiques collaboratives, transformation des formes documentaires, dématérialisation, nouvelles formes éditoriales et nouveaux modes de représentation et de circulation de l’information et des connaissances) que des nouvelles pratiques des usagers et des usages de nouveau outils de classification et de catégorisation (folksonomies).

L’utilisation des CMS en bibliothèque : à présent, c’est au tour des catalogues …

Le dernier post de Bibliobsession « Modularité et entrées multiples : « nouvelles » tendances des catalogues de bibliothèques » rappelle que les CMS (système de gestion de contenu) comme Drupal sont de plus en plus adoptés comme portail documentaire comme à la BCU (Bibliothèque Clermont Université) … et très bientôt à la Bibliothèque de Sciences Po, mais aussi que ce logiciel libre peut servir à la gestion de catalogue ! C’est déjà le cas dans les bibliothèques américaines de Palos Verdes et de Ann ArBor. De nombreuses bibliothèques universitaires en Amérique du Nord et dans le monde utilisent Drupal (comme Laval à Québec, Cornell University ou le « Sistema bibliotecario di Ateneo » de l’Università di Studi de Padoue (Italie)). Le site des groupes Drupal pour les bilbiothèques présente un certain nombre de ressources et de services pour les bibliothécaires et webmasters (modules de rechercherche, de maintenance, résolveur de liens. et enfin le module SOPAC, OPAC ‘social’ pour intégrer un catalogue de bibliothèque dans le CMS).
On peut aussi multiplier les blogs thématiques, comme l’a réalisé il y a près d’un an la BU de Nancy : « Nuage de blogs », procédure commentée à l’époque par Silvae de Bibliobsession.

Après le Conseil national du numérique, l’e-G8 : vers la privatisation du numérique ?

Cela avait commencé fin avril avec la création du Conseil National du Numérique : dans cette instance, censée conseiller le gouvernement sur le développement du numérique en France, on compte très peu de représentants de la société civile : ce sont essentiellement des chefs d’entreprises, représentants de multinationales des télécoms ou de l’édition (Orange, Bouygues, SFR, Alcatel, FNAC) ou grosses start-ups (DailyMotion, Illiad/Free, Meetic). Seul le « data-journaliste » d’Owni représente la presse en ligne.

Avec le e-G8, qui se tient actuellement à Paris (24-25 mai) Nicolas Sarkozy a voulu gravir un échelon : ce n’est plus seulement l’économie numérique française qui est invitée, mais les capitaines d’industrie de la Toile, les patrons de FaceBook, eBay, Google, Amazon se retrouvent dans ce Forum pour préparer le G8 de Deauville deux jours plus tard …
Là aussi, très peu de représentants de la société civile, exceptés Jimmy Wales (Wikipedia) et Lawrence Lessig (Creative Commons) qui défendent le libre accès, même la CNIL n’était pas invitée …;-(

La réaction ne s’est pas faite attendre : dès le premier jour des représentants de la société civile ont publié une déclaration sur la « Quadrature du Net » et ont aussitôt tenu leur propre conférence de presse au coeur du Forum …

Évidemment, pendant le Forum, deux visions se sont affrontées sur la question des droits de la propriété intellectuelle et de l’économie de la création sur internet … Les représentants de l’industrie culturelle sollicitent l’intervention des gouvernements si des accords volontaires n’étaient pas obtenus pour la protection de la propriété intellectuelle …. Cette vision de l' »internet responsable », régulé n’était pas du goût de John Perry Barlow, co-fondateur de l' »Electronic Frontier Foundation » …. Selon lui, il avait l’impression de ne pas venir de la même planète ! En tant qu’artiste, il n’a jamais vu les milliards de dollars, cités par les autres intervenants, générés par l’industrie de la création, même si les créateurs peuvent bien gagner leur vie sans toucher les dividendes de la propriété intellectuelle !

Droit d’auteur et internet : toujours des dissensions. Génération Nouvelles Technologies, 25/05/11

e-G8 : que faut-il en attendre ? par Philippe Leroy, ZDNet, 23/05/11

eG8 : la vie privée au programme des débats, mais sans la CNIL !. Numérama, 24/05/11

e-G8, le gros coup de colère de la société civile. Numérama, 25/05/11

«Forum eG8» : Les gouvernements et entreprises unis pour contrôler le Net. Quadrature du Net, 24/05/11

Grand retour des générations. La GenY d’un côté, la Gen4 lancée par Maurice Levy pour le eG8. Si, si ! Meilcourt, 23/05/11

Sarkozy expulse les libertés de son « internet civilisé » Bug Brother, 21/05/11

Quels modèles de propriété intellectuelle pour les univers virtuels ?

C’est la question que posait la conférence de i-expo « Propriété de l’information : vers de nouveaux modèles juridiques ? » organisée par l’ADIJ, le 18 mai dernier. Les règles actuelles du droit d’auteur sont bousculées en effet par les pratiques des technologies numériques et de nouveaux modèles juridiques restent à inventer.
Le modérateur Alain Bensoussan, avocat à la Cour d’appel de Paris, a comparé la situation actuelle avec celle des années 1900 lorsque l’on déplorait le vol d’électricité. On pouvait constater l’existence de fraudeurs et de personnes dépossédées, mais comment prouver l’existence d’une ‘propriété virtuelle’ ? Il existe des valeurs virtuelles avec destruction des valeurs réelles. Il existe, en effet deux combats, l’un pour la propriété positive (contrats) et le second pour la propriété « négative » (contrefaçon, atteinte aux personnes, vol). Jusqu’à présent, la Cour de Cassation refuse de reconnaître un vol d’information s’il n’y a pas de support matériel … Existe-t-il une propriété virtuelle ? Non, pas en l’état actuel. Existe-t-il des solutions ? Peut-être ou sûrement …
Si la plupart des intervenants (Yves Leroux, Consultant CA Technologie, Laurent Berard-Quélin, Directeur général délégué de la Société Générale de Presse, président de la Commission des médias électroniques, FNPS et Xavier Dalloz, Président, Xavier Dalloz Consulting) ont défendu l’idée d’une propriété intellectuelle virtuelle, seul Georges Chatillon, Directeur du Master Droit de l’internet, Maître de Conférences, Ecole de Droit de la Sorbonne, a reconnu dans l’information et les oeuvres de l’esprit un « Bien commun de l’humanité », à protéger, non pas avec des contrats commerciaux mais avec le « Creative Commons ». Y. Leroux a développé ses arguments pour les jeux vidéo et en ligne, nous citant des cas faramineux d’arnaque et de vols de milliards de crédits (Runscape, Zinga, Affaire Playstation, victime d’une attaque pirate). L. Bérard-Quélin a défendu la presse et l’édition en ligne, arguant de la complexification et de l’accélération du métier (le scoop journalistique est passé avec Twitter, d’une journée à une minute…) Il a aussi réfuté l’idée que le numérique coûte moins cher que le papier, car il y a des investissements lourds et une inflation des coûts avec la multiplication des supports numériques (Ipad). On est passé d’une économie de stock à une économie de flux. Xavier Dalloz, quant à lui, s’est attaqué au rôle-clé des données, en prédisant qu’avec 50 milliards d’objets connectés en 2050, on allait assister à une production immense de données interactives. On entre enfin dans une logique de réseaux collaborative et communautaire, avec un point de passage important : l’accès. On ne dit plus « ça m’appartient » mais « j’appartiens à » (communauté). On parvient à la construction de la confiance avec un « tiers de confiance » dans l’économie systémique en réseau. La notion de propriété n’a plus de sens aujourd’hui, pas plus que celle de vie privée … On est en train d’aller vers une médiation basée sur l’abonnement, avec l’émergence du concept de monnaie privative ou attributive, vers un internet transactionnel.
La discussion a porté sur le droit à l’oubli vs le ‘devoir de mémoire’, le droit d’accès et le droit d’abonnement qui fait des internautes des « co-propriétaires » de l’information et des réseaux sociaux qui représentent soit un nouvel esclavage, soit l’instrument de la libération des peuples (printemps arabe) ….

Ecrans, tableaux interactifs : les nouveaux outils de l’école ?

Le Deuxième Colloque « Ecriture et technologies : écrans et lectures » qui s’est tenu les 6-7 avril 2011 à Sophia-Antipolis s’est penché sur la nouvelle donne des outils scolaires représentée par l’envahissement des écrans et des TICS dans l’enseignement. Comme l’expliquent Catherine Bechetti-Bizot (Groupe IGEN Lettre) et Paul Mathias (IGEN Philosophie et Pilote de la cellule TICE), dans la présentation de la problématique des Actes 2011, « La lecture, entendue à la fois comme acquisition et activité scolaire, pratique culturelle et moyen d’apprentissage, est au cœur des compétences fondamentales transmises par l’Ecole. (…) Les supports d’enseignement traditionnels que sont le manuel, le livre, le cahier ou le tableau noir sont ébranlés par l’arrivée des supports de lecture numérique. Ecrans d’ordinateurs, écrans mobiles, tactiles, tableaux blancs interactifs… pénètrent de plus en plus rapidement l’espace et les pratiques scolaires ». Ces nouvelles pratiques (corpus de textes et d’images numérisés, réalité « augmentée) engendrent des mutations aux niveaux cognitif, pédagogique, culturel et socioéconomique. Enseignants et pédagogues doivent se saisir de ce nouveau défi pour stimuler la réflexion collective, poser les enjeux et anticiper les mutations en cours dans l’enseignement. Et dans cette action, ils pourront s’appuyer sur les bibliothécaires et les documentalistes des Centres de documentation et d’information scolaire (CDI), Comme le fait remarquer Hans Dillaerts (InfoDoc Microveille) dans son post du 22 avril en évoquant la thèse d’Helen Boelens à l’Université de Middlesex : « The evolving role of the school library and information centre in education in digital Europe », ces centres vont prendre une importance croissante dans l’enseignement et la pédagogie du 21e siècle en Europe.

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